vendredi 27 décembre 2024

Le peuple juif et la terre d'Israël


 Les évènements qui ont débuté le 7 octobre 2023 et qui envahissent depuis le moyen orient, les médias de tout l’occident, et les rues, israéliennes, palestiniennes mais aussi parisiennes, newyorkaises et d’Amsterdam, remettent au premier plan la difficile question du judaïsme.


Qu’est-il ? Religion ? Culture ? Peuple ? Peuple qui a droit à la souveraineté dans un pays bien particulier ? Où doivent vivre les juifs ?

En France, pays dans lequel les juifs sont implantés depuis plus longtemps que la plupart des groupes ethniques desquels descendent les français dits de souche, le judaïsme semble cependant avoir de tout temps été difficile à porter.

Expulsés à de multiples reprises, les juifs ne jouissaient pas du même statut que les gentils, ils subissaient insultes, humiliations, ou avaient à se mesurer à diverses sortes d’actions violentes, les croisades et l’inquisition ayant été les plus graves. Leur statut était dicté par le regard de l’église, un regard fort critique - si ce n’est ouvertement hostile jusqu’à “Vatican II” - , en fonction duquel le judaïsme était la religion des errants, maudits ou descendants de ceux qui avaient fait le mauvais choix, ou encore, avaient tué le messie.

Les juifs - de France et de nombreux lieux dans le monde - , regroupés en communauté poursuivaient leurs traditions composées essentiellement de culte et d’étude de la Torah écrite et orale (commentaires incluant le texte de Rashi et de son école - ayant tous vécu dans divers lieux en France - sur la Torah et sur le talmud), tandis que le regard du monde environnant se limitait à leur culte. Vivant au cœur d’un monde fortement chrétien, ils étaient “ceux d’une autre religion”.

La révolution française bouleverse un peu la donne, les fait accéder au statut de citoyens, et repousse un peu la religion en France à l’arrière-plan, processus accentué par le régime de Napoléon qui prône l’assimilation, la limitation des pratiques religieuses à l’intérieur de la maison, puis couronné par la loi de 1905 sur la séparation de l’église et de l’état.

Le résultat cumulé aux dix-neuvième et vingtième siècle est une population française de moins en moins pratiquante, et une population juive de moins en moins instruite, les non-juifs comme les juifs réduits à juger catholicisme, protestantisme ou judaïsme comme des religions, pratiquées par les plus conformistes et vues comme archaïques et rejetées par les modernes.

L’enfant que j’étais dans les années soixante se savait juif mais vivait les 95 pour cent de son temps en milieu laïque ou catholique. Parmi les juifs qui allaient comme moi à l’école de Jules Ferry, j’étais parmi les plus instruits au niveau juif, alors que mon degré de connaissance était bien faible, extrêmement lacunaire, connaissant l’existence de la loi orale mais n’en ayant approché qu’une infime partie.

Je savais un peu la liturgie, je savais surtout l’histoire des Patriarches, de Moïse, de la sortie d’Egypte, je savais surtout l’histoire de la mise en place du peuple juif.

Avraham comme créateur d’un message universel monothéiste, qui achète la mearat hamakhpela - alors caverne, aujourd’hui grand bâtiment - , et qui crée le lien géographique à la terre d’Israël. Avraham au sujet duquel écrit rabbi levi dans le midrash rabba « avant Avraham, aucun berceau n’était bercé dans le monde » (berechit rabba 53,1), ce qu’interprète le rav Daniel Epstein comme l’instauration de l’éthique dans la civilisation. Avraham comme instaurateur non uniquement du monothéisme, d’une religion, mais d’un autre niveau d’humanité, initiateur de l’éthique.

Avraham puis la Bible comme outil de moralisation de la civilisation, comme instaurateur du jour hebdomadaire férié, des droits des travailleurs…et bien d’autres lois et coutumes.

Puis, grâce à de l’approfondissement par l’étude, auprès de figures comme Lévinas, Manitou, grandissant au sein de ce qui s’appelle désormais l’école française du judaïsme moderne, j’ai découvert des valeurs promues et véhiculées par d’autres personnages, par le texte de la Torah au départ, mais bien en distance de la dimension religieuse, valeurs attachées à ce que doit véhiculer à travers l‘espace et le temps ce peuple mis en place généalogiquement et historiquement.

