Et si nous poursuivions un peu la réflexion sur ce
midrach, sur cette agaddah fournie (inventée ?) par le midrach, en Eikha rabba
1 11.
Elle renvoie explicitement à Samson, décrivant une situation presque
entièrement analogue à ce qui est décrit en Juges 14. Là-bas, Samson est aux
prises avec les philistins, ici dans le midrach, nous sommes aux prises avec
les grecs, et nous-mêmes rehov Bétar, comme en mise en abyme, nous sommes
positionnés comme en psychodrame en situation de débat autour d’une question similaire.
Chez Samson, les philistins vont-il l’emporter ? Au niveau du texte du midrach,
des grecs et des juifs qui va l’emporter , qui sera le plus intelligent ? Et à
notre niveau à nous, qui a le plus d’impact, qui a le mieux survécu ? La
science et le savoir juif mutés en israélianisme ou ses rivaux chrétiens ou
musulmans ?
Dans le texte biblique, Samson ne raconte pas à ses parents ses actes de
bravoure aux prises avec un lion, mais le vainc puis intériorise la situation
et sa suite (il revient vers la carcasse du lion envahie par un essaim
d’abeilles et découvre en son sein du miel), et en tisse une énigme qu’il
soumet aux philistins (מהאוכל
יצא מאכל ומעז יצא מתוק)
pour les mettre en échec. Il organise comme un jeu avec eux, dont l’enjeu est
le vêtement. Ils trouvent le moyen - par l’intermédiaire de la fiancée de
Samson - de déchiffrer l’énigme, c’est lui qui perd ses vêtements pour ainsi
dire mais il réussit par sa force à livrer son dû (30 habits), c’est à dire en
réaffirmant sa puissance.
Dans notre texte du midrach, ce sont aussi les juifs qui inventent l’énigme, (« 9
sortent, 8 entrent, 2 versent, 1 boit, 24 nourrissent ») et l’enjeu est
aussi le vêtement. L’athénien déchiffre aussi l’énigme (par le biais non de la
fiancée mais de l’autorité intellectuelle, le maître), et les vêtements sont
restitués. L’intelligence a été tempérée par le maître (qui sait peut-être voir
plus loin, et par cela, modérer l’impulsivité ?, qui sait ? peut-être qu’il ne
faut pas tant vaincre que cohabiter ?)
Et à notre niveau, qu’est-il sorti de notre joute sur les influences et les
avantages respectifs des diverses cultures auxquelles nous avons été et sommes
encore confrontés ?
Avons-nous sauvé nos habits ou avons-nous perdu notre culotte ? Ou encore notre
authenticité ? (Ont été sauvés d’Egypte ceux qui n’avaient pas changé leur
habillement…devrait-on tous ne se vêtir que de noir, blanc et couleur de
muraille, plus les très jolies perruques ou foulards serrés, straimel et autres
tsitsit et péoth ?)
Le thème de l’énigme doit aussi nous interpeller : nous vivons nous aussi une
énigme. Comment comprendre cet antisémitisme qui perdure au-delà des siècles et
des frontières ? Comment réussir à trouver un mode de vie avec/sans/malgré les
palestiniens (il y a dix ans j’aurais probablement écrit « les
palestiniens et le monde arabe », aujourd’hui il semble que la situation
ait évolué favorablement) ? Comment gérer notre identité face au monde
occidental ? Quoi enseigner ? Au nom de quelle sagesse prendre nos options de
vie ?
Et si nous entrions dans l’énigme elle-même ? Que vient-elle évoquer sinon le
caractère universel de l’humain comme cela a déjà été mentionné pendant notre
étude ? Caractère de l’humain, ou caractère de l’humain juif (celui pour lequel
les 8 qui rentrent reçoivent un sens, celui des 8 jours au terme desquels on
entre dans l’alliance d’Avraham), mais en cela peut-être écho si ce n’est
renvoi de balle à la célèbre énigme du sphinx (quel est l’animal qui marche sur
quatre pattes le matin, deux à midi et trois le soir ?), elle aussi portant sur
l’humain..
Chez le sphinx, caractéristiques sexuels entre autres de l’humain (l’énigme est
posée à Œdipe, et Freud suggère de voir les quatre pattes non comme signe de
comment se déplace le jeune enfant mais plutôt comme allusion au jeu de la bête
à deux dos, munie elle aussi de quatre pattes et désignant l’ante enfance..)
tandis que l’énigme posée à Jérusalem est munie des appareils juifs (la brit
mila - qui joue aussi un rôle important dans l’histoire de Samson évoquée ci-dessus,
lui qui se prépare à épouser une philistine, fille d’incirconcis - et les 24
qui abreuvent et qui peuvent être vus non comme les deux ans d’allaitement mais
comme les 24 livres de la Bible).
La fin de l’hstoire racontée dans le midrach est qu’il n’y a pas de vainqueur
ni de vaincu…ce qui nous rappelle notre précédente étude : jusqu’à aujourd’hui
il y a de nombreuses voix dans le judaïsme pour justifier la vie au sein des
nations.
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