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Ce 22 août 1981, j'arrivai donc avec
armes et bagages prendre mon poste, et l'appartement de fonction qui allait
avec, dans l'internat de "la mochava", au 5 rehov Dor dor vedorchav,
cette perle architecturale où se trouvait depuis déjà plus de dix ans le "lycée
français de Jérusalem".
Il s'agissait d'un petit terrain
comprenant deux bâtiments et un magnifique jardin les reliant l'un à l'autre,
le tout comme dissimulé à tout regard entre les vieilles maisons du quartier de
la colonie allemande de Jérusalem.
L'appartement de fonction qui m'était
destiné était situé aux deuxième et troisième niveau d'un des deux batiments,
et comprenait une terrasse gigantesque de laquelle on voyait jusqu'à la vieille
ville, mais d'où on n'était visible par personne. Le bâtiment est du style de
ces maisons des templiers dont cette partie de Jérusalem regorge, et il est
situé à quelques minutes à peine d'Emek Refaïm, qui n'était alors pas encore
l'artère fancy de la ville mais dont la métamorphose entamée était déjà un peu
perceptible.
A cette époque, le terrain avait deux
entrées, une par le haut, la rehov Dor dor Vedorchav, pour piétons et
véhicules, et une par le bas, par la toute petite rue Emmanuel Noah', pour
piétons uniquement. Cette deuxième entrée servait aux élèves l'après-midi et le
soir, tandis que l'entrée du haut servait le matin, aux élèves et au
fonctionnement général de l'internat. Je devais condamner l'entrée du bas au
cours des deux ans que je passai sur place, mais je ne le savais pas encore en
cette fin d'été 81.
Je relevais de ses fonctions
Matitiyahou Schliachter qui avait occupé le poste pendant deux ans et qui
quittait par convenances personnelles (je devais deux ans plus tard quitter
moi-même pour exactement les mêmes raisons mais je ne le subodorais pas
encore).
Je les avais déjà rencontrés lui et
sa femme Myriam lors de mon voyage de prospection en juillet. Ils
m'accueillirent très chaleureusement et devinrent des amis pour les
trente cinq ans qui suivirent, nous proposant soutien et accompagnement qui
contribuèrent à notre intégration de telle manière que je leur suis
reconnaissant de cela jusqu'à aujourd'hui.
Pour moi, ce poste était
incontestablement une aubaine (qui fait ainsi son alyah en recevant salaire et
appartement de fonction depuis le premier jour ?) mais il était non moins un
saut en avant.
Marianne renonçait à son rêve des
logements étudiants dont nous avions goûté l'été 1978 quand nous étudiions à
l'oulpan dans l'attente de devenir étudiants à plein temps, et il me fallait
surtout commencer un peu tout en même temps : apprendre à diriger un internat
d'adolescents, mais non moins apprendre à exercer en milieu israélien, ce qui
voulait dire aussi exercer en hébreu au moins en partie. Peu de temps après, il
s'avéra que je devais aussi joindre le statut d'étudiant à celui de directeur.
Je devais ce poste à deux des
fonctions que j'avais remplies au sein des e.i.s. Pendant trois ans j'avais été
responsable national, "permanent au QG", et l'été 1980 j'avais dirigé
l'auberge e.i. C'est la conjugaison de ces deux facteurs qui avait permis lors
des discussions au sommet et des recherches d'un remplaçant à Matityahou, qu'un
(Gaby Weill) dise :"et si on proposait à Jean Pisanté?" Et qu'un
autre (Claude Sitbon) puisse répondre :" ah oui ! Pourquoi pas ? Je le
connais". C'est cette conjugaison qui fit que je reçus un beau jour, à
l'école Maïmonide à Boulogne, un appel téléphonique d'Israël et que fut entamé
le processus.
En juillet, j'avais eu un premier
contact avec cet "état dans l'état" qu'est l'agence juive. Lors de
mon entretien d'embauche avec cette image d'Epinal de kibboutznik
dati qu'était Binyamin Amiram, j'avais dû d'entrée de jeu accepter de renoncer
à être étudiant en parallèle du poste, et je garde de cet entretien un souvenir
global de première prise d'empreinte de Jérusalem, de première immersion dans
ce qui allait être ma nouvelle vie.
