Depuis 42 ans, c’est ã dire depuis mon
arrivée en Israël, j’ai effectué une petite re-direction de mon activité
professionnelle.
En France, j’avais fait mes débuts dans
l’éducation. Education formelle dans les structures de la communauté juive,
éducation informelle dans le cadre des éis, en étudiant en parallèle une
licence de psychologue clinique.
En Israël, après avoir dirigé pendant deux ans un
internat d’élèves de classes de terminale venus étudier en Israël tandis que
les parents de la plupart d’entre eux vivaient en dehors d’Israël pendant que
je poursuivais mes études de psychologie, je me trouvai rapidement engagé dans
l’équipe de direction d’un internat, « Bet Hanna », spécialisé pour
le traitement psycho-éducatif d’adolescents souffrant de lourds troubles du
comportement et de l’équilibre mental, cette fois non plus en tant qu’éducateur
mais en tant que psychologue clinicien.
Ces adolescents niaient pour la plupart d’entre
eux leurs difficultés et ne visaient rien d’autre que d’être enfin non encore
rejetés par la société.
En Israël, pays qui se bat pour sa survie depuis
encore cinquante ans avant la déclaration d’indépendance, l’armée est le
passeport le plus élémentaire à l’entrée dans la vie active.
Il est presque impossible de porter son regard sur
l’armée israélienne avec comme références l’armée française, l’armée américaine
ou toute autre armée du monde, dans lesquelles les adjudants, les officiers,
les généraux paraissent appartenir à un autre monde que celui de la société
civile, ont souvent été représentés comme des brutes, des individus qui sont
devenus d’autant plus gradés qu’ils étaient plus têtes brûlées.
La société civile israélienne n’est composée pour
ainsi dire que d’individus ayant servi trois ou plus d’années, et le résultat
n’est pas une société militariste ou régie par des adjudants.
Le premier « contre-exemple » est le
chef d’état major Raphaël Eytan, à qui l’armée doit la création d’une unité
d’insertion de jeunes ayant grandi dans des milieux et des conditions qui les
poussent à se retrouver exclus de la société.
La plupart de nos adolescents de « bet
Hanna » doivent leur place dans la société aux efforts ajoutés de leur
séjour de trois-quatre ans dans notre internat, puis de leur service militaire
dans le cadre des « jeunes de Rafoul » comme ils sont communément
nommés dans le pays (Rafoul est le diminutif de Raphaël).
Depuis maintenant six ou sept ans, j’accompagne le
travail clinique d’une thérapeute employée dans le cadre du corps d’armée
« netsah’ Yehouda » qui vient depuis ce matin de
« béneficier » d’un privilège international : celui d’avoir été blâmé
par la commission américaine de sécurité du fait des « exactions » de
ses soldats.
Ce corps d’armée, créé il y a bientôt 25 ans est
une autre facette du rôle social de l’armée israélienne. Ses soldats sont tous
issus du milieu ultraorthodoxe, un milieu plus connu par le public
international ces derniers temps que par le passé.
Ce milieu prône la non participation à la vie
civile séculière, arguant que le seul circuit scolaire et professionnel
acceptable pour les garçons et les hommes du milieu est l’étude de la Torah.
Du fait d’un vieil accord passé entre les
représentants de cette frange de la société et le gouvernement du jeune Israël, les
hommes de ce milieu bénéficient d’une exemption de service militaire tant que
leur unique occupation est l’étude de la Torah.
Le corps d’armée « netsah’ Yehouda » (le
mot netsah’ veut dire en hébreu « éternité » mais est l’acrostiche
des mots « noar tsioni harédi » jeunesse sioniste ultraorthodoxe) a
éte créé - à l’instar des « jeunes de Rafoul » pour permettre
l’insertion des jeunes qui désirent s’insérer dans la société israélienne,
malgré leur naissance et leur éducation en milieu ultraorthodoxe.
Ces jeunes sont pour beaucoup d’entre eux rejetés
par leur milieu de provenance, par leur famille, bénéficient de ce fait du
statut de « soldat isolé » durant leur service.
Ils font un service de deux ans précédé et suivi
de périodes dans le cadre de structures scolaires et sociales les préparant à
la vie civile active.
Accompagner une thérapeute affectée au suivi
psychologique des soldats de cette unité n’est pas très différent de
l’accompagnement des adolescents de Bet Hanna…à la différence que ne se
trouvent chez les jeunes de Rafoul que des cas sociaux, alors que se trouvent
dans Netsah’ Yehouda tant des individus sains que des individus en marge de la
société, blessés du rejet dont ils font l’objet.
Il est bien clair à mes yeux d’israélien resté en
contact avec le monde européen que la sanction que cette unité vient de subir
est beaucoup plus politique que fondée sur la réalité, mais que la tendance
européenne est d’être très affectée par les images d’une ville de Gaza en
ruines et tombe très facilement dans une acceptation d'une éventuelle tendance militaire israélienne (armée d'occupation...) à la cruauté, aux exactions, si ce n'est au génocide.
Les soldats de Netsah’ Yehouda sont stationnés
dans la Judée Samarie, ou « territoires occupés », ou
« contestés » et ne sont nullement plus têtes brûlées que l’ensemble
de l’armée israélienne, et nullement plus génocidaires que la société
israélienne…
Les soldats de netsah’ Yehouda sont un des
multiples pans de l’activité sioniste des cent dernières années dont le centre
est la mise en harmonie d’un peuple reconstitué après deux mille ans d’exil.
Cette activité est en oeuvre tant au plan des
multiples provenances géographiques (juifs issus des pays d’Europe, d’Afrique
du nord, d’orient, d’Afrique, d’Amérique) qu’à celui des rattachements à la
pratique du judaïsme (juifs libéraux, ultraorthodoxes, sionistes nationalistes,
laïcs) réunies en Israël
Ces soldats sont un peu un symbole de la
difficulté à former cette harmonie. En clair, ils viennent d’être
« vendus » (pour ne pas dire sacrifiés) à la vindicte internationale
contre la "méchante" armée israélienne qui "extermine" les gentils enfants de Gaza.
Puisse la société israélienne surmonter le
cauchemar dans lequel elle est plongée depuis le 7 octobre, qui durera tant que
les otages restent aux mains des bourreaux du hamas, et qui occulte aux yeux du
monde extérieur les multiples impressionnantes et positives facettes de son état,
au plan social, au plan humain, au plan culturel, au plan artistique, au plan
scientifique, et d’autres encore.
Je continue quant à moi à trouver satisfaction et rétribution à accompagner les pans positifs du travail effectué ici avec une population dans son ensemble extraordinairement bien portante.
Tu devrais essayer de faire plublier ton texte dans le Monde . Peut être que Meir Waintrater ou d’autre peut t’aider ?
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