vendredi 17 novembre 2017

Foxtrot - un singulier pas de danse.




La danse est présente dans ce film bien au-delà de son titre.

Et le film parle en réalité de sujets qui sont bien au-delà et bien plus lourds que la danse.

A moins qu’il ne s’agisse d’une autre danse ? La danse au sens figuré, la danse de la vie...

Foxtrot est donc un film. Un film joué par d’excellents et attachants acteurs, et dans lequel un chien et un chameau tiennent des rôles non mineurs, tant par leur démarche que par leur présence. Au point qu’on se demande quelle formation, puis quel cachet ils ont reçu.

Le film raconte une histoire, une histoire intéressante, qui parait de prime abord être avant tout israélienne. Une histoire qui se passe presque essentiellement à l’armée et autour de l’armée, une histoire dont le décor est une société dans laquelle l’armée tient le rôle central, une société qui marche (qui danse?) au rythme de l’armée.

Et pourtant on sort du film en ayant vu bien plus qu’une histoire brodée sur le thème de la danse, bien plus qu’une histoire israélienne.

Le film n’est pas si facile à voir que cela. Il est très bien filmé, par le mérite d’un excellent photographe de plateau, qui montre de belles images mais aussi qui filme avec créativité, entre autres sous des angles inhabituels. Mais la façon dont il est filmé, et la bande-son créent une tension.

On n’est pas seulement tenus en haleine du début à la fin, ce qui est un des critères pour qu’un film soit bon, on participe émotionnellement à l’histoire, et ce n’est pas pour passer un « bon moment ». C’est du sérieux.

Et les pas de danse, scènes de danse très esthétiques, qui sont parsemés au long du film, ne parviennent pas à le transformer en « bon moment ».

C’est un film dans lequel le silence du personnage principal tient aussi un peu le rôle central. C’est un silence lourd, tendu, émaillé de rage et de douleur.

Sa femme, de laquelle il se sépare en cours de film, lui dit qu’elle sait qu’il tait un secret.

Et il raconte. Et le spectateur découvre que le film ne raconte pas seulement une histoire, mais une histoire qui reproduit partiellement une ancienne histoire, his story, et ce qui est conté dans le film résonne soudain comme le produit de ce secret.

On découvre ainsi - ce que l’on sait déjà, intuitivement ou du fait de l’expérience - que les secrets familiaux ne sont que de polichinelle. Tant qu’on ne les révèle pas, ils passent « autrement », d’un individu à un autre, d’une génération à une autre.

Et cet « autrement » n’est pas une meilleure alternative à la parole. Cet « autrement » a la triste propriété d’amplifier le traumatisme que l’on tentait de tenir secret, et par là, que l’on tentait d’effacer.

C’est à l’image du logement des quatre soldats, que l’on pourrait prendre pour juste anecdotique. Leur caravane repose apparemment sur un terrain meuble, qui la fait chaque jour pencher un peu plus et s’enfoncer un peu plus.

Est-ce du fait du terrain uniquement ? La société israélienne est-elle ainsi menacée d’être engloutie par les sables mouvants ? Ces sables sur lesquels seuls les vaisseaux du désert, les chameaux, sont à l’aise et savent « marcher »...

Le film traite incontestablement de bavures militaires, et du poids moral que ceci fait peser sur la population, ou plus exactement sur les populations, puisqu’il y a ici la population juive, par laquelle sont ainsi envoyés les soldats garder au bout du monde un endroit par lequel passent princialement des chameaux , et il y a aussi la population arabe, ou ennemie, ou potentiellement ennemie, et ce que paient ses ressortissants de l’angoisse que cette qualité d’ennemi fait peser sur les soldats.

Et ainsi, le film montre quelques scènes qui illustrent combien un soldat de vingt ans n’arrive pas à s’élever facilement au dessus de ses frustations et de ses angoisses, ce qui lui permettrait d’épargner à des innocents de faire les frais de ces frustrations, mais il me semble que ne juger le film que sur ces scènes, ou prendre le film seulement comme témoignage d’une facette de la réalité judéoarabe consiste à rétrécir par trop le champ de vision.

C’est bel et bien ainsi à mes yeux le sujet de la transmission intergénérationelle du traumatisme qui est le vrai et le plus profond sujet de ce film.