Mon interlocuteur me paraissait
proche de la retraite, était vêtu d'une chemise à carreaux, une kippa crochetée
sur le crâne, et je ne savais pas encore que je parlais avec le représentant
d'un parti politique. Tandis qu'il me sondait, je regardais par la fenêtre
située derrière lui, et je voyais les créneaux de l'école Betsalel. C'étaient
mes premiers regards d'habitant, c'était le début de la découverte de ma
nouvelle réalité.
Une autre rencontre préalable avait
été avec un personnage non moins coloré et qui était lui aussi comme
ambassadeur de la tendance politique opposée au sein d'"alyat
hanoar". Le "Docteur" Chaari n'était pas médecin, et je ne savais
pas encore qu'un jour on m'appellerait Docteur Pisanté alors que je ne serais
pas médecin, je ne savais pas encore qu'en Israël un docteur en histoire, en
éducation ou en psychologie ne renonce en aucun cas à son titre.
Ni Binyamin Amiram ni Dr Chaari
n'étaient francophones, et ils étaient chacun persuadés d'être le dernier mot
dans la gestion de cet établissement, qui n'était à leurs yeux que
"le programme français", qu'ils administraient en parallèle du
projet brésilien, du projet américain, le tout ensemble constituant ce qu'était
à l'époque le reste de cet empire d'immigration de mineurs qu'avait été ce
département au glorieux temps d'Henrietta Solz, en cette période où Alyat
Hanoar administrait surtout les internats eux aussi survivance d'une autre
facette de la même epoque révolue, celle de l'éducation en villages d'enfants,
époque du socialisme et des kibboutzim, époque du pionnierisme et des beaux
jours du sionisme socialiste.
Binyamin Amiram et le Dr Chaari
avaient en tête chacun son "lycée français de Jérusalem", sans avoir
une idée exacte de ce de quoi était constituée l'identité juive française des
années 70-80.
Ils étaient à mes yeux un peu comme
deux fossiles, deux representants d'époques qui me semblaient déjà appartenir
au passé, et ils regardaient le lycée et ses élèves uniquement depuis leur
lorgnette israélo-sioniste, mais ils étaient nėanmoins à des postes clés de
notre département, comme c'était aussi le cas dans les autres départements de
l'Agence juive ou de l'organisation sioniste mondiale, regorgeant d'individus
nommés en fonction de l'équilibre obtenu au vote du congrès sioniste, de la
même manière que dans un gouvernement sont attribués les maroquins.
Yosske Shapira était
"notre" ministre, le chef "politique" du département de
"l'alyah des jeunes" auquel je découvrai chaque jour un peu plus que
j'appartenais.
Le lycée français était ainsi réparti
en un établissement scolaire, et trois internats, installés selon la même
logique politique. Un internat religieux, un internat non religieux au sein de
la "havat hanoar hatsioni", ceci non tant du fait que cela
correspondait au judaïsme français qu'à la répartition des tendances au sein de
l'appareil de l'agence juive, et l'internat que l'on me "confiait"
(de facon extrèmement relative comme la suite va le montrer), qui était comme
un terrain neutre entre ces deux extrèmes.
Tandis que les nouveaux immigrants en
Israël découvrent l'agence juive en tant qu'ils sont dépendants d'elle, voici
que j'appartenais déjà à l'appareil, sans pour autant mieux le connaître.
Je découvris dès les premiers jours
qu'exercer ma nouvelle fonction procédait ainsi d'un savant exercice de
funambulisme entre une réelle fonction de direction, à laquelle j'étais
relativement préparé par mon expérience antérieure, et une fonction de
"pion" dans un jeu dont les régles m'étaient totalement étrangères.
Une semaine avant que les premiers
élèves ne commencent à arriver, j'allai de jour en jour, de découverte en
découverte.
Le plus étrange était cette
conciliation, qui procédait de l'acrobatie, entre la fonction de directeur, et
celle de pion.
Au chapitre pion, je devais
travailler dans un bureau, aux côtés d'une secrétaire (Monette), qui
travaillait déjà avec Matityahou et qui était toute bienveillance, mais en ne
comprenant elle-même qu'une partie de toute cette administration dont nous
n'étions qu'un rouage, et dont elle se tenait le plus à distance possible, la
jugeant - à juste titre - comme la dépassant totalement.
