mardi 6 novembre 2018

Sur quelques « segoulot » de la langue hébraïque.





Un exemple de la façon par laquelle l’hébreu est expression d’une certaine conception du monde.

Adam, dit la tradition, est « segoulat haboreh », c’est à dire qu’il en descend, comme le représente graphiquement la voyelle « ségol », en forme de grappe, ou d’entonnoir, de quelque chose qui transmet vers le bas ce qui vient du haut.

Selon Yehouda Halévi, c’est ainsi qu’est né le judasme, par une transmission, de génération en génération, depuis Adam jusqu’à Moshé, faisant hériter le bas, le peuple, de notions émises, transmises depuis le haut.

De la même manière, les mots vocalisés avec deux ségols (melekh’, yeled), ou un ségol et un h’olam (boker), ou deux patah’ (naar), sont tous accentués « mileél », c’est à dire sur la syllabe antépénultième, ou littéralement « d’en haut ».

Le séguel est l’équipe dirigeante, et « lessaguel » veut dire « former à », « lehistaguel », "se former à", ou "s’adapter", c’est à dire se situer sur l’axe vertical, entre ce de quoi vient l’injonction, ou le savoir, ou le pouvoir, et ce qui ne les a pas encore reçus.

Ce qui est « segouli» est « rapporté à» : le mishkal segouli d’un matériau est son poids relatif à celui de l’eau. La valeur « segouli » de quelque chose n’est pas sa valeur absolue, mais sa valeur relative.

En cela, ce qui est « segoula » est ce dont la fonction est de faire ceux du bas en liaison avec ce qui vient du haut. Cela les élève, les sublime, les métabolise, les transforme.

C’est après que D. leur ait dit qu’ils lui sont « segoula » que Adam fait techouva puis, s’étant senti nu, se voit revêtu des peaux, peau du serpent précise rabbi Eliezer, celui du fruit. Se revêtir de ce par quoi la faute a été commise revient à se dépasser, à transformer ce qui en nous nous égare par ce qui nous élève. C’est la sublimation.

Est-ce en rapport avec cela que la couleur « ségol » est la couleur de l’extrémité du spectre, celle qui marque la frontière entre ce qui n’est pas visible et ce qui le devient?





C’est en tout cas du fait de toutes ces vertus que ce qui est « segoula » est précieux, choisi, élu, trésor.

Le peuple juif serait ainsi dénommé « segoula » non tant du fait d’une élection arbitraire, mais du fait de capacités qu’il veut/peut ou non endosser, mettre en application, comme faire ou non le shabbat, faire ou non la havdala, deux paramètres qui, dans ce chapitre des pirké de rabbi Eliezer, précèdent l’introduction du mot « segoula ». Ne pas tant être élu, que séparé, non séparé par essence mais par façon d’être.

mercredi 12 septembre 2018

« L’insulte », de Ziad Doueri. Pour le nouvel an commun ?


« L’insulte », de Ziad Doueri, est un nouveau film (2017), qui existe déjà ici en cd, alors que je ne suis pas sûr qu’il ait déjà été projeté en Israël, alors que je ne suis pas sûr que son destin n’est pas les oubliettes, justement pour avoir été trop bon...

C’est un film libanais, qui parait présenter une (triste) réalité, et ma première réaction, encore avant de voir le film jusqu’au bout, a été de louer le ciel de ne pas vivre au Liban, en tout cas en tant qu’israélien.

Un film cependant très investi dans le but de faire découvrir au spectateur combien de couches peuvent être sousjacentes à ce qui pourrait n’apparaître que comme une broutille, comme une querelle de pallier, et ceci d’autant plus quand la scène est au moyen orient, d’autant plus quand le sujet inclut les palestiniens.

Et ainsi, une scène de la rue, dans laquelle un homme marié et sur le point de devenir père, qui s’en prend apparemment par excès d’impulsivité à un chef de travaux qui tente en toute innocence de ne faire qu’accomplir son devoir, dégénère en drame national dans lequel s’affrontent les sensibilités blessées - et à vif - des arabes chrétiens d’un côté et des palestiniens exilés au Liban de l’autre.

Un film qui s’il me pousse à remercier le ciel de ne pas m’avoir fait vivre au Liban, devrait me pousser aussi à remercier encore plus de ne pas m’avoir fait naître palestinien vivant au Liban.

Un film qui fait réfléchir sur les racines de cette situation inextricable(?) qui est celle des palestiniens, et sur laquelle on ferait bien de méditer, surtout si on cherche à aider à résoudre le conflit israélo palestinien.

Bien que la scène du film traite entièrement d’une affaire libanaise interne, il est quand même question, abondamment, des israéliens. Mais on voit surtout à mon avis combien les palestiniens sont non tant victimes des israéliens que de leurs propres dirigeants et avocats.

Je me suis trouvé par hasard il y a bientôt vingt ans à Londres au mois d’avril, aux alentours du yom haatsmaout israélien, et je me souviens de ma surprise en tombant soudain face aux « houses of parliament » sur une manifestation de haine à l’encontre d’Israël en souvenir de Deir Yassine.

Pour ceux qui ne l’ont pas en mémoire, Deir Yassine était un village alors aux alentours de Jérusalem, un village qui fut le lieu d’une tragédie (dont tous les tenants et aboutissants n’ont d’ailleurs pas encore été complètement élucidés) et la thèse la plus populaire et admise jusqu’ici est que c’est le lekh’i, le groupe israélien aux ordres de Yaïr Stern qui aurait massacré cent des habitants au cours de la guerre d’indépendance, très exactement le 9 avril 1948. Ne manquent pas les études sur le sujet, entre autres celles qui montrent qu’il ne s’agit nullement du sauvage massacre que retient l’opinion internationale. ici aussi, un peu comme dans d’autres cas, il y a une thèse admise, très très difficile à effriter..

Mais, sans pour autant exonérer d’une quelconque manière les auteurs de ce massacre, qui furent-ils, ce film montre que les palestiniens sont bien moins exposés à la violence face à Israël (opérations contre Gaza comprises) que face à la vindicte contre eux dans les pays arabes, Jordanie, Liban ou certainement aussi Syrie, Egypte, Koweït, Qatar ou autre.

Les israéliens sont régulièrement la cible d’insultes, de manifestations, de condamnations internationales à chaque fois que la situation s’embrase militairement (depuis vingt ans cela se « limite » à la bande de Gaza, d’où le hamas orchestre un retour régulier au conflit armé), mais ce film met en lumière combien les palestiniens sont incomparablement plus exposés à la haine quotidienne et à la discrimination, ainsi qu’à la soif de vengeance, dans un pays comme le Liban qu’en Israël, combien la violence interarabe est supérieure à ce qu’il se passe face à nous israéliens.

En Israël, tous n’aiment pas les palestiniens, loin s’en faut, il y a eu suffisamment d’attentats et de pertes humaines en cent vingt ans de sionisme pour que chacun ici ait son - ou ses - souvenir/s personnel/s, quand ce n’est pas son amputation personnelle, mais la haine à leur égard parait bien moins à fleur de peau parmi la population israélienne que ce que ce film décrit, qui se veut une description fidèle de la réalité libanaise.

Je crois de plus qu’une situation similaire à celle décrite dans le film ne pourrait pas se produire aussi crûment dans la société israélienne, c’est à dire dans une société où peut-être les palestiniens se sentent aussi mal acceptés que dans les pays arabes alentour mais où les habitants (juifs israéliens) n’ont pas une rancune comparable à celle qui est décrite dans le film à l’encontre des palestiniens, et je n’oublie pas qu’il y a eu Abou Khder.

