Deux fêtes « de la bouche » (peh
sakh, et la fête du rire), deux fêtes qui traitent de la pérennité ou
l’extinction du judaïsme, deux fêtes pour lesquelles le vin, la mémoire, ont un
rôle central.
Au
chapitre 2 de la meguilat Esther, Mordokhaï entre en scène.
Mais d’une façon bien particulière. Il est
magistralement mentionné. Toute l’assemblée récite en coeur le premier des deux
versets « ich yehoudi haya beshoushan habira... » mais le midrach
fait ressortir la bizarre construction du chapitre.
Mordokhaï est comme encaissé au milieu de
la suite des histoires de festin et de harems et d’eunuques, et de traite de
femmes pour ainsi dire.
Et c’est la première occurrence du mot
« yehoudi » !
Pour se demander si, en parallèle de l’identité
de l’hébreu, qui jaillit du milieu de l’idolâtrie, l’identité juive ne
doit-elle pas elle aussi surgir comme le tikoun d’une autre dégénérescence de
l’humain ?
Le midrach insiste sur cette particularité
littéraire, cherche à en extirper le sens de la meilleure manière.
Mordokhaï serait ainsi peut-être le
paradigme de la tzedaka. Le juif par excellence.
Plus que celui qui étudie la Torah, plus
que celui qui écrit la Torah, plus que celui qui écrit les mezouzot et les
tefilins ou qui les met sur des tables à disposition du peuple
entier(visiblement, au temps du midrash les habad existaient déjà..!), plus
même que ceux qui enseignent la Torah.
Le prototype du juif, c’est celui qui fait
la tzedaka...en prenant « l’autre » à charge...à l’instar de celui
qui adopte l’orphelin comme le fait Mordokhaï.
Et comme toute cette histoire se déroule
dans un contexte de menace d’extermination, on comprend que le centre du thème
est la pérennité du judaïsme.
Et cela amène à la comparaison, la mise en
présence de Pourim et Pessah’.
A Pessah’ aussi le thème est celui de la
continuité...par le souvenir...mais par un autre mode de souvenir.
A Pourim on boit pour oublier de ne pas
oublier, pour se rappeler d’effacer le souvenir de celui dont on doit ne jamais
oublier le souvenir.
A Pourim, on se souvient par la dérision.
Peut-être parce qu’il s’agit d’une shoah
qui n’a pas eu lieu, d’une shoah qu’on a réussi à éviter..par la tzedaka
peut-être ..?
A Pessah’ on se souvient par le récit, et
par le rite. Rite sérieux, en buvant quatre coupes mais en veillant
scrupuleusement à ne pas se saouler, à ne pas finir le séder par une orgie
(afikomane).
C’est la bouche, et le vin, et la tzedaka,
qui sont les instruments du souvenirs...tant que la shoah ne s’est pas
produite. Une fois qu’elle s’est produite, doit-on trouver une troisième
manière d’utiliser les instruments ?
Ce n’est pas que le débat n’existe pas
autour de tous ces quatre mois qui vont chaque année de Hanouka à Yom
Haatsmaout. Hanouka, Pourim, Pessah’ et le trio « yom hashoa-yom
hazikaron-yom haatsmaout », tous réunis autour du : « comment on
survit malgré l’antisémitisme? ».
Et peut-être cette succession variée de
façons de se mesurer pour illustrer qu’il n’y a pas que par l’intermédiaire du
cognitif, du devoir de mémoire, de l’effort de souvenir, que l’on se prémunit
de l’amnésie et de la disparition.
Boire, rire, adopter autrui, créer un état,
accomplir des mitzvot si matérielles soient-elles, fêter, sont aussi des voies.
Il semble qu’il ne faille pas « chacun
trouver la sienne », il semble que le judaïsme suggère d’adopter tout le
cocktail....בע״ם...sans
garantie.
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