lundi 25 juin 2018

Sur houkat et balak, en souvenir de Claude.




Le thème de la vue, qui parcourt toute la paracha houkat (לפני הכהן, לעיני כל שיראל, יביט כל הנשוך בנחש וחי) vient évoquer le regard de Claude, aux yeux bleus, et resté vif et aigu jusqu’aux derniers instants de sa vie, et vient associer dans mon esprit mon cousin Daniel, disparu à quelques heures d’intervalle, et lui aussi avait les mêmes yeux bleus.

J’ai de plus choisi de m’appuyer sur un texte du midrach dont mon livre garde la trace que j’ai dû encore l’étudier avant de quitter la France, peut-être avec Daniel.

Il n’est en tout cas pas impossible que j’ai acheté mon « midrach rabbah » dans cette même boutique en étage de la rehov Bné Brit de Jérusalem, boutique qu’il m’avait fait découvrir et dans laquelle lui et moi achetâmes plusieurs articles à la base de notre bibliothèque personnelle d’études juives.

Je dois ajouter que ces parchiot Houkat et Balak me sont chères, ce sont les parchiot de ma naissance, houkat est ma parchat bar mitzva.

Le dernier midrach de la paracha houkat, à la jointure des deux parchiot, parle du deuxième thème central à ces deux parchiot, et c’est le thème de la parole.

Ce thème de la parole intervient autour de l’épisode du rocher, dans lequel Moshé frappe le rocher au lieu de lui parler, est central dans tous les épisodes de conquète de la paracha, chacun ponctué par l’envoi de parlementaires, qui tentent à chaque fois le dialogue, avec Sihon, avec les bné Amon, avec Og, est majeur dans l’épisode de l’eau de la discorde articulé autour des plaintes et récriminations du peuple adressées à Moshé, et est très joliment réhaussé par le cantique qui figure au centre de la paracha, épisode dans lequel la langue du texte passe magistralement de la prose à la poésie.

Et le thème de la parole est bien évidemment central dans la paracha Balak, qui ne traîte que de prophétie et d’impact de la parole sur le monde à travers les diffciles notions de bénédiction et de malédiction.

Et le dernier midrach de la paracha houkat parle de ce morceau de poésie : « jaillis ô puits... » et de son introduction par les mots : « ainsi chantera Israël... », comme si le texte non uniquement venait relater un épisode historiquement survenu, lors de la marche des hebreux dans le désert, quand surgit soudain l’eau devant le peuple, mais venait aussi annoncer une prophétie : « ainsi chantera Israël.. ». Quand donc chantera Israël ? Et quel puits devrait alors jaillir ?

Et le midrach de dire : trois fois, la parole de Moshe se fit entendre à l’encontre de ce qui avait été conçu par l’Eternel, et lors de ces trois fois, la parole de Moshé a été avalisée par l’Eternel, comme si l’homme avait eu le pouvoir par sa parole de changer le cours des choses.

Sujet fondamental s’il en fut, que celui de l’impact de la parole sur le cours des choses, pour le peuple du livre, peuple qui transporte la parole depuis la nuit des temps, peuple qui enseigne au fil des temps que c’est par la parole que fut créé le monde.

Pas une explosion, un « big bang » fortuit, mais une parole. Dix paroles. Le texte de la Genèse enseigne ainsi que l’homme fut créé à l’image du Créateur, et il convient de surtout comprendre qu’il reçut de lui le pouvoir de la parole. 

Non uniquement le pouvoir de la communication, de l’échange par la parole, mais aussi le pouvoir de faire changer les choses par la parole.

Le midrach donne ainsi la mesure de combien ce pouvoir peut s’exercer. Le plus grand prophète qu’ait connu le judaïsme put par trois fois faire changer le cours du monde, tandis que le prophète des nations, Bileam, celui dont les services furent loués par le roi Balak afin qu’il maudisse ce peuple - le peuple juif - qui le menaçait, ne réussit pas à maudire Israël, et échoue à changer le cours des choses.

Pouvoir parcimonieusement partagé. L’homme ne peut que très partiellement agir sur le monde.

Moshé intervient donc sur le monde quant à l’impact divin et suggère au Créateur qu’il s’adresse collectivement au peuple et non individuellement (« je suis votre D. » et non « je suis l’Eternel ton D. »), Moshé intervient sur la question de la répercussion du comportement des pères sur les enfants, arguant qu’un père n’ayant pas été élevé dans le monde de la Torah mais y étant entré par ses propres déterminations ne devrait pas avoir à assumer les manquements de ses pères, et Moshé enfin choisit de sa propre initiative de parlementer avec les peuplades qui se trouvaient sur sa route plutôt que de leur faire aveuglément la guerre, dans la conviction du droit divin, et ces trois choses d’après notre midrach auraient été avalisées par le Créateur.

Le midrach puise l’interprétation de cette avalisation dans les derniers versets de ce passage de poésie, versets obscurs, qui paraissent au lecteur inattentif une simple énumération de lieux, alors qu’ils recèleraient ce secret : celui de ce que sut accomplir Moshé avant sa mort, le secret du pouvoir de la parole, la capacité de faire changer le monde.

Ces deux versets sont en français : "Ce puits, l'ont creusé des princes, des volontaires de son peuple, par la loi sur laquelle ils s'étaient appuyés, et de Midbar à Matana, et de Matana à Nahaliel, De Nahaliel à Bamot, et de Bamot, la vallée qui se trouve dans le champ de Moab, au sommet de la colline, et qui se reflète dans le Yeshimon"(Nombres 21, 18 à 21). Le midrach sollicite ce texte, et départit ces mots de leur sens géographique. On ne connait de plus pas de lieux portant ces noms.  Le mot Midbar veut dire désert mais est construit sur la racine qui donne le mot parole, et on, peut ainsi interpéter que la parole sort de ce travail de mineur reposant sur la loi. La parole sérieuse doit reposer sur la loi, sur la morale. Et le mot Matana veut dire "présent", comme si Moïse avait reçu cette capacité de verbaliser en cadeau, cadeau donné par D. puisque c'est le sens du mot Nakhaliel. Et Bamot, voulant dire une esplanade, on peut déduire que tel don porte la parole sur le plus noble des promontoires, et que son reflet émane même du néant, sens premier du mot Yeshimon. Ceci est une prophétie messianique, celle d'une époque où le message d'Israël, entonné par Moïse sera la base de la loi morale de l'humanité.

Claude avait eu beaucoup d'admiration pour Rabin, avait fondé beaucoup d'espoirs dans le processus de paix, et avait été fortement impressionné sur ses derniers jours par la rencontre Trump - Kim Jong Un, autrement dit par les retournements inattendus, desquels peut parfois surgir la paix.

Claude vient de nous quitter d’une façon entièrement « en phase » avec ce en quoi il investit l’energie de longues années de travail. Claude qui travailla sur le ralentissement et l’accélération progressifs des moteurs, termina sa vie de la facon la plus progressive et harmonieuse possible, et quitta le monde « rassasié de jours » et sereinement, ainsi qu’il est écrit au sujet d’Avraham.

Puisse-t-il ainsi que cela fut pour Moshé laisser derrière lui le souvenir de l’impact de la détermination et de la parole sur le monde, et surtout sur l’harmonisation du monde, et sur la possibilité d’atteindre les changements par la parole plutôt que par la guerre. C’est alors que « chantera Israël », c’est ce puits, celui de la parole apportant harmonie, qui jaillira alors.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire