jeudi 30 mai 2024

Peuple élu, peuple maudit.

 



En octobre, très peu après le début de la terrible guerre que nous vivons depuis bientôt huit mois, le monde s’émut soudain du « massacre » qui aurait été commis par l’armée israélienne, taxée d’avoir bombardé l’hôpital Shifa de Gaza et d’y avoir fait des dizaines si ce n’est des centaines de morts.
L’Europe et ses porte-voix s’étaient empressés d’appeler au drame, et le président de la très digne Autorité Palestinienne avait appelé à la condamnation du « massacre ».
Il s’était avéré assez peu après que le drame ne provenait pas d’un bombardement de Tsahal, mais d’une roquette tirée depuis la bande de Gaza et tombée accidentellement, il s’avérait aussi qu’il n’y avait pas la quantité de morts annoncés, que la dite roquette n’était pas tombée sur l’hôpital…mais le mal était fait, le but médiatique était atteint, Israël avait un « massacre » à son passif.

Il y a peu, un bombardement ciblé israélien, de ces coups envoyés avec la précision que seule l’armée israélienne possède, atteignait deux hauts placés dans la hierarchie de guerre du hamas…mais faisait près de cinquante morts, parmi lesquels femmes et enfants.
L’incident survenait deux ou trois jours à peine après l’ordre intimé par la cour internationale de justice sise à La Haye de cesser les hostilités à Rafiah’.
Peu importe que l’ordre donné par la cour ait été nommément adressé aux deux parties, peu importe que ce bombardement ait été précédé d’une pluie de roquettes sur Tel Aviv et le centre d’Israël, c’est une nouvelle fois Israël qui faisait les titres des journaux.

Israël, ce pays voyou, ne respecte pas les vénérables institutions internationales. Israël viole encore et encore une résolution après l’autre.

L’Espagne, l’Irlande, nos amis de toujours s’empressèrent de reconnaître unilatéralement la Palestine avec Jérusalem (est) comme capitale, et le premier ministre espagnol était aussitôt relayé par sa ministre des affaires étrangères qui annonçait la décision espagnole comme le premier pas vers la libération totale de la Palestine « depuis le fleuve jusqu’à la mer ».

Encore une fois, il s’avéra quelques heures à peine plus tard que les dits morts n’avaient pas été victimes directes du bombardement, mais de l’incendie qui se déclencha, dû à la présence sur les lieux d’un entrepôt d’armes (ne demandez pas ce que fait un entrepôt de munitions en pleine ville, à Gaza ces entrepôts sont situés dans les écoles, dans les hôpitaux…), incendie qui toucha une population située à plusieurs centaines de mètres du dit bombardement criminel.

Israël fait reposer son identité dans l’affiliation à la Torah, qui enseigne et ordonne six cent treize commandements, auxquels s’est astreint le peuple d’Israël. Parmi ces commandements, certains sont uniquement religieux mais bon nombre sont non moins civils, tels le respect de la veuve, de l’orphelin, de l’étranger, des animaux, des limites de propriété, relatifs au prêt, et la liste est très longue comme spécifié ci-dessus.

Parmi ces commandements figurent ceux « qui échappent à la logique et à la compréhension, telles les lois de la cacheroute, de l’interdiction de consommer certains aliments. J’entendis une fois, dans les tout premiers temps de mon existence à Jérusalem, le rabbin Goren, alors déjà plus rabbin en chef de tsahal, expliquer que nous ne comprenons pas ces lois, mais nous avons le droit de réfléchir, d’associer les concernant. Il proposait ainsi d’apprendre de l’interdiction de manger des espèces marines qui ne soient pas pourvues simultanément de nageoire dorsale et d’écailles, une invitation à être des individus qui remontent le courant, comme seuls sont capables de le faire ces éspèces doublement pourvues.

Le peuple juif vit à contre courant de l’humanité. Il assume celà par la pratique des commandements, depuis Avraham le premier monothéiste.

Le peuple juif refuse l’idolâtrie, et aussi la barbarie, ainsi que la corruption et le kidnapping d’enfants.

Mais le peuple juif irrite semble-t-il en cela d’autres nations du monde et il est sorti il y a à peine cent ans de deux mille ans d’exil et de persécutions, dont une partie remonte à ce courroux.

