Le texte se trouve à la page "retrospectivee, dans le chapitre "Wissous".
vendredi 28 juin 2013
jeudi 13 juin 2013
sur Yahav, vahev et le sefer Bamidbar
הגרסה העברית נמצאת בסוף הטקסט בצרפתית
Et si récits de
victoire, chants de hauts faits guerriers n'étaient autres que pâles
retranscriptions de batailles internes entre nous et notre pire ennemi qui ne
serait autre que nous mêmes ?
De qui pourraient
bien parler les poètes ? Ils louent très certainement le Créateur de toutes
choses, qui leur donne de fantastiques sources d'inspiration, ils chantent les
beautés de ce bas monde qu'elles soient vivantes ou inanimées, immobiles et
figées ou emportées par le rythme et le mouvement. Ils font ainsi vibrer leur
amour et leurs émotions, ils les font se poser sur telle femme, tel souvenir.
Mais de qui ces
muses seraient-elles l'élément déclenchant sinon de l'individu lui-même ? Avant
d'être inspiré, ne se sera-t-il pas senti déssêché ? Au cours de son exercice
de production de son ouvrage, n'aura-t-il pas maintes fois presque succombé au
découragement, n'aura-t-il pas été comme déchiré ? Compressé, angoissé comme
pris dans l'infractuosité de la roche, comme enserré au creux du défilé et sans
espoir ?
C'est à de pareils
stades de la lutte interieure que l'espoir peut se muter en fardeau, que ce qui
donnait de la force il y a peu, parait à nouveau plus lourd que le plus pesant
des fardeaux.
Avant que ne
réussisse à nouveau la sècheresse à se transformer en source vive, avant que ce
qui était comme prisonnier se libère et coule comme un torrent furieux.
Et si le séfer
Bamidbar, qu'il est licite de nommer "Nombres" en français, puisque
le recensement des israélites y apparait quand même par trois fois, ne recelait
pas un autre sujet, dissimulé dans ce premier mot signifiant du livre ?
Si ce désert dans
lequel ont peut-être vraiment vécu nos ancêtres pendant 40 ans ne pouvait-être
par ailleurs la métaphore de la gestation de cette parole qui s'y est trouvée
émise mais non encore entendue, acceptée avant d'être reçue, source d'acte
antérieur à la réflexion et cependant acte réfléchi ?
Si c'était ainsi de
cette parole qu'il était principalement question dans tout ce livre, qui
pourrait alors être vue comme encore une autre facette de ce qu'est cette
Création. Création d'un univers, création d'une mosaïque de peuples, création
de ce qui va forger une identité collective, mais aussi création de la parole.
Création par la
parole mais principalement création d'un être parlant.
Création comme
installation des éléments à travers lesquelles s'exprimera cette parole. Voeux,
ferveur, suspicions, accusations, revendications, supplications, récrimination,
médisance, bénédiction, argumentation, discours, et aussi prophétie, poésie, et
même parole qui sort d'où il est le plus inattendu, parole qui ne sort pas et à
la place de laquelle c'est un coup qui est donné, parole qui laisse la place au
silence. Tous ceux-ci sont les scènes et les actes successifs de ce théâtre
dont la scène est ce désert, dont le nom signifie "parole".
Celle qui vient de
naître, au coeur de la période où le peuple du livre lit chaque année ce livre
semaine après semaine, sourit déjà beaucoup mais ne parle pas encore.
Son nom est
dissimulé au centre même du livre, aussi caché que ne l'est la parole au milieu
du désert.
Lieu particulier ou
lieu essentiellement signifiant ?
Vahev n'est autre
que Yahev. Et il n'est autre que ce qui est le paradigme de cette parole.
Aussi
magistralement donnée que le passage de la mer rouge (mer des joncs, Yam Souf
en hébreu, mais aussi souffa, tempête ) ou le don de la Torah .
"Et' Vahev
beSouffa veèt' hanekhalim Arnon".
Aussi
potentiellemnt jaillissante que ne l'est la source qui se transforme en torrent
tumultueux (éched), mais sujette à étranglement, susceptible de parfois
disparaître (Ar).
