vendredi 23 juin 2023

Principe de plaisir, principe de réalité suite - grandes inquiétudes.

 



Suite aux accords d’Oslo, en 1993, leurs opposants n’ont pas mâché leurs mots. A leurs yeux, ceux qui les ont concoctés puis signés sont de véritables criminels, qui ont vendu le pays. Les mêmes ont pensé la mème chose du retrait de tsahal du Liban, et ont le même regard sur le désengagement de la bande de Gaza en 2005, considérant qu’outre renoncer à des territoires qui seraient nôtres au chapitre biblique, ces démarches aggravent la situation sur le terrain, nous affichent comme perdants aux yeux du hizballah, ont provoqué l’arrivée au pouvoir du hamas, et pire encore, ont chassé des israéliens de leurs maisons, recréant comme un exil. Ceux-là ne parlent pas du désengagement de 2005 mais de l’exil de 2005, utilisant le même terme en hébreu que celui utilisé pour l’exil des juifs d’Espagne en 1492.

Depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuel gouvernement, il y a six mois, sont morts 27 juifs dans une vague d’attentats qui parait ne donner aucun signe de ralentissement, qui fait littéralement bondir les statistiques annuelles (depuis 20 ans les attentats n’ont fait que trois fois plus de 20 morts annuellement), et qui a déjà donné lieu à une opération militaire (glorieuse forcément. L’armée la plus éthique au monde…).

Hier, ce gouvernement ayant affiché à son programme, outre la réforme du système judiciaire qui met quelques 150000 à 200000 manifestants dans les rues du pays tous les samedis soir, et parfois aussi en semaine depuis maintenant 25 semaines, outre un programme de légalisation de dispenses du service national chez la population ultraorthodoxe - qui constitue un aggravement de la situation, ainsi qu'un programme officiel d’encouragement à l’implantation, la ministre « de l’implantation »  réagissait ainsi à la question à elle posée par le journaliste de galé tsahal
« quoi penser de cette donnée alarmante de 27 morts et de vague de terrorisme? » :
« il est temps de réagir, avec fermeté. » disait-elle,  en ajoutant :
« vous vous rendez compte qu’alors qui arabe qui veut travailler dans le centre du pays doit produire un certificat de casier judiciaire vierge, peut circuler en toute liberté partout, et y compris sur les routes de Judée Samarie et près des implantations n’importe qui ! Même un terroriste potentiel ! » et en concluant :
« il faut changer cela d’urgence ! ».

Autrement dit, le projet de cette citoyenne éclairée serait je suppose d’augmenter la quantité de barrages de contrôle, mais en fin de compte, de considérer tout personnage arabe comme potentiellement terroriste, et donc à museler. !!

Mis à part que ceci en dit long sur la conception des droits de l’homme dans cette partie de la coalition (le « sionisme religieux » auquel appartient cette ministre, ainsi que « la force juive » de Ben Gvir, ainsi que bon nombre d’électeurs et d’élus du courant ultraorthodoxe pensent dans ce même sens), il faut se demander à quoi s’attendent ces gens ?

Il faudrait pour eux  apparemment « mater » les arabes de manière à ce qu’ils comprennent qui est le chef, qui est l’occupant légitime de ce pays, de manière à ce qu’ils fassent leurs bagages et s’en aillent.

Ces gens ne rapprochent pas la politique de l’éducation ou de la sociologie et la psychologie. Ils savent concernant leurs relations à leurs enfants, leur famille, leurs voisins, que la haine engendre la haine, que le mauvais traitement engendre la pulsion de vengeance, que le mépris ne développe que haine et mépris. Mais ceci n’est pas valable pour le voisin arabe. Celui-ci n’est visiblement pas un être humain à leurs yeux. Celui-ci est un sous-être, mi potentiellement terroriste mi bête sauvage. On ne parle ni avec les terroristes ni avec les bêtes sauvages, on les mate, on les contrôle et on les neutralise.

Ce mode d’humanité est extrèmement intolérable.

Il l’est d’autant plus qu’il s’exprime au nom de la Torah, que d’aucuns (dont moi) considèrent comme le trésor le plus abouti de l’humanité en termes de matériau éducatif à l’établissement d’une société juste et éthique, à la relation interpersonnelle. Ce n’est pas seulement Emmanuel Lévinas qui se retourne dans sa tombe, ce sont des centaines de rabbins intellectuels au fil des siècles et des continents, qui ont su y trouver matière à richesse, à enthousiasme, à humanisme, au progrès de la pensée,  et à enseignement. Ce n’est pas à une ignorance ou à un dédain pour la Torah que l’on assiste, c’est à une gigantesque destruction, à un détournement. C’est à mon sens LE h’iloul hachem.

C’est ce que nous savons faire de la Torah ? C’est le résultat de cette véritable explosion d’étude qu’ont donné l’état d’Israël, les yechivot, les universités, le monde moderne ?

Nous savons prôner le puritanisme pieux, le racisme, le « tout noir et blanc » et c’est tout ?

Manitou, lui qui avait entièrement adhéré à la situation d’Israël après la guerre des six jours comme pré messianique, avertissait cependant : le messianisme vers lequel tend Israël depuis des millénaires est un sujet sérieux, très sérieux. « Nous avons eu de la chance disait-il que personne ne se soit laissé aller à monter sur un âne blanc et à dire « je suis le messie » car alors, nous repartions en exil pour 2000 ans ».

Et je me pose le plus sérieusement du monde la question du regard à avoir sur cette conception exprimée haut et fort par Orit Struk, par Betzalel Smotritch, par Itamar Ben Gvir, et par certains ministres de chass ou de yahadout haTorah, mais non moins par ceux qui ont voté pour eux. Ne faut-il pas les voir comme ce que craignait Manitou ? Aucun ne monte sur un âne blanc et se proclame le messie, mais que vaut - et que coûtera - leur perspective « messianique » (puisque si ces territoires sont les nôtres, c’est uniquement au nom de la Bible, dans une perspective de fin des temps biblique, messianique) ? À un retour à combien de siècles d’exil vont-ils nous condamner avec leur extrémisme, leur cécité ?

En attendant, ils ne font que scier la branche sur laquelle nous sommes assis. Il suffit d’entrer dans un hôpital, d’examiner les voiries municipales ou de compter le nombre de chantiers de construction pour comprendre combien les arabes sont vitaux dans ce pays. Ils construisent et ramassent nos poubelles, mais aussi soignent. Heureusement pour nous, ils ne sont pas seulement la cheville ouvrière, ils sont aussi les entrepreneurs, les médecins, on compte parmi eux bon nombre de juges, d’universitaires, de députés mais ainsi ils sauront garder avant tout  le souvenir de l’humiliation que leur dispense cette coalition. Certains se rappelleront aussi que leur condition est peut-être meilleure, pour eux palestiniens, que dans bon nombre d’endroits sur la terre, mais rien de cela ne promouvoira (le verbe promouvoir n’existe donc pas au futur ???)  un quelconque processus de réconciliation, de respect mutuel, de vivre ensemble ou de paix.

Le messie n’est pas là, seul son âne est arrivé.

Il est urgent de faire entendre de nouveau un message éclairé, pluraliste, progressiste. Non que celui-ci se soit complètement tû, il y a quand même quelque 50 % de la population qui ne s’identifie pas avec cette mouvance, mais il faut bien reconnaître qu’elle s’exprime magistralement en dehors du champ toranique quand ce n’est pas contre lui. Il y a urgence. Sociale, politique, éducationnelle, relationnelle, intellectuelle…