Le personnel technique de l'internat
était aussi à la fois une donnée que je devais administrer mais en l'absence de
tout pouvoir, de tout droit de décision les concernant.
Ils étaient les employés de l'agence
juive, ou du catering à qui cette dernière avait confié la cuisine et la
préparation des repas, et ils devaient fonctionner au service de l'internat
mais tout en n'en dépendant absolument pas.
Chaque semaine voyait ainsi défiler
une farandole permanente d'individus, qui tournaient en permanence autour de
l'internat, qui étaient chacun investi de la certitude d'être aux commandes
chacun de son paquebot, et qui n'étaient pour moi que le décor dont je devais
tout d'abord assimiler les règles du jeu. Je voyais ainsi passer, Shmuel
Hoïzman, qui donnait ses ordres au personnel de cuisine et de maintenance, qui
prenait les décisions de travaux d'entretien, qui se vantait auprès de moi
d'avoir eu sous sa responsabilité la signature de contrats de plusieurs
millions, et qui serait le seul décisionnaire si je décidais de faire remplacer
même une simple porte. Apparaissait de temps à autre Shlomo Gabizon, beaucoup
plus chaleureux et aimable que le précédent, qui était assistant social et
"coiffait" apparemment l'état mental général des élèves, mais, non
francophone, il n'était pas le psychologue auquel je pouvais faire appel en cas
de problème (et il allait y avoir des problèmes, je ne le savais pas encore
mais ils ne tardèrent pas à surgir). Je connus aussi un autre
"patron" , Méïr Gottesman, chef de l'appareil executif de l'Alyat
hanoar avec lequel je n'eus que très peu de relations, je connus aussi Méïr
Beck, chef du personnel et duquel je dépendais donc directement.
Paradoxalement, Binyamin Amiram, et le docteur Chaari, cités plus haut, ne
faisaient pas partie de cette farandole. Ils évoluaient dans des sphères
supérieures à cette sous-partie qu'était notre internat. Par ailleurs, je
connus aussi "adon Rogojinsky", qui arrivait presque tous les matins
au volant de sa pontiac rouge et qui était le patron enrichi (on racontait
derrière son dos qu'il avait débuté comme distributeur de thé dans les bureaux
de l'agence juive et avait petit à petit bâti un empire) du catering entre les
mains de qui était laissée la cuisine.
Tous ces personnages d'une certaine
manière ne me "voyaient" pas, à l'exception peut-être de Meïr Beck de
qui je dépendais vraiment et qui semblait investi d'esprit de responsabilité.
J'étais pour eux le "pion" de passage. J'allais être là puis être
bientôt remplacé et cela ne changerait rien à leur vie.
En parallèle de tout cela, j'avais
au-dessus de moi tout un appareil, francophone celui-là, plus spécialement
dédié à la tâche qui était la nôtre et qui consistait à veiller au quotidien et
aux ėtudes des élèves. Je le décrirai plus loin.
Et j'avais autour de moi les
personnages plus directement en place, affectés à notre seul internat, Dany
l'homme d'entretien, Esther la cuisinière et ses subordonnés, et Ruben le
gardien de nuit.