"Veéched
hanekhalim acher nata lechėvet Ar".
Disparaître ou être
dissimulée, appuyée sur sa provenance, sur sa paternité.
Mais de là
apparaîtra la source. "Oumicham beera".
Et se matérialisera
le don , et ã partir de lui,l'accès à la scène (bima) . Et de là
l'ascension, jusqu'au faîte (roch hapisga)..
"Oumimatana
Nahaliel, ouminahaliel bamot, umibamot haguaï acher bissedéh Moav roch
hapisga".
Puisse la parole de
Yahav se matérialiser, se faire entendre aprēs avoir été retenue, jaillir, et
se refléter comme la splendeur dans les eaux de la mer de Galilée, puisse-t-ell
être porteuse d'espoir, être recours et non fardeau, mais être au contraire
légère, paisible et délivrée des conflits et des combats intérieurs, autant que
l'aura étė ce bébė.
"Venichkafa al pné hayechimon".
על והב, על יהב ועל המדבר.
ואם לא היו סיפורי מלחמה, קרבות, תבוסה או נצחון שבספר במדבר אלא
מטפורות למלחמותינו הפנימיות בינינו לבין עצמנו ?
על מי ידברו משוררים ? לבטח הם מהללים לבורא העולם, לבטח הם מתארים
את הבריאה, את גולות ואיופי היצירה, מן הדומם ומן הצומח או מן החי, הם משוררים את
הנע ואת הנד, את העומד ואת ההולך, את האי-מוביליות ואת התהליך. דרך תיאורים אלה הם
מבטאים את רגשותיהם, את אהבותיהם, ואז משליכים אותם על אישה זו, על זכרון זה כלשון
הפסוק בתהילים פה : {כג} הַשְׁלֵךְ עַל־יְהוה יְהָבְךָ וְהוּא יְכַלְכְּלֶךָ
לֹא־יִתֵּן לְעוֹלָם מוֹט לַצַּדִּֽיק׃
אבל למי פועלות המוזות האלה אם לא לאדם עצמו ? מי היה יבש לפני
שפרצה בו מעין אם לא בן האדם ? לא דומים חבלי היצירה להר זה שנדמה שאף פעם לא נגיע
לפסגתו, לא נינצל מנקרותיו ?
בשלבים אלה, בהם יבשה המעין, בהם התיבש הנחל, נדמה שהכל אבוד, הכל
עול, הכל משא, ללא תקווה, ללא יעד.
אולי זהו סודו של ספר במדבר, הסוד המסתתר מאחורי הפשט. בו בזמן
שהפשט מתאר מסע, תלתלאות, סיפור אודות עם שלם שמתרחש על פני ארבעים שנה, אולי יש
לספר במדבר עוד משהו לספר.
אולי, במקביל לזה שספר בראשית מספר את בריאת העולם, תפקידו של ספר
במדבר לספר היבט אחר, פרספקטיבה אחרת של בריאה זו ?
זו הרכה שלפני שבוע נולדה טרם מדברת, אך דיבורה טמון בה, כפי ששמה מסתתר בתוך הפרשה. יהב בתוך והב.
זו הרכה שלפני שבוע נולדה טרם מדברת, אך דיבורה טמון בה, כפי ששמה מסתתר בתוך הפרשה. יהב בתוך והב.
אולי אין כאן מדבר אלא כדי שיהיה דיבור ? מדבר ? אולי מתאר לנו ספר
במדבר את בריאת האדם כמדבר, ובגלל זה מוצאים אנו בו כמעט כל הוריאציות על תמת
הדיבור : נדר, חשד, ברכה, טענה, הוצאת דיבה, דיבור פנים אל פנים, ועד לנבואה או
לשירה.
כי פרשת חוקת ניחנת במיוחד בקטעי השירה שבה. ואולי מטרת שירה זו
הינה לשיר את גדולות ה׳, ואת נצחונות ההליכה במדבר, או אולי מדברת שירה זו לא פחות
על נצחונות האדם במאבקיו שלו עם עצמו, ועם דיבורו.
