jeudi 11 décembre 2025

Le midrach modèle d’une démarche unificatrice ?



Le midrach n’est pas la production éxégétique d’un auteur ou d’une école mais il est un genre, une approche de plusieurs sources réunies dans une seule reliure pour le midrach rabba, ou existant sous diverses autres formes et sources (midrach tanh’ouma, midrach hagadol, meam loez et d’autres).


C’est une approche intellectuelle conciliatrice. À la différence de certains auteurs de toutes les époques qui ont penché pour une tendance à la dispute si ce n’est à l’exclusion de courants exprimant des idées différentes, le midrach se présente dans une sorte d’anti controverse, laissant toujours cohabiter des avis très opposés sur les sujets abordés.


לא דורשים את המדרש (on ne vient pas se disputer avec le midrach) semble pouvoir être posé en devise du mode midrachique. Comme pour dire « ne venez pas ni me contredire, ni m’accuser de manque de rigueur, ou de dire une chose et son contraire. Je ne viens que proposer une réflexion, faire des suggestions. Certaines vous siéront plus, d’autres moins ».


Comme si son propos venait participer - ou proposer une issue - au débat « halakha ou aggada ? », ou plus aigu : « judaïsme et idolâtrie ».


Alors qu’à diverses époques de l’histoire du monde, ou en tout cas de l’histoire du peuple juif, se sont trouvées posées de cruciales questions tant internes quant à la continuation concertée face à la scission, qu’externes quant à la coopération avec d’autres croyances face au refus du moindre dialogue, le midrach semble résolument être le porte-parole d’une tendance unificatrice, au moins à l’intérieur du peuple.


Le midrach bamidbar rabba est vu par les chercheurs comme pourvu de deux parties distinctes, réunies en second temps. Si la deuxième partie semble être la copie du midrach tanh’ouma sur les mêmes parchiot, la première partie (sur les parchiot Bamidbar et nasso) est considérée l’oeuvre de rabbi Moshé hadarchan, qui vivait à Narbonne au 11ème siècle (contemporain de Rachi, et même cité plusieurs fois par ce dernier).


Combien était-il préoccupé de la continuation du judaïsme ? Combien son texte reflète-t-il cette préoccupation ? Difficile à dire. On ne saurait - me semble-t-il - désigner Rachi ou les tossefot comme exprimant une quelconque tendance partisane. Rachi est attelé à la halakha tout au long de son commentaire sur le talmud, et les tossefot de même, mais n’est en général pas en controverse avec qui que ce soit, et commente la Torah dans une large perspective. Les tossefot ont aussi une production résolument midrachique sur le texte biblique …(
דעת זקנים מבעלי התוספות est considéré l’oeuvre des tossefot).


Par contre, on sait combien le texte du Guide des égarés de Maïmonide, quelques cent ans plus tard, a été controversé, quand ce n’est pas brûlé, et quiconque feuillète ou étudie ce guide peut voir à quel point Maïmonide est éloigné du concept même de conciliation.


L’exemple ci-dessous me parait riche d’enseignement quant à cette difficulté attachée au judaïsme et dont il me semble que nous vivons un épisode, peut-être depuis la création de l’état d’Israël, en tout cas ces dernières années. Quel judaïsme choisir ? Quel judaïsme accepter ou refuser ? Quelle possibilité de vie parmi les nations ? À côté des nations ?


Le chapitre 2 de bamidbar s’ouvre sur la disposition du campement, lors des quarante ans de désert. Comment vont être disposées les différentes tribus ? Quelles seront leurs bannières ?


Le midrach comme à son habitude passe le verset 2 au crible, s’arrête presque sur chaque mot, et après avoir livré plusieurs idées sur ces deux questions, s’arrête sur le mot « minégued », le verset disant « ils camperont, face à l’arche, tout autour d’elle »
מנגד סביב אוהל מועד יחנו
Quel sens donner à ces deux mots « face à » et « tout autour » ? Comment doit-on disposer le campement ? Comment va se faire sa progression ? 


On peut examiner cela au pied de la lettre : il s’agit d’un campement, avec lequel les enfants d’Israël vont évoluer durant les 40 ans qu’ils passeront dans le désert. Il semble y avoir un problème concret évident : le peuple est comptépar la Torah comme étant constitué de 600 000 hommes âgés de 20 à 60 ans. Si on inclut les femmes, les enfants et les personnes âgées, il s’agit d’un énorme nombre, et le desert du Sinaï est loin de ressembler à la Belgique. Mais le midrach ne semble pas préoccupé ici par cette question de comment 1 million de personnes passent par un goulot. 


Ceci est pour le sens premier du texte. On est aussi conviés à élargir : il s’agit peut Tout autant de l’évolution dans le temps de la troupe d’esclaves qui vient d’être libérée de l’esclavage d’Egypte, et qui va se re-constituer en peuple, sur base de douze tribus issues des douze fils de Yaakov. Ce peuple va recevoir la Torah, construire le sanctuaire, puis va entrer en Israël et s’installer à long terme sur l’ensemble du pays, y créant une société au sens le plus large du terme. 


Traite-t-on ici uniquement du sens littéral ou de toute l’implication contenue dans le texte ?
Le midrach ne répond pas à cette question, et libre chaque lecteur de choisir son angle d’attaque.


Le midrach donne cependant au moins quatre hypothèses - ou associations libres - sur cette disposition. La première fait un parallèle entre ce peuple et les anges qui assistent à la sortie d’Egypte. Ces anges sont décrits comme ayant été remplis d’admiration par tout ce processus de libération, articulé sur base de la négociation menée par Moshé auprès de Pharaon, des dix plaies et de l’ouverture de la mer rouge. Processus non moins impressionnant que ce qui a conduit à l’abolition de l’esclavage en Amérique. Le midrach voit dans la mise en place des bannières, le signe de l’intervention de ces anges, qui auraient plaidé pour que le peuple soit à l’image de l’assemblée des « anges du service ». Comme si cette sortie d’Egypte était un des fondements d’une humanité s’élevant au-dessus de cette tendance primitive, à l’égyptienne, en particulier reposant sur l’aliénation de l’homme par l’homme, de la mise en societé.