Esther était employée par Rogojinsky,
et elle était d'un calibre bien supérieur à ce qu'exigeait la préparation de
repas pour 60 élèves. En conséquence de quoi étaient préparés au quotidien dans
la cuisine de l'internat AUSSI ces 60 repas, aux côtés desquels Esther
préparait, dirigeant de main de maître toute une équipe qui travaillait au jour
le jour à l'internat mais n'obéïssait qu'à elle, moult denrées destinées à
buffets de réceptions et cérémonies en tous genres. Travaillaient sur place au
quotidien plusieurs employés. Certains étaient comme les représentants de
catégories que je découvrais, propres au paysage israélien, et qui m'étaient
encore étrangères. Il y avait ainsi le mashguiakh', inévitable figurant de
toute cuisine israélienne, de traiteur, de restaurant, ou de tout établissement
pourvu d'un certificat de cacherout. Celui de l'internat était du profil
classique : un septuagénaire visiblement spécialisé dans l'inutilité, et dont
le rôle unique était semble-t-il de trier le riz. Il y avait Ahbed,
l'aide-cuistot principal d'Esther, lui-même en général secondé d'un, deux ou
trois journaliers selon la quantité de travail du jour. Il était à l'image de
beaucoup de ses compatriotes : on sentait clairement en lui une sourde
hostilité dont il était difficile de décider si elle était uniquement politique
ou si s'y ajoutaient quelques ingrédients socio-économiques. Je suppose qu'il
savait l'hébreu mais il ne le parlait pas et nous restait la langue des gestes,
ponctuée d'un minimum de sourires. La situation face à lui était tendue, et
cela s'accentuait encore quand il se mettait à dialoguer comme "autour de moi"
avec un de ses aides, en général sur un air un peu musical. Il me paraissait
toujours qu'en pareilles circonstances, ils se riaient en fait de moi, de nous,
étrangers dans leur pays, ne connaissant ni leur langue ni leurs usages, mais
prétendant néanmoins être les habitants de ce pays plus authentiques et
légitimes qu'eux, visiblement à leur constante irritation.
Le tout constituait une bizarre
situation d'état dans l'état dans l'état.
J'avais un siège et une table dans le
bureau d'un directeur en qui les élèves voyaient l'autorité locale (très
relative pour certains) tandis que les fonctionnaires de l'agence juive ne
voyaient en moi qu'un petit subordonné.
J'arrivais ainsi d'un poste (aux eis)
où j'avais eu la responsabilité d'un budget assez considérable et j'avais ici
une autonomie équivalente à 500 shekels d'aujourd'hui, la comptable de Tel Aviv
que je n'avais jamais vue se permettant de me crier dessus au téléphone si
manquait un shekel.
Nous ėtions dans la dernière ligne
droite avant le début de l'année scolaire, et les peintres et les maçons
étaient en action. J'étais effaré. L'internat entier était repeint comme venait
de l'être l'appartement de fonction dans lequel j'entrais, c'est à dire un peu
comme les bureaux de Spirou peints par Gaston Lagaffe à l'arrosoir automatique,
avec de la peinture jusqu'au centre des fenêtres, les plinthes et le sol.
L'administration avait aussi décidé l'installation d'une grille sur un des murs
extérieurs et un des voisins, Mr Minsker débarqua dans mon bureau à la première
heure de mon troisième jour, un poteau enduit de béton mouillé dans une main,
et un chapelet de reproches en excellent hébreu à la bouche. Il était
scandalisé. Comment avais-je pu lui faire pareil affront ? Installer une grille
entre son domaine et le mien, devant ses fenêtres, sans même le consulter...moi
qui n'avais rien décidé ni même rien su de tout cela. J'étais celui qui avait
les clés du bureau du directeur donc cela me désignait naturellement à être son
interlocuteur. Heureusement, Shmuel Hoïzman, qui venait "inspecter"
les travaux, arriva bientôt et il prit "l'écouteur". Il ne
s'interessa pas plus au niveau de finition qu'aux récriminations de Mr Minsker
qu'il balaya d'une phrase lapidaire qui sonne encore dans mes oreilles : "
assita din latsmekha, ein li ma ledaber itekha". ( "Tu t'es fait
justice toi-même - le pauvre homme avait sorti du béton tous les poteaux avant
que ce dernier ne sèche et que le fait de l'installation de la barrière,
imposée par le même Shmuel Hoïzman, soit irréparable - je n'ai rien à discuter
avec toi !").
Je dus laisser le champ libre, à tel
point que je n'ai jamais su comment ce conflit s'est trouvé règlé. Ce sujet
était résolument au delà du domaine de mes compétences, et surtout, j'avais
d'autres urgences, que ni Shmuel Hoïzman ni Mr Minsker ne soupçonnaient :
j'étais à "jour j - 4". Les élèves arrivaient quatre jours plus tard
et j'avais ce jour ma première réunion d'équipe de l'internat.
Ceci était dans mes compétences et
sera raconté dans les prochains épisodes.
חיי בארץ התחילו בשריד.
