Trois
sujets qui ne sont apparemment pas liés l’un à l’autre mais au sujet desquels
je rencontre le même décalage de pensée, et où je me trouve comme face à
l’interdiction de penser ce que je pense, et un quatrième qui élargit le champ.
1.
Je trouve le titre
suivant dans l’Express :”ces psys qui ont voulu guérir mon
homosexualité », sous-titre : « en réponse au pape ». Je lis
l’article, où une femme de bientôt 60 ans raconte comment elle a été comme
abusée et conduite au suicide à l’âge de 17 ans, pour seul délit d’avoir été
homosexuelle...et je dois avouer qu’en tant que professionnel de santé mentale,
exerçant depuis plus de trente cinq ans entre autres avec des adolescents, je
trouve entre les lignes de cet article bien d’autres choses. Je trouve par
exemple que les parents d’une jeune fille mineure étaient désemparés, peut-être
seulement entre autres, par le fait qu’elle avait une relation amoureuse, non
seulement lesbienne, mais avec une femme de 38 ans. Je trouve écrit qu’elle a
été vue et même hospitalisée par des psychiatres, que ceci se passait non au
moyen âge mais en 1978 (et pour les gens de mon âge canonique ce n’est pas la
préhistoire) et je trouve aussi que son père a demandé des excuses à sa fille
sur son lit de mort « pour ce qu’il avait fait ». Je crains de n’être
devant un article non écrit par quelqu’un qui comprend la sociologie et la
psychologie de l’adolescence mais par quelqu’un qui cherche à aller vite, et avant tout à
contrer les propos homophobes du pape. C’est à dire que le sujet ici est
« ce que le monde moderne exige que l’on pense au sujet de
l’homosexualité » et le militantisme contre une pensée qui va dans l’autre
sens. Je lis en effet concernant cette femme qu’elle était une adolescente en
souffrance, peut-être aussi en révolte contre ses parents, je lis qu’elle a été
abusée par une femme âgée, qui aurait pu (dû) être jugée pour détournement de
mineur - et ceci est passé sous silence par le journaliste (il y a
prescription, mais il y a ici presque complicité ), et je suppose que
l’hospitalisation était parce que le psychiatre a craint un état suicidaire, ce
qui s’est confirmé (le journaliste appelle cela : « le psychiatre l’a
conduite au suicide »...il doit écrire dans d’autres cas que l’oncologue a
induit le cancer chez le malade...). Cet article est donc un détournement d’un
cas clinique, l’utilisation d’un cas clinique au profit d’un courant de pensée,
et quand je tente de réagir comme me le propose obligeamment la rédaction
je me retrouve face à l’unique possibilité de cocher entre quatre possibilités,
et nullement la possibilité de dire ce que je pense, c’est à dire que cet
article m’a en premier lieu scandalisé pour tout ce que je viens de développer.
Et cela, il n’y a pas de place pour que j’aie le droit de le dire.
2.
Alain Michel produit un
petit film, énième épisode du feuilleton de son combat autour du rôle de Vichy
dans la shoah, il le publie sur le site des e.i.s et une des - très peu
nombreuses - réactions tient à la « consternation de trouver de telles idées
sur un site e.i. » J’écoute la vidéo et n’y trouve rien, ni de proVichy,
ni de fascisant, et me reviennent les termes que j’ai plusieurs fois entendus
de la bouche d’Alain, « on me condamne parce que je m’élève contre la
doxa ». C’est vrai qu’Alain mène ici un combat qui ressemble à celui de
Don Quichotte, et c’est vrai qu’il ne tient pas assez compte du fait que son
discours plait aux pétainistes, encourage la réhabilitation de Pétain, et qu’il
devrait donc la mettre un peu en veilleuse. Et il est possible que la jalousie
de Paxton qui est dénoncée et lui est reprochée n’est pas absente de son
combat, mais concernant la doxa, il se passe qu’Alain Michel se fait condamner
et fermer la bouche surtout parce qu’il pense autrement. Et parce que ce qu’il
pense est à contre courant.
3.