Le peuple juif se targue aussi d’être « le peuple élu », identité apparemment bien orgueilleuse et s’ajoutant aux bonnes raisons de le détester…si on ne cherche pas à comprendre le sens véritable de ce vocable.

Lévinas enseignait que le peuple n’est nullement un quelconque enfant chéri, préféré au reste de la fratrie, mais qu’il est celui qui a adopté ces commandements, cette affiliation, qui donne ce qu’il appelait la « difficile liberté », c’est à dire la possibilité de savoir gérer un monde de non-esclavage, de non-cruauté, de non-idolâtrie, de non-barbarie. Élection au devoir de s’acquitter de ces dures tâches.

Il est ainsi très difficile de vivre assujetti à tant de restrictions et d’obligations. Difficile au point que seule une minorité vit à un rythme si exigeant.

Les nations préfèrent éviter le difficile débat de l’exigence de moralité intrinsèque à ce respect des commandements et ajouter cet orgueilleux vocable à la liste des chefs d’accusation érigée face à Israël.

Israël est donc coupable. Coupable d’opprimer le peuple palestinien, coupable de bombarder « aveuglement », coupable de massacrer femmes et enfants, coupable de coloniser…même si Israël n’occupe pas Gaza (retrait unilatéral il y a bientôt 19 ans…), même si Israël non seulement ne bombarde pas aveuglément mais vit sous d’incessants bombardements non contrôlés technologiquement (et donc aveugles) depuis le sud, le nord et l’est, même si Israël n’occupe aucun de ces territoires depuis lesquels il est bombardé, même si Israël est un état souverain et ne répond pas aux définitions de ce qu’est un état colonialiste, même si Israël a été édifié par des individus pour la plupart réfugiés de tous les pays dans lesquels le peuple juif avait été opprimé ou desquels il avait été expulsé, Israël est taxé de colonialisme et d’impérialisme.

Et il semble surtout qu’Israël souffre de cette posture de contre-courant. Israël commet la « faute » de ne plus être opprimé, de ne plus être vulnérable, ne plus être peuple maudit comme le virent la chrétienté et l’islam durant de longues années. Israël sait ne pas avoir de victimes de ces bombardements en particulier parce que la technologie et les crédits au service de la protection de la population sont supérieurs à ceux consacrés à l’offensive, mais les nations mettent délibérément de côté ces insignifiants détails.

Israël est à contre-courant de continuer à s’auto-qualifier de peuple du livre à l’époque du tik tok, de se revendiquer de la Torah à l’époque du post modernisme.

Israël ne voit pas que ceux qui prétendent avoir dépassé le stade de la binarité de l’humain n’ont pas réussi à se dédouaner du manichéisme. Aux yeux des ennemis d’Israël, non binaires mais néanmoins manichéens, celui qui cesse d’être opprimé et vulnérable et réfugié devient automatiquement oppresseur, fier et dominateur, et la cruauté qu’il subit est nulle et insignifiante.

Insignifiants les dizaines de milliers de roquettes tirées depuis les pays voisins ou lointains, insignifiante la nuit des trois cents missiles et drônes iraniens d’avril 2024, insignifiants les massacrés, hommes, femmes, enfants, vieillards et bébés du 7 octobre, insignifiants les otages, desquels une partie sans cesse croissante ne parvient pas à rester en vie.

Ces derniers ne sont pas seulement insignifiants aux yeux de l’opinion, ils ne suscitent pas plus ni l’intérêt des instances sanitaires internationales que la condamnation de ceux qui les ont kidnappés, enfermés, maltraités.

Israël est condamné et les bouchers du 7 octobre suscitent l’admiration et le soutien de la frange médiatique et politique du monde civilisé.

En termes de morale, les nazis incarnèrent la civilisation faite barbarie, le monothéisme redevenu bête humaine.

Israël, mais aussi et surtout la masse muette de l’opinion ni ne dénonce ni même semble-t-il ne voit que le combat de notre pays est contre la barbarie, contre la cruauté, tant ces derniers sont le fond de commerce de cette organisation terroriste pour laquelle le crime, le viol, la destruction ne sont pas accidentels mais sont le véritable but.

Difficile identité, difficile liberté, mais ô combien préférables à tant de déchéance et de régression de l’humain.

Israël n’est plus un peuple exilé et pourchassé. Israël apporte au monde aux plans académique, scientifique, technologique, médical, social et intellectuel.