״את והב בסופה״ אינו מספר על מקום ושמו והב בלבד, אלא שהוא גם מתאר
את אשר נתן (יהב) ה׳ לא בסופה אלא בים סוף, או שזה בשעת הסופה, כשהיו בני ישראל באמצע
הסופה.
"את והב בסופה" אינו מדבר על מקום ספציפי אלא שהוא אולי
מצביע על מקום סימבולי. כמו למשל על המקום בו יוצא-ייצא המעין הפנימי, לאחר הפנמת
תהליכים קודמים, לאחר ששלטה שתיקה על האדם.
אולי ״אשד הנחלים אשר נטע לשבת ער״ אינה אלא עדות לכך שערירי זה לא
ישאר כזה לעולם, אלא שיום מן הימים ייצא ממנו אשד, כאשד הנחלים.
״ומשם בארה. באר, חפרוה שרים כרוה נדיבי ההעם במחוקק במשענותיו.
וממדבר מתנה״
דיבור האדם, ניזון מן הבאר הזאת, אותה תורה של המחוקק, שעליה יפה
להישען. היא לו כמתנה, ודרכה יירש הוא האל.
״ומנחליאל במות ומבמות הגיא אשר בשדה מואב ראש הפסגה״
כי אז יקבל אדם זה את הבמה לה הוא ראוי ואיתה יטפס אל ראש הפסגה,
ימשיך את דרכו, יממש משאלותיו, יצליח באמצעות דיבורו להביע את רזי לבו.
״ונשקפה על פני הישימון״
מי יתן ותזכה יהב זו הרכה שדיבורה ייצא ויישמע ללא מלחמות מיותרות,
וכך שתתבטא התקווה ששמה נושא ורומז עליה, כאוצר הזה אשר מתגלה לעיני המביט אל ים
הכנרת.
mercredi 5 juin 2013
Face à face
Une photographie de Frédėric Brenner
issue du livre Diaspora représente un grand-père et son petit fils,
manifestement en situation d'étude des textes de la tradition juive. Ils ont
chacun un livre ouvert devant eux, et il semblent comme en dialogue, ou peut-être
devrait-on dire "face à face". ils se font face, mais ne se regardent
pourtant pas. Le grand-père n'est visible que semi de profil, semi de dos, et
l'enfant, que la photo a immobilisé comme en train de chanter/crier la bouche
grand ouverte, a les yeux fermés. Ils sont dans une sorte de face à face
sonore, bien qu'on ne les entende pas. La lumière incidente tombe sur les
livres, les personnages sont plutôt dans l'ombre.
Cette photo est comme une
illustration de ce "face à face" dont Moïse eut l'exclusivité, s'il
ne s'est vraiment produit qu'une fois, entre lui et le Créateur.
Une seule fois avec point
d'interrogation car peut-être cette scène biblique est à être vue non
uniquement comme témoignage, comme reportage d’un évènement passé, mais aussi comme
génératrice de ce sur quoi reposerait le monde de l'interpersonnel, le monde du
transgénérationnel, le monde de la transmission. La véritable relation
interpersonnelle, celle dont la situation parent-enfant est l'archétype, ou
déjà la reproduction, celle que l'on tente en fait de reproduire dans la
situation psychothérapeutique, celle qui vise à faire naître la continuité,
celle qui est la réplique entre les hommes de ce que fut la Révélation, celle
qui, au plan du fonctionnement psychique, est l'origine de la capacité de
penser.
Au cours de cette scène (Ex. 33) qui
préfigure le monde, scène de mise en présence originelle, scène du "face à
face" (panim el panim) par excellence, Moïse demande à voir la face de D.,
comme pour confirmer que le face à face biblique n'est pas visuel, n'est pas la
situation de la vue réciproque en pleine lumière. Moïse se fait ainsi répondre
qu'il ne lui sera pas donné de voir la face de D. mais sa trace, son sillage,
le temps qui se sera écoulé lors du passage devant lui de la Présence
divine.
