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Les évènements encore en cours entre Israël et
le Hamas sont accompagnés d’un retentissement mondial massif.
Il est en soi ahurissant que ces évènements
volent la une non seulement de la presse mais aussi des populations
estudiantines, de l’opinion des banlieues, de façon complètement
disproportionnée à ce qu’ont pu recevoir quantité innombrable d’évènements, de
catastrophes de bien plus grande envergure.
Le plus difficile de ce retentissement, pour le
juif israélien que je suis, est bien entendu la vague d’antisémitisme qui
l’accompagne, antisémitisme désormais complètement synonyme d’antisionisme. Si
jusqu’à récemment on pouvait émettre une réserve quant à l’opposition au
sionisme et la considérer différente de l’antisémitisme, la distinction n’est
plus possible.
Pour la rue mondiale, pour le citoyen lambda, le
sionisme est le pire des fléaux, pire que le colonialisme, l’impérialisme, les
dictatures auxquels il n’était jusqu’alors que comparé. Le sionisme, dans l’imaginaire
collectif, devient le paradigme de ce que peut faire de pire un peuple à un
autre.
Comme on peut dire dans bien des cas, ça serait
drôle, tellement c’est grotesque, si ce n’était pas notre histoire.
Je vais quand même prendre quelques lignes pour
rappeler quelques notions de base.
Le sionisme, pour ceux qui le pratiquent, c’est
à dire ceux qui associent leur judéïté à la vie en Israël, à prévoir de vivre
en Israël, ou à soutenir cette idée, n’est en rien un colonialisme ou une
menace contre un autre peuple. Le sionisme, pour ces gens desquels je suis, est
intrinsèque au judaïsme, ce dernier étant une appartenance au peuple juif,
lui-même décrit dans l’histoire biblique comme ayant évolué du niveau individu
(Avraham) au niveau famille (enfants de Yaakov), au niveau de peuple, peuple
qui sort d’Egypte puis reçoit la Torah dans le désert et entre en Israël, le
tout annoncé encore depuis l’étape Avraham.
Le sionisme est exprimé par le peuple juif dans
la prière quotidienne et dans les moments clés du calendrier (Yom Kippour,
Pessah’) par la phrase vieille de deux mille ans : « l’an prochain à
Jérusalem ». La Torah prévoit et préconise la vie en compagnie d’autres ethnies.
Le peuple juif n’a pas été souverain à Jérusalem
entre le début du christianisme et le début du vingtième siècle, ayant été
chassé puis exilé, et n’ayant pas trouvé au cours de ces presque deux mille ans
l’énergie et la conjoncture qui permettaient le retour.
Ce sont tristement l’antisémitisme et la shoah
(résultante on ne peut plus concrète et radicale de cet antisémitisme) qui ont
fourni l’élément déclenchant de la création de l’état d’Israël, proclamé à
l’ONU le 14 mai 1948.
L’état juif est donc un état souverain, aux
frontières votées par la plus haute instance internationale, et même si ces
frontières sont l’objet de conflits et de mouvements consécutifs aux nombreuses
guerres menées contre Israël depuis lors, le pays dispose de quelques 16000 kms
qui devraient ne pas être remis en question, même s’ils sont résolument insuffisants.
Or ce n’est pas le cas. Parmi les évènements de
foule qui accompagnent les six derniers mois, est répété régulièrement le
slogan « from the river to the sea Palestine will be free », qui n’est autre qu’un slogan d’appel à la non
existence (qui signifierait quoi ? L’exil, l’extermination ?) des 7 à 8
millions de juifs israéliens, certains (la majorité) nés sur place, certains
venus par conviction (la plus grande minorité), certains venus par force de la
situation (réfugiés de la shoah, d’avoir été chassés des pays arabes suite à la
proclamation de l’état), certains sauvés par Israël et amenés spécialement en
opération extraordinaire (juifs de l’ancienne URSS, juifs d’Éthiopie, juifs
yéménites).
