L’attaque du hamas ce 7 octobre 2023, qui
nous trouve encore abasourdis aujourd’hui, qui laissera en nous des blessures
sur des décennies, du fait de sa violence et de son caractère inhumain mais
aussi du fait de notre faiblesse qu’elle a exposé au grand jour, cette attaque
a eu lieu à une date bien précise.
Le 7 octobre est d’une part le lendemain même du
jour anniversaire de la guerre de kippour, qui nous avait trouvés en même
posture, et les journaux israéliens et même d’autres pays étaient pleins ces
dernières semaines de la commémoration des cinquante ans de cette sinistre date.
Le 7 octobre était d’autre part jour de fête en Israël,
paradoxalement le jour du summum de la joie, la fête qui clôt Souccot
communément appelée la fête « par excellence », et la fête du
bouclage de la boucle annuelle selon laquelle la Torah est lue par le peuple
d’Israël d’année en année, la fête de la Torah.
Comme si cette coïncidence avait été choisie à
dessein par les programmateurs de l’attaque, qui choisissaient ainsi de porter
un coup supplémentaire au coup militaire.
Comme si cette guerre portait un élément visible,
celui de l’opération purement militaire, très réussie pour un aspect, celui de
la surprise, celui de l’envahissement très temporaire mais néanmoins réel, mais
aussi un élément sous-jacent, peut-être de plus forte portée. Élément de
démoralisation, qu’il est encore prématuré de savoir si telle sera sa portée.
Il y a une autre coïncidence de calendrier à
laquelle se rattache cette attaque, qui a provoqué un état de belligérance qui
dure depuis, qui va peut-être être long, et c’est celle de ce que raconte la
Torah dans ce qui se lisait shabbat dernier dans les synagogues, l’histoire de
Noé et du déluge.
Selon un courant très important dans le monde
juif, courant directement induit par Maïmonide, le penseur juif qui vécut de
1140 à 1205, né en Espagne, passé en Israël , installé en Egypte puis enterré à
Tibériade, les récits de la Torah sont avant tout des paraboles. Ils ne
décrivent pas tant une réalité dont ils sont les témoins qu’ils sont le
véhicule de messages masqués par le récit.
On ne sait donc pas si ce déluge a réellement eu
lieu, quelles ont été ses dimensions, ses conséquences (les licornes ont-elles
existé puis disparu dans le déluge comme le dit la chanson ?), mais on sait que
le déluge est un événement universel qui appartient à l’histoire de l’humanité.
D’après le texte hébraïque, ce déluge est
déclenché par le Créateur du fait de son diagnostic de l’état du monde, monde
qui serait entièrement perverti, à tous les plans, situation décrite
bizarrement par le terme hébraïque…. « hamas ».
C’est un mot relativement fréquemment utilisé au
long de la Bible (quelques 50 occurrences) et dont le sens premier est
« violence », tandis que sa première occurrence est le déluge dans
lequel il décrit une situation au-delà de la seule violence, une situation qui
justifie la remise à zéro des compteurs de l’humanité.
Ce déluge est décrit dans la Bible comme une
situation d’enfermement, la famille de Noé et les spécimens des espèces
d’animaux existant sur la terre se tenant enfermés dans l’arche le temps que la
tempête et la pluie cessent et que la terre redevienne habitable, et que l’humanité
puisse être reconstruite, repartir sur d’autres bases.
Il est difficile de ne pas voir une sinon
plusieurs analogies entre ce texte et la situation que nous avons vécue et
continuons de vivre.
Situation d’incroyable violence, qui dépasse les
antécédents connus (on a beaucoup parlé du pogrom de Kishiniev de 1903…mais qui
fit considérablement moins de morts que le seul 7 octobre), violence dont les
pogroms qui se sont abattus encore et encore sur les juifs apparaissent
aujourd’hui comme de faibles répétitions générales, comme ce qui a inspiré ceux
qui ont fomenté cette attaque.
Et la question qui est présente chez tous est
celle du lendemain.
Quoi souhaiter pour demain, œuvrer dans quelle
direction ?