La deuxième hypothèse proposée par le midrach, plus spécifiquement concernant la disposition des tribus au sein du campement, en fait remonter la source à l’épisode fondateur que fut la mort de Yaakov. À la question mise dans la bouche de Moshé « comment vais-je les disposer afin que cela convienne a tous? » répond le midrach : Le camp sera disposé comme l’étaient les fils de Yaakov autour de son lit de mort, selon l’ordre prescrit par Yaakov lui-même. Une façon d’enraciner le peuple dans le message des patriarches. Le peuple d’Israël va établir une sociéte sur base de la Torah et de ses 613 commandements, mais la source en est antérieure et découle non moins du message des patriarches, message éthique principalement.
Les troisième et quatrième hypothèses sont incluses dans un même midrach, un même paragraphe, alors qu’elles représentent deux approches bien différentes. Approche conciliatrice du midrach avons-nous dit.


La troisième hypothèse propose que ce « face à, tout autour de l’Arche » soit dès le départ un appel à régir la vie par la halakha : on apprendrait principalement de ce verset comment les juifs doivent s’organiser autour de l’arche, puis plus tard autour du temple, puis plus tard encore autour des synagogues, de manière à venir y rendre le culte sans transgresser le shabbat. Une hypothèse qui viendrait voir dans ce texte non uniquement une description historique mais aussi - si ce n’est surtout - une prescription pour l’avenir. Comme pour dire « la Torah ne raconte pas tant une tranche d’histoire qu’elle n’est un programme de vie. Ce qui est le vrai fondement du judaïsme et lui permettra de se perpétuer n’est pas le souvenir de tel ou tel évènement mais sa transformation en lois ». Une approche bien « pharisienne », l’approche de rabban Yokhanan ben Zakaï qui crée le « kerem de Yavneh », la maison d’étude et instaure celle-ci comme pierre d’angle du judaïsme, en compensation de la destruction du temple.


Alors que le même paragraphe contient une toute autre approche, celle de la quatrième hypothèse…selon laquelle il faudrait interpréter ce « minégued » sur base d’une « guezéra chava », c’est à dire sur base de comparaison de notre mot dans notre contexte avec une autre occurence du mot dans le texte biblique, en l’occurrence dans l’épisode de Hagar, renvoyée par Avraham sur exigence de Sarah, et qui se retrouve dans le désert, elle aussi, sans eau. Craignant pour sa survie et celle de son fils Ishmaël, elle se sépare de lui et s’installe à distance d’un jet de flêche « pour ne pas assister à sa mort ». Le terme « minégued » apparait dans notre contexte, celui du campement dans le désert, et dans celui de Hagar et Ishmaël et un « minégued » sert de clé à l’interprétation de l’autre. Approche intertextuelle. 


Cette hypothèse pourrait être interprétée ainsi : « le peuple juif est au commencement de sa traversée du désert…de l’histoire. Comment va-t-il y survivre ? Face à l’hostilité tant des éléments que de l’humanité environnante ? ». C’est une hypothèse qui, à la différence de la précédente ne propose pas de solution…sauf à voir l’acte de Hagar, qui s’éloigne, s’asseoit et pleure, comme la solution proposée. On connait d’ailleurs plusieurs prolongements à cette scène, d’une part au niveau de la situation elle-même, les yeux de Hagar se trouvant décillés ce qui lui permet d’abreuver son fils et de le sauver, d’autre part au niveau de la suite, le fils devenant le personnage Ishmaël avec lequel les relations se poursuivent…jusqu’à aujourd’hui, elle se remariant plus tard avec Avraham.


Il ne s’agirait donc pas tant d’une alternative entre deux conceptions de ce qui fera mieux survivre le peuple en tant que peuple juif au milieu des nations, il s’agirait plutôt de deux angles d’approche du problème. Un angle pratique, directif, cognitif, religieux, un autre angle plus enraciné dans le vécu et l‘émotionnel, un angle de plus large observation incluant des paramètres sur lesquels réfléchir, tandis que l’approche pharisienne vise surtout à les contourner : le rejet de Hagar par Sarah provenant lui-même d’une crainte que son enfant soit « abîmé » par l’enfant de « l’autre ».


La mention des tribus vient montrer, à travers les symboles des bannières, combien chaque tribu apporte une contribution différente, avec par exemple Issachar, tribu de ceux qui étudient la Torah et qui ont un pacte avec Zevouloun qui travaillent pour eux, en échange de leur étude. 


Le peuple juif, l’individu juif, sont confrontés tout au long de l’histoire à bon nombre de situations difficiles, tant au chapitre de la gestion quotidienne de ce judaïsme face aux non juifs, qu’à celui de sa transmission aux générations à venir. 


Il est intéressant de voir en quoi ce midrach livre matière à réflexion sur une situation qui bien que s’étant déroulée il y a trois mille cinq cents ans approximativement, reste d’actualité, reste sujette à conflits, craintes et décisions parfois heureuses parfois moins.


Richesse du midrach, richesse du texte biblique, bien au-delà de ce qu’a pu produire toute littérature, et richesse de l’approche exégétique de « rabbins » qui sont (furent ?) bien autant hommes politiques, philosophes et penseurs, que bergers d’ouailles religieuses.

 

jeudi 30 octobre 2025

L'origine du nom Pisanté - nouveaux éclairages

 Le texte en hébreu est suivi de la version française.


שם משפחה פיזנטה. שורשיו. הפתחויות חדשות.

 

שנים ארוכות הסתובבתי סביב חידת שם זה. בצרפת, לא היו פיזנטים נוספים, זולת בני משפחתנו. כולם הגיעו מתורכיה, כמו סבי שנולד בעיר איסטנבול (אז קונסטנטינופוליס) ב 1894.




 

עם הגעתנו לישראל, בשנות השמונים של המאה העשרים, גיליתי לא מעט אנשים עם שם משפחה זה. בעיקר יוצאי תורכיה ובולגריה.

 

גם הכרנו ״רחוקי משפחה״ שלנו (אנחנו צאצאי יעקב פיזנטה, שהיו לו שני אחים, אברהם ויצחק) והם צאצאי יצחק. הם מבטאים את השם שלהם פיסנטה בגלל שבמקום לעבור דרך צרפת כפי שאנחנו עשינו, הם עברו דרך ארגנטינה ונהיו דוברי ספרדית. (בכל זאת, אפילו אם סבא שלי גדל באווירת דוברי לדינו (קרוב מאד לספרדית) הוא המשיך, ואיתו כל בני משפחתי, לבטא את השם פיזנטה, כלומר ב״ז״ ולא ב״ס״.

 

אבל גם אחרי שנחשפתי לעוד אנשים עם אותו שם משפחה, לא נפתרה החידה אודות השם.

