dimanche 30 juillet 2023

L’impératif de demain. Quelques réflexions supplémentaires sur notre difficile situation socio politique..


Les discussions et les avis d’experts se focalisent beaucoup sur cette réforme juridique mais je crains qu’elle ne soit pas le centre.

De la même manière, ce n’est pas le likoud ni même Netanayahou, ou encore Levine ou Rothman qui sont le centre du panorama humain de cette crise.

La réforme du système ne survient que parce que sans elle certains élements - qui sont le centre - ne pourront être menés à bien.

Je vais tenter ici d’écrire quelque chose qui n’ira pas dans le sens de fustiger « les autres », qu’il faut maintenant dépasser, mais bien plutôt de tenter la recherche du vivre ensemble. Comme j’ai entendu ce matin quelqu’un le dire, un état n’est pas un lieu de mise ensemble de gens qui pensent tous pareil, mais bien plutôt - et l’état juif en particulier - un lieu où des gens différents réussiront la vie ensemble. Je me distancie par exemple de prises de position comme celle de Amnon Rubinstein publiée ces derniers jours, et qui annonce la séparation. Nous vivons au sens large une époque de divorce trop facile. On se persuade trop facilement que le divorce va être la solution. On le voit et l’éspère comme une fin, comme la fin souhaitée, et on ne se rend que trop tard compte qu’il n’est en fait qu’un commencement, parfois le commencement d’une étape plus difficile que celle qui vient de s’achever.

Et donc quel serait le véritable centre ? Et l’acteur principal ?

Notre système electoral - très imparfait - nous fait croire que ce sont les grands partis qui tiennent le devant de la scène, alors que ce sont en réalité les petits, plus extrémistes par nature.

Ce ne sont pas ainsi ni Bibi, ni Lévine, likoudnikim, qui sont au centre. Et ce n’est pas la réforme qu’ils mènent qui est le sujet central de notre crise, mais elle ne se fait que pour servir les intérêts du sujet central.

Ce sujet est la place du judaïsme dans l’état juif.

Pour ceux qui ont créé le pays et ont signé la déclaration d’indépendance, le judaïsme est l’élément déclenchant mais il est loin d’être l’essence de l’état. Il s’agit -il s’agissait mais il s’agit encore - de créer un état européen. Un état moderne dans lequel ce sont les droits de l’homme et du citoyen, les acquits de la politique moderne, le droit aux femmes au vote et à la représentation comme exemple le plus vif, mais aussi droit des lbth+ , qui doivent présider.
Nul n’ignore que les dirigeants de ce pays ont presque toujours été soit franchement anti religieux, soit traditionnalistes, mais bien plus voués aux éléments sus nommés qu’à la Torah.

Aujourd’hui, quelques 35 députés voient l’état différemment. Et la coalition actuelle les représente. Elle les représente d’autant plus qu’ils étaient exclus du précédent gouvernement, elle les représente alors qu’ils ont sur l’estomac comme une pulsion de revanche vieille de 20 ans pour ceux qui limitent leur regard au désengagement de la bande de Gaza, pulsion de revanche vieille de 75 ans pour ceux qui remontent à la création de l’état.

Il n’y aura de progression qui ne soit pas guerre civile (il n’y aura pas - du moins je ne crois pas - de divorce par consentement mutuel) qu’au prix d’un accord à fabriquer sur ce sujet.

Il inclut la place qui doit désormais être donnée à la Torah concernant :
la place des lois de la Torah ( et il faut trouver un juste milieu entre ceux pour lesquels cette situation post électorale est l’occasion plurimillénaire d’instaurer l’état juif au centre duquel est la Torah, et ceux qui inscrivent sur les pancartes מדינת הלכה הלכה המדינה - un état mené par la loi juive est la fin de l’état),
concernant la géographie (et il faut pour cela se mesurer à la question de ces territoires, qui sont pour les uns des territoires conquis par la guerre et donc illégitimes, tandis qu’ils ne sont pour les autres que la concrétisation directe de ce que doit être l’état juif annoncé par la Torah),
concernant les droits et la représentation des femmes dans le pays,
concernant les non-juifs (et en premier lieu les arabes au sujet desquels les uns souhaitent ne pas leur donner de droits, par peur démographique qu’ils ne deviennent majoritaires, ou par xénophobie - voire racisme -, et ceux aux yeux desquels il ne saurait y avoir d’état démocratique sans d’égalité de citoyenneté),
concernant aussi - mais à mon sens de façon moins aiguë - la notion de service national.

Si il est clair qu’on ne fait la paix qu’avec ses ennemis, nous sommes aujourd’hui dans une situation de deux moitiés d’un seul corpus électoral, et donc deux moitiés d’un seul pays qui doivent trouver le moyen de finir par dialoguer et fabriquer une plateforme d’accord sur tous ces sujets qui sont eux le centre.

Ne peut pas se poursuivre la situation actuelle de bras de fer, qui risquera peut-être de tourner à la guerre civile, à l’issue de laquelle il n’y aura que des perdants.

Jusqu’ici, seules les étapes de Yom Hazikaron-yom haatsmaout, puis de 9 beav ont été comme de brèves interruptions de l’état de belligérance, mais celui-ci a réapparu dès la fin de chacune de ces journées, qu’elles aient été de deuil ou de réjouissance nationale.

Ceux qui sont sûrs d’avoir gagné les précédentes élections - mais qui vivent bizarrement la situation actuelle comme continuation de leur frustration, et le camp adverse doivent impérativement « déposer les armes », avant que les armes véritables ne viennent prendre la parole, et définir ensemble
des outils (parmi lesquels les anciens et actuels eis sauront suggérer le fameux « minimum commun » qui permet depuis cent ans aux membres de ce mouvement de jeunesse de vivre ensemble alors qu’ayant en son sein d’énormément differenetes façons d’être juif),
des temps d’élaboration de ce qui permettra à notre pays de surmonter ce qui le paralyse depuis maintenant sept mois, et de réussir un nouveau départ qui parait incontournable, mais qui est peut-être aussi prometteur.

Après tout, y a-t-il plus riche, plus nourrissant intellectuellement, que le bagage de deux mille ans de commentaires sur un texte (la Bible) qui est lui-même le livre le plus riche qui ait jamais été écrit ?