L’arabe chrétien libanais au centre du scénario, qui essuie une insulte de la part d’un chef de travaux palestiniens a un passé émotionnel bien plus lourd à l’encontre des palestiniens que tous les israéliens, je crois pouvoir dire, même ceux qui ont perdu un proche dans un attentat.

Les palestiniens n’ont eu ici le loisir de commettre aucun massacre collectif (et je n’oublie pas Maalot, quelques 70 morts, le lynch de Ramallah...et quand méme.) et c’est si j’ose dire non seulement notre chance (à notre crédit) mais aussi la leur, et ils n’ont essuyé en Israël rien de comparable à ce que la Jordanie, le Liban ou autres leur ont fait subir.

Ils se sentent probablement mal intégrés ici, non souhaités, mais y compris tout le passif des cent vingt dernières années, leur situation est meilleure sans comparaison avec tout ce qui les attend dans le monde entier, comme je le disais en haut, entre autres (et surtout) du fait de ceux qui les mènent et de ceux qui les défendent (depuis l’UNRWA jusqu’aux hérauts de la gauche européenne ou américaine antisionistes), attachés les uns comme les autres à mettre en exergue éternelle leur prétendue misère à cause d’Israël, sans apparemment la moindre intention de vraiment les aider ou les encourager à se développer.

Ce film très émotionnel, et assez peu optimiste, se termine cependant sur un échange, sur une scène dans laquelle les regards des deux antagonistes se rencontrent soudain sans animosité. Puisse cet embryon de sourire qui apparait alors sur leurs deux visages augurer de ce que nous arriverons peut-être à faire.


vendredi 31 août 2018

Contre l’uniformisation de la pensée.





Trois sujets qui ne sont apparemment pas liés l’un à l’autre mais au sujet desquels je rencontre le même décalage de pensée, et où je me trouve comme face à l’interdiction de penser ce que je pense, et un quatrième qui élargit le champ.

1.   Je trouve le titre suivant dans l’Express :”ces psys qui ont voulu guérir mon homosexualité », sous-titre : « en réponse au pape ». Je lis l’article, où une femme de bientôt 60 ans raconte comment elle a été comme abusée et conduite au suicide à l’âge de 17 ans, pour seul délit d’avoir été homosexuelle...et je dois avouer qu’en tant que professionnel de santé mentale, exerçant depuis plus de trente cinq ans entre autres avec des adolescents, je trouve entre les lignes de cet article bien d’autres choses. Je trouve par exemple que les parents d’une jeune fille mineure étaient désemparés, peut-être seulement entre autres, par le fait qu’elle avait une relation amoureuse, non seulement lesbienne, mais avec une femme de 38 ans. Je trouve écrit qu’elle a été vue et même hospitalisée par des psychiatres, que ceci se passait non au moyen âge mais en 1978 (et pour les gens de mon âge canonique ce n’est pas la préhistoire) et je trouve aussi que son père a demandé des excuses à sa fille sur son lit de mort « pour ce qu’il avait fait ». Je crains de n’être devant un article non écrit par quelqu’un qui comprend la sociologie et la psychologie de l’adolescence mais par quelqu’un qui cherche à aller vite, et avant tout à contrer les propos homophobes du pape. C’est à dire que le sujet ici est « ce que le monde moderne exige que l’on pense au sujet de l’homosexualité » et le militantisme contre une pensée qui va dans l’autre sens. Je lis en effet concernant cette femme qu’elle était une adolescente en souffrance, peut-être aussi en révolte contre ses parents, je lis qu’elle a été abusée par une femme âgée, qui aurait pu (dû) être jugée pour détournement de mineur - et ceci est passé sous silence par le journaliste (il y a prescription, mais il y a ici presque complicité ), et je suppose que l’hospitalisation était parce que le psychiatre a craint un état suicidaire, ce qui s’est confirmé (le journaliste appelle cela : « le psychiatre l’a conduite au suicide »...il doit écrire dans d’autres cas que l’oncologue a induit le cancer chez le malade...). Cet article est donc un détournement d’un cas clinique, l’utilisation d’un cas clinique au profit d’un courant de pensée, et quand je tente de réagir  comme me le propose obligeamment la rédaction je me retrouve face à l’unique possibilité de cocher entre quatre possibilités, et nullement la possibilité de dire ce que je pense, c’est à dire que cet article m’a en premier lieu scandalisé pour tout ce que je viens de développer. Et cela, il n’y a pas de place pour que j’aie le droit de le dire.

2.   Alain Michel produit un petit film, énième épisode du feuilleton de son combat autour du rôle de Vichy dans la shoah, il le publie sur le site des e.i.s et une des - très peu nombreuses - réactions tient à la « consternation de trouver de telles idées sur un site e.i. » J’écoute la vidéo et n’y trouve rien, ni de proVichy, ni de fascisant, et me reviennent les termes que j’ai plusieurs fois entendus de la bouche d’Alain, « on me condamne parce que je m’élève contre la doxa ». C’est vrai qu’Alain mène ici un combat qui ressemble à celui de Don Quichotte, et c’est vrai qu’il ne tient pas assez compte du fait que son discours plait aux pétainistes, encourage la réhabilitation de Pétain, et qu’il devrait donc la mettre un peu en veilleuse. Et il est possible que la jalousie de Paxton qui est dénoncée et lui est reprochée n’est pas absente de son combat, mais concernant la doxa, il se passe qu’Alain Michel se fait condamner et fermer la bouche surtout parce qu’il pense autrement. Et parce que ce qu’il pense est à contre courant.

3.   Le gouvernement israélien a fait voter la fameuse loi nationale, qui est presque universellement condamnée et le mot apartheid est sur toutes les bouches. Et ici aussi, je ressens en marge de la vraie question (combien cette loi est véritablement le signe d’une dérive fascisante de l’état d’Israël) l’interdiction de penser à contre courant. Je ne vois pas qu’il soit licite de poser le problème en disant : « c’est vrai qu’au nom des systèmes démocratiques avancés, l’égalité de droits est primordiale pour les citoyens d’un pays. C’est vrai que les exemples ne manquent pas de pays dans lesquels des minorités ont été opprimées et que le pire et le plus emblématique de tous a été l’apartheid de l’Afrique du sud. Mais notre cas est-il celui de l’Afrique du sud ?  Alors que tout le monde sait que le cas est différent. Tout le monde vit ou au moins assiste à la situation israélo-palestinienne et peut se faire une idée de sa complexité. En deux mots, il parait clair que le monde arabe ne peut officiellement pas se permettre d’accepter l’existence d’Israël à la place (non aux côtés) de la palestine, arabe et uniquement arabe à leurs yeux. Cela n’est que le discours du hamas et du hisballah mais tout le monde peut voir que même un Abbas est mû par cette tendance. Et il doit être clair aux yeux de tout juif qui souhaite un état juif que le jeu de la démographie est un jeu interdit. Israël ne peut pas se permettre qu’un arabe soit élu premier ministre, que les juifs soient minoritaires au gouvernement parce que cela n’irait nulle part ailleurs que vers la destruction d’Israël, à terme moyen ou immédiat. Et il est difficile de ne pas voir que les arabes, barrages et difficultés administratives mis à part non seulement ne vivent pas mal en Israël, mais vivent mieux sous domination israélienne que sous toute autre alternative arabe. Alors, leurs droits ne sont pas identiques aux droits des juifs, et ce gouvernement vient l’ériger en loi. Mais cela impose-t-il de voir en cela une démarche fascisante ? Cela impose-t-il de reprendre pour qualifier la situation un terme qui est surtout au service de tout le mouvement international antisioniste (bds entre autres) ? Ici aussi, penser à contre courant est comme impossible, on est tout de suite taxé de fascisme.