On notera au passage que la plupart des
habitants de ce pays y sont donc arrivés en situation de précarité majeure, et
ne ressemblent en rien à une « puissance occupante, une force
coloniale ». Le pays jouit aujourd’hui d’une situation extraordinaire de
hauts niveaux de vie, de développement scientifique, et de puissance militaire
(par la force des choses, le pays ayant été agressé depuis le jour de la
décision de le créer, le 29.11.1947, et heureusement
si on regarde a posteriori et au triste présent : sans cette force militaire,
au développement imposé par la menace omniprésente, Israël aurait été détruit
maintes fois, la dernière en date étant l’agression iranienne par les airs du
14 avril dernier). On peut et on doit rajouter que la création de cet état a
permis la résurrection de la langue de la Bible, l’hébreu, et a redonné un
magistral élan à l’étude des textes juifs, caractéristique qui a toujours été
centrale et propre au peuple juif mais dont l’amplitude se voit plus que
décuplée ces cent dernières années.
Dans les années soixante du vingtième siècle
Israël jouissait d’une excellente réputation internationale, ce mérite de la
création d’un pays qui permette ainsi une telle alternative à l’exil,
accompagné de tant de performances dans tant de domaines, valait à Israël
l’admiration mondiale.
Qu’a provoqué un tel retournement, en 60 ans ?
Retournement au bout duquel le citoyen de la rue sera plus prompt à parler d’état
voyou, si ce n’est état colonisateur, si ce n’est état impérialiste, si ce
n’est état criminel, si ce n’est état maudit, que d’état miracle, état modèle,
état étalon ?
Qu’est-ce qui fait que sont si facilement
effacées parmi l’opinion mondiale toutes ces réussites d’Israël ? Réussites et
qualité de vie et de population. Qu’est-ce qui fait que le citoyen du monde lambda
ne peut imaginer l’ambiance bon enfant, solidaire (bien plus en temps de paix
que de guerre mais notable cependant, surtout en comparaison de la vie en
Europe ou dans beaucoup de lieux dans le monde), les relations quotidiennes
juifs-arabes (oui juifs-arabes, si, juifs et palestiniens, qui se côtoient sur
les lieux de vie, lieux de travail et même de villégiature, et pas seulement à
Haïfa ou dans les autres villes mixtes, et il y en a beaucoup), qui parait ici
dominante ?
Et pourtant a eu lieu le 7 octobre, jour noir de
l’histoire d’Israël, mais aussi jour noir de l’histoire palestinienne si ce
n’est de l’histoire mondiale.
Et pourtant. Ce qui domine sur la scène
médiatique internationale, sur la scène politique, sur la scène estudiantine,
n’est pas le 7 octobre, oublié dès le lendemain.
La déléguée nationale des étudiants de France peut
dire placidement sur un plateau le 25 avril 2024 « un génocide est en
cours », le titre en première page de Ouest France peut être « guerre
à Gaza, violences sexuelles, disparitions forcées… », et je ne parle pas
de fanatiques anti sionistes comme LFI, NPA, UJFP, ou organes de presse tels Al
Jazeera, mais je préfère noter le frère d’une amie résidant en France qui peut
soudain dire mi-avril qu’il ignore que des soldats israéliens tombent
régulièrement depuis octobre, un ami en visite chez nous peut dire début mai
qu’il ignorait que des roquettes continuent de tomber presque au quotidien sur
Israël (en particulier tandis que j’écris ces lignes et que se fait entendre la
sirène dans le sud du pays) alors que sa mobilisation pour la situation est
indéniable.
Israël vit quotidiennement au rythme des otages,
kidnappés le 7 octobre parmi toutes les tranches d’âge et toutes les catégories
sociales et politiques de la population, kidnappés non d’une partie d’Israël
contestée mais depuis un territoire souverain, envahi ce jour du 7 octobre à
fins de commettre crimes et destruction..
Israël vit quotidiennement avec plusieurs
proches, très proches, encore mobilisés réservistes à l’armée (mon fils âgé de
35 ans a été mobilisé plus de 160 jours entre le 7 octobre et le 2 mai, et il
n’est ni soldat d’unite d’élite ni une exception),
Les habitants des localités frontalières du nord
d’Israël (lieux non contestés mais appartenant à Israël dèfinie
internationalement) sont déplacés depuis octobre, vivent dans les hôtels du
pays, ne peuvent se livrer à leurs occupations habituelles si elles sont
locales (agriculture en particulier). Ce sont cent mille personnes.
