Hier soir, manifestation. Pour la quatorzième semaine consécutive. 300000 personnes sur tout le pays, 140000 à Tel Aviv, et 12000 devant la résidence du président de l’état à Jérusalem.
Scénario devenu,classique. Deux manifestations l’une a côté de l’autre. L’une réunie autour de l’urgence de « garder la maison de tous », urgence d’unité du peuple, l’autre contre l’occupation des territoires.
Sur le trottoir d’en face quelques isolés qui vocifèrent ou brandissent des pancartes accusant les « gauchistes » de traitrise, d’avoir ruiné le pays, déjà depuis Oslo en 1993. Si Rabin était encore vivant, ils le souhaiteraient mort encore aujourd’hui.
La manifestation majeure, celle de la garde de l’unité, fait monter comme chaque samedi soir plusieurs orateurs à la tribune, aujourd’hui seulement oratrices. Une femme qui fit son alya d’Argentine, qui vit depuis vingt ans en bordure de Aza, aujourd’hui à Sdérot, qui vit dans les abris de longues périodes, qui raconte comment c’est la cour supréme sous Olmert qui a contraint le gouvernement (de droite encore une fois) à construire les abris â Sderot, qui raconte le stress et qui termine son allocution sur « j’ai vécu en Argentine sous la dicature, je cherche à ne pas finir mes jours en Israël sous la dictature ». Lui succêde une femme arabe voilée, musulmane de Acco, qui parle au nom de l’unité des habitants de ce pays et de l’exigence d’égalité des droits. Lui succéde une enfant. Une éléve de classe de seconde du lycée Leyada, si les élèves de seconde parlaient tous ce langage, d’exigence de démocratie, d’exigence du maintien dans le pays d’un organe de contrôle du gouvernement, nous n’aurions pas besoin de manifester : la relève serait assurée. Lui succède une femme féministe ultraorthodoxe dont le discours fait moins l’unanimité, met trop les harédims en position de victimes aux yeux de l’ensemble de l’assemblée semble-t-il mais est quand même applaudie quand elle termine son discours par un message personnel au président lui suggérant d’inclure au mpins une femme ultrorthodoxe dans la composition des équipes de négociation entre partisans et opposants à la réforme. Et parle en dernier une récente ancienne députée, la moins performnte des oratrices de cette soirée.
Comme régulièrement, les interventions sont ponctuées de cris de foule, cris de slogans contre ce gouvernement, de quelques chants.
Notre meneuse de soirée, formidable étudiante en droit à la voix stridente et animée d’une magnifique énergie, fait chanter en choeur le « avadim hayinou » de Pessah’ avant de clore par le chant de la hatikva.
Le public « d’anarchistes » (selon les gredins qui nous gouvernent) est composé.pèle mêle de religieux et non religieux, jeunes et (parfois beaucoup) moins jeunes, la plupart équipés de t-shirts avec slogan imprimé, et de drapeaux d’Israël, je reconnais bon nombre de professeurs d’université, de personnalités, l’ambiance est trés digne, s’est ouverte par une minute de silence à l’évocation des victimes des deux derniers attentats.
La tri présence à cette soirée est comme symbolique de la situation actuelle dans le pays. Mais selon une répartition en tiers différente de celle de hier soir.
Les opposants à la réforme sont surtout animés de la préoccupation quant au caractère démocratique de ce que deviendra l’ètat si passe la réforme. Les slogans sont surtout autour de l’exigence de conservation de trois corps distincts, le juridique, le législatif et l’éxécutif, contre une réforme qui vise ouvertement à inféoder la haute cour au gouvernement, et qui met le pays à la merci de ce dernier. Les manifestants voient ce gouvernement comme le plus extrémiste qu’ait connu Israël et comme éminemment non crédible, et visent qui à l’arrêt de ce processus de reforme, qui à la chute de ce gouvernement.
Les partisans de ce gouvernement sont à mon opinion deux parties bien distinctes, qui sont toutes deux satisfaites de la coalition mais pour des motifs fort différents. Une partie est celle qui milite pour l’Israël promis par la prophétie. Ils visent à ce que se réalise la prière prononcée trois fois par jour que « voient nos yeux le retour de la Présence Divine à Jérusalem » et la réinstauration des sacrifices au temple. Certains sont plus pressés que d’autre, certains manifestent leur voeu par le biais des implantations, mais il est le fondement de leur position politique. Ils se fichent de la démocratie. Certains affichent à voix haute la préférence pour une monarchie comme préconisée à leurs yeux par la Bible.
Ils se sentent comme opprimés depuis la création du pays par la tendance séculaire qui se préoccupe d’un accord international sur la façon dont est géré le pays, qui est inféodée à ce grand Satan qu’est l’Amérique, et qui ne laisse se développer ce caractère biblique d’Israël qu’au compte-gouttes, quand ce n’est pas en le brimant réellement.
Cette partie ne reprend nullement l’exigence morale qui ne se trouve pas moins dans la Bible, et ne voit aucun problème à maltraiter les habitants arabes, qui par vengeance contre leur politique d’attentats depuis les débuts du sionisme, qui par conviction qu’une forte politique de présence civile et militaire finira par leur faire comprendre qui est le véritable habitant du pays, qui en adhérant à une tendance fasciste, à l’image de Méïr Cahana.
Pour cette première partie, le slogant « dé-mo-cra-tie » scandé par les opposants à la réforme ne les intéresse pas, ils le traitent avec mépris. L’installation d’une vraie démocratie est encore un signe d’inféodation aux nations, qui ne connaissent pas le sens de l’Histoire, qui ne comprennent pas que le judaïsme est « autre chose ».
La seconde partie des partisans de la réforme sont les bibistes. Membres du likoud ou non, qui plus ou moins choqué par le mode de gestion du pays , ils voient surtout Bibi comme le seul chef de gouvernement possible. Il sait montrer un Israël fort, il est le Trump local, et ils sont les républicains israéliens. Ils sont sûrs que tout ce qui se dit contre l’actuel gouvernement, Bibi y compris, n’est que médisance, reprenant en cela le discours « républicain » tenu par Trump comme par Bibi, selon lequel la « gauche » (démonisée) est l’architecte de la chienlit qu’elle cherche, ayant noyauté au fil des années tant la presse que l’université, que le système juridique en place.
Ceux-ci sont comme aveuglés par ce discours radical anti gauchiste et soutiennent une réforme reconnue il y a trois semaines y compris par son architecte comme mettant le pays en danger de dictature : ils n’y croient pas, voient en Bibi le meilleur chef d’état possible et lui pardonnent toutes ses frivolités et corruptions.
La première moitié est comme royaliste comme idéal biblique, la seconde dans les faits.
Et la clique de canailles qui a réussi à créer une coalition sur cette base n’a ni de programme idéologique d’Israël biblique, ou religieux, ou débarrassé d’arabes, mais seulement voit le profit qu’ils retireront de leur présence au pouvoir, profits d’intérêt principalement, profit de corruption, profit pour Bibi de se débarrasser de la menace juridique qui pèse sur ses épaules.
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