Israël a élevé au plus haut niveau possible le concept d’armée de défense et a le mérite de continuer à ainsi se revendiquer.

Israël n’a pas reçu un pays ni par commisération ni en compensation de la shoah, ni en affiliation au monde colonialiste et impérialiste, mais en tant que « peuple d’Israël qui revient sur sa terre », qui fait revivre sa langue, qui ramène lui-même ses exilés et bâtit avec eux la société d’aujourd’hui et de demain, dans laquelle tous vivent honorablement, dans laquelle la place occupée par la Torah n’est pas archéologique mais objet d’étude et d’approfondissement.

Et Israël érige cette société en donnant toute la place à tous ceux qui ne combattent pas son existence-même, fussent-ils druzes, bédouins ou palestiniens.

Toutes ces raisons justifient de continuer cette guerre qui n’est que défensive d’une part, et à laquelle notre attachement à la vie de l’individu nous contraint, surtout s’il a été kidnappé, surtout si ce n’est pas un mais 128 individus, surtout si aucune instance internationale ne se préoccupera de les ramener.

Israël peuple élu est aux prises avec un ennemi qui agit comme s’il était maudit, aux yeux duquel tous les coups sont permis, aux prises avec une opinion et un système médiatique qui le mettent au pilori de façon inappropriée. Que cet ennemi  se redresse, qu’il adopte un comportement, une tactique dans les normes du monde civilisé, que la couverture médiatique des étapes du conflit redevienne proportionnée et le différend pourra reprendre des dimensions civilisées.

lundi 13 mai 2024

yom hazikaron - yom haatsmaout 5784

 Qu’on ait des opinions politiques à l’âge étudiant, je suis résolument pour.


Qu’on ait des sentiments sur des évènements qui se passent ailleurs dans le monde, c’est très bien, c’est un signe d’ouverture d’esprit.

Qu’on ait de la sympathie pour une cause plutôt que pour une autre, c’est très compréhensible (j’ai personnellement plus d’empathie pour la cause juive israélienne que pour la cause palestinienne mais cela tient en particulier à mon appartenance ethnique, à l’histoire de ma famille et à mon identification à l’histoire de mon peuple, mais je peux comprendre que quelqu’un soit situé diamétralement.)

Que la cause palestinienne apparaisse plus justifiée que la cause juive (je suis personnellement très identifié avec ma famille qui a vécu en France avant la guerre et pendant la guerre, a subi antisémitisme et a dû vivre cachée, avec une réussite toute relative) je suis prêt à le comprendre : les palestiniens n’ont ni une histoire ni un sort ni une condition socio-économique faciles.

Qu’un palestinien n’apprécie pas la situation post "guerre des six jours" de 1967 (territoires occupés, même si cette situation se justifie sécuritairement en tout cas immédiatement après cette guerre) et même qu’il n’approuve pas la création d’Israël en 1948 (le palestinien ne connait pas la situation européenne, n’a pas vu la shoah, n’a pas participé à l’expulsion des juifs d’Algérie, d’Irak, n’a pas vu les pogroms polonais post shoah) je le comprends aisément,

Qu’un européen ait les mêmes opinions, je le comprends déjà moins bien.

Qu’un palestinien adhère à des mouvements pour la libération de la Palestine, je peux le comprendre aussi : les territoires occupés sont un problème. Que le citoyen européen penche aussi en faveur de cette mouvance, je le comprends encore moins bien, puisque finalement pourquoi ceci devrait-il se gérer par le terrorisme ?

Que le même palestinien finisse par préférer voter pour le hamas dans les années 2000, entre autres parce que ce dernier tient un discours de défense des intérêts individuels et prône l’amélioration des conditions de vie, je le conçois aisément. Cela s’accompagne d’une carte fondamentaliste islamiste un peu gênante, mais, fin vingtième siècle, avant la création du califat islamique, on peut craindre le phénomène mais encore trouver une justification à la dite carte.

