Le clou de l'année scolaire
1979-80 fut bien entendu la classe de neige, à laquelle partirent les deux
classes CE2 et CM1, en cette deuxième moitié de janvier 1980.
Ce fut une véritable aventure,
qui consistait d'une part à emmener comme une colonie de vacances - mais pour
cela le cadre et l'infrastructure existaient : nous étions dans la maison du
fsju de Chamrousse qui avait déjà hébergé des quantités de sessions de vacances
et où fonctionnait une équipe (de cuisine d'intendance et de soutien matériel)
rodée - mais surtout ce fut non moins un défi qui consistait à réussir à
maintenir l'enseignement pendant deux semaines malgré le massif changement de
contexte.
Je ne sais plus dire pour
combien d'enfants la situation d'éloignement des parents était nouvelle, mais
il était clair que cela concernait un certain nombre.
L'équipe d'encadrement
comprenait deux enseignants, Edith - l'institutrice de ce2, et moi,
auxquels s'étaient ajoutés en renfort quelques personnes : Marianne - qui était
alors enceinte d'environ 6 mois, nous attendions l'arrivée d'Ayala -, le mari
d'Edith si mes souvenirs sont bons (à moins qu'il ne nous ait rejoints que pour
le shabbat ?), Claude aujourd'hui Mallah, et un madrikh dont j'ai bien peur
d'avoir oublié le nom.
Il me semble que la maison de
Chamrousse était sous la direction de Sima Koloboff (Renne de son totem), et
donc en sa présence, et le directeur de l'école, David Messas (zal), vint nous
rejoindre le shabbat accompagné de son épouse (ce qui nous valut un très
intéressant commentaire privé de la paracha le vendredi soir dont je me
souviens encore partiellement).
Pour Claude, Marianne et moi, si
la partie "classe de neige " était nouvelle, la partie encadrement
d'un groupe d'enfants loin de leur foyer était loin de l'être : la direction de
camps e.i.s était comme notre seconde peau, c'était un sport auquel nous étions
rompus.
Les photos retracent une partie
de l'ambiance de ce qui fut en fin de compte plus une colonie qu'une classe de
neige, mais s'il fut possible de photographier des enfants assis en classe
c'est bien qu'ils le furent, et même est-il possible de voir la façon dont nous
avons réussi à nous créer un "tableau noir"..
De plus, les diapositives
attestent de plusieurs séances d'intérieur, certaines évoquant l'oneg shabbat
ou son équivalent de jour de la semaine, certaines montrant telle activité
déguisée, certaines témoignant de la tefila, des conditions de logement et
d'alimentation.
Le cuisinier était très bon, il
nous avait impressionné par un mémorable hachis parmentier..
Pour la classe de cm1, c'était
l'entrée en scène "officielle" de Marianne qui connaissait déjà
les enfants par ce que je lui racontais quotidiennement, mais qui pouvait ainsi
faire véritablement connaissance.
Cette classe de neige se
positionna clairement au centre de mes souvenirs de cette année, et je suppose
qu'elle a laissé un vif souvenir chez bon nombre de ceux qui y
participèrent.
L'année comporta aussi bien entendu bon nombre de situations, d'activités, et même de sorties comme le montrent les quelques photos suivantes.
L’année suivante, alors que je
ne le sentais pas encore formellement, j'étais déjà en route vers l'étape
suivante de mon exercice professionnel. Je pense qu'il en est ainsi dans la
plupart des domaines : nous vivons notre vie par étapes, par tranches, et le
passage d'une étape à l'autre ne se fait pas en général de façon tranchée et
sur un jour, celui où nous quittons un lieu pour en investir un autre, mais
elle se profile encore avant, en filigrane, de telle manière que cela n'est
qu'a posteriori qu'il est possible d'identifier le phénomène.
L'étape suivante en ce qui me
concerne fut mon activité d'éducation et d'enseignement non plus avec des
enfants d'école primaire, mais avec des lycéens en fin d'études
secondaires.
Cette année, j'avais commencé
plus intensivement à effectuer ce passage : j'étais investi plus profondément
dans la formation des animateurs des e.i.s, et nous avions commencé une
activité qui fut une de ses articulations : l'oneg shabbat pour animateurs, un
shabbat sur deux à Ségur. C'était un oneg "pour jeunes adultes que l'on
prend au sérieux et qu'on ne cherche pas uniquement à animer" en trois
parties : parachat hachavoua, chant de zmirot et "nakh" si je puis
m'exprimer ainsi. Je reviendrai sur cette activité, dont le mérite revient pour
une large part à son initiateur Ami Bouganim ; ce qui nous concerne ici est que
cette parachat hachavoua, qui reposait sur moi, opérait mon déplacement
d'investissement.