4.   Un article de Jérome Blanchet-Gravel, sur causeur.fr au sujet des réactions suite au mariage de Vincent Cassel, il y a quelques jours au pays basque.

Je le dis haut et fort : je ne suis pas homophobe, je ne suis pas pétainiste, et je ne suis pas favorable à un quelconque apartheid ou même une discrimination des arabes en Israël, et pourtant je me distancie du journaliste de l’express comme l’est de l’ouest, je suis prêt à écouter Alain Michel sans avoir l’impression de soutenir le fascisme, et si je déplore que ses hérauts soient aux commandes du pays, je ne condamne pas cette loi, et encore moins au moyen d’un terme qui consiste à verser de l’eau au moulin de mes ennemis. 

Et existe une certaine tendance à vouloir voir chez la gauche un voeu et une mise en oeuvre de meilleures conditions sociales, de pensée non rétrograde, non conformiste, non réactionnaire, non fascisante. Mais j’ai vu que le fascisme de gauche, que la dictature de gauche ont existé, existent, et ont peut-être fait plus de dégats que le fascisme de droite, celui tant et tant dénoncé par une gauche qui ne se rend pas compte que tant de dénonciations la conduisent au fascisme de gauche, à l’endoctrinement et à la dictature de la pensée, au « totalitarisme soft avec des airs de bohème » comme le disait si bien un Jérome Blanchet-Gravel que je ne connais pas (qui s’oppose au multiculturalisme, qui est taxé comme « de droite ») mais dont j’appréciai le discours, et en tout cas je ne considère pas qu’être de gauche immunise contre le fascisme.

Réagissez. Répondez-moi. Suis-je désormais « de droite »? Fascisant?


lundi 6 août 2018

une carte topographicopsychique


Le texte ci-dessous ne se consulte pas sur le blog directement mais sur google photos.

Pour le visionner, il convient de ne pas utiliser la fonction "diaporama" qui fait disparaitre les cartes et les textes.

Qui ne réussit pas l'opération peut me consulter pour obtenir le lien.

לרווחת דוברי העברית הטקסט מופיע בשתי השפות צרפתית ועברית.

https://photos.app.goo.gl/nsYTNYMt67LGnPRQ8

jeudi 12 juillet 2018

Du jardin des Plantes à l'hopital St Antoine


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Les extrémités géographiques du périmètre que je vais tracer sont à l’ouest la seine et, au-delà du pont d’Austerlitz le jardin des plantes, au nord-ouest, la place de la Bastille, au nord, la rue Basfroi à son confluent avec l’avenue Ledru Rollin, et au sud la gare de Lyon. A l’est, la frontière est tristement je dirais marquée par l’hopital Saint Antoine, auquel aboutit ce récit.

C’est un périmètre qui s’étend à cheval sur le onzième et le douzième arrondissement, et dont l’artère centrale est la rue du faubourg Saint Antoine, celle qui marque précisément la frontière entre les deux arrondissements.





Entre l’avant-guerre et le milieu des années quatre-vingt, ma famille maternelle habitait ce quartier.



Ma mère et ses parents s’y étaient installés avant-guerre, au 219 rue de Bercy, tandis que mes grands-parents investissaient les économies méticuleusement obtenues en dix ans de travail sur les marchés dans la location de « la boutique », sur l’avenue Ledru-Rollin, en face de l’église Saint Antoine.

 La demi-soeur et le demi-frère de ma grand-mère les avaient rejoints, et la guerre mit cette lente installation en hibernation. Une hibernation très mouvementée, la famille ayant quitté Paris lors de l’exode de 1940, puis s’était réfugiée à Prades dans les Pyrénées orientales, d’où ne devaient revenir qu’une partie d’entre eux.

Ils surmontèrent les difficultés du retour d’après-guerre, difficultés financières (le stock qui leur avait permis de survivre s’était écoulé, l’appartement dont le loyer avait pourtant été régulièrement payé, avait été loue à un triste individu qui ne se laissa pas facilement expulser) et se réinstallèrent dans le quartier.
Les deux filles de mes grands-parents, ma tante Mathilde et ma mère quittèrent bientôt le foyer maternel, chacune s’étant mariée, et elles s’installèrent aussi dans le quartier.



Tandis que mon cousin Daniel naissait en 1949 au 4 rue de Candie, je vins au monde en 1955, au 64 avenue Ledru Rollin,


où nous habitâmes jusqu’au passage à Wissous en 1961, au deuxième étage d’un immeuble hausmannien, tout en longueur, avec balcon sur l’avenue. Un balcon baigné quotidiennement de la fumée des locomotives de la dernière ligne non electrifiée circulant le long de l’avenue Daumesnil et traversant l’avenue Ledru Rollin sur le pont qui jouxtait le balcon.



J’ai des souvenirs olfactifs de cet appartement qui abritait aussi le cabinet dentaire de ma mère, et des réminiscences (qui me paraissent plus le souvenir de quelque chose que l’on m’a raconté qu’un véritable souvenir d’enfance) de ce long couloir que je parcourais en tricycle, et qui s’achevait par une chicane avec la cuisine sur la droite et la chambre (ma chambre?) sur la gauche.

L’appartement des Sznajder était au 5ème étage, ce qui fait que lui aussi (la plupart des immeubles hausmanniens ont un balcon au second et un balcon au 5ème) avait un balcon, balcon très ètroit mais sur lequel fut quand même chaque annee installée une soucca, entre 1973 ou 74 et peut-être le dèbut des annees 80, avant la maladie puis le dècès de Simon en 1985, et le départ de Mathilde pour Israël peu de temps après.





On m’a raconté maintes fois comment une partie de mes activités régulières étaient les visites à la boutique qui fut dans un premier temps tenue par mes grands parents et ensuite par tante Lonia.

Je fus aussi irradié aux ultra violets par Jacques Mallah en compagnie de Daniel (Mallah) qui a un an et demi de plus que moi, dans leur appartement de la rue Michel Chasles où se trouvait aussi le cabinet médical avant qu’ils ne montent habiter au 5ème, où il y avait aussi un balcon. Une photo de lui, son frère Michel et moi dans une poubelle de jardin publique est une preuve des jeux que nous avons joués ensemble au jardin des plantes, lequel abritait aussi le jardin botanique, le musée paléontologique et une ménagerie dont l’attraction la plus populaire - à mes yeux, aussi souvenir induit - était le chameau.

J’allais à l’école maternelle rue Charles Beaudelaire, où mme Lopata fut mon insitutrice, tandis que sa fille Geneviève fut à peine plus tard ma première prof. de piano. Michel aussi apprit les bases du piano chez elle, et peut-être continua-t-il plus longtemps que moi, je me souviens en tout cas qu’il atteint un meilleur niveau que moi. Plusieurs années à la suite, les Lopata, mère et fille, organisaient une séance annuelle de concert pour tous les élèves dans leur maison de Sucy en Brie où nous nous rendions cérémonieusement. J’ai quand même le souvenir de leur immeuble, et en particulier des chaises qui avaient été disposées par elles sur les palliers afin qu’elles puissent s’asseoir en cours de montée. Il me semble qu’elles habitaient aussi au 5ème.

Mais à la différence des balcons de la rue de Candie et de la rue Michel Chasles d’où nous lachâmes maints liquides sur de malheureux passants, rien de tel ne se produit depuis l’appartement Lopata où je ne suis venu que pour m’asseoir docilement face au piano et y jouer quelques morceaux de débutant sous la conduite bienveillante de Geneviève assise à mes côtés.

Le marché d’Aligre était dans mon souvenir comme le centre du quartier, et je ne sais pourquoi, c’est à Mathilde qu’il est associé, peut-être parce qu’elle en était la plus proche géographiquement, ou qu’elle l’aimait.