L’européen devrait à ce stade commencer à être plus critique : il peut aisément se rendre compte d’une part que l’autorité palestinienne a sombré dans la corruption, qu’Arafat a maintenu par choix les palestiniens en condition d’éternels réfugiés, que le développement de l’islamisme n’est pas sécurisant pour lui, et pour le monde. Mais on a le droit de continuer à rester fidèle à ses choix. Si en plus on a des mentors qui ont un regard très critique sur l’existence même d’Israël, jugée en premier lieu antenne du colonialisme et de l’impérialisme, alors on devient de plus en plus critique à l’égard d’Israël, qui se développe énormément à tous points de vue. Il faut une certaine forme de cécité pour ne voir en Israël qu’une puissance colonialiste, c’est à dire pour scotomiser l’accueil et l’intégration de un million de juifs russes, de juifs éthiopiens, mais bon, on ne peut pas tout voir quand on regarde de loin.

Que le hamas arrive au pouvoir à Gaza après le désengagement d’Israël en 2005 et que cela soit par vote doit faire quand même monter le niveau d’inquiétude, surtout quand les quinze années qui suivent sont ponctuées d’échauffourées militaires, mais il y a des gens qui ont soutenu Fidel Castro, qui ont soutenu Staline encore très tard.

Par contre, que les massacres ouvertement (filmés, enregistrés et donc montrés en live à la télévision) pogromistes si ce n’est génocidaires, ayant entraîné mort de plus de 1200 personnes et destruction massive de nombreux lieux de vie en une demi-journée, continuent à bénéficier d’une sympathie internationale de la part des mêmes étudiants, personnes instruites, ouvertes sur le monde extérieur et dotées d’esprit critique, c’est déjà non uniquement étonnant, c’est révoltant.

Et quand on découvre que toute la politique de presque vingt ans de pouvoir à Gaza n’a conduit apparemment qu’à préparer la guerre, (plusieurs centaines de kilomètres de tunnels uniquement offensifs, inutilisables pour la protection de la population, population demeurée en état de grande pauvreté malgré un énorme soutien international - à ma connaissance, l’UNRWA agence onusienne de soutien aux réfugiés palestiniens est l’agence qui existe depuis le plus de temps. Qui dans le monde reste réfugié soixante-dix ans et transmet ce statut à ses enfants ? ), quand on peut savoir - il suffit de s’informer - que le territoire israélien est quotidiennement bombardé depuis le nord (hizballah), depuis le sud (hamas, djihad islamique) et depuis l’orient (houtim yéménites, iraniens) , et que le pays doit le très faible nombre de victimes civiles uniquement à tous les moyens mis en œuvre pour protéger la population (au prix du déplacement d’un très grand nombre de citoyens) durant les sept derniers mois, au prix de nombre non négligeable de jours où les écoles et lieux d’enseignement sont fermés pour raisons sécuritaires, alors si on continue à ne soutenir que la cause palestinienne, il est difficile d’y voir autre chose qu’un solide et indéracinable parti pris.

Quand on s’associe à des slogans tels que « from the river to the sea Palestine will be free », quand on acquiesce à des propos tels que « que les juifs retournent en Allemagne, en Pologne, en Algérie ( vous y croyez vraiment ? C’est vraiment une proposition qui vous paraît raisonnable ?) alors il est difficile de voir en de tels personnages autre chose que de véritables antisémites, des individus pour lesquels le seul bon juif est le juif mort, mort physiquement ou départi de toute trace de judaïsme, et en particulier celle qui donne l’attachement à la terre d’Israël. Il est temps de renoncer à cet outrageux slogan. Il n'est pas réaliste et il fait honte à ceux qui le scandent.

Aujourd’hui c’est en Israël Yom hazikaron (le jour du souvenir) durant lequel Israël honore la disparition de tous ceux qui ont payé de leur vie la concrétisation du sionisme idéologique en pays réel, et ce soir débute Yom Haatsmaout, jour de l’indépendance, jour anniversaire de la proclamation de l’existence de l’état d’Israël le 15 mai 1948, création votée à l’ONU.

Israël était alors peuplée essentiellement de réfugiés, moins d’un demi-million, et est aujourd’hui une puissance économique, scientifique et militaire dans laquelle vivent bien quelques dix millions d’habitants, juifs et arabes puisqu’Israël ne s’oppose ni à la résidence ni au culte étranger sur le territoire ( combien de juifs vivent en pays arabes ? Quelle liberté d’accès avait – et aurait - le peuple juif à ses lieux saints sous domination islamique ?).

Mis à part le fait que ceci démontre qu’il y a de la place physiquement et pour les juifs et pour les palestiniens, cela montre que les juifs n’ont pas seulement le droit à un état, ils ont la volonté durable de le développer, d’y élever leurs enfants, d’investir dans le développement, et la culture et le social.