Ce n’est ainsi pas seulement l’histoire d’un couple à qui parvient - par erreur - la tragique annonce de la disparition de leur fils soldat, qui est ici mise en film, c’est l’histoire d’un individu à qui cette annonce sonne avant tout comme la répétition de sa propre histoire, un individu que le fait d’être soldat a déjà traumatisé et mis en contact avec la mort. Cela l’a traumatisé au point qu’il a tout fait pour éloigner ça de lui, au point de ne même pas révéler les détails à sa propre femme.

C’est le sujet central de cet important film : la situation géopolitique dans laquelle vivent les israéliens ( et encore d’autres nationalités dans le monde ) et qui provoque un surplus de confrontation à la mort, au traumatisme. Et la méthode intuitive de l’individu est trop souvent de tenter d’enfouir, de se dissocier de pareilles choses, dans le vain espoir que cela les fera disparaître.

C’est une variation moderne sur le thème du silence des rescapés de la shoah. Ils tentent de maintenir secrète leur expérience, entre autres parce qu’ils n’ont pas la force de trouver les mots et les situations pour la raconter, et la tentative est couronnée d’échec.

C’est un film qui vient plaider la fin de la belligérance au nom de la santé mentale. C’est un avis que les politiciens, mûs par la « raison d’état » n’aiment pas entendre.

vendredi 3 novembre 2017

Le judaïsme de la 621ème mitzva.





Le judaïsme est défini par la notion de mitzvot, qui sont des valeurs intégrées et converties en devoirs.

Avraham aurait donc été le premier à répandre cette façon d’être, son histoire se trouvant rattachée à une alliance avec le créateur, alliance transmissible à qui entérinera ce message avant tout moral.

Les années et l’histoire ont accompli leur oeuvre et s’est développé petit à petit « le judaïsme » du double fait de la mise en place d’une descendance distincte et organisée en famille puis en peuple, et du message écrit et porté par ce peuple, nommé Torah en premier temps puis enrichi au fil des années de toute une littérature.

Le troisième pendant à cette identité est son rattachement géographique à la terre d’Israël, en trois temps, temps des patriarches, temps des hébreux puis époque du sionisme.

Des intellectuels comme le rav Kook, grand rabbin de Palestine jusqu’en 1935, et grand contributeur moderne au bagage juif, ont ainsi conceptualisé le judaïsme comme pourvu de trois composantes peuple d’Israël, Torah d’Israël et terre d’Israël.

En parallèle de cela joue un rôle majeur le lien aux autres familles de la terre, que cela soit quand Israël se trouve sur sa terre, ou quand il en est chassé et exilé.

C’est une dynamique de compétition, de jalousie, de rivalité, dont les juifs trouvent l’origine dans les liens familiaux des pères fondateurs de la nation, encore avant l’epoque des trois patriarches mais surtout depuis lors.

Le christianisme qui se met en place peu après la destruction du temple de Jerusalem par les romains en 70 de notre ère, et qui se développe à partir de Rome et de l’Europe, où se sont trouvés exilés bon nombre de juifs, proclame son identité comme « verus Israël », autrement dit le véritable descendant et héritier du message biblique, les juifs, ne reconnaissant pas Jésus comme le messie ayant de ce fait fait fausse route et ayant ainsi provoqué leur propre perte.

Les rabbins du talmud, préoccupés de la survie du judaïsme même en situation de totale dispersion de ses membres, font passer le judaïsme d’une phase nationale à une phase a-géographique et mettent en place tout un système de pratique des mitzvot, comptabilisant celles mentionnées dans la Torah, et ajoutant encore quelques unes, pour aboutir à un nombre de 620.

Être juif, jusqu’à l’émancipation consiste à rester rattacher génétiquement au peuple et à pratiquer ces mitzvot.

La rivalité avec le peuple juif devient chronique et donne lieu à deux mille ans de tribulations et d’épisodes d’antisémitisme plus ou moins discriminatifs, plus ou moins sanglants.

Les choses prennent une nouvelle tournure avec Hertzl et la naissance du sionisme, né de cet antisémitisme et des restes de l’attachament multiséculaire à Jérusalem, mentionné par les juifs pratiquants plusieurs fois par jour (quatorzième bénédiction de la amida dite trois fois par jour, sans compter les différentes fêtes du calendrier dans lesquelles Jerusalem a toujours une place).

Cette nouvelle tournure est celle d’un renouveau incontestable et massif et fulgurant du judaïsme.

Cent ans après le premier congrès sioniste réside déjà en Israël un peuple de plusieurs millions d’habitants, composés de juifs de toutes les provenances, cent vingt ans après (c’est à dire de nos jours),le pays compte déjà plus d’habitants que plusieurs pays d’Europe, plus de juifs qu'en dehors du pays, et est le lieu d’un énorme élan démographique, technologique, scientifique, culturel et intellectuel.

