dimanche 29 octobre 2017

Deux étoiles se seraient rencontrées cet été


Deux étoiles se seraient rencontrées cet été, et même auraient fusionné.

De quoi y a-t-il eu alors fusion ? De semblables ? D’opposés ? Le feu et l’eau peuvent-ils cohabiter ? La lumière et l’obscurité ?

Les astrophysiciens que je côtoyais hier ne redescendaient pas de leur septième ciel après que telle rencontre ait eu lieu et ait pu être observée pas plus tard qu’il y a trois mois.

Moi qui ne comprends de cette découverte aucune implication scientifique directe, 
ne peux qu’associer, ne peux que m’associer en mon nom.

Au nom de quelqu’un qui vit au quotidien le poids de la difficulté, si ce n’est l’impossibilité théorique de pareilles rencontres, et qui pense ainsi savoir en apprécier le caractère exceptionnel.

Ce sont très certainement de pareilles rencontres qu’est né l’univers. De rencontres improbables, voire impossibles...jusqu’au moment où les conditions se réalisent, à l’encontre de tout, de la statistique, de la logique, des lois du passé et du présent, des pronostics et du réel. Que cela soit le fait du hasard ou d’une volonté supérieure est secondaire.

Les rencontres humaines sont-elles plus naturelles ?

Se produisent-elles du fait de présence de suffisamment de « même »? Ou ne serait-ce pas plutôt du fait de l’altérité ?

A moins que ceci ne soit que destinée, ou obéissance à projet divin ? Comme le dit Amos (3,3) : « comment deux pourraient-il unir leurs routes s’ils n’y avaient été prédestinés? »(traduction libre).

Nous nous émouvons des rencontres précisément parce qu’elles se produisent à l’encontre de la logique, parce qu’elles nous étonnent, parce qu’elles n’auraient de toute évidence jamais dû se produire. Parce que de vraies rencontres interpersonnelles sont du registre de rencontres cosmiques, d’étoiles qui fusionnent l’une avec l’autre.

Et certaines fusions, comme celle de cet été, produisent même de la lumière, tandis que d’autres ne produisent rien de tel, tandis que d’autres produisent bouleversement émotionnel, ou chaos et catastrophe.

Les astrophysiciens mesurent-ils cette continuité perçue par Bion entre la plus simple des additions, la jonction de syllabes pour former mots et phrases, de stimuli pour former un système de pensée, ou celle d’individus pour former les diverses sortes de réunions de l’humain, alliances, mariages, sociétés....?

J’ai vécu hier quelques niveaux de cette continuité, alors que je passai 24 heures comme sur une autre planète, au bout du désert israélien, à une de ses jonctions avec celui du Sinaï redevenu égyptien.







Pour ajouter à l’exceptionnel, il plut. Une pluie qui n’était pas survenue depuis quatre ans. Une pluie dont le bruit vous réveille au beau milieu de la nuit, dont la force provoque la coupure de l’installation électrique, qui dure, et frappe le sol, les arbres et les maisons...et le matin tout est néanmoins sec.
Au bout du désert, dans un lieu « habité comme inhabité », se côtoyaient en dépit des lois, astrophysiciens et gens du commun, hommes et femmes, extrêmement jeunes et excessivement vieux, juifs et non juifs, hébréo phones, anglophones, polono phones, francophones, hommes et  bêtes.



Le lieu ne jouissait d’aucune accréditation cadastrale, c’était un mariage qui n’en était pas un, et les membres de la famille présente étaient eux-mêmes comme la preuve que le feu et l’eau peuvent se rencontrer, s’allier et former une seule et même famille, et se côtoyer tout en se repoussant comme éternellement.

On lit ces lignes et on ressent peut-être le besoin de détails, d’explications. Mais ce sont des situations où la meilleure explication n’apporte aucune clarté, quand elle n’est pas tout simplement superflue.

Pourquoi expliquer en quoi ma mère et son cousin germain sont l’un l’eau et l’autre le feu ?

Comment expliquer en quoi c’est la Pologne autant que le judaïsme qui les unissent et tout à la fois les polarisent depuis maintenant plus de soixante ans ?

Leurs père, mère et père respectifs étaient frères et sœur, et leurs mariages étaient dûment avalisés par la halakha même s’il y a comme un relent d’inceste, même si ceci sonne illogique ou au moins énigmatique. Et ils étaient apparemment si unis et si différents tout à la fois que les enfants qui sont nés de ces rencontres sont de natures irraprochables.

Et un autre enfant de cet alliage a frôlé le prix Nobel sur la question de l’aimantation et de la mémoire de la matière, comme si le fait qu’il se soit plongé dans la recherche de ces phénomènes n’était qu’un hasard.