L’état d’Israël a aujourd’hui 76 ans. Bon anniversaire ! Et 132 de ses ressortissants sont retenus prisonniers, otages, dans de terribles conditions, après avoir été kidnappés le 7 octobre. Ils seront libérés, et leurs ravisseurs paieront pour leurs crimes.

vendredi 10 mai 2024

La force de la rumeur, la faiblesse de l’évènement concret

 

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Les évènements encore en cours entre Israël et le Hamas sont accompagnés d’un retentissement mondial massif.

Il est en soi ahurissant que ces évènements volent la une non seulement de la presse mais aussi des populations estudiantines, de l’opinion des banlieues, de façon complètement disproportionnée à ce qu’ont pu recevoir quantité innombrable d’évènements, de catastrophes de bien plus grande envergure.

Le plus difficile de ce retentissement, pour le juif israélien que je suis, est bien entendu la vague d’antisémitisme qui l’accompagne, antisémitisme désormais complètement synonyme d’antisionisme. Si jusqu’à récemment on pouvait émettre une réserve quant à l’opposition au sionisme et la considérer différente de l’antisémitisme, la distinction n’est plus possible.

Pour la rue mondiale, pour le citoyen lambda, le sionisme est le pire des fléaux, pire que le colonialisme, l’impérialisme, les dictatures auxquels il n’était jusqu’alors que comparé. Le sionisme, dans l’imaginaire collectif, devient le paradigme de ce que peut faire de pire un peuple à un autre.

Comme on peut dire dans bien des cas, ça serait drôle, tellement c’est grotesque, si ce n’était pas notre histoire.

Je vais quand même prendre quelques lignes pour rappeler quelques notions de base.

Le sionisme, pour ceux qui le pratiquent, c’est à dire ceux qui associent leur judéïté à la vie en Israël, à prévoir de vivre en Israël, ou à soutenir cette idée, n’est en rien un colonialisme ou une menace contre un autre peuple. Le sionisme, pour ces gens desquels je suis, est intrinsèque au judaïsme, ce dernier étant une appartenance au peuple juif, lui-même décrit dans l’histoire biblique comme ayant évolué du niveau individu (Avraham) au niveau famille (enfants de Yaakov), au niveau de peuple, peuple qui sort d’Egypte puis reçoit la Torah dans le désert et entre en Israël, le tout annoncé encore depuis l’étape Avraham.

Le sionisme est exprimé par le peuple juif dans la prière quotidienne et dans les moments clés du calendrier (Yom Kippour, Pessah’) par la phrase vieille de deux mille ans : « l’an prochain à Jérusalem ». La Torah prévoit et préconise la vie en compagnie d’autres ethnies.

Le peuple juif n’a pas été souverain à Jérusalem entre le début du christianisme et le début du vingtième siècle, ayant été chassé puis exilé, et n’ayant pas trouvé au cours de ces presque deux mille ans l’énergie et la conjoncture qui permettaient le retour.

Ce sont tristement l’antisémitisme et la shoah (résultante on ne peut plus concrète et radicale de cet antisémitisme) qui ont fourni l’élément déclenchant de la création de l’état d’Israël, proclamé à l’ONU le 14 mai 1948.

L’état juif est donc un état souverain, aux frontières votées par la plus haute instance internationale, et même si ces frontières sont l’objet de conflits et de mouvements consécutifs aux nombreuses guerres menées contre Israël depuis lors, le pays dispose de quelques 16000 kms qui devraient ne pas être remis en question, même s’ils sont résolument insuffisants.

Or ce n’est pas le cas. Parmi les évènements de foule qui accompagnent les six derniers mois, est répété régulièrement le slogan « from the river to the sea Palestine will be free »,  qui n’est autre qu’un slogan d’appel à la non existence (qui signifierait quoi ? L’exil, l’extermination ?) des 7 à 8 millions de juifs israéliens, certains (la majorité) nés sur place, certains venus par conviction (la plus grande minorité), certains venus par force de la situation (réfugiés de la shoah, d’avoir été chassés des pays arabes suite à la proclamation de l’état), certains sauvés par Israël et amenés spécialement en opération extraordinaire (juifs de l’ancienne URSS, juifs d’Éthiopie, juifs yéménites).