Une petite partie des habitants, mais dotée d’un très fort poids démographique reste farouchement rattachée à la pratique antérieure au sionisme, niant même ce dernier pour bon nombre d'entre eux, le gros du peuple vit une vie de modernisme sans se sentir trop concerné par la place à donner au judaïsme dans leur quotidien, tandis qu’une autre partie des habitants de ce même pays voient dans son organisation, son développement, le lieu privilégié de la mise en place de ce qui est contenu dans les livres, de ce qui a été pensé et réfléchi sans discontinuer au fil de plus de trente siècles.

Cet « agenda » s’articule en termes de politique tout autant qu’en terme de recherche au sens académique du terme mais fait déboucher sur un très fort clivage du monde juif.

Tandis que les juifs d’Israël vivent un judaïsme quotidien qu’ils le souhaitent ou non, et ont à leur porte la possibilité de participer à son épanouissement, les juifs de diaspora se retrouvent pour leur énorme majorité complètement relégués dans le sillage d’un batiment qui avance de plus en plus vite et avec lequel la distance ne cesse de s’accroître.

Ils ne dominent pas la langue, et surtout perdent pour ainsi dire chaque jour du terrain, leur quotidien ne croisant le judaïsme que très occasionnellement. En fait, la plupart d’entre eux sont confrontés à leur judaïsme presque uniquement par le biais de l’antisémitisme et de ses vagues. Certains s'accordent même le luxe d'être farouchement "anti', qui "antireligieux", qui "antisioniste", n'ayant nullement conscience du caractère hautement nocif de leur attitude.

Tandis que les habitants d’Israël, nullement débarassés de la menace de l’antisémitisme s’y mesurent de façon structurée, diplomatique et militaire principalement, ce qui ne met plus ni le judaïsme en danger, ni ses membres tant que l’équilibre militaire est en leur faveur, les juifs de diaspora se retrouvent involontairement à avoir presque changé d’identité, à vivre un judaïsme inféodé principalement à la question de cet antisémitisme : le combattre, y résister, le subir, le mesurer, veiller sur la profanation des cimetières, à la création de lieux du souvenir (jardins, musées, monuments), et à celle de l’assimilation. Le premier combattant agressivement, et le second en douceur, mais non moins violemment pour ce qui est des résultats.

Leur judaïsme est celui de la 621ème mitzva, celle de la préservation de..

De quoi en fait ? La plupart d’entre eux ne savent déjà plus répondre à cette question

dimanche 29 octobre 2017

Deux étoiles se seraient rencontrées cet été


Deux étoiles se seraient rencontrées cet été, et même auraient fusionné.

De quoi y a-t-il eu alors fusion ? De semblables ? D’opposés ? Le feu et l’eau peuvent-ils cohabiter ? La lumière et l’obscurité ?

Les astrophysiciens que je côtoyais hier ne redescendaient pas de leur septième ciel après que telle rencontre ait eu lieu et ait pu être observée pas plus tard qu’il y a trois mois.

Moi qui ne comprends de cette découverte aucune implication scientifique directe, 
ne peux qu’associer, ne peux que m’associer en mon nom.

Au nom de quelqu’un qui vit au quotidien le poids de la difficulté, si ce n’est l’impossibilité théorique de pareilles rencontres, et qui pense ainsi savoir en apprécier le caractère exceptionnel.

Ce sont très certainement de pareilles rencontres qu’est né l’univers. De rencontres improbables, voire impossibles...jusqu’au moment où les conditions se réalisent, à l’encontre de tout, de la statistique, de la logique, des lois du passé et du présent, des pronostics et du réel. Que cela soit le fait du hasard ou d’une volonté supérieure est secondaire.

Les rencontres humaines sont-elles plus naturelles ?

Se produisent-elles du fait de présence de suffisamment de « même »? Ou ne serait-ce pas plutôt du fait de l’altérité ?

A moins que ceci ne soit que destinée, ou obéissance à projet divin ? Comme le dit Amos (3,3) : « comment deux pourraient-il unir leurs routes s’ils n’y avaient été prédestinés? »(traduction libre).

Nous nous émouvons des rencontres précisément parce qu’elles se produisent à l’encontre de la logique, parce qu’elles nous étonnent, parce qu’elles n’auraient de toute évidence jamais dû se produire. Parce que de vraies rencontres interpersonnelles sont du registre de rencontres cosmiques, d’étoiles qui fusionnent l’une avec l’autre.