Et tous les gens présents hier, tous acteurs de cette production, de cette fête, n’ont nullement la conscience que quelque chose les lie et simultanément les éloigne ainsi, sur plus d’un siècle.




Et moi seul sais. Et tous ont senti, parce que l’organisme sent, mais aucun ne peut décrire ce que tous ont senti.

Et qui lit ces lignes lit comme un texte codé, et se demande si leur auteur n’a pas été atteint et ébranlé dans son équilibre mental.

Or il ne l’a pas été. Mais s’expliquer ici plus avant lui est impossible.

Et il ne s’agit pas pour le lecteur de comprendre une explication, mais plutôt de réfléchir à la question.





Il ne comprend pas. Pas tout. Entre temps il voit les photos, elles lui suggèrent la mesure de la profondeur de la question.

mercredi 4 octobre 2017

Le peuple juif et les peuplades qui occupent le pays.



Le peuple juif et les peuplades qui occupent le pays...du temps de Josué, de David, et de Netanyahou.

Le livre de Shmuel contient sur sa fin un épisode considéré comme "rapporté״, non chronologique, c'est à dire vraisemblablement antérieur à la fin du livre, qui relate la fin de la royauté de David. Un épisode qui me parait de nature à être étudié, non uniquement par les amateurs et les professionnels de l'étude des textes bibliques et talmudiques mais au moins autant par les individus préoccupés des structures de la société israélienne, ainsi que par les gens que l'organisation de la société en général intéresse ou même tracasse.

Le texte relate donc une famine qui vient sévir sur le pays pendant trois ans (Samuel II 21,). Il est écrit que le roi David s'interroge sur les causes de cette famine, et il faut déjà relever que l'on ne parle nullement des causes agricoles ou purement physiques. On pourrait en déduire hâtivement qu'aux temps de la Bible, les humains étaient primitifs et ne faisaient attention ni à la consommation d'eau ni à sa pollution, et probablement que cela serait non seulement trop rapide mais surtout prétentieux. On a vite fait de jeter un regard méprisant sur les sauvages dont nous sommes les descendants.

Et ainsi, les causes recherchées par le roi David sont uniquement au chapitre de la moralité, comme pour établir un lien de cause à effet entre abondance et comportement humain. La pluie qui ne tomberait qu'en proportion au niveau moral de l'humanité qui la reçoit, voilà qui fait abondamment rire l'intellectuel universitaire du 21ème siècle à qui on ne peut plus raconter des balivernes de primitif.

Le roi David se tourne donc, disent les textes talmudiques vers les "plaies morales" qui peuvent anéantir une société, la dépravation sexuelle, le crime et l'idolâtrie et reçoit visiblement des rapports satisfaisants, qui le poussent à une conclusion dont on souhaiterait qu'elle vienne à l'idée de quelques dirigeants modernes : "c'est donc lié à moi" dit-il, et part interroger le Seigneur. De cela aussi il parait difficile aux modernes occidentaux de ne pas se gausser : "interroger le Seigneur"...Ils ont tout de suite en mémoire la phrase assassine de Gainsbourg "l'homme a créé Dieu, le contraire reste à prouver", dont le message est aujourd'hui plus la bible que la Bible. Un peu de sérieux nous diront-ils. 

Sans s'attarder sur cette composante théologique, terrain sablonneux s'il en fût, je propose de ne pas passer trop rapidement sur l'anecdote.

David reçoit de l'Eternel une réponse qui est au coeur de ce texte : la famine serait due à deux fautes graves, l'une vis à vis des guibeonim, (que le roi Shaül aurait "tués") l'autre vis à vis du roi Shaül et de son fils (qui auraient été enterrés en mépris de l'honneur qui leur revenait).

Le caractère duel de la désignation est ici intéressant. Les deux fautes remontent à Shaül mais d'une part pour ses propres actions, d'autre part pour la conduite vis à vis des honneurs qui lui sont dus. 

Il y a ici, dès le début du rattachement de la famine qui accable le pays aux fautes de son dirigeant, et aussi du fait de ce qui suit, tout un regard sur l'organisation de la société dont on aurait peut-être intérêt à s'inspirer aujourd'hui, dans la préparation de demain.

Rappelons au passage certains rois que la populace a guillotinés, pendus, livrés. Ici, selon la justice divine il faudrait tout à la fois incriminer Shaül pour la situation dans laquelle il a plongé le pays, mais tout en lui restituant ce qui ne lui pas été accordé après sa mort. Etre dirigeant est une tâche difficile. Elle impose de se salir les mains. Le dirigeant devra être jugé mais non traîné dans la boue.

La suite du texte biblique est que David va donc s'adresser aux guibeonim pour leur demander comment il est possible de réparer les fautes commises à leur endroit, et que ceux-ci exigent en retour que leur soient livrés sept fils de Shaül...ce qui est effectué. Ils mettent les sept fils à mort, ensemble, et les clouent aux rochers exposant leurs cadavres, en violation de trois règles de la Torah ( punir les enfants pour les fautes de leurs pères, tuer plusieurs personnes en un coup, ne pas enterrer les cadavres).