Tante Lonia habitait au coin de la rue Emilio Castelar et de la rue de Prague, ainsi qu’Arnold et je n’ai que de vagues souvenirs de leurs maisons.


Habitait aussi dans le quartier, rue de Charenton, un couple sans enfants, les Stark, et j’ai dû passer du temps chez eux parce que j’ai plus de souvenirs. Ils avaient un chien nommé Bobby, une bonne pâte de chien, genre basset, et Lola, dont j’entends encore dans mon oreille la voix et l’accent polonais me servait quand je venais chez elle de la pomme râpée saupoudrée de sucre, que j’aimais beaucoup, ainsi que leur contact, à Francis et à elle.



Leur immeuble était d’un niveau inférieur aux autres mentionnés jusqu’ici et j’ai le souvenir de la cour, d’escaliers plus rudimentaires, et surtout des wc à mi-étages qui devaient encore être bien courants dans le Paris des années 50.



Les rues, leurs trottoirs, leurs pavés, et les entrées d’immeubles avec leurs lourdes portes ne sont ainsi pas moins importants dans mon stock de souvenirs que les maisons et les gens.




J’ai de forts souvenirs de l’avenue Ledru Rollin, ses trottoirs, ses feux, ses ponts (celui du chemin de fer mais aussi le pont d’Austerlitz qui en est l’aboutissement..ou le point de départ), ses boutiques (le restaurant « la frégate » dont j’aimais l’enseigne), souvenirs qui ne remontent pas qu’à la petite enfance puisque plus âgé, j’allais à la piscine située alors (le bâtiment a été détruit il y a bien trente ou quarante ans) dans les premiers numéros de l’avenue.

Je sens sous mes pas la rue Trousseau que j’empruntais pour arriver rue de Candie, rue Trousseau où Daniel, puis Michel, allaient à l’école - on en voyait la cour depuis son balcon, elle est aujourd'hui le collège Anne Frank- , le passage Saint-Bernard, la rue de la forge royale (un nom qui m’a toujours fasciné), où était la boucherie cachère, 
et « le faubourg » comme tous l’appelaient.

Il était à l’epoque encore le coeur de l’activité ébéniste parisienne.

Ce sont les artisans ébénistes qui menèrent la révolte puis la destruction de la Bastille.


 Dans la partie qui va de l’hopital Saint Antoine à l’avenue Ledru Rollin se trouvaient
tous les magasins, toutes les échoppes de materiel, quincailleries spécialisées en serrures, en poignées, en vis de toutes tailles. Après le métro faidherbe-Chaligny, en direction du boulevard Voltaire se trouvaient tous les magasins d’outillage du menuisier ébeniste, rabots, gouges, limes, ciseaux à bois, scies, maillets à plaquer, trusquins, equerres, et dans la partie qui reliait l’avenue Ledru Rollin à la place de la Bastille on ne trouvait aucun autre commerce que marchands de meubles.

Ai-je puisé à ce faubourg la source de mon activité ébéniste qui m’accompagne sans discontinuer depuis l’arrivée à l’âge adulte ? Peut-être. Je me souviens que Marianne et moi fabriquions ma première vraie table à La Troche sous l’oeil interessé de Simon, qui arriva le prochain dimanche avec un « niveau », en bois passablement vermoulu, qu’il tenait de son père et me remit ce jour solennellement en cadeau. Le niveau est toujours en bonne place dans mon atelier.



Et last but not least j’ai le souvenir d’énormément de temps passé dans l’appartement de la rue de Candie, chez Simon et Mathilde, et Daniel et Michel Sznajder, aujourd’hui tous les quatre disparus.

Cet appartement m’était très familier. Je peux encore sentir son atmosphère, l’odeur d’encaustique qui l’envahissait, je me souviens du moulin à café electrique accroché au mur de l’étroite cuisine, au-dessus de la table, et de son fracas quand il était mis en marche, peut-être plusieurs fois par jour.

Je me souviens de la conformation de l’appartement, la salle à manger avec son accès au balcon, la chambre de Daniel et Michel et je me souviens de m’y trouver, surtout en compagnie de Michel, mais avec Mathilde, Simon, et Daniel, en toile de fond.



Daniel avait six ans de plus que moi, et donc sept ans et demi de plus que Michel, et c’est une grande différence d’âge quand on n’a pas encore même 15 ans. Je me souviens qu’il racontait les chahuts de sa classe du lycée Charlemagne, comment il imitait tel prof. (qui par exemple demandait à son meilleur copain pour le prier de baisser le store : « Charmes, faites-en sorte que le soleil disparaisse » et Daniel de raconter cela à grands renforts d’éclats de rire comme si n’existait pas de manière plus cocasse de s’adresser à un élève).

Mes souvenirs de lui sont aussi très reliés à nos grands parents communs, auxquels il était très attaché et au sujet desquels son discours était régulièrement ponctué de fous rires, que ce soit pour raconter tel épisode survenu en voiture, ou telle expression meurtrière - et en yiddish - de pépé, et sont associés à la deuxième boutique, celle qu’ils tenaient rue des fossés Saint-Jacques, en bordure du panthéon, quand Tante Lonia eut repris la boutique de l’avenue Ledru Rollin. Alors, eux aussi avaient dejà quitté le quartier, ayant un appartement au-dessus de la boutique.

A partir de cette époque, le centre de mon activité parisienne se déplaça et se situa au quartier latin, avec le boulevard Saint Michel, les stations Luxembourg et Odéon, et la rue Servandoni, racontée ailleurs.

Je ne revins au faubourg que comme adulte nostalgique qui trouve toujours une raison de passer par là-bas à chaque visite à Paris, en général pour acheter du matériel d’ébénisterie, ou photographique sur le boulevard Beaumarchais, de l’autre côté de la place de la Bastille.

Il y a un mois, Daniel ne survivait pas à son hospitalisation en soins intensifs à l’hopital Saint Antoine, et succombait encore avant d’avoir même entamé la vieillesse à une féroce maladie auto-immune.

Que son souvenir soit source de bénédictions.



מרכזה של המפה המנטלית שברצוני לסרטט כאן נמצא סביב רחוב אחד בפאריס, שמוביל מן הקצה המזרחי של העיר אל מגדל הבסטיליה, ושמו rue du faubourg Saint Antoine.
הרחוב כמעט ישר לכל אורכו. הוא עובר דרך בית חולים Saint Antoine, שוק marché d’Aligre, חוצה את avenue Ledru Rollin ומסתיים כאמור בכיכר de la Bastille שעל רצפתה נמצאו שנים ארוכות שרידיה של המבצר שהופל במהפכה הצרפתית ושבמרכזו מתנשא המגדל ולמעלה מלאך קטן שעומד על רגל אחת.

ביליתי בשכונה זו את שנות חיי הראשונות, הייתי גר בavenue ledru Rollin, לסבים שלי היתה חנות ללבני נשים באותו רחוב, הדודים שלי היו גרים ברחוב קטן מקביל לfaubourg, בrue de Candie, ועוד בני דודים אחדים היו מתגוררים בקרבת מקום, ב rue de Prague. כולם היו קונים בשוק marché d’Aligre, אני למדתי את שנות הגן, école maternelle, ב rue Charles Baudelaire.

לציר המרכזי הזה, היסטוריה מפוארת. זה היה מחוזם של בוני הרהיטים לאצולה, המקום בו התפתחה הנגרות הארופאית, וכל חצר, כל חנות היו עוד מקום בו לקנות דברי פרזול או כלי עבודה, או רהיטים, ונגריה ועוד נגריה.