Le rav Israël Méïr Lau, ancien grand-rabbin d’Israël, survivant de Buchenwald raconte comment cinq cents enfants dont lui se sont retrouvés en 1945 à Ecueille à la sortie du camp, alors qu’il avait huit ans. Au bout d’un mois, 136 sur les 500, dont lui et son frère Naftali qui le gardait sous son aile depuis qu’ils avaient été arrachés à leurs parents, firent le choix d’aller en Palestine. Il raconte comment ce choix lui paraissait le plus naturel du monde, le plus cohérent avec le message qu’ils avaient reçu au cours de leur enfance, chacun venant d’un shtetl différent. Ceux qui ne se joignirent pas incluaient ceux qui préféraient une destination qui leur permettrait de retrouver des membres de leur famille, ceux qui choisirent de rester en France et de s’y établir, ceux qui craignaient la situation de guerre en Palestine, et de s’y retrouver à nouveau poursuivis ou en danger, mais pour tous la Palestine représentait une option en phase avec le message juif qu’ils avaient connu, message ancestral dans lequel ils avaient baigné.

J’ai moi-même grandi dans un souvenir familial collectif de grands-parents qui avaient quitté la Pologne en 1924 pour la Palestine, ma grand-mère ayant grandi auprès du premier admor hassidique à prôner le retour à Sion dans un livre (“Shalom Yeroushalaïm “) écrit en 1895, mon grand-père séduit par l’intermédiaire de sa sœur par le projet socialiste.

Mais je vivais en France, en milieu non-juif, à l’époque de mai 68 quand l’affiliation à la gauche si ce n’est l’extrême gauche coulait de source, et avec elle l’inconfort de la double allégeance, cette extrême gauche commençant à afficher ses sentiments antisionistes qui ne se sont qu’accrus avec le temps.

« Ce sont des antisionistes qui flirtent avec l'antisémitisme, qui résument Israël à la colonisation en ignorant toute la dimension de mouvement national juif et de son histoire au XIXe siècle », écrit la spécialiste Martine Cohen, pour décrire l'UJFP, qui « est souvent perçue comme « infréquentable » au sein de la communauté juive. » (Martine Cohen, dans Marianne 15.11.23 petit guide des organisations juives de France.

« Historiquement, leurs membres viennent pour la plupart des rangs communistes ou de l'extrême gauche. Leur appellation est très belle, "pour la paix", ça pourrait convaincre tout le monde. Mais en réalité, leur discours se résume à faire une critique systémique et systématique, non pas des gouvernements, mais de l'État d'Israël », analyse Jean-Yves Camus, pour qui l'ampleur de l'association demeure toutefois « groupusculaire ».

Ces juifs français, plus français que juifs, étant devenus de moins en moins ancrés dans le judaïsme, se sont finalement forgés un regard « autre » sur une histoire de laquelle ils continuent quand même à se sentir tripalement solidaires.

Mais il leur faut un judaïsme à la française, qui ne soit qu’une religion, de laquelle on prend ses distances vu la connotation archaïque du terme..

Et puis, ils sont pour la plupart des gens qui ont grandi dans l’ambiance générale qu’il n’y aura plus de guerre. On a dépassé ça. La guerre est sale. Rien n’est plus souhaitable ou urgent que le cessez-le-feu, personne n’est plus impopulaire qu’un militaire.

Et puis le colonialisme français a pris - soi-disant - fin. C’est l’heure de la compassion pour les civilisations qui ont été dominées sous le fallacieux prétexte de leur modernisation.

Israël est ainsi rapidement passé, à leurs yeux comme aux yeux du monde “woke”, de pays suscitant l’admiration, avec les kibboutzim, avec le côté terre d’asile pour l’après-shoah, à pays colonialiste, impérialiste, les palestiniens endossant (et maintenus dans) le rôle des “vraies” victimes.

Israël, pays de renaissance du judaïsme, ne l’est pour ainsi dire jamais devenu aux yeux d’une gauche dévouée aux faibles.

Il ne fallait pas qu’Israël se développe, que son armée soit forte. Les guerres de 48, remportées par des survivants, étaient des prouesses mais le début d’un tournant qu’ils redoutaient alors et combattent aujourd’hui.

La question est peu de savoir si la guerre contient des exactions, des actes immoraux, des actes barbares, ou si ces actes sont ou non réprimés, la question capitale est si leurs auteurs sont élevés au grade de héros ou jugés.