Et l'histoire ne s'arrête pas là, puisque le livre de Shmuel raconte comment la mère de cinq de ces sept princes a veillé sur les cadavres et les a protégés des oiseaux de proie pendant sept mois.

Et l'histoire ne se finit pas ici non plus mais a encore une suite sur laquelle je reviendrai plus loin.

Restons en attendant quelques instants sur ces faits : personne n'a entendu ou lu que Shaül ait exterminé les guibeonim. Le midrach en déduit donc que Shaül aurait eu une conduite qui lui est facturée comme s'il les avait effectivement exterminés.

Et se côtoient deux hypothèses exégétiques. Selon la première, Shaül aurait tué sept guibeonim et ce serait la raison que sept de ses fils doivent être livrés, selon la seconde, il les aurait privé de ressources de subsistance en faisant disparaître la ville de Nov, ville de cohanim auprès desquels travaillaient les guibeonim.

Il y a donc ici plusieurs disproportions mais qui sont chacune matière à riche enseignement. 

David "doit" réparer les fautes de Shaül vis à vis des guibeonim..Ils ont une demande que l'on jugerait aujourd'hui cruelle, primitive, sauvage, en application littérale de la loi du talion, et David accède quand même à leurs exigences.

Les fils sont exterminés. David fait enterrer Shaül et Yehonatan son fils avec les honneurs dûs à leur rang, et justice semble être faite puisque la famine s'arrête.

Mais quelle justice ? D'avoir livré sept hommes dont le seul crime serait d'être les fils de quelqu'un? D'avoir permis à des gens cruels d'assouvir leurs instincts primitifs ? De permettre que des hommes soient ainsi humiliés et leurs cadavres exposés, et ceux aux yeux de tous ?

Le midrach pose la question de ces difficiles contradictions. 

Mais sa réponse n'est pas moins ramifiée...d'autant qu'elle vient boucler une boucle historique vieille de plusieurs centaines d'années.

Le midrach relate dans un premier temps que l'honneur d'Israël s'est trouvé gravement atteint du fait de cette négociation. 

Ce n'est pas Netanyahou qui négocie et délivre mille prisonniers du h'amas pour récupérer un Guilad Shalit, c'est le roi David, figure hautement emblématique d'Israël qui livre sept princes à un lynch pire que celui de Ramallah en 2000.

Le midrach raconte que les nations du monde ne se sont pas privées de commenter et de blâmer. "Beau peuple juif ! Voilà comment il respecte la Torah !" auraient-ils dit dans les couloirs de l'instance diplomatique internationale de l'époque.

Mais le midrach raconte encore comment un journaliste des nations, plus curieux que les autres, finit par demander : "mais qui sont ces sept cadavres ?". Pour ensuite faire se retourner d'un coup l'opinion internationale : "quoi ? En Israël, on peut mettre à mort des princes pour une conduite reprochable vis à vis de migrés ?" 

Israël, par le mérite de ce retour de l'opinion devient aux yeux du monde une nation dans laquelle, à la fois on veille à l'honneur d'un roi même après sa mort, mais aussi, on accorde justice même à ceux qui pourraient être vus comme citoyens de seconde zone.

Et le midrach d'ajouter : suite à cet épisode médiatique, se convertirent au judaïsme 150000 personnes. Et c'est la fin de l'épisode biblique.

Mais quant aux guibeonim. Qui se souvient de la raison de leur statut social ? Ils sont une peuplade - dont les commentaires disent qu'elle fait partie de ceux qui sont appelés le h'ivéen, autrement dit une peuplade que Yehoshua devait exterminer lors de la conquête d'Israël, un des sept peuples qu'Israël reçoit l'ordre divin d'écarter de la région. 

Ainsi que cela est raconté, ( Josué 9) les guibeonim trompèrent Yehoshua en venant à sa rencontre avec des vêtements usés par la route et en se faisant passer pour des migrants. Il les épargna, et jura de ne point leur nuire. Quand il s'aperçut de sa méprise, il leur donna le statut de "porteurs d'eau et coupeurs de bois". Citoyens de seconde zone dirait peut-être-t-on aujourd'hui .

Le midrach conte comment cet épisode de la famine et de la négociation avec les guibeonims boucle cette boucle. David leur accorde ce qu'ils exigent mais c'est en échange de l'annulation de l'accord passé avec Yehoshua quatre cent cinquante ans plus tôt. David considère que les Guibeonim n'ont pas rempli certaines conditions de leur contrat passé avec Yehoshua : ils ont cherché à s'intégrer parmi Israël mais n'ont pas fait la démarche morale qui en découlait. S'ils étaient devenus Israël, ils auraient dû renoncer à cette exigence barbare et sanguinaire, ils auraient dû devenir miséricordieux de père en fils. Le fait d'avoir manqué à cette facette incontournable de l'identité juive cause l'annulation du contrat passé avec eux..