Et certaines fusions, comme celle de cet été, produisent même de la lumière, tandis que d’autres ne produisent rien de tel, tandis que d’autres produisent bouleversement émotionnel, ou chaos et catastrophe.

Les astrophysiciens mesurent-ils cette continuité perçue par Bion entre la plus simple des additions, la jonction de syllabes pour former mots et phrases, de stimuli pour former un système de pensée, ou celle d’individus pour former les diverses sortes de réunions de l’humain, alliances, mariages, sociétés....?

J’ai vécu hier quelques niveaux de cette continuité, alors que je passai 24 heures comme sur une autre planète, au bout du désert israélien, à une de ses jonctions avec celui du Sinaï redevenu égyptien.







Pour ajouter à l’exceptionnel, il plut. Une pluie qui n’était pas survenue depuis quatre ans. Une pluie dont le bruit vous réveille au beau milieu de la nuit, dont la force provoque la coupure de l’installation électrique, qui dure, et frappe le sol, les arbres et les maisons...et le matin tout est néanmoins sec.
Au bout du désert, dans un lieu « habité comme inhabité », se côtoyaient en dépit des lois, astrophysiciens et gens du commun, hommes et femmes, extrêmement jeunes et excessivement vieux, juifs et non juifs, hébréo phones, anglophones, polono phones, francophones, hommes et  bêtes.



Le lieu ne jouissait d’aucune accréditation cadastrale, c’était un mariage qui n’en était pas un, et les membres de la famille présente étaient eux-mêmes comme la preuve que le feu et l’eau peuvent se rencontrer, s’allier et former une seule et même famille, et se côtoyer tout en se repoussant comme éternellement.

On lit ces lignes et on ressent peut-être le besoin de détails, d’explications. Mais ce sont des situations où la meilleure explication n’apporte aucune clarté, quand elle n’est pas tout simplement superflue.

Pourquoi expliquer en quoi ma mère et son cousin germain sont l’un l’eau et l’autre le feu ?

Comment expliquer en quoi c’est la Pologne autant que le judaïsme qui les unissent et tout à la fois les polarisent depuis maintenant plus de soixante ans ?

Leurs père, mère et père respectifs étaient frères et sœur, et leurs mariages étaient dûment avalisés par la halakha même s’il y a comme un relent d’inceste, même si ceci sonne illogique ou au moins énigmatique. Et ils étaient apparemment si unis et si différents tout à la fois que les enfants qui sont nés de ces rencontres sont de natures irraprochables.

Et un autre enfant de cet alliage a frôlé le prix Nobel sur la question de l’aimantation et de la mémoire de la matière, comme si le fait qu’il se soit plongé dans la recherche de ces phénomènes n’était qu’un hasard.

Et tous les gens présents hier, tous acteurs de cette production, de cette fête, n’ont nullement la conscience que quelque chose les lie et simultanément les éloigne ainsi, sur plus d’un siècle.




Et moi seul sais. Et tous ont senti, parce que l’organisme sent, mais aucun ne peut décrire ce que tous ont senti.

Et qui lit ces lignes lit comme un texte codé, et se demande si leur auteur n’a pas été atteint et ébranlé dans son équilibre mental.

Or il ne l’a pas été. Mais s’expliquer ici plus avant lui est impossible.

Et il ne s’agit pas pour le lecteur de comprendre une explication, mais plutôt de réfléchir à la question.





Il ne comprend pas. Pas tout. Entre temps il voit les photos, elles lui suggèrent la mesure de la profondeur de la question.

mercredi 4 octobre 2017

Le peuple juif et les peuplades qui occupent le pays.



Le peuple juif et les peuplades qui occupent le pays...du temps de Josué, de David, et de Netanyahou.

Le livre de Shmuel contient sur sa fin un épisode considéré comme "rapporté״, non chronologique, c'est à dire vraisemblablement antérieur à la fin du livre, qui relate la fin de la royauté de David. Un épisode qui me parait de nature à être étudié, non uniquement par les amateurs et les professionnels de l'étude des textes bibliques et talmudiques mais au moins autant par les individus préoccupés des structures de la société israélienne, ainsi que par les gens que l'organisation de la société en général intéresse ou même tracasse.

