mardi 16 août 2016

Promenade "photographique" dans Tel Aviv - Août 2016


Au cours d'une de ces promenades à pied à Tel Aviv, promenades dont je suis friand et que je ne fais plus aussi souvent que par le passé, je photographie comme à mon habitude ( et aujourd'hui, en promo et par choix premier, je photographie au téléphone !! Choix d'épicurien...mais si par hasard il s'avérait que dans certaines situations - ou pire : dans toutes situations ? - le téléphone est equivalent sinon préférable au plus beau des appareils ?).







Je retrouve les vieilles rues de Neveh Tsedek, toutes à des stades divers de renouvellement et de reconstruction, je dépasse le centre Suzanne Dalal, je m'attarde quelque peu pour attraper les dernières ombres, les derniers éclairages de la lumière du matin,





 j'oriente mon trajet en fonction de l'ombre dont je pourrai disposer (nous sommes au mois d'août et la chaleur ne va pas tarder à devenir étouffante), marchant sous les arbres 


et à l'abri des murs. Cela me contraint à rester éloigné de la mer que je vois un peu de loin mais de laquelle je garde mes distances : je l'aime soit aux petites heures du matin, soit au couchant, mais plus déjà à ces heures où je risque fort de ne plus trouver que de la moiteur) et je me trouve soudain à l'ombre de la mosquée Hassan Beck.



Et la voir ansi en travaux de réfection, elle aussi, induit en moi comme une pulsion polémique et apologétique, me rappelle notre actualité de laquelle je m'étais abstrait depuis le lever. Non tant l'actualité elle-même avec ses événements ou les déclarations des politiques, non, l'actualité de facebook, celle qui nous fait défiler encore et encore un commentaire de telle attitude de tel sportif, telle céleb, tel standupiste, et, en ce qui concerne mon "mur", est constamment nourrie de la polémique israélo palestinienne, des actions BDS, et des réactions que ne cessent de déclencher tel ou tel évènement "sécuritaire".

Et alors que je vois cette mosquée en réfection au milieu de la ville la plus israélienne d'Israël, je suis comme infecté des réponses imaginaires que je donnerais si aujourd'hui je tombais sur telle ou telle déclaration critique anti israélienne et justifiant les mouvements d'humeur, d'opposition ou de boycott.

Aucun pays arabe n'aurait ainsi laissé une telle légitimité aux autres pratiques religieuses s'il avait eu ici le pouvoir. Aucun pays n'aurait même développé cet endroit au dixième de ce qu'Israël l'a fait et le fait encore. 

Aucun européen qui manifestait depuis le début du vingtième siècle où que ce soit en Europe aux cris de "les juifs en Palestine" n'aurait imaginé ni que les juifs y aillent vraiment, ni surtout qu'ils y installent un lieu de vie. Aucune entité politique, nationale ou religieuse n'aurait permis aux juifs de vivre ce qu'ils  vivent ici, n'aurait permis aux juifs de réaliser ce qu'ils ont réalisé ici, et n'aurait imaginé que ce qui serait pour les juifs soit aussi pour les autres, palestiniens entre autres.

Les manifestants de la rue de 1930 envoyaient les juifs au mieux croupir dans des camps, et s'ils n'avaient aucune pensée pour d'éventuels palestiniens, c'est d'une part parce qu'il n'y en avait pratiquement pas et surtout parce que rien chez ces palestiniens ne les interessait.

Les voix qui se font entendre de façon assidue à l'encontre ou en critique de ce qui existe en Israël ne sont en fait pratiquement jamais des voix de réaction posée émanant d'observateurs neutres ou bienveillants. Elles émanent d'individus dont on ne peut pas ne pas ressentir qu'ils ont un compte, un ressentiment. Soit qu'ils aient une raison précise, ou une blessure personnelle, ils ne dispensent leurs critiques que comme on répand un fiel, beaucoup plus dans le but d'aiguillonner que dans celui d'encourager - ne serait-ce que les opposants à Israël. Ils ne cherchent pas à atteindre une amélioration de la situation de qui que ce soit, d'un côté ou de l'autre. Ils éructent avant tout. Et le plus révoltant est finalement de les voir tellement mobilisés pour cette cause (palestinienne) et muets pour d'autres causes qui paraissent au moins aussi graves si ce n'est largement pires. Et je ne parle pas que de la guerre en Syrie, et des migrants qui en sont la conséquence, je parle de la façon dont de par le monde des millions de gens sont maltraités, meurent de faim, ne jouissent pas de droits citoyens et sociaux et que ces orateurs ne font que rester fixés sur les "horreurs" commises par les israéliens. Et du fait de cette fixation, et encore plus du fait de leur omission du reste, ils sont l'antisémitisme d'aujourd'hui.

Et ils infectent notre pensée. La mienne en tout cas. Au point que je les retrouve régulièrement si ce n'est de manière obsessionnelle.

