Samedi soir 4 novembre 2023, premier shabbat de novembre,
quatrième de la guerre.
Presque incroyable d’écrire ces mots.
On a beau savoir qu’Israël a connu maintenant de
nombreuses guerres, on a beau y vivre depuis quarante deux ans, on n‘avait pas
encore vécu de véritable guerre.
On vivait au rythme des
« opérations », chacune affublée de son nom plus ou moins imagé
(« plomb fondu »), plus ou moins littéraire (« les raisins de la
colère »), mais ce n’étaient pas des guerres. Opérations éclairs suite à
tel ou tel enlèvement ou provocation.
On pensait avoir vécu la « guerre » du
Liban, la première ou la deuxième, la « guerre du golfe », mais ce
n’est que maintenant qu’on peut mesurer la différence.
Sans minimiser les autres, elles ne nous ont
procuré que ce qui est avant-goût de ce que nous vivons ce dernier mois.
Le 7 octobre a été un événement dont il est déjà
clair combien il s’inscrira dans l’histoire du moyent orient si ce n’est
l’histoire du monde. Il a plongé Israël dans la stupeur et a créé un
traumatisme qui nous accompagne depuis. Ce déferlement de barbarie à visage
humain sur le sud du pays, sur ce qui s’appelait encore « la ceinture de
Gaza », et qui a déjà été définitivement débaptisé encore le jour même,
cette si gigantesque défaillance de nos systèmes de renseignement, de défense,
d’écoute et de réaction, ont été sans comparaison avec des évènements
précédemment vécus ou relatés.
Le monde a été aussi bousculé mais cela n’a été
que le temps de quelques heures.
Depuis qu’Israël riposte, la presse et les
hommes politiques de la plupart des pays savent surtout mettre en exergue les
images de maisons détruites par les bombardements et les termes destruction,
massacre, génocide, ne sont plus imputés qu’entièrement à Israël, les habitants
de la bande de Gaza ayant reconquis instantanément leur sempiternel statut de
malheureux, de misérables, de damnés de la terre.
Et c’est d’eux et surtout d’eux que parlent la
presse et les haut-parleurs du monde soi-disant civilisé. Et ce sont les
manifestations en soutien à Gaza qui sont l’activisme mentionné par la presse.
Du bas (et non du haut) de leur courte mémoire
nous n’avons pas 1400 personnes assassinées le 7 octobre, bébés, enfants,
jeunes femmes, vieillards, handicapés, civils, juifs et non juifs, assassinés
aveuglément dans cette épouvantable actualisation de la férocité des mythes de
l’histoire ancienne. Alors que Attila et ses huns se sont répandus sur notre
territoire, nous qui avons été ce jour-là si impuissants face à eux. Un seul
demi-jour d’inattention et tant de morts et de kidnappés ! Tant de sauvagerie..
À leurs yeux frappés de cécité sélective, nous
n’avons pas 240 otages, aussi de tous les âges, de toutes les conditions, et de
toutes les obédiences. Et nous n'avons pas d'enfants réquisitionnés ou appelés.
Nous avons de nouveau l’armée la plus
professionnelle du monde, et donc la plus violente, et ce qui est au-devant de
la scène est combien Gaza vit un désastre, un massacre, un génocide.
Et cela est scandé par les manifestations des
rues parisiennes, londoniennes, newyorkaises et par ces champions des droits de
l’homme et de l’humanisme que sont Erdogan ou Abou Mazen.
Champions de la cruauté quand il s’agit de leurs
propres ennemis, mais aussi champions de la perversion de la langue. L’auteur
d’une thèse négationniste « sait » quel est le véritable sens du
mot génocide. C’est de lui qu’il faut l’apprendre. Celui dont le pays a perpétré
le génocide du peuple arménien « sait » dire ce que sont les crimes
contre l’humanité.
Nous avons le privilège d’avoir reçu de
meilleures leçons.
Leçons de vocabulaire, mais aussi leçons
d’humanité. Nous n’irons pas écouter les accusations couvertes ou découvertes
du bon ton de la société européenne, et nous sommes tristes des vœux de paix
incluant généreusement les deux côtés du champ de bataille. Parce que le seul
message éthique qui ne soit pas obscène aujourd’hui est « qu’il y a un
temps pour la guerre et un temps pour la paix » (Ecclésiaste 3, 8) et
qu’aujourd’hui la guerre prévaut. Et aussi parce que « celui qui veut la
paix doit s’armer pour la guerre » (si vis pacem para bellum).
On voit ici que nous sommes en guerre non par la
multiplication des images de destructions ou des condamnations erdoganesques
(ou mélenchonesques..) mais bien plus par l’ambiance israélienne.