Et Israël a été et est bombardée en permanence,
au sud, au nord, sur tout son territoire lors de l’attaque iranienne (entre 300
et 600 obus, missiles, drônes…en une nuit ! rappelez-moi en quoi Israël
offense/menace/agresse l’Iran). Et le petit nombre de victimes et le moyen
impact matériel ne sont dûs qu’à la capacité emblématique d’Israël de
développer techniquement sa défense mais aussi de veiller à ce que chaque
citoyen puisse avoir où se protéger physiquement.
Et donc qu’est-ce qui démonise tellement Israël
? Ne répondez pas que c’est le nombre de morts, de victimes de l’agression
militaire, tellement plus grand à Gaza qu’en Israël.
Ne répondez pas cela parce que tout organe de
presse responsable vous dira que le nombre exact des victimes de Gaza ne
provient que de source hamas et n’est pas vérifiable, ne saurait être fiable.
Israël n’est démonisée que dans la droite ligne
de la rumeur d’Orléans, la rumeur de meurtre rituel, la rumeur de Montigny les
Metz, ou ce titre de Ouest France que je relate ci-dessus.
Bien sûr que rien n’existait derrière la rumeur
d’Orléans, bien sûr qu’aucun juif n’a jamais commis le moindre meurtre rituel,
et comme on le lit dans le corps de l’article lamentable du torchon, il n’y a
aucune attestation de viol ou de torture à imputer aux soldats israéliens
depuis la création de l’état. Et s’il y a eu dérives, elles ont toujours été
jugées et condamnées, par l’appareil judiciaire et par l’opinion. L’article ne
fait que donner la place de choix à des craintes de développement hypothétique
de la situation. Il n’existe pas en Israël de liesse populaire consécutive à
massacre ou bombardements. Tout juste y en aura-t-il quand sera annoncée la
mort de Sinwar.
Mais de la même manière que l’existence des
chambres à gaz pourtant monstrueuse dans le concept et dans la quantité,
pourtant avérée, témoignée, a pu être ou tranquillement qualifiée de
« parenthèse de l’histoire » ou purement et simplement niée (et pas
seulement par Faurisson, L’Iran nie officiellement, le président de l’Autorité
palestinienne doit son titre de docteur à la rédaction puis la soutenance d’une
thèse négationniste), les évènements du 7 octobre ont cédé la place dès le
lendemain matin au lever de bouclier anti israélien, anti colonialiste, anti
impérialiste, anti puissance occupante, ponctué par moult accusations qui sont
une calomnie après l’autre mais qui ont plus d’impact que les faits eux-mêmes.
L’imaginaire, la rumeur, frappent plus les
esprits que les faits, fussent-ils terribles dans leur ampleur, dans leur
caractère exceptionnel, dans leur cruauté.
Freud questionné sur la guerre, sur la question
de savoir s’il n’était pas étonné que débute la seconde guerre mondiale alors
que le souvenir de la première était encore cuisant, avait répondu que le
contraire l’aurait étonné.
L’être humain est capable apparemment des pires
crimes (et Lévinas nous enseigne que c’est le principal objet de la Torah, que
de répandre une alternative à cela dans l’humanité) ET s’en assortit fort bien
par le mérite de l’amnésie, de la scotomisation, de la rationalisation, de tout
l’arsenal du psychisme qui permet de « passer à autre chose » même
après que se soient déroulées les pires catastrophes.
La rumeur échappe à ce phénomène…parce qu’elle
est du domaine de l’imaginaire parce que l’esprit n’a été percuté par aucune
scène de violence qu’il doit évacuer.
Goebbels disait « mentez, il en restera
toujours quelque chose » et ce message nazi s’est bien implanté.
Puisse cette gigantesque vague d’anti-israélianisme,
qui est antisionisme et qui est antisémitisme, devoir à son amplitude sa
brièveté et son obsolescence rapide, de la même manière que les guerres qui
menacent l’existence d’ Israël depuis sa création auront permis le
développement de son exceptionnelle capacité à se protéger.
Puisse cette guerre se terminer, puissent les
otages kidnappés être libérés, puissent les déplacés retourner chez eux, puissent
la rumeur actuelle jouir du même sort que celle du meurtre rituel aujourd’hui
caduque, puissent les Roger Waters perdre leur impact, puissent les
calomniateurs recevoir les punitions qu’ils méritent, puissions-nous revenir à
une vie normale et reprendre notre développement national, afin qu’il aboutisse
à une cohabitation pacifique avec nos voisins.
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