העובדים בנגריות אלה, שהיו עושים את כל עבודתם באופן ידני, לפני עידן החשמל, היו הפועלים שלקחו את החלק הפעיל והמרכזי במהפכה הצרפתית. אלה הם שהפילו את מבצר הבסטיליה, אבל אלה הם על מי יושבת מקצועיות עבודת העץ ליצירת רהיטים. בחצרות אלה פותחו ושוכללו כל הטכניקות מהן מתפארת אומנות זו, באמצעות מפסלות, מקצועים, מסורים ופצירות מכל מיני סוגים.

ואני גדלתי שם באופן מקרי בלבד, כי השכונה היתה יחסית זולה, ולא רחוקה מהמרכז היהודי של פריס דאז.

אבל המקצוע הזה, ועיצוב ובניית רהיטים הפכה לחלק מאד מרכזי בחיי.

אין לי יותר אף אחד מבני המשפחה בשכונה, אבל לעליות לרגל, או לחיפוש ורכישת כלי עבודה ומרכיבי פרזול, או סתם לצילומי רחוב, אני חוזר לשם שוב ושוב

lundi 2 juillet 2018

Servandoni encore. Pour Daniel.





Servandoni des adultes, que je côtoyai depuis l’enfance et l’adolescence, et auquel je m’intégrai.

Ce local de l’union libérale israélite était bien rentabilisé : le talmud torah pour les enfants le jeudi (puis le mercredi) matin, une activité communautaire hebdomadaire les samedis après midi, et l’institut à proprement parler, tous les jours de la semaine.

Le mercredi après-midi, une fois les rires et cris des enfants du talmud Torah dissipés, l’immeuble retrouvait sa dignité du quartier latin. L’immeuble historique jadis habité par Olympe de Gouges réajustait sa cravate, les escaliers étaient de nouveau parcourus de pas feutrés par de dignes adultes, habitants bourgeois du cinquième arrondissement ou par les sérieux étudiants de l’IIEH, institut international (sic !) d’études hébraïques, fondé par la communauté libérale de France et voué à la formation des rabbins libéraux de l’avenir, et toute la paisible et étroite rue joignant l’église Saint Sulpice au jardin du Luxembourg, dans laquelle Victor Hugo choisit de loger Marius Pontmercy (Les misérables) retrouvait sa quiétude.

Les étudiants adultes étudiaient et suivaient leurs cours dans les salles de classe du premier étage, et s’asseyaient en silence pour faire leurs travaux, mener leurs recherches, dans la majestueuse bibliothèque du rez de chaussée.



Et le samedi après midi était comme un mix de ces deux ambiances.

Les adultes arrivaient en fin d’après midi, les enfants en âge moyen qui n’étaient pas à l’école (à cette époque, on était à l’école samedi après midi compris si ma mémoire ne me joue pas de tour) et les adolescents étaient, qui pris en charge, qui arrivant au compte goutte, tandis que les adultes assis autour de la grande table écoutaient un cours, s’adonnaient à une séance d’étude.

Vers la fin de l’après-midi, tous descendaient à l’oratoire en sous-sol, auquel on accédait par un escalier en semi-colimaçon, où se déroulait l’office, suivi de la havdala qui marquait la fin de la réunion pour les adultes et les enfants, tandis qu’elle était un peu le point de départ de l’activité adolescente qui consistait le plus souvent en une sortie au quartier latin, ou à une soirée récréative (soirée conférence-débat, ou plus festif) sur place.

Le groupe se réunit environ durant une dizaine d’années, entre la fin des années soixante et la fin des année soixante-dix, fut pour bon nombre d’entre eux leur voie d’accès au judaïsme, et devint assez soudé, assez pour que chacun des participants se sente encore concerné par les souvenirs que je raconte alors que se sont écoulées près de cinquante ans.

Mon cousin Daniel, auprès du nom duquel je dois avec effroi, et depuis une petite semaine déjà, ajouter la mention « zal » (de mémoire bénie selon la traduction consacrée), a été un peu un pilier de cet édifice, et est central dans le souvenir que j’ai des années « servandoni », de mes années d’adolescence.

Daniel avait six ans de plus que moi, et je suivis pour ainsi dire ses traces dans ce lieu, tandis que lui semblait aller dans la direction montrée par mes parents. J’ai enseigné au talmud torah à sa suite, j’ai étudié dans cet institut et sous sa direction matière à présenter l’hébreu en seconde langue au bac, avec une solide formation de grammaire ( transmise par Daniel sur base du livre Ben Meïr dont les anciens du lieu évoquaient le souvenir avec respect et admiration. « Il traversait tout Jérusalem pour venir converser en araméen avec le boucher d’Emek Refaïm ! ») , mais non moins les premiers rudiments d’étude des textes traditionnels (tanakh, midrach, talmud, Psaumes en particulier), après lui, sous sa direction et à ses côtés j’ai officié et lu la Torah pour ces offices du samedi soir - et des fêtes de tichri, et je continue encore chaque samedi soir à chanter la havdala comme j’ai là-bas appris à la chanter, tandis qu'il faisait de même.

Se tinrent ainsi quelques années sous la responsabilité de Daniel des offices de tichri, et en particulier la terrible année 1973 où nous vécûmes ensemble le déclenchement traumatisant de la guerre de kippour. Nous ne savions pas encore que Nah’chon, notre cousin, connu de nous seulement trois ns plus tôt lors de notre passage à Sarid, tankiste sur le golan, tombait ce même jour.

Daniel assumait la quasiment entière responsabilité de tous ces offices, et je le soutenais pour la lecture de la Torah. Nous nous sommes rendus ensemble chez Kaçman pour la préparation, j’ai appris ces lectures sous leur direction. Daniel menait l’office et chantait les morceaux de bravoure de ces fêtes, kol nidré, ounetané tokef, sur les airs de notre enfance à Copernic, avec la nostalgie de Kaçman en arrière plan.

Le samedi après-midi, il mena plusieurs années à la suite la séance d’étude pour les adultes, et, comme je le ressentis plus tard, je suppose qu’il put se sentir alors une certaine aura, susceptible de procurer une certaine exaltation, alors qu’encore tout jeune, il recevait l’aval d’un auditoire fidèle et attentif d’adultes respectables et instruits.

Dans la semaine, il étudia sur place sa maîtrise d'hébreu (tandis qu'il étudiait en parallèle à la rue d'Assas une licence de droit, effectuant en solex les trajets de l'un à l'autre), et il enseignait aussi à l’institut. L’hébreu, notamment. J’étais de ses élèves. Lyliane aussi.

Comme je l’ai déjà écrit dans les précédents chapitres des récits de ces années, sur ce même blog, Servandoni nous fut comme une maison. Celle où l’on n’habite pas mais dans laquelle on se sent comme chez soi. Parce qu’on y est habitué, on connait le poids de la lourde porte d’entrée, la configuration du porche, on a en tête sans calculer le nombre de pas qui séparent l’entrée du début de l’escalier, la couleur des murs, l’odeur. Et parce qu’on s’y est développé. On y a été petits, et on continue d’y être, d’y venir et d’en repartir.

Je me souviens d’y arriver tant à pied qu’en mobylette ou en voiture les derniers temps, ou encore à pied, en longeant le jardin du Luxembourg et le Sénat, avec une familiarité comparable à celle que je ressentais à l’arrivée à la maison.

Servandoni n’était ainsi pas une option. La question : « irai-je à Servandoni ? » n’exista pas durant bon nombre d’années.

C’était là-bas que nous allions, le samedi après midi, pour les grandes fêtes, le mercredi matin pour enseigner, et au moins un soir par semaine pour telle ou telle séance d’étude, différente au fil des années.

Et le personnage de Daniel était inséparable de la situation. Je ne sais combien il y étudia et y enseigna mais lui aussi y évoluait comme dans sa propre maison.