Jean Pierre Lledo, dans « Israël -le voyage interdit » 2020, documentaire auto-biographique monté par Ziva Postec, examine Israël au prisme de ses opinions et choix de vie, étant né en Algérie et y résidant même après l’indépendance, exilé de là-bas depuis 1993, du fait de menaces de morts suite à l’achèvement d’un film réactif au pouvoir en place. Son film ayant été choisi par le festival du cinéma de Jérusalem en 2008 et lui ayant accepté l’invitation, il y découvre une situation radicalement différente de l’idée d’Israël qui était solidement ancrée en lui, ayant été élevé dans une famille communiste assimilée. Le film promène à travers tout le pays et met en scène de nombreux personnages, parmi lesquels l’historien Benny Morris, le spécialiste universitaire du sionisme Denis Charbit, le professeur politologue Alain Greilsammer, l’adjoint au maire de Acco, arabe et membre de la liste islamiste, le professeur Benjamin Gross, et encore de nombreux autres, juifs de toutes les provenances, citoyens arabes, qui s’expriment sur la société israélienne, sur les motifs de la présence juive, en passant par des villes juives et arabes.

En 1963, dans les Cahiers de l’Alliance Israélite, Emmanuel Lévinas, alors directeur de l’ENIO, écrivait : « mais il y a un autre symptome de ce vouloir rester juif au contact du monde le plus large et dans la confiance en les réalités de ce monde. Il y a un langage nouveau de toute une jeunesse formée aux disciplines universitaires et qui s’est tournée pour sa culture vers les textes traditionnels bibliques et talmudiques et qui leur demande des enseignements sur le monde et sur les hommes. Les textes qui à la génération précédente apparaissaient périmés se gonflent de significations parlant à une conscience ouverte sur l’univers. Elles se traduisent en langage moderne, langage que parlent les hommes politiques, les économistes, les philosophes.
Les pensées des sages du talmud ne sont plus les préceptes d’une sagesse antique et folklorique mais détiennent les forces propulsives de la pensée et de l’action. » allocution au cours de la réunion de l’alliance du 24 juin 1963, compte rendu intégral, p.18 titre du paragraphe : « école de Paris ? ».

Combien ce message reflète-t-il l’identité juive, des juifs d’Israël ? des juifs de France ? Des juifs du monde ? Combien est-il entendu et compris par les non-juifs ? Et surtout combien peut-il s’accorder avec les diverses visions tant du judaïsme que de la place à concéder aux juifs sur la terre d’Israël ?

Ce sont les véritables questions posées par cette guerre .

Une guerre qui survient 75 ans après la proclamation de l’état d’Israël, après quelques 120 ans de sionisme actif, après que les palestiniens se soient constamment opposés à cette présence juive qu’ils persistent à considérer comme insolite, intrusive et inacceptable.

Les juifs du monde entier savent que l’état d’Israël n’est autre qu’un retour, qu’une continuité, et qu’il a été et est encore le lieu d’une renaissance et d’une transformation d’un peuple de l’Antiquité considéré comme disparu en une nouvelle nation, pluriculturelle, fruit du mélange de toutes les variétés ethniques apportées en Israël des innombrables lieux du globe d’où sont revenus et continuent de revenir les juifs.

Le soutien unilatéral manifesté aux palestiniens de Gaza comme victimes d’une agression, alors qu’elle ne s’est produite que du fait de leur invasion barbare le 7 octobre 2023, est une accréditation du déni de tout le phénomène que la création de l’état d’Israël a engendré, et est la raison de voir cette guerre non comme un des innombrables rounds qui se sont produits depuis 1929 entre les juifs et les palestiniens, mais comme une autre affirmation de la renaissance d’Israël, laquelle est déjà bien sensible et publique, dans tous les domaines de l’humain.

Phénomène de renaissance d’un peuple et de sa culture, deux mille ans après l’exil forcé qu’il a subi.