 

בטקסט שכתבתי  ב 2020, אני העליתי השערה : מקור השם אולי איטלקי, ומי שעבר להתגורר באזורים לא איטלקיים ורצה להדגיש את שורשיו קרא לעצמו פיזנטה, כאילו מ״פיזה״ שבאיטליה.

 

לאחרונה התגלתה השערה (או אולי עדות) אחרת : חבר של מריאן ושלי שביקר בבית הכנסת הגדול שבעיר סופיה שמע באודיופון את ההודעה הזאת : ״ קהילת יהודי בולגריה מורכבת שלושה חלקים, אשכנזיים, ספרדיים ורומניוטים. הרומניוטים היו פעם הרוב אבל עם הגעת הספרדים בשעת הגירוש מספרד, הם נטמעו בין הספרדים, אך דאגו לשמור על שמותיהם : פילוסוף, קאלו, פיזנטה...״.

 

הנה התפתחות מהפכנית !

 

התפתחות שהובילה אותי לערוך מחקרון/חיפושים אודות זהות זו. 

 

מי הם הרומניוטים ?

 

הכחדתם ידועה מאד מפני שכל בני קהילת העיר יונינה ביוון נשלחו ביחד לאושוויץ ורק מעטים חזרו.

 

אבל כמעט כלום מופיע לגבי היווצרותם. ממתי יהודים אלה קיימים ? 

 

נדמה לי ששמם או זכרם הוצא לאור/הוחזר לאור עולם ההיסטוריה בעשר השנים האחרונות בלבד, ועל פי מקור אחד שנראה לי רציני מאד (חוקר צרפתי בשם Simon Claude Mimouni מ école pratique des hautes études אחד המכונים האקדמאים המוכרים ביותר בצרפת), פלג אחד מהעם היהודי שהוא מכנה אותם ״יהודים ססרדוטיים״ כלומר מושקעים בעבודת הקודש, למעשה לא זכה להרבה זיכרון קולקטיבי, על אף שהם היו מרובים למשל מהפרושים, שהיהדות המודרנית יוצאת מהם, מזוהה איתם.

 

יהודים אלה התפרשו מסביב אגן ים התיכון, עוד מלפני חורבן הבית השני והם התאפיינו בהטמעה בעולם הלא יהודי, למעשה בניגוד לזרם הפירושים. פילון מאלכסנדריה למשל שהוא דמות מפורסמת מאד היה כנראה אחד מהם והיה יהודי לא דובר עברית אלא יוונית. יוסף בן מתיתיהו היה גם כנראה אחד מהם, והביקורת המרכזית נגדו היא בגלל ״התרומנותו״, כלומר קבלת זהות רומית. נראה שיהודים אלה הם אלה שהובילו לתרגום השבעים, שלא התקבל בברכות על ידי הפרושים בין היתר. 

 

ד״ר ליאור גוטליב מאוניברסיטת בר אילן מלמד בהרצאה אודות ה״תרגום יונתן״, הנקרא גם תרגום ירושלמי, שהוא תרגום של התנ״ך לארמית, המיוחס בדרך כלל ליונתן בן עוזיאל, מתקופת חורבן הבית, שחלק ממנו נכתב בכלל לא בתקופת התנאים ולא בישראל אלא - להשערתו, כחמש עשרי מאות מאוחר מזה ובאיטליה, כנראה על ידי יהודי איטלקי.

 

יהודים אלה ייסדו את בתי הכנסיות והיו פעילים מאד ביצירת ספרות הפיוטים.

 

יהודים אלה, עם היווצרות האימפריה הביזנטית ( בין השנים 330 ו 395 לספירה, אחרי שהאימפריה הרומית התפצלה לשתיים) זכו בה למעמד של אזרחים סוג ב׳ וזה ההסבר הלשוני לשם ״רומניוטים״.

 

בכלל מסתבר שעד לגירוש ספרד, קהילות איטלקיות, מצריות, יווניות , בולגריות ותורכיות היו רומניוטיות. התזה הרווחת והמקובלת היא שעם הגעת מגורשי ספרד לבלקנים, הפכו אלה לרוב ויהודים רומניוטים הפכו ברצון או בעל כורחם לספרדים. ד״ר אליעזר פאפו מאוניברסיטת באר שבע, אדם בעצמו צאצא רומניוטי וכמי שכיהן שנים רבות כרב לקהילות בוזניה הרזגווין, נוטה לראות שנוצרה התאמה בין הספרדים לבין הרומניוטים ושהם פשוט חברו יחדיו. נקודה זאת באה אולי לתרום להבחנה בין צדוקים, שעל פי רוב הדעות נעלמו אחרי חורבן הבית, חלקם הפכו לנוצרים, חלקם לשומרונים, חלקם הרבה שנים מאוחר מזה היוו הקראיים, לבין הרומניוטים שמצד אחד לא הסכימו לדעת הפירושים, אך מצד שני שמרו על יהדותם. יהדות קצת שונה.


פרוכת בבית הכנסת בקוסגונסוק

 

בבית הכנסת בסופיה, נאמר באודיופון שאותם יהודים שהיו פעם רומניוטים פשוט שמרו על שמות משפחה שהזכיר את זהותם הקודמת : למשל קאלו, פילוסוף….ופיזנטה.

 

לגבי שם משפחתי, חדשות אלה באות לשנות את מה שכתבתי לפני חמש שנים ב 2020 : השערתי אז שמקור השם הינו איטלקי, והיה של יהודים שהתגוררו בשכונה הפיזאנית (אחד משלושת הרובעים האיטלקים שהיו אז, שכונה וונציאנית, שכונה ג׳נובאית ושכונה פיזאנית) של קונסטנטינופוליס עד לשריפה הגדולה שארעה בשנת 1200 בערך, ואז אלה שהצליחו להימלט עברו לגור בשכונות היהודיות האחרות ונוצר להם שם פיזנטה, כיאה לאלה שהגיעו משכונת הפיזנים…


מסגד באורטקוי, מקום יחיד בעולם בו מסגד, בית כנסת וכנסיה עומדים זה בצד זה.

 

השערה זו היתה מצומצמת מדי ולא לקחה בחשבון לא את הפיזנטה מבולגריה, לא מישראל ולא מיוון. נוסף על כך, על אף שהיסטוריונים רציניים כגון ד״ר מינה רוזן מאוניברסיטת חיפה, או ד״ר אבשלום קור אישרו את הקשר בין השם פיזנטה לאיטליה, יהודים איטלקים אחרים מעלים בדבר ספק : אין הגיון לנוכחות ה״ט״ בשם. אם אדם הגיע מהעיר פיזה שבאיטליה, שמו יהיה פיזאני ולא פיזאנטי, טוענים הם.

