Quelques
impressions en vrac après ces quelques semaines de visites intensives de la
page FB « tu te souviens que tu as été EI quand… », et après le
rassemblement Tsomet 90 de Yom Haatsmaout 2013 à Mikveh Israël.
Bien sûr, et
avant tout, énormément d’échauffement émotionnel suite aux échanges
« retrouvailles », tant par l’écran qu’en « live », suite à
l’apparition de toutes ces « nouvelles » anciennes photos.
Hier, je
« tenais », puissamment assisté par Philippe, et aussi Evelyne Grand,
un atelier télécharge de photos, qui a permis de mettre en phase ces deux
aspects, de la rencontre au présent, aujourd’hui, où on retrouve quelqu’un
qu’on n’a pas vu parfois depuis plus de 30 ans ( Manou Saadia par exemple…), et
où, avec lui on regarde des photos de l’époque où on était en activité. On a
reçu, traité, puis mis en lignes..non sans difficultés, plus d’une centaine de photos, d’une bonne
quinzaine de personnes, qui avaient fait l’effort d’apporter leurs albums.
Peu sont arrivés
munis de la clé USB sur laquelle ils avaient eux-mêmes numérisé puis chargé
leurs photos.
Pour un atelier
comme celui-ci, aucun doute que le médium informatique est incomparable, le
médium FB extrèmement confortable (enfin, c'est vite dit, je peine necore à surmonter les obstacles techniques). C’est un atelier qui n’avait aucune
existence possible du temps de l’argentique et des albums papier, on n'aurait pas ainsi convié la foule à venir voir et apporter des photos.
Je fais des
albums du passé depuis des décades, et j’ai beaucoup d’affection et
d’attachement pour le papier. Y compris jusqu’à être attristé de sa presque
disparition, mais je ne peux pas ne pas voir les acquits de ce nouveau monde.
La chaleur d’une
séance de shabbat après-midi où on regarde en famille un album familial
pourrait être considérée incomparable, mais les moments d’hier après-midi sont
d’une richesse qui n’a rien à envier au premier cas, et même les achanges FB,
qui sont d’un troisième type ne manquent pas de saveur.
C’est un nouveau
pas dans la lutte contre les distances, distances géographiques, distances
temporelles.
Hier, un ami,
lecteur de ce blog, m’apprenait tout d’abord qu’il l’était (ce qui me comble
d’aise, et c’est dit sans ironie), mais aussi me racontait se sentir tenté par
le médium, mais un peu effrayé, un peu largué au plan technique.
Mes parents
ainsi, ne sont jamais passé à l’informatique, continuent à déplorer que les
albums soient devenus virtuels. Il ne leur manque pas d‘arguments
« contre », contre ces pseudos réseaux d’amis, qui sont
« ridicules », qui ne sont que un autre signe de la décadence…
Je ne dirais pas
que je ne partage pas leurs difficultés. Je perds aussi énormément de temps, et je souffre devant mes constats - généralement provisoires - d'incapacité, à
me battre avec ces nouveaux programmes et leurs perfections…
Oliver Sachs
écrivait il y a plus de 20 ans « des yeux pour entendre », un livre
qui traite des effets collatéraux de la surdité. La première partie du livre
relate les cas de ces enfants célèbres, enfants « loups » (Victor de
l’Aveyron), ou sequestrés (Jenny, Mathéo, Gaspard Hauser), enfants qui ont
grandi dans un environnement lacunaire, et chez lesquels se sont installés des
troubles neurologiques immuables. Dr Ithard n’arriva jamais à enseigner le
langage à Victor au-delà du stade nominal. La deuxième partie du livre raconte
le cas d’une université américaine pour non entendants, dans laquelle la
surdité est un mode de vie et non un handicap. Ils sont par principe contre
l’appareillage ( en tout cas à l’époque où a été écrit le livre).
On ne sait pas si
Prof. Feuerstein aurait fait mieux, lui qui réalise de véritables miracles de
réinsertion ou de développement d’enfants qualifiés irrémédiablement bloqués
par d’autres, on ne sait pas si Peto, docteur hongrois partisan et initiateur
d’une méthode presque choquante tant elle est basée sur l’exigence et la
fermeté, mais qui elle aussi, fait faire de réels bonds à de grands infirmes
moteur cérébraux, aurait pu faire avancer Jenny, on ne sait pas si les nouvelles découvertes
sur la plasticité du cerveau vont permettre ainsi de repousser les limites de
l’incapacité, mais on sait dans quelle continuité d'effarement le
progrès place la population.
Ce film, « labyrinthe
dans le désert » dont j’ai déjà parlé deux fois sur ce blog, et qui décrit
le calvaire de cette famille dont l’enfant né non entendant puis implanté,
appareillé, et qui « n’entend » cependant
toujours pas, décrit très bien la réaction psychologique de l’individu, autant que la
réaction physiologique de son cerveau devant la nouveauté.
L’enfant
« n’entend pas » bien qu’implanté et appareillé tant que son cerveau
n’a pas enregistré le changement, la nouveauté. Mais la nouveauté ne s’est-elle
produite que dans son cerveau du fait des électrodes qui y sont maintenant
placées ? le film raconte comment cette famille est la seule de tout ce
village à avoir accepté de tenter l’opération, et encore, tout en étant ravagée
par le doute et la crainte. Tout le village est convaincu qu’il est préférable d’être sourd
qu’entendant (le film montre de nombreux exemples).
Il se passe deux
ans entre l’implant et le premier mot prononcé par l’enfant. S’agit-il du délai
« normal » et incontournable nécessité par le cerveau pour
enregistrer la différence entre l’état de naissance et l’état induit par
l’opération ? Je suis convaincu du contraire. Que les parents aient réussi
à laisser leurs doutes au vestiaire et le délai aurait peut-être pu être réduit
de moitié.
Combien de temps
nous faut-il pour réaliser qu’apprendre à piloter un ordinateur est
pratiquement plus simple, et en tout cas moins dangereux, qu’une voiture ?
Cela dépend apparemment de notre âge, âge civil, âge social.
Combien
faudra-t-il de temps aux « réfractaires à FB », « par
idéologie » vous disent-ils, pour essayer si ça ne mord pas ?
A voir.