On notera au passage que la plupart des habitants de ce pays y sont donc arrivés en situation de précarité majeure, et ne ressemblent en rien à une « puissance occupante, une force coloniale ». Le pays jouit aujourd’hui d’une situation extraordinaire de hauts niveaux de vie, de développement scientifique, et de puissance militaire (par la force des choses, le pays ayant été agressé depuis le jour de la décision de le créer,  le 29.11.1947, et heureusement si on regarde a posteriori et au triste présent : sans cette force militaire, au développement imposé par la menace omniprésente, Israël aurait été détruit maintes fois, la dernière en date étant l’agression iranienne par les airs du 14 avril dernier). On peut et on doit rajouter que la création de cet état a permis la résurrection de la langue de la Bible, l’hébreu, et a redonné un magistral élan à l’étude des textes juifs, caractéristique qui a toujours été centrale et propre au peuple juif mais dont l’amplitude se voit plus que décuplée ces cent dernières années.

Dans les années soixante du vingtième siècle Israël jouissait d’une excellente réputation internationale, ce mérite de la création d’un pays qui permette ainsi une telle alternative à l’exil, accompagné de tant de performances dans tant de domaines, valait à Israël l’admiration mondiale.

Qu’a provoqué un tel retournement, en 60 ans ? Retournement au bout duquel le citoyen de la rue sera plus prompt à parler d’état voyou, si ce n’est état colonisateur, si ce n’est état impérialiste, si ce n’est état criminel, si ce n’est état maudit, que d’état miracle, état modèle, état étalon ?

Qu’est-ce qui fait que sont si facilement effacées parmi l’opinion mondiale toutes ces réussites d’Israël ? Réussites et qualité de vie et de population. Qu’est-ce qui fait que le citoyen du monde lambda ne peut imaginer l’ambiance bon enfant, solidaire (bien plus en temps de paix que de guerre mais notable cependant, surtout en comparaison de la vie en Europe ou dans beaucoup de lieux dans le monde), les relations quotidiennes juifs-arabes (oui juifs-arabes, si, juifs et palestiniens, qui se côtoient sur les lieux de vie, lieux de travail et même de villégiature, et pas seulement à Haïfa ou dans les autres villes mixtes, et il y en a beaucoup), qui parait ici dominante ?

Et pourtant a eu lieu le 7 octobre, jour noir de l’histoire d’Israël, mais aussi jour noir de l’histoire palestinienne si ce n’est de l’histoire mondiale.

Et pourtant. Ce qui domine sur la scène médiatique internationale, sur la scène politique, sur la scène estudiantine, n’est pas le 7 octobre, oublié dès le lendemain.

La déléguée nationale des étudiants de France peut dire placidement sur un plateau le 25 avril 2024 « un génocide est en cours », le titre en première page de Ouest France peut être « guerre à Gaza, violences sexuelles, disparitions forcées… », et je ne parle pas de fanatiques anti sionistes comme LFI, NPA, UJFP, ou organes de presse tels Al Jazeera, mais je préfère noter le frère d’une amie résidant en France qui peut soudain dire mi-avril qu’il ignore que des soldats israéliens tombent régulièrement depuis octobre, un ami en visite chez nous peut dire début mai qu’il ignorait que des roquettes continuent de tomber presque au quotidien sur Israël (en particulier tandis que j’écris ces lignes et que se fait entendre la sirène dans le sud du pays) alors que sa mobilisation pour la situation est indéniable.

Israël vit quotidiennement au rythme des otages, kidnappés le 7 octobre parmi toutes les tranches d’âge et toutes les catégories sociales et politiques de la population, kidnappés non d’une partie d’Israël contestée mais depuis un territoire souverain, envahi ce jour du 7 octobre à fins de commettre crimes et destruction..

Israël vit quotidiennement avec plusieurs proches, très proches, encore mobilisés réservistes à l’armée (mon fils âgé de 35 ans a été mobilisé plus de 160 jours entre le 7 octobre et le 2 mai, et il n’est ni soldat d’unite d’élite ni une exception),

Les habitants des localités frontalières du nord d’Israël (lieux non contestés mais appartenant à Israël dèfinie internationalement) sont déplacés depuis octobre, vivent dans les hôtels du pays, ne peuvent se livrer à leurs occupations habituelles si elles sont locales (agriculture en particulier). Ce sont cent mille personnes.