Il me semble que son activité prit fin peu après son mariage, autour de la naissance de Laure, donc en juin 1975.

Même si la communauté poursuivit encore ses activités plusieurs années, sous la direction de Benjamin Douvshani, le groupe que j’ai connu me parait s’être dispersé aux alentours de cette même année, du fait que ma génération devenait aussi adulte et que chacun débutait une nouvelle vie.

Alors que rien de cela n’était ni concerté, ni même en un aboutissement logique quelconque, le noyau de cette communauté est en Israël, principalement à Jérusalem, depuis de longues années, et toutes les raisons qui provoquent des rencontres donnent en général lieu à retrouvailles émues, au cours desquelles le nom de Daniel est toujours évoqué.

Deux des enfants de Daniel (et Lyliane) ont suivi ou ont fait partie de ce mouvement d'alyah, Daniel et Lyliane sont restés en France, ne se sont achetés un appartement à Jérusalem que peu de temps avant la disparition prématurée et inattendue de Daniel, en cette fin de juin 2018, presque un an jour pour jour après la disparition de son frère Michel, eux deux finissant leur vie à un âge bien jeune comme cela avait été le cas de leur père Simon.
Que leurs souvenirs soient sources de bénédictions.

lundi 25 juin 2018

Sur houkat et balak, en souvenir de Claude.




Le thème de la vue, qui parcourt toute la paracha houkat (לפני הכהן, לעיני כל שיראל, יביט כל הנשוך בנחש וחי) vient évoquer le regard de Claude, aux yeux bleus, et resté vif et aigu jusqu’aux derniers instants de sa vie, et vient associer dans mon esprit mon cousin Daniel, disparu à quelques heures d’intervalle, et lui aussi avait les mêmes yeux bleus.

J’ai de plus choisi de m’appuyer sur un texte du midrach dont mon livre garde la trace que j’ai dû encore l’étudier avant de quitter la France, peut-être avec Daniel.

Il n’est en tout cas pas impossible que j’ai acheté mon « midrach rabbah » dans cette même boutique en étage de la rehov Bné Brit de Jérusalem, boutique qu’il m’avait fait découvrir et dans laquelle lui et moi achetâmes plusieurs articles à la base de notre bibliothèque personnelle d’études juives.

Je dois ajouter que ces parchiot Houkat et Balak me sont chères, ce sont les parchiot de ma naissance, houkat est ma parchat bar mitzva.

Le dernier midrach de la paracha houkat, à la jointure des deux parchiot, parle du deuxième thème central à ces deux parchiot, et c’est le thème de la parole.

Ce thème de la parole intervient autour de l’épisode du rocher, dans lequel Moshé frappe le rocher au lieu de lui parler, est central dans tous les épisodes de conquète de la paracha, chacun ponctué par l’envoi de parlementaires, qui tentent à chaque fois le dialogue, avec Sihon, avec les bné Amon, avec Og, est majeur dans l’épisode de l’eau de la discorde articulé autour des plaintes et récriminations du peuple adressées à Moshé, et est très joliment réhaussé par le cantique qui figure au centre de la paracha, épisode dans lequel la langue du texte passe magistralement de la prose à la poésie.

Et le thème de la parole est bien évidemment central dans la paracha Balak, qui ne traîte que de prophétie et d’impact de la parole sur le monde à travers les diffciles notions de bénédiction et de malédiction.

Et le dernier midrach de la paracha houkat parle de ce morceau de poésie : « jaillis ô puits... » et de son introduction par les mots : « ainsi chantera Israël... », comme si le texte non uniquement venait relater un épisode historiquement survenu, lors de la marche des hebreux dans le désert, quand surgit soudain l’eau devant le peuple, mais venait aussi annoncer une prophétie : « ainsi chantera Israël.. ». Quand donc chantera Israël ? Et quel puits devrait alors jaillir ?

Et le midrach de dire : trois fois, la parole de Moshe se fit entendre à l’encontre de ce qui avait été conçu par l’Eternel, et lors de ces trois fois, la parole de Moshé a été avalisée par l’Eternel, comme si l’homme avait eu le pouvoir par sa parole de changer le cours des choses.

Sujet fondamental s’il en fut, que celui de l’impact de la parole sur le cours des choses, pour le peuple du livre, peuple qui transporte la parole depuis la nuit des temps, peuple qui enseigne au fil des temps que c’est par la parole que fut créé le monde.

Pas une explosion, un « big bang » fortuit, mais une parole. Dix paroles. Le texte de la Genèse enseigne ainsi que l’homme fut créé à l’image du Créateur, et il convient de surtout comprendre qu’il reçut de lui le pouvoir de la parole. 

Non uniquement le pouvoir de la communication, de l’échange par la parole, mais aussi le pouvoir de faire changer les choses par la parole.

Le midrach donne ainsi la mesure de combien ce pouvoir peut s’exercer. Le plus grand prophète qu’ait connu le judaïsme put par trois fois faire changer le cours du monde, tandis que le prophète des nations, Bileam, celui dont les services furent loués par le roi Balak afin qu’il maudisse ce peuple - le peuple juif - qui le menaçait, ne réussit pas à maudire Israël, et échoue à changer le cours des choses.

Pouvoir parcimonieusement partagé. L’homme ne peut que très partiellement agir sur le monde.

Moshé intervient donc sur le monde quant à l’impact divin et suggère au Créateur qu’il s’adresse collectivement au peuple et non individuellement (« je suis votre D. » et non « je suis l’Eternel ton D. »), Moshé intervient sur la question de la répercussion du comportement des pères sur les enfants, arguant qu’un père n’ayant pas été élevé dans le monde de la Torah mais y étant entré par ses propres déterminations ne devrait pas avoir à assumer les manquements de ses pères, et Moshé enfin choisit de sa propre initiative de parlementer avec les peuplades qui se trouvaient sur sa route plutôt que de leur faire aveuglément la guerre, dans la conviction du droit divin, et ces trois choses d’après notre midrach auraient été avalisées par le Créateur.

Le midrach puise l’interprétation de cette avalisation dans les derniers versets de ce passage de poésie, versets obscurs, qui paraissent au lecteur inattentif une simple énumération de lieux, alors qu’ils recèleraient ce secret : celui de ce que sut accomplir Moshé avant sa mort, le secret du pouvoir de la parole, la capacité de faire changer le monde.

Ces deux versets sont en français : "Ce puits, l'ont creusé des princes, des volontaires de son peuple, par la loi sur laquelle ils s'étaient appuyés, et de Midbar à Matana, et de Matana à Nahaliel, De Nahaliel à Bamot, et de Bamot, la vallée qui se trouve dans le champ de Moab, au sommet de la colline, et qui se reflète dans le Yeshimon"(Nombres 21, 18 à 21). Le midrach sollicite ce texte, et départit ces mots de leur sens géographique. On ne connait de plus pas de lieux portant ces noms.  Le mot Midbar veut dire désert mais est construit sur la racine qui donne le mot parole, et on, peut ainsi interpéter que la parole sort de ce travail de mineur reposant sur la loi. La parole sérieuse doit reposer sur la loi, sur la morale. Et le mot Matana veut dire "présent", comme si Moïse avait reçu cette capacité de verbaliser en cadeau, cadeau donné par D. puisque c'est le sens du mot Nakhaliel. Et Bamot, voulant dire une esplanade, on peut déduire que tel don porte la parole sur le plus noble des promontoires, et que son reflet émane même du néant, sens premier du mot Yeshimon. Ceci est une prophétie messianique, celle d'une époque où le message d'Israël, entonné par Moïse sera la base de la loi morale de l'humanité.

