mardi 19 janvier 2016

Sur le langage et le dessein. הגיגים על תועלתה של ההואלה

Le texte en hébreu est suivi d'une version en français.

הואיל ושואף אני
-גם אם ישאל הדבר מזמנכם -
אתכם לשתף בפלאי שפתנו,
ובמיוחד 
בפלא שאנו 
חזרנו אותה לדבר,

הואילו בטובכם 
את אוזניכם להטות
אל מושג זה העשיר
מושג ההואלה.

ובפתח נשאל 
האם מקרה הוא 
ששאול שמו 
ושמואל שמו, 
אלה שעליהם חל
אותו ריקוד מילים. 

כן שאול המלך. אותו אדם
שבוודאי את המלוכה לא שאל,
גם מלכתחילה כאשר לחפש 
אתונות יצא, 
וגם בהמשך דרכו
לאחר ששמואל החוזה 
אף בשמן אותו משח.

שמואל הרואה...סוג של 
סומא היה. הוא ראה 
בשאול את המלך עליו 
דיבר ה׳, אך 
לא ראה שבכוחו למלוך.

שמואל התריע אך גם הרגיע.
"סיפור מלוכת שאול לא יצליח" קרא,
"אך לא יטוש ה׳ את עמו
בעבור שמו",..."אך גם כי
הואיל" - כך הוא אומר - 
"כך הואיל ה׳ לעשות
אתכם לו לעם". (שמואל א י"ב כ"ב)

הואלה זו מהי ? שואל 
מדרש שמואל.

אין הואלה אלא תחילה
יאומר רבי יהודה
אין הואלה אלא לינה
יענה רבי נחמיה

אין הואלה אלא אלה 
יתקנו אותם הרבנים
אין הואלה אלא תוכחה
יחתום רבי יהושע.

ומכאן למדים אנו מה גורם 
להצלחתו של מהלך אלוקי,
ואולי נשיק מכאן למהלך אדם.

מהלך צולח מכוון הוא מן ההתחלה.
עליו להיות מעוגן במקום בו ילון הוא,
כפי שויניקוט יאומר ש״הכל מתחיל בבית״.

אך מוסיפים ואומרים הרבנים
שעל המהלך להיות מחוייב בהחלטה,
בשבועה של האדם. אם לא יתחייב האדם
לא יוביל את תכניתו לסוף דרכה.

ונפלאה מכל היא החתימה :
לא יצלח האדם היחיד אלא שתוכחה
היא מפתח ההואלה. לא תגיע אף
תכנית לסיומה אם לא יוכיח
האחד את זולתו.

האם יש שמואל ללא שאול ?
האם ימלוך שאול ללא הסכמה ?
ללא החלטה ? ללא התחייבות ?
ובמיוחד איך יצליח ללא
תוכחת שמואל, ובהמשך ללא
תוכחת העם כולו.

Le fait même que nous édifions ce pays sur l'hébreu, en hébreu, n'est pas seulement l'aboutissement du fou projet d'un seul homme, Eliezer Ben Yehouda, ou d’un seul visionnaire Théodore Hertzl. C'est aussi le véritable miracle d'Israël, la gloire d'Israël. D'avoir su faire renaître une langue plurimillénaire, oubliée par tant de gens, dans le dialogue tant juridique, philosophique, scientifique, que du café du commerce et de la rue.

Les juifs du monde entier ne se sont pas seulement retrouvés physiquement sur la même minuscule parcelle de terrain que le monde continue à ne pas lui concéder,  ils y sont revenus. Et ils n'ont pas inventé un esperanto, ils y dialoguent en hébreu.

Une reflexion midrachique (midrach Shmuel, 16, 4) précisément sur les modalités d'Israël-l'état, sur ce qui voue un projet à la réussite ou à l'échec, mobilise les richesses de cette langue pour ancrer son propos.

Shmuel, le dernier des juges, le prophète, le voyant tel qu'il est même qualifié (Shmuel I 9,9), celui qui pose les premiers jalons d'un premier état des hébreux, peine à voir l'utilité de l'instauration de la royauté réclamée par le peuple, et par la suite, voit mal en quoi Shaül saura être le roi attendu et espéré. 

A plusieurs reprises il reproche au peuple de vouloir instaurer un tel système, il met en garde contre les malheurs qui ne manqueront pas d'arriver, et il tente par tous les moyens de renforcer l'allégeance du peuple à son seul véritable soutien, le D. d'Israël, celui dont dit-il le dessein est de soutenir son peuple quoi qu'il arrive. 

Peut-être pourrait-on voir dans leur dialogue une préfiguration de ce qui oppose les religieux anti sionistes à ceux qui oeuvrent à créer l'état d'Israël d'aujourd'hui.

C'est sur cette expression hébraïque utilisée par Shmuel pour décrire le projet divin que réfléchit le midrach, littéralement dansant avec la racine trilitère יאל, une danse joyeusement reprise au 19ème siècle par Shimshon Raphaël Hirsch, en Exode 2, 21.

Cette racine, utilisée en hébreu pour indiquer le bon vouloir ("parce qu'il lui a plu de vous désigner comme son peuple" dit la traduction du rabbinat pour :"הואיל"), est littéralement déclinée, si ce n'est assaisonnée, agrémentée par le midrach, qui cherche - et trouve ! - en elle comme la recette de la réussite du projet individuel.

Il n'y a ainsi de projet qui puisse réussir que s'il n'est originé comprend d'entrée le midrach. Il peut y avoir spontanéïté, mais il faut partir du commencement ( אין הואלה אלא התחלה dit dans le midrach Rabbi Yehouda). Ce à quoi répond Rabbi Nehémiah, winnicottien avant l'heure : "c'est de la maison que tout doit sortir" ("אין הואלה אלא לינה").

Les rabbanim, ceux que Lévinas appelait "les docteurs", ont un regard un peu plus pragmatique, à moins qu'il ne soit simplement que moins agraire : l'individu ne réussira dans son projet que s'il s'y sera engagé, voire s'il aura prêté serment ("אין הואלה אלא שבועה" - et שבועה est ainsi interprétation de אלה, qui joue mieux avec notre racine). La réussite d'un projet est proportionnelle non seulement à la motivation, mais  au degré de résolution.

Et c'est Rabbi Yehoshua de Sakhnin - qui ne fut pas toujours ville arabe, où vivaient des juifs il y a mille cinq cents ans - , post-moderne avant le modernisme, qui clôt magistralement : "un projet ne réussit que s'il y a mieux que l'individualisme, que l'initiative d'un seul. Le projet ne réussit que si son héraut n'est pas seulement secondé, mais qu'il est aussi corrigé, admonesté, rectifié, par un Autre responsable à ses côtés dirait-on en langage psychanalytique et philosophique contemporain (אין הואלה אלא תוכחה).

Concernant l'hébreu, et concernant notre - plus si jeune - état des hébreux, c'est effectivement ce qu'il s'est passé. 

Un homme au départ a "vu", a rêvé, a œuvré, s'est engagé, a obtenu du soutien, et son projet, qui renouait avec l'Histoire a fait histoire, est devenu- redevenu non seulement le projet mais le domicile, la patrie, de milliers qui sont devenus des millions.

Ces millions ne sont pas une unanimité. Ils débattent, ils se débattent, ils se disputent, ils se jugent, se font des reproches, et ont instauré la seule véritable démocratie de cette partie du globe, où se développent individus, modèles sociaux, projets scientifiques. 

Et tout cela, en hébreu, dans la langue de la Bible et de ses docteurs.


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