Nous, le peuple juif, lisons la Torah tout au long de l'année, année après année, tous les shabbat matin. Pendant que tu te lèves à peine, toi l'européen/ne, chez qui il est une heure plus tôt, et te vois en train d'à peine commencer la journée, une journée de fin de semaine, journée de repos, journée sans programme. Et s'efface rapidement de mes yeux ton image, image de quelqu'un tellement à la fois proche et différent, quelqu'un au rythme de vie tellement différent du mien, surtout en ces heures du samedi matin, du shabbat, alors que je me plonge dans le texte de la lecture de la Torah.
Cette semaine, nous
lisions la deuxième section hebdomadaire de la Torah, intitulėe du nom du héros
du déluge, et je suis frappé - grâce à deux extraordinaires cours qu'il m'a été
donné d'entendre, et du fait de certaines bribes de l'actualité européenne qui
sont parvenues jusqu'à mes oreilles -, je suis frappé de l'actualité et de la
force de cette section.
L'histoire de Noé,
l'histoire du déluge, est comme la concrétisation de ce qu'est notre vie, nous
êtres humains, encore et encore. Une vie qui connait des évolutions - y compris
phénoménales, au plan technologique, mais aussi au plan de l'évolution des
sociétés, évolution de la science - mais qui reproduit et qui perpétue
année après année les tragédies du monde.
Alors que c'est
dans la première section de la bible qu'est racontée la création du monde, la
section de Noé raconte comment le monde revient encore et toujours aux mêmes
situations de catastrophes, comment l'homme se replace encore et encore dans la
situation de devoir être puni, si ce n'est annihilé.
La section de Noé,
c'est ainsi le récit de l'issue du déluge, où la nouvelle humanité renaît,
comme le bébé qui commence sa vie à partir de l'élément mouillé dont il se
trouve extrait- comme le monde sur lequel la terre n'apparaît lors de la
création qu'une fois que les eaux en aient été retirées - comme l'Europe qui
renaquit en 1945 après la shoah -, mais la section de noé, c'est aussi le
déluge, c'est aussi le récit de la catastrophe qui précède cette renaissance,
c'est aussi le récit de cette déchéance dans laquelle l'homme retombe encore et
encore, que ce soit par les voies les plus viles ou les plus perfectionnées.
Le secret de la
Torah, le magnifique secret du judaïsme, c'est de non seulement conserver le
souvenir et de continuer à lire cette histoire, c'est aussi et surtout de
savoir y lire ce qui permet d'apporter les solutions, ou au moins des
possibilités de solution.
L'Europe vit une
période de progrès, d'unification, de vie sans guerre depuis plus de 65 ans, et
c'est dans cette Europe du progrès, c'est par son progrès même, qu'apparaissent
les nouvelles et subtiles voies de la discrimination, une discrimination
qu'essuie encore et toujours le peuple juif en première ligne.
L'Europe assainit
et globalise donc les circuits de production, de distribution, l'Europe abolit
les frontières en son sein et promulgue des réformes, des lois, lois de
protection de l'individu, lois de régulation du travail, de l'accès à la
couverture sociale et de santé, toutes choses très positives. Très
positives si ce n'était pas que précisément par elles réapparaissent les
vieux démons.
Il faut se demander
pourquoi un tel progrès doit contenir ce qui va n'être autre qu'une nouvelle
forme d'expulsion des juifs, finalement comme au moyen âge, finalement comme
tout au long de l'histoire de l'Europe.
Et voici qu'au
détour de tout ce progrès, l'Europe fait avancer des projets de lois qui vont
aboutir à mettre hors la loi l'abattage rituel des animaux et la circoncision,
deux pierres d'angle de la condition juive.
Ces lois vont être
votées au nom du progrès, au nom de l'humanisme. On veut interdire le mode
juive d'abattage parce que considéré faisant trop souffrir les animaux, on veut
interdire la circoncision au nom de sa comparaison avec la barbare coutume de
l'excision pratiquée encore dans toute l'Afrique et une bonne partie du monde
musulman.
La section de Noé
contient les prémisses de la circoncision, et peut-être aussi les prémisses de
la relation de l'homme aux animaux.
Le monde renaît à
l'issue du déluge sous le signe de l'alliance, symbolisée par l'arc en ciel. Selon
le texte, l'Eternel contracte avec l'homme Noé une alliance de non
extermination, après s'être antérieurement résolu à devoir détruire l'homme
antédiluvien. Il fallut détruire cet homme, parce qu'il conduisait le
monde à la perversion généralisée, parce qu'il rendait impossible par ses actes
la poursuite de l'aventure humaine.
Le personnage Noé
n'est pas l'initiateur du monothéïsme, il n'est que celui dont la conscience
morale peut commencer à annoncer ce qui adviendra, ce qui ne mûrira qu'à
l'issue de dix générations.
Le personnage Noé
essaie de mener sa vie, et par conséquent de mener le monde en tentant de se
comporter selon le "tsélem", à l'image de Dieu, en conservant visage
humain.