Claude avait eu beaucoup d'admiration pour Rabin, avait fondé beaucoup d'espoirs dans le processus de paix, et avait été fortement impressionné sur ses derniers jours par la rencontre Trump - Kim Jong Un, autrement dit par les retournements inattendus, desquels peut parfois surgir la paix.

Claude vient de nous quitter d’une façon entièrement « en phase » avec ce en quoi il investit l’energie de longues années de travail. Claude qui travailla sur le ralentissement et l’accélération progressifs des moteurs, termina sa vie de la facon la plus progressive et harmonieuse possible, et quitta le monde « rassasié de jours » et sereinement, ainsi qu’il est écrit au sujet d’Avraham.

Puisse-t-il ainsi que cela fut pour Moshé laisser derrière lui le souvenir de l’impact de la détermination et de la parole sur le monde, et surtout sur l’harmonisation du monde, et sur la possibilité d’atteindre les changements par la parole plutôt que par la guerre. C’est alors que « chantera Israël », c’est ce puits, celui de la parole apportant harmonie, qui jaillira alors.

jeudi 7 juin 2018

Il faut que les choses soient dites


Humeur et urgence !

En tant que se voulant citoyen honorable du monde, je me suis retrouvé abonné des courriers de avaaz, après avoir signé quelques pétitions pour l’amélioration de la planète...jusqu’au jour où je reçois le courrier avaaz intitulé « Gaza ».

J’y trouve matière à « indignation »...et ce mot n’est pas anodin puisque c’est entre autres de lui que je viens parler.

Mais je détaille en premier lieu ce sur quoi porte mon indignation du moment.

On trouve sous la plume de l’initiateur de avaaz, grand humaniste devant l’Eternel, ce que l’on n’a aucun mal à qualifier de position de relais des positions anti israéliennes de base :

« Les militaires israéliens viennent de tuer 60 manifestants désarmés, et en ont blessé 1300 autres par balle. 1300. Et ils le font le sourire aux lèvres » 

« C’est un massacre -- un de plus,  en 50 ans de répression militaire raciste et violente à l'encontre du peuple palestinien.  

D’autres États se sont vus sanctionnés pour bien moins. Les sanctions contre l’Afrique du Sud ont contribué à libérer sa population noire: il est temps pour le monde de se rassembler derrière des sanctions contre Israël pour libérer les Palestiniens. »

« Israël s’est écarté du chemin de la raison et de la paix pour se rapprocher de l’extrême droite. Un député a demandé à ce qu’Ahed Tamimi soit battue - il s’agit de la jeune Palestinienne qui avait giflé un officier après que son petit cousin ait reçu une balle dans le visage - et le ministre de la Défense en personne a menacé de punir la famille entière! »  .. ...

« L'armée israélienne prétend que les manifestations sont une invasion organisée par le Hamas et que quelques manifestants étaient armés. Ces affirmations sont contestées par les Palestiniens et la société civile internationale, sachant qu'Israël a souvent menti pour justifier ses actions. Et même si c'était vrai, pourquoi avoir tiré sur 1300 personnes situées à des centaines de mètres de la bande de séparation? Et pourquoi à balles réelles?! 

Les forces israéliennes contrôlent l'espace aérien et sont retranchées derrière des fortifications, avec souvent des kilomètres de désert derrière elles: quelle menace représente réellement la foule?! La peur et la victimisation hystériques du régime israélien ne connaissent pas de limites, et justifient les actes les plus cruels.

Gaza est en réalité la plus grande prison à ciel ouvert du monde, privée de produits de première nécessité depuis des années par Israël. Les personnes qui manifestent risquent leur vie par désespoir. Mais lorsque ces prisonniers osent s'approcher des murs de leur prison, leurs geôliers les abattent comme des animaux, bien en sécurité dans des miradors situés à des centaines de mètres. »

Fin de citation.

Après un tel discours, le lecteur trouve chez l’auteur un embryon de conscience :  « Les soutiens inconditionnels d’Israël sauteront sur l’occasion pour accuser Avaaz, et les nombreux membres juifs de notre équipe, de haine des Juifs »

Mais l’orientation est bien là :

« Mais notre équipe et les membres d’Avaaz aiment l'humanité toute entière, sans distinction. L’Holocauste est une réalité, le peuple juif a souffert de terribles persécutions et est toujours victime d’antisémitisme dans le monde entier.  

Beaucoup de ceux qui ont participé à la fondation d’Israël voulaient en faire le phare d’une voie meilleure. Mais leur vision a été trahie, et l'État d'Israël est désormais dirigé par un régime répressif et violemment raciste -- il mérite une condamnation internationale. Pas juste en paroles, mais en actes ».

Un discours qui me fait bouillir. Un discours qui me donne la nausée, et qui me renvoie à ces pretendus « indignés » du vivant de Hessel, relayés aujourd’hui par de prétendus « insoumis », lesquels ont surtout en commun cette démonisation d’Israël, qui ne fait en fin de compte rien d’autre que relayer ce qui n’est autre que le discours le plus antisioniste de base.

Ce discours ne reposerait-il pas sur une synecdoque ? Ce mode de langage et de regard en vertu duquel on assimile la partie au tout ?

Israël devient sous leur plume ce qu’il est presque le plus éloigné d’être. Israël est assimilé « à la louche », mais de façon générique, et qui fait tache d’huile, à l’Afrique du sud d’avant Mendela. « Israël » et « sionisme » sont, grâce à eux et leur militantisme hostile, devenus des gros mots pour le citoyen lambda.

Israël qui est un pays qui a été créé comme l’antithèse du colonialisme, c’est à dire par des individus qui trouvaient enfin une source d’oxygène à une vie marquée par l’antisémitisme, la pauvreté et l’immobilisme, et qui ont quitté le peu qu’ils avaient pour venir travailler de leurs mains, contre les conditions climatiques, contre les maladies, contre l’hostilité environnante.

Ces gens, qui étaient pour la plupart communistes, qui ont salué la révolution russe avant de quitter l’europe centrale, et qui ont créé les kibboutzim que l’on sait surtout dénigrer et critiquer aujourd’hui mais qui n’ont quand même jamais été de l’impérialisme ni du colonialisme, ces pauvres gens (dont mes grands parents étaient) étaient les migrants du début du vingtième siècle et leur chance a été qu’ils ont constitué un mouvement qui « a pris » et a engendré le soutien, tandis que ce qui leur est reproché aujourd’hui par tout ce public qui se targue encore d’être « de gauche », comme si là se trouvait la veritable noblesse de l’homme, parait de ne pas être restés pauvres et malheureux.

Leur chance a été qu’ils n’ont pas été utilisés par des dirigeants qui se seraient appliqués à leur conserver le statut de victimes et sous-citoyens, suivez mon regard.

Ils ont travaillé et travaillent encore aujourd’hui, où même encore choisir de venir vivre en Israël revient à renoncer à une partie du niveau de vie européen ou américain, revient a faire un choix difficile.

Israël a extraordinairement réussi. Le projet sioniste a abouti à l’inimaginable, si on regarde la croissance de population (près de huit millions contre à peine 200000 il y a un siècle), la démographie, bien entendu la technologie (« startup nation ») et même le sentiment de bien-être, et encore de multiples sujets.

Et il a encore mieux réussi si on le juge à l’aune de l’histoire juive, qui est l’histoire d’une bonne partie de l’humanité. Ce peuple hébreu, horde d’esclaves révoltés, ayant quitté dramatiquement l’Egypte,pouvait-il espérer meilleure réalisation de leur rêve?

Israël a de nombreux challenges. Celui de la transformation du « judaïsme d’exil » en hébraïsme, et celui de la population arabe paraissent les deux les plus visibles mais il est clair que le second obstrue le regard de façon disproportionnée.

Et je veux revenir sur ces challenges. Je veux que cesse d’être ainsi sali le beau nom Israël.