Le texte relate donc une famine qui vient sévir sur le pays pendant trois ans (Samuel II 21,). Il est écrit que le roi David s'interroge sur les causes de cette famine, et il faut déjà relever que l'on ne parle nullement des causes agricoles ou purement physiques. On pourrait en déduire hâtivement qu'aux temps de la Bible, les humains étaient primitifs et ne faisaient attention ni à la consommation d'eau ni à sa pollution, et probablement que cela serait non seulement trop rapide mais surtout prétentieux. On a vite fait de jeter un regard méprisant sur les sauvages dont nous sommes les descendants.

Et ainsi, les causes recherchées par le roi David sont uniquement au chapitre de la moralité, comme pour établir un lien de cause à effet entre abondance et comportement humain. La pluie qui ne tomberait qu'en proportion au niveau moral de l'humanité qui la reçoit, voilà qui fait abondamment rire l'intellectuel universitaire du 21ème siècle à qui on ne peut plus raconter des balivernes de primitif.

Le roi David se tourne donc, disent les textes talmudiques vers les "plaies morales" qui peuvent anéantir une société, la dépravation sexuelle, le crime et l'idolâtrie et reçoit visiblement des rapports satisfaisants, qui le poussent à une conclusion dont on souhaiterait qu'elle vienne à l'idée de quelques dirigeants modernes : "c'est donc lié à moi" dit-il, et part interroger le Seigneur. De cela aussi il parait difficile aux modernes occidentaux de ne pas se gausser : "interroger le Seigneur"...Ils ont tout de suite en mémoire la phrase assassine de Gainsbourg "l'homme a créé Dieu, le contraire reste à prouver", dont le message est aujourd'hui plus la bible que la Bible. Un peu de sérieux nous diront-ils. 

Sans s'attarder sur cette composante théologique, terrain sablonneux s'il en fût, je propose de ne pas passer trop rapidement sur l'anecdote.

David reçoit de l'Eternel une réponse qui est au coeur de ce texte : la famine serait due à deux fautes graves, l'une vis à vis des guibeonim, (que le roi Shaül aurait "tués") l'autre vis à vis du roi Shaül et de son fils (qui auraient été enterrés en mépris de l'honneur qui leur revenait).

Le caractère duel de la désignation est ici intéressant. Les deux fautes remontent à Shaül mais d'une part pour ses propres actions, d'autre part pour la conduite vis à vis des honneurs qui lui sont dus. 

Il y a ici, dès le début du rattachement de la famine qui accable le pays aux fautes de son dirigeant, et aussi du fait de ce qui suit, tout un regard sur l'organisation de la société dont on aurait peut-être intérêt à s'inspirer aujourd'hui, dans la préparation de demain.

Rappelons au passage certains rois que la populace a guillotinés, pendus, livrés. Ici, selon la justice divine il faudrait tout à la fois incriminer Shaül pour la situation dans laquelle il a plongé le pays, mais tout en lui restituant ce qui ne lui pas été accordé après sa mort. Etre dirigeant est une tâche difficile. Elle impose de se salir les mains. Le dirigeant devra être jugé mais non traîné dans la boue.

La suite du texte biblique est que David va donc s'adresser aux guibeonim pour leur demander comment il est possible de réparer les fautes commises à leur endroit, et que ceux-ci exigent en retour que leur soient livrés sept fils de Shaül...ce qui est effectué. Ils mettent les sept fils à mort, ensemble, et les clouent aux rochers exposant leurs cadavres, en violation de trois règles de la Torah ( punir les enfants pour les fautes de leurs pères, tuer plusieurs personnes en un coup, ne pas enterrer les cadavres).

Et l'histoire ne s'arrête pas là, puisque le livre de Shmuel raconte comment la mère de cinq de ces sept princes a veillé sur les cadavres et les a protégés des oiseaux de proie pendant sept mois.

Et l'histoire ne se finit pas ici non plus mais a encore une suite sur laquelle je reviendrai plus loin.

Restons en attendant quelques instants sur ces faits : personne n'a entendu ou lu que Shaül ait exterminé les guibeonim. Le midrach en déduit donc que Shaül aurait eu une conduite qui lui est facturée comme s'il les avait effectivement exterminés.

Et se côtoient deux hypothèses exégétiques. Selon la première, Shaül aurait tué sept guibeonim et ce serait la raison que sept de ses fils doivent être livrés, selon la seconde, il les aurait privé de ressources de subsistance en faisant disparaître la ville de Nov, ville de cohanim auprès desquels travaillaient les guibeonim.

Il y a donc ici plusieurs disproportions mais qui sont chacune matière à riche enseignement. 