אני זוכר במעורפל את הנחיתה הראשונה
שלי בנתב״ג ביולי 1970. זכורה לי אווירת הנחיתות דאז. באופן די קבוע, ריחות פרחי
הדרים היו מקבלים אותך עם היציאה מהמטוס, החום הלח היה עוטף אותך באותו רגע כברכת
ברוך הבא הראשונה, והנחיתה הראשונה בארץ היתה גם ההיכרות הראשונה עם נהג האוטובוס
הישראלי האגדי (וה״אגד״י).
שכחתי את פרטי הנסיעה באוטו, אולי
עמינדב בא לאסוף אותנו ? אולי פשוט נסענו במונית שירות ?
אבל אני זוכר את ההגעה לשריד, את
הכביש הכפרי העובר בין העצים, את הכניסה לקיבוץ דרך שער הברזל הגדול בצבע בג׳ צבאי
בפיתול של הכביש הצר, בנוף המקסים ושתוף השמש של הגליל התחתון.
היה זה עבורי מפגש ראשון עם המציאות
הישראלית, אחרי שגדלנו על המיטוס ששמו : המשפחה שלנו בישראל.
ה״משפחה הישראלית שלנו״ היתה אז
מחולקת אזורית בין שלושה מקומות : קיבוץ שריד, קיבוץ קרית ענבים, ותל אביב.
בקיץ זה, נסענו שלושתנו, דניאל - שזו
לא היתה נסיעתו הראשונה לארץ, ושכמבוגר מאתנו מספר שנים היה לכאורה אחראי עלינו,
מישל ואני. הייתי בן 15.
המשפחה בקיבוץ שריד מנתה 5 נפשות.
דבורה, שהיתה בת הדודה של אימי ושתיהן בנות אותו גיל, בעלה עמינדב, ושלושת ילדיהם,
נחשון (ז״ל), ערן וענת.
במשפחה הגרעינית שלי, אולי בהמשך,
או כבר בתקופה הזאת, ידעו לציין בפליאה כיצד בקיבוץ ״השומר הצעיר״ ידעו לקרוא -
באופן תנ״כי פרדוקסאלי - לילד הראשון שנולד לעמינדב, נחשון. בוודאי לזכר נחשון בן
עמינדב, האדם הראשון שהעז להיכנס לים בשעת ״יציאת מצרים״ האגדית, ושבזכותו נפתח
הים. בתור צרפתים, לא הכרנו את המושג ״קפיצת נחשון״, לא ידענו שהפרט המדרשי-תנכ״י
הזה לגמרי השתלב בעברית המודרנית, וראינו את זה כקוריוז, כהוכחה לדברי ״מניטו״,
המורה והרב האגדי של יהודי צרפת בכלל, ושל הוריי בפרט. ״מניטו״ היה מלמד שאין
לראות את היהודים הדתיים כבעלים בלעדיים של המסורת. הוא היה מדגיש את קיבוצי השומר
הצעיר כהוכחה מסויימת לכך שהגאולה הגיעה. הרי שהם מתנהגים כיהודים על אף שהם לא
מרגישים זאת, או על אף שהם השתדלו לשנות את המסורת ולהתרחק ממנה. והנה. בא ילד
ראשון לאב ששמו עמינדב, והם קוראים לו נחשון !
נחשון היה שנתיים מעליי, ערן היה
שנתיים מתחתיי, וענת היתה אז עדיין ילדה קטנה. אולי בת 9 או 8, אינני זוכר.
דניאל היה כבר דובר עברית יחסית טוב
ואני זוכר אותו מחליף משפטים שלמים עם דבורה ועמינדב להפתעתי ולהערצתי. אני, לעומת
זאת, ידעתי את מה שה״תלמוד תורה״ הקנה לי עד לשלב זה - וזה לא היה הרבה - ועל
כן, הקשר שלי איתם היה מבוסס על תנועות ידיים ועל מילים בודדות.
