Je
me suis rendu compte que je n’avais pas été ni le seul ni le premier à évoquer
la ketoret..
Je
me suis même demandé dans quelle galère ne m’étais-je pas embarqué...à quels
comparses n’allais-je pas être associé ?
Les
posts, appels, prières publiques au nom de la ketoret comme « anti
épidémie » sont légion et ils ne sont pas tous dépourvus de primitivisme,
pour le moins...
Et
pourtant, je veux continuer...mais en tentant au maximum de traiter le sujet
sur le mode que je me suis mis récemment à intituler le mode du « super
iyun » ou mode de tentative (à la mesure de mes menus moyens) d’approfondissement
maximal (toutes proportions gardées « à la Chouchani »).
Et
la tache est relativement ardue avec la ketoret...parce qu’en fouillant même
beaucoup de textes, on trouve à revendre les mêmes superlatifs...sans
arguments, et peu de textes à développement « nourrissant ».
Au
nom de ces superlatifs, la ketoret est la potion magique. Et il convient
surtout de s’en persuader.
Et
nous préférons poser la question « pourquoi » ? Eh il semble qu’on ne
trouvera la réponse à cette question qu’en y réfléchissant...ce qui est
toujours conseillé.
On
trouvera quand même quelques remarques intéressantes, chez Rashi par exemple au
sujet de l’insertion d’une malodorante parmi dix plantes « bon
odorantes » : cela vient selon lui indiquer que la communauté (dont le
chiffre 10 est le pradigme) peut être de bonne odeur (renommée ?)même en
contenant en son sein quelques éléments négatifs, ou mieux encore : il faut
inclure les négatifs, et non les extraire.
On
trouvera aussi que la myrthe figure au nombre des ingrédients, et que si elle
sent bon, elle n’en est pas moins amère et déplaisante à consommer et que ceci
peut être vu au niveau allusif.
On
trouvera aussi qu’une des vertus de la ketoret était de parfumer toute la ville
de Jérusalem quand on la brûlait, et que cela présentait entre autres
l’avantage d’éliminer l’odeur du sang des sacrifices. La ketoret est ainsi à
l’image de ce que laisse derrière lui un individu qui fait du bien. Son parfum
est à même de couvrir les odeurs les plus pestilentielles.
On
trouvera aussi - et surtout, dirais-je - , et une nouvelle fois dans Rachi, que
la ketoret n’arrête pas l’épidémie de Korah du fait de son essence, mais pour
donner justement le contre pied à ceux qui la voyaient, après l’épisode de la
mort de Nadav et Avihou et des 250 comparses de Korah’, comme vecteur de mort.
Le commentaire de Rachi a la grande vertu de déconnecter la ketoret en
elle-même de son effet. Elle n’a ni l’essence de poison ni de pseudo essence de
potion magique.
Mais
alors, que vient-elle nous apporter ? Et encore, pourquoi le rituel lui fait-il
cette place de choix ? Et entre autres en attendant que la lecture de sa
composition joue un rôle en cas d’épidémie..?
Entre
dans la préparation de la ketoret un ingrédient que l’on appelle en hébreu « maaleh
ashan », et qui désigne la plante fumigène qu’il fallait utliser de
manière à ce que la fumee de l’encens monte droit en non en volutes. La
tradition mentionne un secret, que ne possédait qu’une seule famille, de
l’utilisation de cette plante (un peu comme le fameux parfum afarsémon dont
seuls les habitants d’Ein Guédi possédaient - et conservaient jalousement - le
secret).
Ressort
principalement de ce détail que ce que fait surtout cette ketoret est de relier
le ciel et la terre, le monde d’en bas et le monde d’en haut.
Et
c’est peut-être autour de cette notion qu’il faut chercher l’explication du
rôle de cette ketoret : elle fait jouer de concert
les
éléments dont l’homme a le contrôle et ceux qui lui échappent. Elle pourrait
avoir pour rôle d’exprimer haut et fort que certains événements sont le fait de
quelque chose qui dépasse l’homme, et que l’homme sait accepter cela malgré son
désir de domination de tout ce qui l’environne.
Cette
épidémie vient comme re-battre nos cartes. Et plusieurs en ont déjà
l’intuition. Elle vient comme nous mettre en exergue que le monde et ses
commandes sont au-delà des capacités humaines, et la ketoret est l’expression
de la reconnaissance humaine de cela.
Dire
la composition et la préparation de la ketoret, ainsi que la brûler ne sont pas
obligatoirement l’expression de l’affiliation aux thèses déterministes. L’homme
fait quelque chose, dit quelque chose. Et ce qu’il dit témoigne de sa bonne
volonté à accepter de se plier à certains rites, voire à leur accorder de
l’importance même s’il ne comprend pas les règles du fonctionnement de tout
cela.
Freud
voyait dans la blessure narcissique quelque chose qui est de nature à faire
avancer l’humanité. Il avait probablement
raison.
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