Et Israël a été et est bombardée en permanence, au sud, au nord, sur tout son territoire lors de l’attaque iranienne (entre 300 et 600 obus, missiles, drônes…en une nuit ! rappelez-moi en quoi Israël offense/menace/agresse l’Iran). Et le petit nombre de victimes et le moyen impact matériel ne sont dûs qu’à la capacité emblématique d’Israël de développer techniquement sa défense mais aussi de veiller à ce que chaque citoyen puisse avoir où se protéger physiquement.

Et donc qu’est-ce qui démonise tellement Israël ? Ne répondez pas que c’est le nombre de morts, de victimes de l’agression militaire, tellement plus grand à Gaza qu’en Israël.

Ne répondez pas cela parce que tout organe de presse responsable vous dira que le nombre exact des victimes de Gaza ne provient que de source hamas et n’est pas vérifiable, ne saurait être fiable.

Israël n’est démonisée que dans la droite ligne de la rumeur d’Orléans, la rumeur de meurtre rituel, la rumeur de Montigny les Metz, ou ce titre de Ouest France que je relate ci-dessus.

Bien sûr que rien n’existait derrière la rumeur d’Orléans, bien sûr qu’aucun juif n’a jamais commis le moindre meurtre rituel, et comme on le lit dans le corps de l’article lamentable du torchon, il n’y a aucune attestation de viol ou de torture à imputer aux soldats israéliens depuis la création de l’état. Et s’il y a eu dérives, elles ont toujours été jugées et condamnées, par l’appareil judiciaire et par l’opinion. L’article ne fait que donner la place de choix à des craintes de développement hypothétique de la situation. Il n’existe pas en Israël de liesse populaire consécutive à massacre ou bombardements. Tout juste y en aura-t-il quand sera annoncée la mort de Sinwar.

Mais de la même manière que l’existence des chambres à gaz pourtant monstrueuse dans le concept et dans la quantité, pourtant avérée, témoignée, a pu être ou tranquillement qualifiée de « parenthèse de l’histoire » ou purement et simplement niée (et pas seulement par Faurisson, L’Iran nie officiellement, le président de l’Autorité palestinienne doit son titre de docteur à la rédaction puis la soutenance d’une thèse négationniste), les évènements du 7 octobre ont cédé la place dès le lendemain matin au lever de bouclier anti israélien, anti colonialiste, anti impérialiste, anti puissance occupante, ponctué par moult accusations qui sont une calomnie après l’autre mais qui ont plus d’impact que les faits eux-mêmes.

L’imaginaire, la rumeur, frappent plus les esprits que les faits, fussent-ils terribles dans leur ampleur, dans leur caractère exceptionnel, dans leur cruauté.

Freud questionné sur la guerre, sur la question de savoir s’il n’était pas étonné que débute la seconde guerre mondiale alors que le souvenir de la première était encore cuisant, avait répondu que le contraire l’aurait étonné.

L’être humain est capable apparemment des pires crimes (et Lévinas nous enseigne que c’est le principal objet de la Torah, que de répandre une alternative à cela dans l’humanité) ET s’en assortit fort bien par le mérite de l’amnésie, de la scotomisation, de la rationalisation, de tout l’arsenal du psychisme qui permet de « passer à autre chose » même après que se soient déroulées les pires catastrophes.

La rumeur échappe à ce phénomène…parce qu’elle est du domaine de l’imaginaire parce que l’esprit n’a été percuté par aucune scène de violence qu’il doit évacuer.

Goebbels disait « mentez, il en restera toujours quelque chose » et ce message nazi s’est bien implanté.

Puisse cette gigantesque vague d’anti-israélianisme, qui est antisionisme et qui est antisémitisme, devoir à son amplitude sa brièveté et son obsolescence rapide, de la même manière que les guerres qui menacent l’existence d’ Israël depuis sa création auront permis le développement de son exceptionnelle capacité à se protéger.

Puisse cette guerre se terminer, puissent les otages kidnappés être libérés, puissent les déplacés retourner chez eux, puissent la rumeur actuelle jouir du même sort que celle du meurtre rituel aujourd’hui caduque, puissent les Roger Waters perdre leur impact, puissent les calomniateurs recevoir les punitions qu’ils méritent, puissions-nous revenir à une vie normale et reprendre notre développement national, afin qu’il aboutisse à une cohabitation pacifique avec nos voisins.