הקיבוץ היה הבסיס שלנו ונדמה לי
שיצאנו ממנו מעט, לחיפה לפחות, לקרית תיבון הקרובה. בקיבוץ, אני זוכר את ה״חדר״ של
משפחת חרמוני, את מקום העבודה של עמינדב, האסם, ואת הבית חרושת לאבני השחזה, עליו
הסביר לנו עמינדב בגאווה שהקיבוץ היה מייצא אותן עד אל מדינות ערב, בהסוואת שם, כך
שהקונים לא יידעו שאלה מיוצרות בישראל. אני לא פחות זוכר אל עמינדב עצמו, שהיה בעל
מראה גלילי טיפוסי בעיניי. אדם בעל עור שזוף, מיובש ומקומט מהשמש הקשה, עם המראה
הקלאסי והקסום בעיניי של הקיבוצניק, עם הכובע קסקט, השרוול הקצר לחולצת עבודה
הכחולה, השפם והמראה הכללי השרירי. תמונה אחת מהאוסף של פרדריק ברנר, מקיבוץ ברעם,
מראה כך שני חברי קיבוץ יושבים בחדר אוכל קיבוצי, משוחחים זה עם זה וסלט ירקות
ישראלית-קיבוצית בצלחות פשוטות לפניהם.
החום היה כבד, בעיקר לילד שגדל באזור
פריז והתרגל לאקלים ארופאי. אני בעיקר זוכר את העוצמה של אור השמש. אז, לא הייתי
עדיין עוסק בצילום אבל נחשון היה חובב צילום, ואני זוכר אותו או מדבר איתי על זה,
או מראה לי בעיקר ציוד, מצלמה.
ב1973, מעט זמן אחרי פרוץ מלחמת יום
הכיפורים, התבשרנו על נפילתו בשדה הקרב, עוד ביום הראשון של המלחמה, ביום הכיפורים
עצמו, אולי בדיוק שעה שהתפזרה בינינו מתפללי קהילת ״סרוונדוני״ בפריז בשורת השוד והשבר
הנוראה והמחרידה, ואני זוכר משנים אחדות לאחר מכן את החוברת שהקיבוץ הוציא לאור
לזכרו, ובתוכה זכרונות, מכתבי פרידה ושירים, וכמה צילומים שהוא צילם. אני לא יודע
אם ״ירשתי״ חלקית את אהבתי לצילום מנחשון, אבל אני יודע שהתמונות שאני רואה בחוברת
זו, די דומים לדברים שגם אני אוהב לצלם.
אני זוכר באופן ספציפי תמונה של נוף
מדברי, וגם תמונת התפלגות אור מאחורי ברז השקייה.
אין לי עוד הרבה זכרונות מהשבועיים
האלה בקיבוץ שריד, חוץ מערב אחד בו הקרינו את הסרט ״רוזמריז בייבי״ של פולנסקי.
ניתנה כנראה הוראה בקיבוץ שהסרט מתאים רק לבני 16 ומעלה, או לפחות לילדים מבוגרים
מאתנו, ואני זוכר איך מישל ואני התגנבנו לראות את הסרט בהחבא. לא נראה לי שההקרנה
היתה לאור הירח, אבל אני זוכר אותנו מתחבאים במדשאות ובין העצים של הקיבוץ בחשכה.
אני זוכר את הכעס של דניאל כשהוא גילה זאת, ואני זוכר טוב שהוא צעק על מישל, ולא
צעק עליי.
מבלי שאני זוכר את הרגש שלי באותו
רגע, אני זוכר שאני רשמתי את הפרט הזה לעצמי. מספיק כדי לזכור אותו עד היום.
מישל גדל כילד ״בעייתי״. בתקופה זו,
ידעתי שהוא ידוע כילד שובב, קצת כילד שאין אפשרות לשלוט בו, כילד שמשגע מורים בבית
הספר, כילד שעובר מבית ספר לבית ספר. הכרתי את יכולת ההשתוללות שלו, בין היתר
מארועים שהיינו שותפים להם, לאו דווקא ארועים לכבוד שנינו, מעשי קונדס של מתבגרים
צעירים. מעט אחרי הנסיעה הזאת, העניינים שלו הסתדרו, לשמחת כולם, בזכות רב
פרנקפורטר מקהילת ״עדת יראים״ בפריז, והוא החל, יחד עם הוריו, את השינוי הרדיקלי
בחייהם, מחילוניות עד לשמירה קפדנית של המצוות, שהובילה להתמעה מלאה בעולם החרדי.