J'ai écrit plus haut que je
n'enseignais à mes élèves de l'école primaire ni les enseignements de Manitou,
ni ceux de Lévinas, et... je mourais d'envie d'ainsi faire, ce qui ne se
produisit en fait formellement qu'à partir de septembre 1981 mais dont cet oneg
fut le premier jet.
Entre temps, j'enseignai encore à
Maïmo, en parallèle de mon année de licence de psycho. qui me fit commencer à
timidement exercer la psychologie, par une mise en situation – de stagiaire - qui se
produisit dans un gapp ( Groupe d'Aide Psycho Pédagogique) , service
psychologique attenant à une école, où j'eus à suivre pour la première fois
deux enfants en suivi psychothérapique individuel.
J'avoue n'avoir que peu de
souvenirs de cette dernière classe dont je fus l'instituteur, le ce1 de l'année
1980-81, effectuée entièrement au nouveau 11 rue des Abondances, dans des
locaux flambant neufs mais qui avaient beaucoup moins de charme, beaucoup moins
de marroniers, de gravier et d'odeurs de vieille France. Ayant eu l’occasion
récemment de retrouver par hasard un des élèves de la classe, je sais qu’il a, lui,
gardé un bon souvenir, mais je ne sais plus rien des autres.
Peut-être cette chute mémorielle
est-elle dûe à notre alyah, qui devait s'effectuer en fin de cette dernière
année ? Une partie de l'année fut quand même consacrée à sa préparation, et
peut-être y avait-il comme une certaine tension, du fait que l'horizon ne
semblait pas tout rose : d'un côté, j'étais déterminé à devenir psychologue
clinicien, c'est à dire à faire la quatrième et la cinquième année d'université
qui constituaient le M.A. dans le
système israélien et la condition sine qua non à l'exercice de la
psychologie. Un M.A très difficile d'accès, auquel étaient admis très peu
d'étudiants. L'écrémage se faisait sur la base d'un examen - qui existe
toujours, qui est devenu israélien depuis longtemps - mais qui à l'époque
était encore un examen américain. Je me présentai à ce
"g.r.e" alors que la conseillère du M.A. m'avait généreusement
prévenu l'été d'avant quand j'étais allé la consulter : "ne vous présentez
pas, vous n'avez aucune chance". D'après elle, le triple fait que
l'écrémage était très sévère, que l'examen était américain, et que j'avais
étudié en France, c'est à dire complètement différemment de ce qui s'enseignait
en Israël, ne laissait aucune part au doute. La suite montra qu'elle n'avait
pas toujours raison et cela aussi je le raconterai plus loin.
Le pendant de cette alternative
étaient les e.i.s, qui étaient en "solution de continuité" et qui
m'avaient sollicité pour que je devienne commissaire général, allant même
jusqu'à se rendre en délégation auprès de mr Messas pour lui demander de me
libérer de mes obligations encore en cours d'année, ce qu'il refusa.
Tandis que j’enseignais dans ma
classe de ce1 - je n'étais déjà plus débutant, au point qu'on m'avait déjà
envoyé une stagiaire que l'on ne voit pas sur la photo -, je menais en parallèle tous
ces processus : je planchais pour préparer puis pour passer cet effrayant
g.r.e, et je m’acquittais des tâches universitaires
nécessaires au bouclage de ma licence, sans oublier qu'étant devenu père,
j'avais désormais un autre emploi du temps, un autre pôle d'attraction.
J'étais donc littéralement un
pied en France et l'autre presque en Israël, et c'est mi de l'extérieur mi de
cet intérieur que survint l'élément qui emporta la décision et le mouvement :
un beau jour du mois de juin, on vint précipitamment me chercher du secrétariat
de l'école pendant le repas de midi, j'avais un appel téléphonique
d'Israël.
Un certain Claude Sitbon que
j'avais connu l'été précédent dans un cadre e.i. alors que lui-même était
provisoirement en poste en France, me proposait de prendre la direction d'un
des internats du « lycée français de Jérusalem ».
Les choses prirent clairement
leur virage au moment où nous prîmes la décision de donner une réponse
positive. Ainsi s'achevait notre vie en France. Pour Marianne, issue d'une
famille installée en France depuis plusieurs centaines d'années c'était un
véritable cap. Pour moi dont la famille n'était arrivée que 60 ans plus tôt,
c'était un peu la fin d'une parenthèse.
Pour moi, s'achevaient aussi six
ans à Maïmonide, un lieu où je me suis plu, épanoui, et dont l’évocation
entraîne sourires et émotion, six ans dont cinq d'enseignement dans le
primaire. La suite allait être dans le secondaire, puis dans l'enseignement
supérieur.
Je décrirai aussi cela.