Phénomène difficile à reconnaître derrière les dissensions de la société israélienne d’aujourd’hui, tiraillée entre un courant ultraorthodoxe en expansion du fait de la démographie, un courant religieux sioniste nationaliste, et une seconde moitié du pays peuplée de modernes européanisés, certains traditionalistes, certains séculiers. Mais phénomène très visible si on observe le pays proportionnellement à sa jeunesse : un pays qui a réussi quantité impressionnante de prouesses, renaissance de la langue hébraïque, intégration de réfugiés et d’immigrants de tous les pays, développement économique, scientifique et universitaire…y compris au plan militaire, ayant permis la victoire de toutes les guerres menées contre lui, celle du 7 octobre 2023 comprise, et last but not least, pays dans lequel la solidarité et la bienveillance sont bien supérieures à ce que l’on peut trouver de par le vaste monde, où les gens marchent inquiets dans les rues, où on ne laisse pas un enfant dans une voiture de peur qu’il ne soit kidnappé, où on craint de laisser les enfants marcher seuls dans les rues. Les rues sont le plus souvent sûres en Israël, les adolescents depuis l’âge de douze ans envahissent les rues le vendredi soir après le repas familial et y manifestent leur bien-être jusqu’à la fin de la soirée.

Les découvertes de Freud au début du vingtième siècle que l’individu est muni d’un inconscient, et que le développement de l’humain est une dynamique “psycho-sexuelle”, sont pour ainsi dire accréditées par l’opposition qu’elles continuent à susciter.

Ainsi en est-il du sionisme. Mouvement en continuité de l’essence même du peuple juif, et dont la poursuite de l’opposition qu’il continue à susciter cent ans plus tard est comme une justification supplémentaire à sa raison d’être. Le peuple juif existe, depuis l’Antiquité, et après avoir subi une répression de vingt siècles, a su conserver son ciment et sa motivation à refaire vivre sa souveraineté.

dimanche 22 décembre 2024

Ethique et communication. De Joseph "le sage" à "glaives de fer".

 

Si la paracha vayichlakh dans laquelle se produit le viol de Dinah par Chkhem, fils de Hevron, peut être vue comme un cas supplémentaire dans lequel on parle de la victime mais on ne lui donne pas la parole - puisqu’enfin, on sait par le texte ce que voulait l’agresseur, on sait ce qu’ont pensé Shimeon et Lévy qui vengent leur sœur mais nulle part ne sait-on ce que ressent, ce que vit, ce que veut Dinah elle-même - , dans la paracha suivante, vayéchev, se reproduit quelque chose de similaire au moment où Joseph est agressé par ses frères, mis dans le puits, sorti du puits, vendu en Egypte sans que la Torah lui donne la parole. Joseph , qui parle pourtant beaucoup avant et après cet épisode, ne dit rien au moment de cette agression.

Ces deux évènements posent une question qui parait centrale dans cette partie du sefer beréchit et qui est celle des impacts de la parole.

Nous vivons en Israël depuis quinze mois une guerre qui est aussi une période de crise aiguë de la communication : on voit que la guerre se déroule sur au moins deux fronts, celui du champ de bataille à proprement parler, mais aussi celui des médias et nous voyons au moins deux camps se profiler, celui de ceux qui regardent le macro, la guerre dans ses aspects géopolitiques, concernant l’existence de l’état d’Israël, regard “de droite” dans la terminologie politique actuelle, et ceux qui sont focalisés sur le micro, sur les victimes, pour certains victimes israéliennes, pour d’autres victimes palestiniennes, regard dit “de gauche” dans la même terminologie.

De leur côté, les médias présentent au monde des informations qui sont très peu souvent de véritables infos et sont bien plus souvent des infox, parce que leur but n’est pas d’informer mais bien de frapper, d’agir, d’exprimer une opinion, de mener une guerre en parallèle de celle qui se déroule sur le champ de bataille.

C’est ainsi que les vues sur ce qui s’est passé tout au long de cette guerre et qui continue à se passer sont parfois diamétralement opposées, entre individus ayant reçu leurs informations de la télévision israélienne ou d’Al Jezeira, ou en Israël des chaînes 11, 12, 13 ou 14.

Si nous revenons au texte biblique, entre le viol de Dinah (beréchit 34) et la réconciliation de Joseph et de Yehouda dans la paracha Vayigash (beréchit 44 et passim), le texte nous livre comme un psychodrame, avec comme acteurs les divers membres de la famille de Yaakov, de situations de crises successives.

On ne sait pas ce que pensent les personnages Dinah, Tamar, Joseph, ni ce que pensent la plupart des personnages, mères, frères, et on assiste à la création puis la présentation à Yaakov d’infox au sujet de la vente-disparition de Joseph, au sujet de la façon de laquelle Tamar berne Yehouda, au sujet des mensonges de la femme de Poutifar au sujet de Joseph.