 

נראה אכן שהשם פיזנטה לא פחות מזכיר, מבחינה פונית, ביזנטיום מהעיר פיזה. וההסבר שהגיע מבית הכנסת של סופיה מאד מסביר גם את היווצרות השם וגם את ריבוי המשפחות שנושאות שם זה. נוסף לכך, הוא מהווה עדות וזה מעלה את הדיון מרמת ההשערות לרמה של עדויות.

 

נוסף על כך, באתר אינטרנט אחד בו מתוארת היסטוריית הכפר קוזקונג׳וק, הכפר בו נולד סבי, שנמצא בצד האסיאטי של הבוספורוס ושהיום חלק מהעיר איסטנבול, כתוב שנוכחות היהודים במקום עתיקה ביותר, הרבה שנים לפני הגעתם של יהודים ספרדיים למקום. כתוב גם שתמיד היה קשר בין המקום לבין ארץ ישראל. אינני יודע אם אפשר להסיק מזה שמקור השם פיזנטה הגיע רק מקוזקונג׳וק, אבל כאמור סבא שלי נולד בקוזקונג׳וק, וקראו לו ולמשפחתו פיזנטה…דבר שכנראה אומר שסבא שלי צאצא למשפחת יהודים שחיפשו להדגיש את מקורותיהם במקום, עת הגיעו הספרדים.  

 

Au fil de longues années, je me suis interrogé sur l’origine de ce nom. 

 

En France, il n’y avaient de Pisanté que les ressortissants de ma famille. Tous étaient venus de Turquie, comme mon grand-père, né en 1894 à Istambul (alors Constantinople).




 

Arrivé en Israël, je découvris d’autres Pisanté. Certains le déclinaient un peu différemment. En français Pisanti, en hébreu en intercalant un « aleph » entre le z et le n, d’autre enfin le prononçaient Pissanté.

 

Ces derniers sont d’ailleurs de notre famille proche : nous sommes les descendants de Yaakov Pisanté, mon arrière grand-père, et ceux-ci descendent de Ytshak, frère de Yaakov. Eux vivent en Israël mais sont passés par l’Argentine tandis que notre branche passait par la France.

 

J’ai découvert ici en Israël des Pisanté turcs de Smyrne, de Rhodes, de Grèce, de Jérusalem, et aussi de Bulgarie.

 

Et c’est de Bulgarie que tomba une nouvelle : dans le tour guidé de la synagogue de Sofia en Bulgarie, on peut entendre dans l’audiophone, ou lire à l’écran que la communauté juive de Bulgarie a trois branches : des ashkenazes en petit nombre, des séfarades et….des romaniotes. Ces derniers, ajoute le speaker, se sont fondus parmi les séfarades après l’exil d’Espagne en 1492, mais ils ont gardé leur identité dans leurs noms de famille, par exemple Kalo, Pilosof ou…Pisanté !

 

J’avais toujours eu l’intuition de ne pas descendre de juifs arrivés en Turquie après l’exil d’Espagne. Impression confirmée par la liste de noms de famille publiée par l’Espagne il y a une ou deux décades, de juifs pouvant prétendre à la nationalité espagnole. Le nom Pisanté ne figurait pas sur la liste.

 

Par contre, j’avais fait une tentative du côté italien, du fait de la similitude Pisanté-Pise, et du fait que mon analyse ADN m’avait gratifié de 9% d’origines italiennes. Mais des italiens interrogés démentaient ce lien : un originaire de Pise s’appellerait Pisani (il y en a), pas Pisanté. D’où surgirait ce t ?

 

Voici donc que s’ouvrait une nouvelle piste : la piste romaniote. 

 

Qui sont/étaient ces romaniotes ?

 

On trouve sur internet et dans les livres d’histoire les récits de leur disparition : la communauté romaniote de Ioanina en Grèce a été déportée en masse et ne sont revenus d’Auschwitz que quelques 180 personnes. Il y a aujourd’hui quatre synagogues romaniotes, une à Ionina qui ne se remplit qu’une fois l’an, une à New York, une à Jérusalem grande comme un dé à coudre et une désaffectee dans la vieille ville de Jérusalem.


על קיר בית הכנסת הרומניוטי בירושלים
Sur le mur de la synagogue romaniote à Jérusalem



 

Mais, avant leur disparition, qu’en est-il de leur création ? qui étaient donc ces romaniotes ? En cherchant dans la littérature historique moderne (post 2010, en particulier dans le volume 14 du livre collectif universitaire de Shulman et Strumsa  « Jews in Byzantium »  , et dans "le judaïsme ancien du VIè siècle avant notre ère au IIIè siècle de notre ère : des prêtres aux rabbins" de Simon Claude Mimouni, ainsi que dans les recherches et conférences de Eliezer Papoo, de Lior Gotlib) on trouve de plus en plus apparaître ce nom, qui ne figurait pas au vocabulaire des récits historiques sur lesquels nous avons grandi, que ce soit au talmud Torah ou au lycée, ou à travers la lecture des ouvrages de référence (le monde juif de Cecil Roth, l’encyclopédie de l’histoire juive initialement publiée en hébreu en 1986, édition française chez Liana Levi- le scribe, l’histoire d’Israël de S.W. Baron).

 

Le mot « romaniote » signifie « citoyen romain de niveau inférieur » et renvoie au statut octroyé aux juifs par les romains, apparemment à partir de la scission de l’empire, qui correspond à la création de l’empire romain oriental (ou byzantin), dont Constantinople (du nom du premier empereur Constantin) était la capitale.

 

Nombreuses recherches en divers secteurs, historiques ou autres ou par exemple en secteur religieux, c’est à dire concernant les pratiques religieuses, font cependant remonter bien plus haut cette identité juive particulière : il y a de nombreux signes de présence juive en dehors d’Israël, autour du bassin méditerranéen, pendant la période du second temple ( - 516 à + 70), et Adin Steinzaltz dans son ouvrage sur le livre de prière, fait remonter le rite « romain » (ou romaniote) à la période du premier temple !

 

 

Il semblerait que cela soit aux romaniotes, qui paraissaient favorables à la résidence au sein des nations, que l’on doit en particulier la première traduction de la Bible en grec.