Le face à face de transmission, le
véritable face à face, n'est ainsi pas celui où on voit toute la face de son
prochain y compris ses rides, ses cicatrices et ce qu'elle dissimule, le panim
el panim est l'antithèse au contraire de cette situation où l'Autre nous
apparaitrait entièrement, comme dénudé. Le panim el panim est la situation où
l'Autre reste digne, reste vêtu, conserve son droit au quant à soi, conserve
son univers privé. Dans ce panim el panim, dans le face à face de transmission,
c'est de dialogue qu'il est question, c'est de parole émise puis entendue,
c'est d'enseignement dit et entendu, de telle façon qu'il permettra ã
l'interlocuteur d'enseigner un jour à son tour, qu'il est question.
Le jeune garçon yéménite de la photo
est bien évidemment l'élève du patriarche assis en face de lui, et c'est
pourtant lui, l'enfant, qui parle, signe que la transmission a déjà eu lieu,
signe que la situation était bien une situation de face à face. Comme Moïse
dont le principal signe qu'il a reçu la parole divine est l'enseignement qu'il
a promulgué et légué à un nombre incalculable - et infini- de générations, et
non les cornes dont Michel Ange l'a affublé.
Générations de juifs en exil,
générations au cours desquelles c'est ce face à face qui a maintenu le
judaïsme, qui a permis que la Torah ne soit pas oubliée mais au contraire
enrichie. Exil dont la pluricité est magistralement
illustrée par le fait que les
personnages de la photo sont yéménites : yéménites qui sont
géographiquement les plus éloignés de l’europe centrale et qui ont pourtant en
commun avec les juifs de là-bas à porter les papillotes, yéménites chez qui la
tradition s’est transmise au sens le plus abouti du mot à mot.
C'est cet exil qui est
magistralement photographié par Frederic Brenner, dans Diaspora, dans lequel il
rassemble des photographies de juifs à travers le monde, de juifs en exils. Un
ouvrage de photos en noir et blanc.
La photo en noir et blanc, celle qui
a étė développée en chambre noire, lieu mythique de naissance des photos
argentiques, au moment magique où le révélateur fait soudain apparaître les
contrastes sur le papier plongé dans le liquide que la lampe inactinique colore
en rouge. Photo en noir et blanc qui est le lieu ultime de la danse de la lumière
et de l'ombre, et qui rend particulièrement bien ce qu'est cet exil. Ce n’est
pas l'exil chanté par Paco Ibañez dans "balada del que nunca fue a
Granada" de Rafael Alberti. Ce n’est pas un exil géographique, non un exil
de pleur, comme on pleur(ait) le 9 av. C’est l'exil comme lieu par excellence,
comme moteur de la transmission de l'individu à celui qui devra continuer le
message de mémoire pour la génération suivante.
C'est le sens de l'expression selon
laquelle l'homme a été créé à non à l'image de D. mais dans le sillage de D. ,
recevant de lui le message et le répétant.
L'exil que les romains perpétraient
sur Jérusalem a déclenché, nous raconte la tradition, chez Rabbi Yokhanan Ben
Zakkaï la dynamique par laquelle il a transformé un judaïsme de pratiques et de
sacrifices en judaïsme d'étude, en école de la pensée.
Le monde moderne a peut-être été
généré par l'exil, et le peuple juif serait paradigmatique de cela. L'Antiquité
était peut-être en cela une autre phase du monde, du fait qu'elle était régie
autrement. La philosophie grecque s'est pourtant élaborée à l'école
péripatéticienne, celle où le dialogue se menait en marchant, où c'était du
mouvement que naissaient le dialogue et l'élaboration mentale. Mais ceci se
passait à la lumière, tandis que le monde post antiquité s'est élaboré dans
l'ombre, dans la chambre noire.
C’est l’éloignement de l’objet qui
génère la pensée à l’égard de cet objet, qui le rend en relation avec nous et
non plus partie de nous-même.
C’est dans le jeu subtil de la
relation, de la distance, du jeu de la lumière et de l’ombre, de l’auditif, et
du temps qui s’écoule que se façonne la transmission, que s’édifient la
personnalité et l’identité. Dans le face à face et la multiplicité de ses
paramètres.
Inscription à :
Articles (Atom)