Comme autant de cerises sur la gâteau, ces parchiot sont parsemées de rêves. Rêves de Joseph du début de vayéchev, rêves de l’échanson et du panetier, rêves de Pharaon, la Torah nous fournissant aussi au passage les rudiments de ce sur quoi Freud va fonder son “interprétation des rêves”, premier texte de la psychanalyse.

Ces rêves, qui ont tous des significations, sont peut-être des clins d’œil au lecteur de l’ensemble de ce texte qui est comme un avertissement : les familles les meilleures, les situations de conflits, provoquent des crises aussi dans la circulation de l’information, qui devient déformée, lacunaire, ou qui nous parvient seulement sous forme allusive, comme dans les rêves.

Nous ne savons ainsi pas encore quels bouleversements géopolitiques nous vivons depuis ce 7 octobre, nous savons le nombre de victimes en Israël de ce premier jour, nous savons les otages, nous ne savons pas combien de morts il y a réellement eu à Gaza, pour cause d’infox.

Et de la même manière qu’un lecteur de la Torah peut lire tout cet enchaînement de drames et y voir surtout la mise en place historique du peuple juif, un téléspectateur lambda peut choisir de voir les changements à grande échelle que vit le moyen orient, ou de focaliser sur les victimes, en Israël ou à Gaza.

Et de la même manière que le texte biblique semble « oublier » la voix de Dinah, la plupart des téléspectateurs du monde oublient, certains les otages qui nous sont tellement chers, certains les victimes de la bande de Gaza.

Et de la même manière que les victimes du pogrom de la tribu de Hamor et de Chkhem réalisé par Shimeon et Lévy semblent être rapidement passées aux oubliettes, ainsi en est-il de beaucoup de victimes de cette belligérance actuelle.

Le texte nous présente Yaakov comme le personnage qui refuse de céder à la force de la vague. Il n’accepte pas le pogrom commis par ses enfants, et refuse d’accréditer le mensonge de la mort de Joseph. Et de la même manière est-il capital d’une part de ne pas accepter comme fatale et inévitable la disparition de tant de vies humaines, tout en sachant réserver notre avis pour le jour où les véritables informations sortiront, à l’instar de la réapparition de Joseph.

Le monde s’est ainsi beaucoup offusqué d’images montrant des individus palestiniens « maltraités »  par des soldats israéliens qui les laissaient vêtus de sous-vêtements et les yeux bandés, assis par terre, le même monde s’est alarmé des potentielles conséquences sur la population de Gaza de la belligérance et les ont de ce fait qualifiées de génocidaires…et quelques mois plus tard, le même monde a pu assister à l’ouverture des geôles syriennes, d’où on a vu sortir des individus gardés au secret à 35 m sous terre depuis de telles durées qu’ils en sortent hébétés, ne sachant plus ni la date ni parfois même leur propre nom, alors que réapparaissait aux yeux du monde la guerre civile syrienne ayant fait quelques 600 000 victimes alors que personne n’a parlé de génocide, alors que personne n’a porté plainte à La Haye contre Bashar el Assad. Qui a su modérer ses réactions à l’encontre des méchants soldats israéliens, qui n’a pas immédiatement accrédité les légendes d’apartheid, de génocide, de cruauté est convié à comparer l’action israélienne avec le mode d’action des ennemis d’Israël. Et nous n’avons pas encore vu l’état dans lequel réapparaîtront nos otages.

Le Joseph biblique nous fait ainsi entrevoir le réalité de l’incarcération égyptienne, comparable aussi au « mauvais traitement » infligé par ses frères.

Le trou dans lequel ils le plongent a-t-il à être comparé avec celui du même nom dans lequel le plonge la civilisation égyptienne ?

À l’instar de l’état d’Israël, débuté par une poignée d’individus, réalisé par une première population de rescapés, et qui est devenu aujourd’hui un pays à qui on n’épargne aucune accusation, Joseph ne reste pas le jeune adolescent rêveur et narcissique que l’on découvre en Beréchit 37. Il devient vice-roi d’Egypte et remodèle économiquement tout le pays et le moyen orient.

Il a le privilège de ne devoir mener aucune guerre internationale, et c’est peut-être grâce au qualificatif apposé à son nom dans la tradition juive : Joseph le sage.

Israël l’état sortira d’autant plus indemne des tragédies qui accompagnent son existence qu’il saura être “sage”, c’est à dire éthique, dans ses intentions et dans ses actes.

Cette éthique est peut-être inséparable de la transmission de la parole. Elle la génère, et elle est conditionnée à elle.