Israël doit bien évidemment œuvrer pour ne plus
jamais être surprise de la sorte c’est une évidence. Israël va reconstruire et
repeupler la région, probablement après l’avoir renommée (le terme encore en
usage de « Otef Aza - ce qui entoure Gaza » doit disparaître, le
terme Gaza doit disparaître du vocabulaire israélien), c’est une deuxième
évidence.
Mais quelle suite avec les gazaouis ? Avec les
palestiniens ? Avec les iraniens ?
Israël est encore menacée, comme il y a 75 ans (sa
création), comme il y a 50 ans (la guerre de Kippour), et il y a cette question
incontournable (sauf par les inconscients..et il y en a ) de la relation avec
ces voisins, qui constituent aussi par exemple une main d’œuvre dans tout
Israël et dans de nombreux domaines, dont la construction et la santé ne sont
que les plus visibles).
Serait-il incongru de questionner le texte ? Ce
texte écrit en premier lieu sous forme de paraboles et d’énigmes selon ce qu’en
dit Maïmonide, afin de transmettre des messages pluri centenaires.
Des midrachim racontent comment cette question a
occupé Noé et ses fils dans l’arche. Ils se seraient même opposés, les uns
dessinant tel avenir, un autre et un autre une autre et une autre version.
Comment règle-t-on la question de la répartition
du pouvoir dans le monde ? La question de la guerre dans le monde ? La question
de la moralité dans le monde ?
Certains ont suggéré de regarder la situation
comme si nous avions été radicalement changés, nous les israéliens et peut-être
aussi le monde au sens plus large.
Peut-être avons-nous ainsi découvert que les nazis
n’avaient pas atteint les sommets de la haine et de la cruauté et que d’autres
pouvaient faire pire qu’eux ?
Certains disent que ces évènements feront tomber
« la conception » selon laquelle des pourparlers de paix étaient
imaginables, selon laquelle ont eu lieu les accords d’Oslo, camp David. Gardons
en mémoire que les porte-paroles de cette opinion avaient déjà la même opinion
avant le 7 octobre. Ils ne font que répéter ce qu’on les a entendu dire
plusieurs décennies. Et ils répètent cela malheureusement sans penser au
lendemain.
Ces arabes vont-ils disparaître ? Cet esprit de
haine et avec lui ce désir d’anéantissement qu’ils ont acté il y a trois
semaines vont-ils disparaître ?
Le premier ne disparaîtra pas. Pour sûr. Aucune
ethnie ne disparaîtra comme par enchantement. Il s’agit d’un phénomène primaire.
Le second est par contre un phénomène secondaire.
La conduite de l’homme n’est pas immuable. Nous avons assisté au fil des
siècles à bien des modifications dans la carte géopolitique de l’europe, du
monde, à bien des évolutions dans les relations interhumaines, interethniques.
Comme pourrait nous l’enseigner le déluge. En
situation extrême, le Créateur intervient (est intervenu ? Et a prévenu qu’il
n’interviendrait plus nous enseigne-t-on). Mais la suite revient à l’homme
comme l’illustre le midrach qui imagine Noé et ses fils en discussion sur la
mise en place de la société post diluvienne.
C’est à l’homme que revient le devoir de gérer la
vie des hommes entre eux.
Et il n’y aura probablement aucune autre
conception que « la conception ».
Mais les évènements vont peut-être dicter le
rythme.
Aujourd’hui, les porte-paroles de la paix, de
l’amitié entre les hommes sont complètement inadéquats. Ils doivent se taire.
Laisser le temps aux plaies de se refermer.
A l’image de ce qui se passe entre deux individus
qui doivent se calmer avant de se re rencontrer, les israéliens et les gazaouis
doivent les temps à venir ne pas se côtoyer. Ne pas communiquer, ne rien avoir
en commun.
Je rêve de deux frontières et peut-être cela se
réalisera-t-il ? Une bande inhabitée et idéalement infranchissable devrait nous
séparer.
Que les travailleurs gazaouis se débrouillent.
Si vient à naître une génération qui voit la
situation différemment, alors nous dialoguerons avec eux.
Mais pas maintenant. Ils se sont comportés comme
des gens qu’il convient de voir comme maudits.
Nous parlerons peut-être avec leurs petits-enfants.
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