Regardent-ils ce pays ces détracteurs ? Se trouvera-t-il quelque chose pour déciller leurs yeux et qu'ils voient non uniquement les défauts mais aussi les qualités, les extraordinaires (extraordinaires ! Il s'est accompli ici en cent ans l'extraordinaire et l'inimaginable) avancées, découvertes, réalisations et surtout radicales modifications de la situation du judaïsme en premier lieu, mais aussi de la civilisation, au niveau universel.

Et je ne parle de sciences, de technologie, de construction et d'architecture  qu'en second plan. La réunion des exilés est bien évidemment l'élément majeur de ce siècle, tous juifs redevenus hébreux. 

C'est un évènement qui est "out", qu'il est presque inconvenant de rapporter. Qui cela interesse-t-il à gauche ? Qui cela concerne-t-il en Europe ? On préfèrerait qu'une authentique admiration doive pousser les juifs à s'émouvoir et à être concernés par cela, mais malheureusement c'est plus sûrement  cet antisémitisme déguisé en antisionisme qui aura la paradoxale vertu de leur rafraîchir la mémoire.

L'avantage de la marche à pied, un appareil photo (fût-il un téléphone) à la main, c'est que le paysage change, et de nouvelles images viennent frapper mon imagination et modifier le cours de ma pensée. 



J'ai ainsi poursuivi ma route sur la rehov Hayarkon, toujours aussi bruyante, pour opter un peu plus loin pour sa parallèle plus ombragée Yehoudah Halévi, et me remémorer mes pélérinages d'il y a trente cinq ans vers la mythique maison Elefant. Elle était tenu par un couple qui représentaient en Israël la maison Leica avec le même sentiment du sacré que s'ils avaient eu la garde des reliques du temple. 

Je les ai vus déménager de la rehov Nahalat Binyamin à Yehouda Halévy et reproduire le même désuet - mais impressionnant - appareil de protection contre d'hypothétiques casses que seuls certains joaillers de la rue de la Paix ont eu l'honneur de connaître. On entrait plus facilement dans la salle des coffres de la banque centrale que dans leur appartement hautement sécurisé, et quand on y était entré on était accueilli comme un rustre qui serait tombé dans un cocktail de la haute et que l'on dévisage de la tête aux pieds d'un regard un peu dégoûté. Il fallait ensuite justifier de la raison de sa visite et on recevait immédiatement le message : soit acheter au prix d'or un des bijoux de la maison Leica, soit repartir. Quiconque s'est un jour interessé aux tarifs des dits appareils comprend tout de suite combien de fois j'ai tenté l'expérience. Je n'étais qu'un amoureux qui veut juste un peu lécher du regard et fantasmer, chose qui ne nourrissait en rien le couple Elefant et qui n'était en conséquence pas de mise. La maison Elefant a fermé il y a forcément quinze ans, balayée par le flot du mondialisme et du progrès qui a relégué l'appareil photo Leica au musée et qui a provoqué la retraite - à moins que ce ne soit la faillite - de ce peu sympathique couple.




Je rejoignis bientôt ma prochaine étape, autre lieu emprunt d'une autre forme, presque autant archaïque, de noblesse : la librairie bookworm sur la place Rabin. Depuis quelques vingt cinq ans, elle est la presque unique librairie professionnelle en psycho-psychanalyse et je lui consacre régulièrement une visite. Je constatai aujourd'hui la très sensible diminution de littérature anglo saxonne, phénomène à double cause : la quantité de littérature traduite en hébreu s'est considérablement accrue (en partie du fait de ce même établissement qui est aussi éditeur d'ouvrages traduits en hébreu), et cause plus triste : les consommateurs de livres en anglais préfèrent les acheter par internet.

Je ne sortis pas bredouille de la librairie-café où j'ai souvent écrit et où fut entamé le présent texte, et je poursuivis vers Sarona.



Après avoir vécu un premier assez pitoyable essai il y a environ dix ans, sans véritablement ravaler ces belles vieilles maisons, ce quartier est maintenant aménagé à la mesure de son potentiel. Aussi par ailleurs à la mesure des exigences de la vie moderne : on peut venir manger et se vêtir, on chercherait en vain un stylo. J'en cherchais un moi-même aujourd'hui. Un assez particulier et je dus repartir bredouille et attendre la station suivante. Sarona est le paradis de la gastronomie version israélienne. Toutes les marques de pizza, de glaces, de pain, de viande et même de fromage sont représentées et même prises d'assaut, tandis que Fauchon qui s'est pompeusement installé il y a quelques mois vit probablement ses bientôt derniers jours. Je n'y ai vu personne ni acheter ni encore moins s'asseoir pour consommer.

Fauchon -Tel Aviv. Vide


Je bouclai cette journée "Tel Aviv par le train" par le centre Azrieli où je trouvai le stylo recherché, et par lequel on peut directement accéder au train.






Le retour est aussi confortable que l'aller, un véritable plaisir, qui vaut largement que l'on accepte le léger surplus de temps par rapport au trajet en autobus. On voyage en de bien meilleures conditions, on a la place de respirer et le loisir de lire, d'écrire. Et le paysage de l'arrivée sur Jerusalem reste hautement panoramique et touristique.