 

Mimouni ne parle que très peu de juifs romaniotes, mais il décrit une fraction du peuple (qui aurait été la plus nombreuse) qu’il nomme les judéens sacerdotaux ( qui paraissent être les origines de ceux que l’on appelle plus tard romaniotes), qui sont liés aux deux temples qui fonctionèrent en Egypte (temple de Kunio et temple d’Onias), parmi lesquels Philon d’Alexandrie et Flavius Josephe auraient été les plus célèbres, et qui se caractérisaient par l’attachement au rite plutôt qu’à l’étude (développée et placée au centre du judaïsme par les pharisiens).

 

Ces judéens sacerdotaux auraient été à l’origine de la création de la synagogue, et de l’importance accordée aux chants (piyoutim  - mot dérivant du grec « poète »).

 

Historiquement, il semble que les romaniotes aient pu être ceux qui ne cédèrent ni aux pharisiens, ni au christianisme, qu’ils se soient surtout développés en Egypte, en Italie, en Grèce, Bulgarie et Turquie (c’est à dire dans l’empire byzantin)  et que leur identité ainsi que leur rite de prière aient été phagocytés par l’exil des juifs d’Espagne, qui sont arrivés dans ces pays, et dont le rite est devenu majoritaire.

 

C’est ce que poursuit le speaker de la synagogue de Sofia : les romaniotes sont devenus sefarades…et ont gardé le souvenir de leur première identité à travers leurs noms de famille.

 

Pour le nom Pisanté, cette nouvelle vient modifier - tout en la renforçant quelque peu - ce qui était mon hypothése, rédigée en 2020 : je faisais remonter le nom Pisanté à l’incendie suivi de la disparition du quartier Pisan de Constantinople et à la relocalisation de ses ressortissants dans d’autres quartiers de la ville en adoptant un nom désignant leur provenance.

 

Cette hypothèse était trop étroite. Il semble qu’il faut plutôt rattacher Pisanté à Byzance, en particulier du fait de l’étendue géographique du nom à travers tout l’empire byzantin (il y a donc des Pisanté turcs, bulgares, palestiniens…) et considérer que le nom signifie « nous sommes des juifs qui résidaient à Byzance (l’empire romain oriental) avant l’exil des juifs d’Espagne ».

 

Sur un site internet décrivant l’historique de Kuçguncuk, on peut lire que la présence juive y existait déjà du temps de l’empire byzantin, que le lien entre les juifs de Kuçguncuk et Jérusalem était toujours très vif, et qu’une synagogue y fut construite sur l’ordre du Sultan, avec l’arrivée sur place des exilés d’Espagne. Ce détail vient apporter comme une « preuve » : on peut facilement imaginer que des juifs byzantins, romaniotes, sur place depuis un certain temps, se voient attribué - ou choisissent de s’attribuer - le nom Pisanté, pour se distinguer de ces juifs sefarades recemment venus s’installer dans la localité.

 

Cela confère à ce nom une réelle ancienneté, le premier porteur du nom connu par moi, et largement évoqué dans mon texte de 2020 étant rabbi Moshé Pisanté, ce « rabbin de grands chemins », assassiné par des brigands turcs, auteur de nombreux livres (celui sur la fête de Pessah’ ayant fait l’objet de plusieurs recherches universitaires), et natif semble-t-il de Jérusalem, en 1540 approximativement.

 

Je ne peux établir que Kuçguncuk serait l’endroit où le nom Pisanté vit le jour, mais j’y vois une certaine potentialité.

 

mardi 24 juin 2025

Images de l’occident.

 


Alors qu’Israël est depuis le 7 octobre 2023 embourbé dans une guerre qu’il n’a pas déclenchée mais dont la fin ne peut même être aperçue tant que restent des otages à ramener de là-bas, l’occident civilisé est surtout très alarmé des images de ruines et du nombre de victimes sur le champ de la bataille.

La bataille se déroule inévitablement en terrain habité puisqu’ainsi en a décidé le hamas, qui a installé toutes ses bases militaires au milieu et sous les maisons, hôpitaux et écoles, et puisque c’est en ces lieux que demeurent cachés les otages.

Mais c’est Israël que l’occident n’en finit pas d’accuser des tableaux « radeau de la méduse » que les photographes filment à l’envi. Encore des enfants en haillons, encore des populations affamées, encore des immeubles (gazaouis. Il y a aussi des immeubles détruits en Israël, mais ils sont bien moins photogéniques) effondrés.

La semaine dernière, le journal Haaretz, visage de l’occident, a publié une interview de ce Jean-Pierre Filiu, spécialiste français de haut niveau de Gaza. Monsieur Gaza pour ainsi dire. L’individu n’est pas seulement un spécialiste, il est aussi arabophone, enseignant à la prestigieuse « sciences-po ». Il est aussi un héros. Pensez ! En plein « génocide » (duquel Israël est abondamment taxé) il part sur les lieux, tel SuperDupont, s’aventure cinq semaines (cinq semaines ! Quel courage ! Nos soldats les plus vaillants se font bien sûr porter pâles après trois jours…) au milieu des décombres, des blessés, des affamés, des cadavres, de l’assistance humanitaire qui n’arrive pas…et c’est ce qu’il décrit. Les monstruosités israéliennes. Le bonhomme « n’a jamais rien vu de pire ! ». Il était envoyé spécial à Sodome et Gomorrhe il y a trois mille cinq cents ans et il a tout filmé. Ce n’était rien à côté de ce que font ces satanés israéliens.

Pas un mot sur les otages . Ceux-ci sont quantité négligeable. Les experts laïques français de gauche (donc diplomés humanistes et au service de la veuve et de l’orphelin) sont encore capables de vous expliquer que les otages ne comptent pas plus pour les israéliens aveuglés de soif sanguinaire, enragés d’expan”sionisme”, de colonialisme, de nettoyage ethnique, et accusés….de tout ce qu’ils ont vécu réellement il n’y a que 80 ans.

Les israéliens sont bien coupables. La preuve ? Ils n’ont presque pas de morts.

Ci-jointe une photo prise hier dans un abri public. On peut y voir quelques deux cents personnes, de tous les âges et de toutes les conditions physiques et sociales. Il y a aussi les matelas et les canapés apportés par les gens au fur et à mesure que les envois de missiles iraniens contraignent la population à re-rentrer encore et encore dans ces abris, disposés au fil des rues pour ceux qui n’ont rien dans leur immeuble ou leur appartement.

L’ambiance est bon enfant. Il y a aussi quelques chiens tenus en laisse, plusieurs bébés et mêmes quelques tables d’école. Quelques jeunes organisent des jeux et des activités pour les enfants.