Ce qui fait que cet épisode biblique permet que s'effectue un échange de populations. 150000 guibeonim reçoivent en pâture sept fils de Shaül mais se trouvent condamnés à quitter les lieux, et leur place se trouve prise par les 150000 qui se joignent spontanément à Israël.

Il y a donc ici plusieurs enseignements importants et tout à fait actuels me semble-t-il.

Le premier est qu'un fléau national ne peut peut-être pas être uniquement en quête de solution. Il est peut-être au moins aussi opportun de tenter de remonter à sa cause. Et de ne pas chercher que dans les actions techniques mais aussi dans la morale. La morale des dirigeants.

La deuxième est que la Bible, vieille de l'antiquité prône que le pays gagne à être gouverné par quelqu'un qui n'est pas seulement le vainqueur des élections, quelqu'un de populaire, d'envergure médiatique, mais quelqu'un d'envergure morale. Quelqu'un capable de dire : "c'est de ma faute". 
La démocratie moderne ne définit pas cette capacité personnelle comme critère du choix d'un dirigeant..

La troisième leçon est relative aux atteintes et aux réparations. L'humain est naturellement porté à la loi du talion et n'imagine pas moins que la mort pour réparer la mort (le texte mentionne que David offre de l'or et de l'argent aux guibeonim, mais ils refusent, Samuel ibidem). Israël a fait couler des litres d'encre sur de nombreux parchemins talmudiques pour expliquer que la loi du talion ne doit en aucun cas être prise à la lettre en Israël, et pour expliquer qu'être Israël, c'est atteindre  le niveau de moralité qui permet de pouvoir renoncer à cette application littérale du "oeil pour oeil dent pour dent".

La dernière leçon naît de l'analyse de ce que ce texte fait littéralement sauter aux yeux, et c'est l'analogie entre la situation décrite par la Bible et notre actualité.

Les guibeonim de la Bible rappellent étrangement une autre peuplade - une peuplade d'aujourd'hui - qui se trouve en Israël quand le peuple revient sur sa terre, qui ne disparait pas, et avec laquelle Israël doit composer.

Il y a ici le récit d'une histoire au sens historique. Les hébreux n'ont pas choisi que les guibeonim fassent ainsi partie de leur histoire. Leurs dirigeants ont composé avec la situation en leur conférant un statut social, différent, d'inégalité mais qui est plus que contraignant : le jour où les guibeonim se retrouvent lésés (destruction de la ville de Nov pour cause de conflit interne au peuple juif), c'est tout Israël qui en paie le prix (famine).

À travers la premiére explication proposée à leur exigence que leur soient livrés sept fils : sept guibeonim avaient été tués, deux porteurs d'eau, deux bûcherons, un chantre, un écrivain d'écritures saintes et un bedeau de synagogue, le récit nous fait comprendre que les guibeonim s'étaient intégrés partiellement au peuple juif. 

Or il apparait ici que la question de l'intégration au peuple juif n'est pas qu'un problème démographique comme on le regarde aujourd'hui, en limitant l'argumentation au nombre de palestiniens qu'Israël pourrait supporter sans en payer un prix. 

L'antique Bible, antédémocratique, anté-révolution française et droits des citoyens, exprime ici que le problème de l'identité d'Israël n'est pas uniquement un problème de nombre. Les commentaires midrachiques semblent pouvoir nous enseigner que le pays restera pays d'Israël à l'aune de sa moralité et non à l'aune de sa génétique.

En accord parfait avec les textes qui ont toujours traité de cette question de la conversion. Pour être Israël, nul besoin de naître et d'être de sang juif. Cette définition est posée deux millénaires avant les luttes contre le racisme et pour l'abolition de la noblesse ou de l'esclavage. 

On peut devenir Israël mais cela ne peut être immédiat, d'autant plus que l'exigence est de très grande taille, et l'examen peut dans certains cas s'étendre sur plusieurs générations. Et le critère majeur est celui de la moralité.

Un peuple pourrait-il exiger une moralité en la bafouant lui-même ? C'est la question évoquée entre les lignes par le midrach cité plus haut qui raconte comment dans un premier temps, l'épisode de David et des guibeonim provoque une énorme critique d'Israël.

Israël est jugé par son attitude à l'égard des hommes, et à l'égard du texte dont il se veut le représentant officiel...une exigence que d'après le midrach n'est sujette à aucune réduction.

Un épisode donc riche de sens. A méditer et à inclure dans la réflexion sur l'Israël actuel.