בשנת 1970, הוא כנראה היה עדיין קצת נושא לחרדה עבור דניאל, שבנוסף קיבל את
האחריות עליו לחודש זה, ואולי בגלל הקושי, הוא מיהר לצעוק עליו, בו בזמן שלא הייתי
בעיניו נושא לדאגה, וגם הייתי שנה וחצי מבוגר ממישל.
אני גם זוכר מחודש יולי זה שנסענו
לחתונתם של נורית ויוסי כנראה איפהשהו באזור תל אביב אם לא בתל אביב עצמה. אני לא
זוכר כמעט כלום מהחתונה עצמה. את נורית ויוסי הכרנו בעיקר בחודש אחרי, כשיוסי
בעיקר לקח אותי, את הורי ואן לטיולים נדמה לי באזור יריחו. מהחתונה נשארת לי תמונה
בזיכרון, אך נדמה לי שזהו זיכרון של תמונה, תמונת פורטרט של שניהם בזמן החתונה.
יכול להיות שהחתונה היתה הביקור היחיד
שעשינו בתל אביב, שהיתה אז יעד מאד לא פופולארי בקרב משפחתי. עיר לא מחוברת
ליהדות, ואולי עיר שמסמלת את כשלון העליה של הסבים שלי. נורית, אחותה הצעירהשל
דבורה היתה מתגוררת בתל אביב אצל אביה יהושע אבל אני לא חושב שביקרנו אצלם בבית.
בשלב מסויים, כמתוכנן מראש, עברנו
משריד לקרית ענבים והכרנו את המשפחה שלנו השניה, משפחת טאובר. יאיר היה אחיה למחצה
של סבתי, היו לו שני בנים ישראל ורמי, והוא היה אלמן ונשוי בשנית לשולמית. גם להם
היה חדר צנוע ואמנם היה הקיבוץ בעל מראה פחות מושקע, פחות ירוק.
בקיבוץ היה - איך לא - חדר אוכל אף
הוא יותר בסיסי ופשוט מזה של שריד, היה מועדון פתוח בערב, שהזכרון המרכזי שנשאר לי
ממנו הוא זכרון של תמיהה : מה יש לחפש במקום זה, בו אין כלום חוץ מאנשים מפטפטים
זה עם זה ערב ערב ?
קרית ענבים יושב לא רחוק מירושלים
ואני זוכר את הנסיעה באוטובוס אגד הישן, דרך ״שבע האחיות״, הלא הם שבעת הסיבובים
של הכביש הישן, בהם האוטובוס היה נראה מוציא את נשמתו בו בזמן שהנהג היה משחק בלי
סוף עם ידית ההילוכים תוך שהוא בקושי מסתכל אל הכביש, עסוק בדיון סוער עם הנוסעים
על משחק הכדורגל האחרון, או על המצב הבטחוני-מדיני.
אני זוכר את חדר האוכל, את המועדון,
ואת החדר של יאיר ושולמית. כשהגענו לשם, מיד אחרי שריד, השתלבנו בתכנית שכנראה
יאיר תפר אותה עבורנו. אני עבדתי באפרסקים, בבית האריזה. אנחנו היינו אוכלים בחדר
האוכל כי אז לא היתה אלטרנטיבה, והיינו מבלים קצת בבריכה, קצת בנסיעות לירושלים.
יחד עם כמה צעירים, חלקם מתנדבים סקנדינביים,
יצאנו לטיול בנגב, במשאית ישנה שהרכיבו לה כמה כסאות מתקפלים לנוסעים בתא המטען.
אני לא זוכר מטיול זה כלום חוץ
מהנסיעה עצמה, עם החלק האחורי הפתוח, ואחד הנוסעים שמדגים לנו את האפקט המפתיע של
כוח התנופה : הוא היה זורק תפוח בקו אנחי תוך כדי נסיעה, והתפוח נופל היה לו חזרה
לתוך היד למרות שהמשאית נוסעת במהירות.
היה זה קיץ עשיר מאד. ההורים הצטרפו
אלינו לחודש השני, ואיתם המשכנו בביקור, בתיירות ובנסיעות, עד אילת, כולל ים המלח,
מצדה ועוד.
קיץ שהשאיר חותם מאד חזק עליי ואולי
כבר זרע את זרעי העליה שהתבצעה 11 שנים לאחר מכן.
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