Qui ne connait personne qui fasse du
volontariat, qui en allant rendre visite ou pratiquer son métier dans les hôtels
où sont logés les réfugiés ?
Qui n’est pas directement ou indirectement
impliqué dans l’achat ou la revente de produits agricoles des régions
frontalières du pays où la main d’œuvre a été assassinée (zone frontalière de
la sinistre bande de Gaza), a pris la fuite ou a été provisoirement relogée
ailleurs (zone du nord du pays, principalement du doigt de la Galilée) ?
Qui ne se trouve pas à prêter main forte en
agriculture ? Je sais déjà beaucoup mieux qu’il y a un mois comment
désherber un champ, conditionner pour la vente laitues ou fenouils, cueillir
tomates ou poivrons…et je suis loin d’être seul quand je me programme une
journée au kibboutz Karmiya.
À la maison, les portes sont relativement non
cadenassées quand nous sommes de sortie, et fermées plus à double tour que
jamais justement quand nous sommes à l’intérieur. « L’espace
protégé » existant dans de nombreuses (mais en nombre encore insuffisant)
demeures israéliennes est devenu espace de protection non uniquement contre les
bombes lancées de loin comme on l’a toujours considéré mais aussi et de façon
bien plus inquiétante contre les incursions à main armée…car qui n’a pas vu ou
entendu les récits et les images des massacres du 7 octobre 2023 ?
Dans de nombreuses régions du pays, les journées
et les soirées sont scandées par les alertes, heureusement le plus souvent
suivies du boum de la destruction en vol du missile ou de la roquette.
Les écoles ne fonctionnent que partiellement :
il faut ne pas faire entrer à la fois plus d’enfants que ne peut contenir
l’abri.
À la communauté le groupe de soutien interfamilial
a vu son activité se multiplier, à la synagogue, le nombre de fusils d’assaut
dans la pièce, portés par des pères avec un enfant en bas âge sur le bras est
aussi impressionnant et sans comparaison avec le vécu des trente dernières
années.
Les journalistes et les politiques de la presse
internationale préfèrent montrer encore et encore les ruines de Gaza et appeler
encore et encore à la paix. Appeler à museler cet Israël assoiffé de sang. À
l’empêcher de détruire Gaza et sa population civile. Vraiment ?
Les kibboutzim et autres villages qui ont été
sauvagement et cruellement attaqués le 7 octobre, et pour certains amputés de
plus de la moitié de leur population - civile pour le coup, une partie
exterminée une partie kidnappée, étaient - et seront - habités par de nombreux
pacifistes. Personnes actives au transport de malades depuis Gaza jusqu’aux hôpitaux
israéliens, personnes ayant créé ou membres actifs de telle ou telle ong œuvrant
pour la paix…Ces pacifistes, ces enfants, ces vieillards, ces invalides étaient
autant de cibles des brutes de violence aveugle du 7 octobre .
Israël ne frappe pas aveuglément. Je connais
suffisamment aujourd’hui de soldats, conscrits ou réservistes sous les
drapeaux, au front ou en deuxième ligne pour croire aux récits, témoignages et
déclarations de combat éthique non vengeur et pour prendre mes distances du
fiel qui sort de la plume ou la bouche de ces détracteurs d’Israël.
Aucune idéologie juive (aux siccariotes de
l’antiquité et à Kahana d’aujourdhui près) n’a jamais appelé à la violence,
encore moins à la vengeance, et c’est encore ce que l’on entend aujourd’hui
dans les lieux de réunion si on se donne la peine de bien vouloir aller
écouter.
La prière du samedi matin est, dans notre
communauté comme dans la plupart des synagogues du monde juif, accompagnée d’un
discours en relation avec la portion de Torah lue la même semaine.
La semaine dernière, l’orateur, par ailleurs
individu connu en Israël par ses interventions quotidiennes sur les chaînes
radiophoniques, l’orateur lui-même directement touché par la situation voyait
le lien dans la personnalité généreuse, altruiste et désintéressée du
patriarche Avraham.
Le peuple juif est revenu habiter sur sa terre.
Non du fait d’un quelconque message colonialiste mais bien dans la continuité
du message transmis de parents à enfants de génération en génération
« l’an prochain à Jérusalem ». Le peuple juif a dû faire face à
plusieurs guerres d’extermination, la dernière en date faisant encore rage, et
il continue à souhaiter la cohabitation, à ses kahanistes près. C’est ce son de
cloche que l’on souhaiterait plus fortement exprimé par les médias, par les
ambassadeurs officiels et officieux.
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