La section permet
de le regarder comme le nouvel homme, qui est bien moins barbare que ceux
d'entre qui il a été sauvé, comme l'homme du vingtième siècle, ou mieux encore
l'homme du vingt et unième siècle, qui sont incomparablement plus évolués que
les primitifs du moyen âge, qui brûlaient les hérétiques sur les bûchers.
Mais la même
section relate aussi l'épisode de la tour de Babel, où l'humanitė moderne met
sa modernité et sa technologie à contribution pour faire mieux que les barbares
de qui elle se prétend supérieure. Les hommes de la tour de Babel ne
rappellent-ils personne aux survivants de la shoa que nous sommes ?
Quel souvenir
ont-ils de cette alliance contractée par Noé, si peu de temps après qu'elle ait
été signėe ?
La circoncision qui
ne sera initiée dans la Torah que par le personnage Avraham, dix
générations après Noé et le déluge, n'est une pratique barbare que si on
choisit de la comparer à cette barbarie inventée par l'homme qu'est l'excision.
Elle n'est une pratique à interdire que si on fait abstraction de son caractère
d'alliance. Elle n'est négative que selon un certain regard, peut-être
précisément ce regard dont la vision des hommes de la tour de Babel est
l'archétype.
Le judaïsme repose
sur ses merveilleuses conceptualisations dont l'individu peut se nourrir, à
travers l'étude des multiples ouvrages qui ont été écrits, ou bien repose-t-il
sur ces maîtres, parfois êtres exceptionnels, qui savent trouver les mots pour
enseigner ces perles, mais le judaïsme tient aussi à ses pratiques.
Fomenter des lois
qui vont pousser à définir certaines de ces pratiques hors la loi consiste
avant tout à détruire ce judaïsme, est le premier acte d'une nouvelle forme -
moderne, éclairée - de la trop antique et récurrente expulsion-persécution des
juifs par laquelle l'Europe s'est tristement illustrée vingt siècles durant.
Les juifs doivent
trouver les mots qui existent et qui leur permettent de verbaliser ces
pratiques jugées barbares par les babeliens d'aujourd'hui. Le juif a les outils
de cette verbalisation, de cette conceptualisation qui permet de faire
apparaître le côté plus moderne que moderne, plus humain qu'humain de ce qui
pourrait évoquer la barbarie et ils se doivent de s'approprier ces outils.
Leurs interlocuteurs, et surtout leurs contradicteurs, quand ils ne sont pas
ouvertement intentionnellement contre le judaïsme, sont des babéliens qui ne
sont - comme les babeliens - que la forme modernisée du personnage antédiluvien
: il est lui-même perverti et corrompu jusqu'à ses entrailles mais il se targue
de sa culture et de son modernisme et cache derrière ces derniers sa barbarie.
Les juifs d'Europe
se doivent d'ouvrir les yeux, de déceler les prémisses de ce qui sera le
prėtexte à leurs peut-être prochaines et imminentes nouvelles persécutions, et
de savoir prendre les décisions qui seront les plus saines.
Mais, à la différence d'autres époques où les décisions se prenaient dans le noir, il est possible aujourd'hui d'allumer les lumières. Il est impératif d'utiliser les outils pour pouvoir regarder cette réalité européenne non uniquement avec des yeux et des oreilles, mais aussi avec des textes, avec des enseignements, avec des références auxquelles se raccrocher.
..."La sagesse, d'ou vient-elle?
RépondreSupprimerEt quel est le lieu de l'intelligence ?
Elle est voilee aux yeux de tout vivant
elle se derobe a l'oiseau du ciel,
La des truction et la mort disent :
"Nous avons seulement oui parler d'elle.."(Job 28,12-14,,et 20-22) et plus loin Avraham Heschel dit:"au cours de leurs recherches, qu'ont decouvert Job,Agur, et l'Ecclesiaste ? Ils ont decouvert que l'existence du monde est un fait plein de mystere.En s'appuyant non pas sur des miracles ou des phenomenes etonnants, mais sur l'ordre naturel des choses ils affirment QUE LE MONDE DU CONNU EST UN MONDE INCONNU, cache et mysterieux. Ce qui a frappe leurs ames, ce n'est ni le cache, ni l'apparent, mais le cache dans l'apparent ; non pas l'ordre mais le MYSTERE DE L.ORDRE QUI REGNE DANS L.UNIVERS". Nous vivons sur l'ecorce de la realite et nous savons a peine comment en atteindre le coeur...Il nous arrive de resoudre avec succes quelques enigmes, mais l'esprit lui-meme demeure un sphinx...AUCUN FAIT DANS LE MONDE N.EST ISOLE DE SON CONTEXTE UNIVERSEL. RIEN ICI-BAS N'A DE FIN EN SOI-MEME...""
Nous sommes un maillon d'une longue de chaine de transmission, et il FAUT croire et esperer que aidons et nous nous acheminons vers une progression. Nous sommes le peuple a la nuque raide, et le peuple de l'espoir, notre confiance en D.ieu, Sa Thora, c'est notre "code de la route".."Shema Israel" si je tombe, Aides-moi, verrais-je le bout du chemin ? si ce n'est moi, mes enfants ou mes petits-enfants..j'ai confiance !