Un psychologue en séance de supervision me racontait avant-hier de pareils témoignages d’un autre abri non loin de chez lui, où lui et sa famille s’étaient réfugiés quelques minutes la veille.

Israël aurait été insuffisamment couvert de tels abris dénoncent les journalistes et les spécialistes….

C’est probablement vrai, mais Israël qui a été visé de milliers de missiles, de roquettes, qui a dû déplacer des dizaines voire des centaines de milliers d’habitants au cours des bientôt deux dernières années, a protégé sa population, laquelle a brillé par la solidarité, l’esprit de dévouement, malgré une lourde période de désaccord politique, et de tension sociale (refus ultraorthodoxe de s’associer à l’effort national de protection et de défense).

Ces réussites n’intéressent pas les journalistes, et sont niées par ce Filiu-superDupont et ses lecteurs (puisque le héros s’est immédiatement assis à sa table de travail, a mis son écharpe palestinienne sur le dos de la chaise et a produit rapide comme l’éclair un « ouvrage » documenté, savant et détaillé sur Gaza. Dans toutes les bonnes librairies depuis trois jours. Le bonhomme connait Gaza. Le bougre se paie le luxe de déclarer à la journaliste qu’il connait la source de l’erreur israélienne (à part ses penchants criminels Israël est aussi ignorant) : ils ne comprennent pas Gaza. Quelle erreur de ne pas avoir ainsi lu ni Filiu, ni Sand, ni Pappé, ni Laurens !

On aurait lu, on aurait compris !

On aurait compris pourquoi tout l’argent récolté depuis l’europe, le Qatar, l’Iran n’a jamais servi à protéger (on ne parle même pas de développer) la population.

Il y a plusieurs centaines de kilomètres de tunnels sous Gaza mais aucun d’entre eux n’est destiné à la protection de la population.

La population est réduite à attendre l’aide humanitaire et à piller les camions alors que des milliards de dollars ont été collectés et versés.

Il y a au Qatar un village olympique entier vide depuis la coupe du monde de football, qui aurait pu à peu de frais accueillr et protéger les enfants gazaouis, de la même manière que les anglais ont protégé les enfants londoniens du blitz en 1940. 850000 enfants évacués en trois jours de Londres. Personne, personne parmi les brillants experts, les merveilleuses ong, les médecins sans frontières et tous les héros affiliés, les organisateurs de la guerre pour inclure un tel programme.

Et Israël ne comprend pas.

On croît rêver.

Cher monsieur Filiu tdc, merci de nous éclairer.
Cher journaliste de haaretz merci d’un tel honneur accordé à SuperDupont dans les colonnes du « journal des gens qui réfléchissent »..

Vive le savoir géopolitique, l’université, l’humanisme de gauche, et le journalisme éclairé.

Israël devra panser ses plaies. La guerre avec Gaza se terminera bien un jour, et les souvenirs de ces mouvements de solidarité feront concurrence aux douleurs qui les auront reveillés.

Israël fera peut-être la paix avec les palestiniens mais la dernière belligerance exigera de longues années de restauration de la confiance.

Il ne faudra en tout pas compter sur aucun des corps de métier mentionnés ci-dessus pour faire avancer ces processus.

Ces fossoyeurs ne vivent que des morts, ne prévoient pas de se reconvertir dans le regard bienveillant et l’éducation.

Mais, heureusement, ces forces ne font pas défaut parmi la population polyculturelle de juifs venus du monde entier de ce pays déjà plus si jeune mais encore dans son essor.




jeudi 1 mai 2025

Bon anniversaire ?


77 ans âge limite d’abonnement au journal Tintin, et dernier anniversaire de l’état d’Israël ?

Sûr que nombreux de par le monde sont ceux qui le souhaitent (je connais même un zouave qui « diagnostique » ainsi la situation…mais à part l’attifement des dits il ne lui manque pas grand-chose…),

Et probablement que ceci était le rêve le plus intime des malades du hamas qui n’ont pas hésité pour sa réalisation à programmer le sacrifice de 75% des habitations de la bande de Gaza et de près de 50 000 de ses habitants.

Et on pourrait se demander si l’état de déchirement interne du paysage politique du pays, lancé près d’un an avant ce tragique 7 octobre, et à peine interrompu par la guerre n’oeuvre pas activement à cette triste fin.

Mais.

Il y a quand même un mais.

Ne manquent pas les analystes politiques pour déraciner les idées de mon triste zouave rouennais et les hauts parleurs du bds et pour regarder une situation moyen orientale plus optimiste : le conflit actuel, le plus long qu’ait connu le pays depuis sa création ne se déroule en fin de compte que contre une très faible partie du monde arabe, surtout si on compare à 1948, le niveau de développement de ce si jeune état reste impressionnant à tous les niveaux, et il convient de rajouter le paramètre qu’aucun des dignes universitaires que l’on lit ou écoute ne prend en compte : celui de l’examen de la situation au plan juif stricto sensu.

Malgré toutes les allégations antisionistes, au nom desquelles l’état d’Israël serait uniquement un colonialisme, pire encore le dernier colonialisme encore en activité, il est impératif d’estimer notre situation non à travers ces analyses, non à l’aune de comparaisons de notre situation par exemple avec l’indochine ou l’Algérie, mais avec un regard en profondeur.

Le peuple juif - n’en déplaise à de tristes Shlomo Sand - a trois mille cinq cents ans d’existence derrière lui et entre autres un gigantesque bagage intellectuel, au centre duquel se tient la Bible mais aussi et non moins le talmud et toute la littérature rabbinique, que l’on pourrait facilement chiffrer en centaines de milliers de pages si ce n’est plus.

Tandis que la France de la séparation de l’église et de l’état regarde tout cela avec un regard écoeuré (littérature religieuse fi ! ), un regard un peu plus fin (un tout petit peu de finesse uniquement est ici requise) permet de considérer ce patrimoine comme un trésor, si ce n’est comme une des principales sources du développement intellectuel, sociétal, moral du monde occidental.

Le fait que cette littérature (magistralement ignorée au double sens du terme par tous ces brillants analystes antisionistes) n’ait pas disparu est en soi un tour de force que l’on doit très probablement au religieux (ce sont les étudiants des yechivot qui ont non seulement lu et conservé mais aussi developpé cette littérature au fil des siècles).

Mais l’existence de l’etat d’Israël est le joker de ce trésor.