Vais-je ici commencer par le deuxième challenge?

Ce n’est pas que la relation aux palestiniens soit de second ordre mais je sens qu’elle fait tellement disparaître le reste qu’elle suivra et non précédera.

Le premier sujet doit être celui de la raison d’être de la présence juive sur cette terre. Et il n’y a pas mieux que de remonter aux origines même si le lecteur lambda français et laïque de fait et de principe vous rétorquera immanquablement qu’on ne fait pas reposer le présent sur de l’archéologie ou de vieilles reliques, fussent-elles bibliques.

Or il n’y a de « juif » que par la Bible. Il n’y a de juif qu’en affiliation à ce qu’est être juif dans le monde depuis Avraham le patriarche, et jusqu’à aujourd’hui, et la littérature sur le sujet est énorme. Le peuple juif est le « peuple du livre » et il ne saurait y avoir de controverse au sujet du judaïsme qui ne se réfère aux livres. Livres d’histoire et livres juridiques. Car le mot « juif » ne peut en rien être défini par la définition que décidera d’en donner le talkbacker de facebook.

Et c’est au travers de cette affiliation pluri millénaire que doit être examinée la meilleure façon d’être juif en 2018. Non parce qu’un vieux texte atteste de la présence de juifs sur cette terre, mais parce que les juifs ont affirmé, affiché et répété leur attachement à ce texte et à ce lieu quotidiennement depuis deux mille ans, en se tournant vers Jérusalem trois fois par jour, en mentionnant la construction de Jerusalem dans la prière et dans les bénédictions d’après chaque repas, et que ce sont ces faits qui sont consignés dans de nombreux livres.

Le sionisme - il faut apparemment le rappeler - n’est ainsi qu’occasionnellement consécutif aux évènements mondiaux du vingtième siècle, il est avant tout une affaire juive.

Et c’est au peuple juif de faire savoir au monde son lien à cette terre, tant au plan sociologique qu’au plan religieux.

Le rav Léon Ashkenazi, en son temps un des phares de la communauté juive d’expression française, décédé il y a vingt cinq ans, enseignait que la façon d’être juif avait évolué au fil des siècles et que ce qui se jouait avec le sionisme et la mise en place de l’état juif, c’est le retour du juif à l’identité hébraïque, l’identité juive étant celle du juif hôte des nations, et dont le judaïsme est limité à une forme religieuse et cultuelle, tandis que l’identité hébraïque est celle du judaïsme souverain. Et la Torah contient plus de lois relatives à l’application étatique du judaïsme que de lois relatives au culte.

C’est l’histoire des guerres et des exils qui a fait des juifs des exilés deux mille ans durant. Et les juifs ont opéré depuis la fin du dix neuvième siècle un spectaculaire retournement, initiant, encore avant la shoah, la fin de cette situation d’exil et de persécutions.

Mais le monde ne s’habitue pas au nouvel état, au double sens de ce terme. Le monde préfère les situations immuables. Les malheureux doivent rester malheureux.

Avant de se mesurer au monde extérieur, le judaïsme a énormément à faire pour « jouer » cette mutation, qui s’accompagne, une fois les manches retroussées, du challenge d’homogénéisation des diverses formes qu’a revêtues le judaïsme. A part un fantastique travail de construction et de développement, Israël est le lieu de cette mise ensemble multiculturelle. Israël a absorbé (partiellement puisqu’une partie est repartie) un million de juifs de l’ancienne URSS, Israël a absorbé les juifs éthiopiens, Israël a dû - et doit encore - supporter avec patience que juifs nés américains, latins, français, d’Afrique du nord, de Pologne, du Yemen d’Irak et d’Iran réussissent une vie commune à laquelle rien ne les avait préparés.

Et ceci se fait, s’est fait, et s’est fait par la force des choses, tel Terrence Hill, en gardant perpétuellement un oeil sur un ennemi qui n’est jamais devenu inactif, et le doigt sur la gachette.

Le monde feint non seulement d’ignorer tout ce développement qui n’a aucun égal, il s’attend à ce qu’Israël, devenu à plusieurs égards presque super puissance, nage avec aisance dans tous les milieux. Le monde a très vite relégué aux oubliettes la situation des premiers pionniers et ne voit plus Israël que comme un bastion impérialiste, et on est bien obligés de constater que les plus acharnés dans ce domaine sont les gens de gauche.

Le second challenge est celui de la relation aux palestiniens.

Ceux-ci ne sont pas à proprement parler interlocuteurs. Ils ne sont pas encore vraiment une entité, encore secoués par bon nombre de luttes intestines.

Force est de constater l’écart majeur qui existe entre les palestiniens d’une part et les dirigeants palestiniens d’autre part. Ces derniers semblent ne souhaiter qu’en dernier lieu mettre en place un état dans lequel la population pourra se développer et vivre une vie de citoyens.

Ces dirigeants mènent avant tout une lutte contre l’existence même d’un état juif, ayant refusé les propositions de la commission Peel en 1936, puis ayant déclenché une guerre suite au vote de l’ONU de partition de la Palestine en 1947, puis ayant créé l’OLP en 1964, et ayant veillé à conserver à la population le statut de réfugiés et de malheureux, à des fins essentiellement de pressions politiques antisionistes. De plus, il est impossible de ne pas prêter attention aux opinions ouvertement affichées négationnistes de la shoah et antisémites de Abbas.

La population, elle, est partagée, entre un sentiment nationaliste qui la pousse à s’opposer à Israël, et la possibilité à eux donnée par Israël mieux que dans tout autre endroit de se developper tant économiquement que professionnellement.

Énormément de contacts ont lieu au jour le jour entre les populations juive et palestinienne, essentiellement sur les lieux de santé et d’etudes, et les contacts se sont faits puis développés au fil des années.

Néanmoins, le compte reste ouvert. Les palestiniens souffrent des contrôles de sécurité, et d’un statut civil différent de celui des juifs, tandis que les juifs souffrent de la lutte armée que les dirigeants continuent de mener.

L’axiome « qu’ils arrêtent la lutte armée et il y aura la paix, que nous arrêtions de nous armer et nous serons menacés de disparition » demeure l’axiome de base de la vie sur place.

Et se pose ici la question de ce qui fera au mieux avancer cette situation qui, d’un côté, est loin d’être statique (Israël est en plein essor) et d’en parallèle, au chapitre de la cohabitation, parait immobilisée.

Les indignés d’hier et les insoumis d’aujourd’hui ont adopté une position stable : ils combattent, boycottent, fustigent, condamnent Israël, comme automatiquement.

Ils encouragent la démonisation d’Israël et contribuent à l’enseignement de la haine des israéliens et des juifs, nourri par les dirigeants palestiniens.

Ils combattent l’image même d’Israël et comme s’acharnent à encore et encore salir le nom et la réputation d’un pays qui peut apporter et apporte déjà au monde entier les fruits de la merveilleuse expérience humaine qui s’y déroule, ainsi qu’au plan technologique.

Français, citoyens du monde, réfléchissez et adoptez la position qui vous paraîtra la plus fructueuse, pour les palestiniens, pour les juifs, et pour le monde entier, parce que le conflit israélo-palestinien résonne dans le monde entier.

Ouvrez vos yeux et vos oreilles, et vos livres, penchez vous d’un peu plus près sur la réalité israélo-palestinienne plutôt que d’adopter une attitude générale de condamnation. 

Et ceux parmi vous qui sont juifs, pesez vos jugements et vos hâtives condamnations. Même quand elles sont au nom d’excellentes valeurs, même quand elles sont mues par votre indignation ou votre conscience, pourquoi devriez-vous apporter de l’eau au moulin du concert antisémite ?