Le gouvernement israélien
a fait voter la fameuse loi nationale, qui est presque universellement
condamnée et le mot apartheid est sur toutes les bouches. Et ici aussi, je
ressens en marge de la vraie question (combien cette loi est véritablement le
signe d’une dérive fascisante de l’état d’Israël) l’interdiction de penser à
contre courant. Je ne vois pas qu’il soit licite de poser le problème en disant
: « c’est vrai qu’au nom des systèmes démocratiques avancés, l’égalité de
droits est primordiale pour les citoyens d’un pays. C’est vrai que les exemples
ne manquent pas de pays dans lesquels des minorités ont été opprimées et que le
pire et le plus emblématique de tous a été l’apartheid de l’Afrique du sud. Mais notre cas est-il celui
de l’Afrique du sud ? Alors que tout le monde sait que le cas est
différent. Tout le monde vit ou au moins assiste à la situation
israélo-palestinienne et peut se faire une idée de sa complexité. En deux mots,
il parait clair que le monde arabe ne peut officiellement pas se permettre
d’accepter l’existence d’Israël à la place (non aux côtés) de la palestine,
arabe et uniquement arabe à leurs yeux. Cela n’est que le discours du hamas et
du hisballah mais tout le monde peut voir que même un Abbas est mû par cette
tendance. Et il doit être clair aux yeux de tout juif qui souhaite un état juif
que le jeu de la démographie est un jeu interdit. Israël ne peut pas se
permettre qu’un arabe soit élu premier ministre, que les juifs soient
minoritaires au gouvernement parce que cela n’irait nulle part ailleurs que
vers la destruction d’Israël, à terme moyen ou immédiat. Et il est difficile de
ne pas voir que les arabes, barrages et difficultés administratives mis à part
non seulement ne vivent pas mal en Israël, mais vivent mieux sous domination israélienne
que sous toute autre alternative arabe. Alors, leurs droits ne sont pas
identiques aux droits des juifs, et ce gouvernement vient l’ériger en loi. Mais
cela impose-t-il de voir en cela une démarche fascisante ? Cela impose-t-il de
reprendre pour qualifier la situation un terme qui est surtout au service de
tout le mouvement international antisioniste (bds entre autres) ? Ici aussi,
penser à contre courant est comme impossible, on est tout de suite taxé de
fascisme.
4.
Un article de Jérome
Blanchet-Gravel, sur causeur.fr au sujet des
réactions suite au mariage de Vincent Cassel, il y a quelques jours au pays
basque.
Je
le dis haut et fort : je ne suis pas homophobe, je ne suis pas pétainiste, et
je ne suis pas favorable à un quelconque apartheid ou même une discrimination
des arabes en Israël, et pourtant je me distancie du journaliste de l’express
comme l’est de l’ouest, je suis prêt à écouter Alain Michel sans avoir
l’impression de soutenir le fascisme, et si je déplore que ses hérauts soient aux commandes du pays, je ne condamne pas cette loi, et
encore moins au moyen d’un terme qui consiste à verser de l’eau au moulin de
mes ennemis.
Et existe une certaine tendance à vouloir voir chez la gauche un
voeu et une mise en oeuvre de meilleures conditions sociales, de pensée non
rétrograde, non conformiste, non réactionnaire, non fascisante. Mais j’ai vu que
le fascisme de gauche, que la dictature de gauche ont existé, existent, et ont
peut-être fait plus de dégats que le fascisme de droite, celui tant et tant
dénoncé par une gauche qui ne se rend pas compte que tant de dénonciations la
conduisent au fascisme de gauche, à l’endoctrinement et à la dictature de la
pensée, au « totalitarisme soft avec des airs de bohème » comme le
disait si bien un Jérome Blanchet-Gravel que je ne connais pas (qui s’oppose au
multiculturalisme, qui est taxé comme « de droite ») mais dont
j’appréciai le discours, et en tout cas je ne considère pas qu’être de gauche
immunise contre le fascisme.
Réagissez.
Répondez-moi. Suis-je désormais « de droite »? Fascisant?