C’est grâce à son existence que tout juif au monde, et potentiellement tout individu au monde si il le souhaite, peut aujourd’hui prendre connaissance de ce bagage, le lire, l’étudier et lui aussi l’élargir. Et cela se produit ! Dans toutes les structures qui se sontmises en place et considérablement développées non uniquement en Israël mais très certainement du fait d’Israël, que cela soit au niveau orthodoxe, ultraorthodoxe ou conservative et religieux pour le versant « religieux » , ou au niveau universitaire où d’énormes quantités d’étudiants et de chercheurs consacrent leur vie à lire, étudier, et eux aussi, élargir ce bagage.

Et je ne parle pas de la composante linguistique, qui est bien entendu la pierre d’angle de cet édifice qu’est l’état d’Israël.

On y parle hébreu ! On y parle la langue de la Bible, la langue des Prophètes ! Avraham a vécu il y a 3500 ans, Moïse à peine moins, Ezechiel il y a 2650 ans et notre langue pour acheter à l’épicerie ou pour écrire prose et poésie est la leur !

Cette langue n’est pas seulement parlée par le peuple, mais par ses composantes qui ne se sont retrouvées que grâce à l’existence de ce pays.

Les juifs d’Irak, d’Ethiopie, de Russie, de France, d’Afrique du nord, se connaissaient-ils jusqu’au mouvement sioniste ?

A ma connaissance, le premier lieu où des juifs ashkenazes et sefarades se sont cotoyés est la France depuis 1961, mais Israël est le premier véritable lieu de leur remise ensemble…au point que de plus en plus nombreux sont les analystes qui considèrent le clivage ashkenaze sefarade comme dépassé.

L’état et le peuple israélien sont une véritable renaissance des composantes de l’identité juive et il est clair que c’est ce qui est le véritable moteur de ce développement prodigieux qui s’est réalisé ici en si peu d’années.

Malheureusement, la situation de laquelle j’écris ces lignes est une situation de guerre, de conflits, de clivage.

Guerre avec le hamas. Sommes-nous en guerre contre les palestiniens ? Probablement un petit peu. Ils sont le bastion du monde arabe qui n’a pas renoncé à s’opposer à l’existence de l’état d’Israël. Mais c’est principalement la mouvance hamas-frères musulmans-islamiste qui nous fait la guerre. Non guerre d’opposition a un quelconque colonialisme, guerre de religion.

Les deux millions d’arabes israéliens ne sont pas en guerre. La vie avec eux se poursuit. Elle n’est pas entièrement normalisée, mais ceci est vraisemblablement en cours.

Clivage intra israélien ? Peut-être celui-ci serait bien le plus grave de nos problèmes.

Comme dans le cas du hamas, ce sont les extrémistes de la situation qui l’enveniment, et ils sont malheureusement depuis la dernière consultation électorale au devant de la scène.

Peut-être la solution viendra-t-elle d’initiatives comme « le quatrième quart » qui tente de gérer ce quatrième quart du premier siècle de l’existence de l’état, à coup de rencontres, colloques, discussions, avec comme rèsolution de départ de donner plus d’impact aux 80 % des sujets sur lesquels seraient d’accord l’ensemble des citoyens qu’aux 20% qui les séparent.

Joli programme, à l’image de ce que ressent tout israélien je pense : cette population est bonne. Ce mixage a réussi, si on en juge au degré de solidarité, de bénévolat, de bonne volonté ambiants, composante qui paradoxalement paraît entièrement distincte de la représentation politique.

Il faudrait en déduire ce que beaucoup savent déjà : la démocratie est peut-être le moins mauvais système de société créé jusqu’ici mais il ne fait pas émerger les meilleurs, sinon ceux qui ont les coudes les plus aiguisés, et savent très bien mettre de côté la moralité, la rigueur, autres valeurs…ancrées dans le bagage ci-dessus mentionné.

Et les palestiniens de Gaza ? Ils sont apparemment le malheureux dindon de toute cette tragédie qu’on aurait bien préféré qu’elle ne soit qu’un débat, ou une farce..

Il n’y a en Israël pratiquement aucun apitoiement pour la guerre à Gaza, destruction et victimes humaines, et cela pose peut-être question.

Aucun doute que la principale réponse est le 7 octobre. Ils ont vraiment commis une énorme erreur, en plus d’un énorme massacre barbare ce jour. Ils ont attiré toute l’armée israélienne sur leur minuscule et surpeuplé territoire, et ils ont aussi creusé les tombes de la considération interpersonnelle de la part des israéliens.

Le hamas ne les a pas seulement ignorés pendant ces 18 ans de pouvoir durant lesquelles il n’a creusé que des tunnels offensifs, et n’a pas oeuvré pour la population autrement qu’en cultivant sa haine pour Israël et les juifs, il les a en fin de compte sacrifiés sur l’autel de son extrémisme religieux barbare.

Puisse cette 78 ème année qui s’ouvre aujourd’hui être une année de reprise, de réoptimisation de la situation, que les otages encore à Gaza reviennent bientôt, et que les morts de cette guerre non encore achevée ne l’aient pas été pour rien.

mercredi 9 avril 2025

Fêter la libération de l’esclavage d’Egypte ou le rétablissement de la parole éthique ?

Le midrach sur le psaume 114, psaume de la fête de Pessah' s'interroge sur les tenants et les aboutissants de la sortie d’Egypte et pose une question étonnante : "par quel mérite celle-ci s’est-elle opérée ?" Remarquons qu’il ne pose pas à cet endroit la question de ce qui fait que la sortie d’Egypte est devenue nécessaire, c’est à dire ce qui fait que les enfants d’Israël se sont retrouvés esclaves mais cette question fait l’objet de nombreux débats par exemple autour des textes de la Genèse qui exposent explicitement le programme ( Beréchit 15 « ta descendance sera étrangère dans un pays qui n’est pas le sien et ils seront opprimés quatre cents ans ». Une partie des midrachim souligne que la libération s’est effectuée non au bout de 400 mais de 210 ans parce que les enfants d’Israël n’auraient pas subsisté jusqu’au bout du programme prévu). Pas moins de neuf hypothèses sont proposées par les intellectuels du midrach pour traiter de la question. Les hébreux n’ont pas changé de nom, n’ont pas changé de langue, ne sont pas devenus pervertis au plan sexuel, n’ont pas révélé le secret qui les liait sont les raisons négatives proposées, tandis que viennent en miroir quatre raisons positives : ils ont été libérés par le mérite du sang du sacrifice de Pessah’ et le sang de la brit mila, par le mérite du sanctuaire, par le mérite des comparses de Daniel, Hananiah, Mishaël et Azaria, par le mérite de la génération du prophète Isaïe, et reste ni négative ni positive la raison proposée par rabbi Néhamyah : par le mérite de la Torah. Aucun ne donne la raison du temps écoulé, c’est à dire du programme divin, indépendamment de l’homme et de ses actions et son comportement. Ce qui est la première leçon. Le programme divin tient compte de l’homme si ce n’est dépend de lui selon les avis, qui sont en fait dégressifs sur ce sujet, depuis le sage pour lequel le rôle de l’homme est capital jusqu’à celui qui ne voit pas grande influence exercée par l’homme sur l’histoire du monde. Mais cette leçon demeure : la conception de tous ces sages est que l’homme est partie intégrante du programme. De l’histoire du monde, de l’histoire du peuple juif. Rabbi Yehouda me parait être celui qui attribue le rôle le plus direct à l’homme. l'homme reçoit au prorata de ses actes de piété. La sortie d’Egupte a eu lieu parce que les enfants d’Israël n’ont pas renoncé à la brit mila au fil des générations, et n’ont pas eu peur d’égorger en présence des égyptiens et alors qu’ils étaient au trefond des statuts sociaux de la société l’animal qui était sacré à leurs yeux. Ils les ont affrontés ouvertement et c’est là le mérite qui leur valut leur libération. Proche de lui est rabbi Abba bar Kahana qui dit que la génération du prophète Isaïe se singularise par sa capacitè d’opposition ouverte à l’oppresseur, à l’ennemi d’Israël. Rabbi Yehoshua ben Lévy, en bon prêtre fils de prêtre voit le service au temple comme ce qui conditionne le bien être de l’homme juif, ou de l’humanité. C’est de l’homme que dépend la résidence sur terre de la présence divine. Qu’il lui fasse sa demeure et l’esclavage, paradigme des souffrances humaines, disparaît. Rabbi Eléazar haKappar est un homme pieux qui voit le mérite dans la tenue à distance de la faute, faute par dépravation, faute par trahison passive (ne pas garder le secret, ne pas laisser filtrer aux yeux ou aux oreilles étrangers ce qui est notre spécificité), ou faute par assimilation. Le judaïsme pour lui ne serait pas tant exprimé par des actes positifs que par la tenue morale. Judaïsme vu comme une certaine noblesse. Judaïsme du « chez nous on ne s’abaisse pas à… ». Rabbi Nehemiah est d’une part celui qui est le plus exigeant. Il ne suffit pas pour lui d’appliquer les lois de la circoncision, du sacrifice de Pessah’ ou du service du temple, il faut garder toute la Torah, son message historique ainsi que les 613 commandements inclus…à moins que son avis soit plus universel : la Torah plus qu’apporte au monde, est la condition du monde. L’esclavage ne s’abolit pas de lui-même, mais par la mise en application d’un vaste programme moral et social dont la Torah est le détail et non uniquement le paradigme. Cela fait remonter les raisons au niveau divin, puisque c’est le Créateur qui donne la Torah au peuple juif, et par là au monde. Et on pourrait voir rabbi Nehemiah comme le plus maïmonidien de tous : le Créateur a son programme et la libération de l’esclavage n’est qu’une étape du programme. Le but est le don de la Torah et un des moyens de réaliser cela est d’orchestrer puis réaliser la sortie d’Egypte. Les niveaux d’humanité, de moralité, de piété, de fidélité, de fierté d’appartenance sont secondaires…à moins que l’on ne se souvienne que le midrach n’est pas le lieu du dialogue de l’exclusif. L’opinion de Rabbi Nehémiah ne l’emporte sur aucun autre avis. Tous les avis subsistent, et ce qui l’indique est toute la dialectique relative au don de la même Torah : la Torah existe en amont de la création du monde mais elle ne peut s’appliquer sur la terre que par l’intermédiaire de l’homme, qui doit la recevoir, lui trouver une place, la conserver, l’appliquer dans ses petits détails civils ou religieux comme dans ses dimensions philosophiques, et sociaux….ce qui confère non seulement un rôle à l’homme, mais le place en miroir du Maître de toutes choses, deuxième plateau de la balance sans lequel aucune pesée ne peut s’effectuer. Le séder de Pessah’ est par excellence le temps et le lieu de la transmission à la génération suivante de ces réflexions. Ce dialogue multiple est ce de quoi surtout le midrach est paradigmatique. Non de brillantes interprétations ou prises de position théologico-religieuses. Les sages du midrach avaient inventé bien avant l’heure, bien avant l’heure d’aujourd’hui, le dialogue éthique tel que Lévinas le developpe. Le bet hamidrach n’est pas une arène dans laquelle s’affrontent les idées et les opinions. Non une société dans laquelle on se jette mutuellement à la figure les mêmes accusations comme notre monde postmoderne, qui se voulait plus que moderne, meilleur que celui de nos parents, est aujourd’hui tristement le théatre. Nous vivons dans un monde où en Israël une moitié du pays accuse l’autre de détruire la société, de savoir ce qui est le droit chemin et la loi, tandis que l’autre moitié prétend exactement le contraire. Les uns nommés par la première moitié refusent ces nominations et ne se veulent pas représentés par les dits nommés, et ils prétendent nommer en place d’autres que les premiers ne reconnaitront pas. En dehors d’Israël, les mots d’apartheid, génocide, ont perdu leur sens premier et sont aujourd’hui assénés contre ceux-là même qui avaient eux-mêmes vécu les mêmes fléaux. Et le peuple pour peu qu’il ne soit ni spécialiste en la question israélo-palestinienne, ni en droit et en sciences politiques, pris en étau entre deux parties qui s’affrontent comme dans un combat de gladiateurs, n’a d’autre refuge que la prise de parti. Les uns prennent parti pour un camp, les autres pour l’autre camp et le clivage est généralisé, national autant qu’international. Il n’y a pas discussion ni dialogue mais hurlements, injures, colère et haine. Puisse la fête de Pessah’ être comme la déconstruction de son nom l’indique, fête du dialogue, fête de la parole constructrice et non partisane et guerrière, lieu de parole ethique où l’un cherche non à faire taire l’interlocuteur, objet de sa haine, mais à le laisser s’exprimer tandis qu’il l’écoute. À l’instar du dialogue midrachique. Mettons nous en situation de mériter la sortie d'Egypte, la libération des otages, la fin de la guerre, le retour à une situation sociétale plus saine.