David "doit" réparer les fautes de Shaül vis à vis des guibeonim..Ils ont une demande que l'on jugerait aujourd'hui cruelle, primitive, sauvage, en application littérale de la loi du talion, et David accède quand même à leurs exigences.

Les fils sont exterminés. David fait enterrer Shaül et Yehonatan son fils avec les honneurs dûs à leur rang, et justice semble être faite puisque la famine s'arrête.

Mais quelle justice ? D'avoir livré sept hommes dont le seul crime serait d'être les fils de quelqu'un? D'avoir permis à des gens cruels d'assouvir leurs instincts primitifs ? De permettre que des hommes soient ainsi humiliés et leurs cadavres exposés, et ceux aux yeux de tous ?

Le midrach pose la question de ces difficiles contradictions. 

Mais sa réponse n'est pas moins ramifiée...d'autant qu'elle vient boucler une boucle historique vieille de plusieurs centaines d'années.

Le midrach relate dans un premier temps que l'honneur d'Israël s'est trouvé gravement atteint du fait de cette négociation. 

Ce n'est pas Netanyahou qui négocie et délivre mille prisonniers du h'amas pour récupérer un Guilad Shalit, c'est le roi David, figure hautement emblématique d'Israël qui livre sept princes à un lynch pire que celui de Ramallah en 2000.

Le midrach raconte que les nations du monde ne se sont pas privées de commenter et de blâmer. "Beau peuple juif ! Voilà comment il respecte la Torah !" auraient-ils dit dans les couloirs de l'instance diplomatique internationale de l'époque.

Mais le midrach raconte encore comment un journaliste des nations, plus curieux que les autres, finit par demander : "mais qui sont ces sept cadavres ?". Pour ensuite faire se retourner d'un coup l'opinion internationale : "quoi ? En Israël, on peut mettre à mort des princes pour une conduite reprochable vis à vis de migrés ?" 

Israël, par le mérite de ce retour de l'opinion devient aux yeux du monde une nation dans laquelle, à la fois on veille à l'honneur d'un roi même après sa mort, mais aussi, on accorde justice même à ceux qui pourraient être vus comme citoyens de seconde zone.

Et le midrach d'ajouter : suite à cet épisode médiatique, se convertirent au judaïsme 150000 personnes. Et c'est la fin de l'épisode biblique.

Mais quant aux guibeonim. Qui se souvient de la raison de leur statut social ? Ils sont une peuplade - dont les commentaires disent qu'elle fait partie de ceux qui sont appelés le h'ivéen, autrement dit une peuplade que Yehoshua devait exterminer lors de la conquête d'Israël, un des sept peuples qu'Israël reçoit l'ordre divin d'écarter de la région. 

Ainsi que cela est raconté, ( Josué 9) les guibeonim trompèrent Yehoshua en venant à sa rencontre avec des vêtements usés par la route et en se faisant passer pour des migrants. Il les épargna, et jura de ne point leur nuire. Quand il s'aperçut de sa méprise, il leur donna le statut de "porteurs d'eau et coupeurs de bois". Citoyens de seconde zone dirait peut-être-t-on aujourd'hui .

Le midrach conte comment cet épisode de la famine et de la négociation avec les guibeonims boucle cette boucle. David leur accorde ce qu'ils exigent mais c'est en échange de l'annulation de l'accord passé avec Yehoshua quatre cent cinquante ans plus tôt. David considère que les Guibeonim n'ont pas rempli certaines conditions de leur contrat passé avec Yehoshua : ils ont cherché à s'intégrer parmi Israël mais n'ont pas fait la démarche morale qui en découlait. S'ils étaient devenus Israël, ils auraient dû renoncer à cette exigence barbare et sanguinaire, ils auraient dû devenir miséricordieux de père en fils. Le fait d'avoir manqué à cette facette incontournable de l'identité juive cause l'annulation du contrat passé avec eux..

Ce qui fait que cet épisode biblique permet que s'effectue un échange de populations. 150000 guibeonim reçoivent en pâture sept fils de Shaül mais se trouvent condamnés à quitter les lieux, et leur place se trouve prise par les 150000 qui se joignent spontanément à Israël.

Il y a donc ici plusieurs enseignements importants et tout à fait actuels me semble-t-il.

Le premier est qu'un fléau national ne peut peut-être pas être uniquement en quête de solution. Il est peut-être au moins aussi opportun de tenter de remonter à sa cause. Et de ne pas chercher que dans les actions techniques mais aussi dans la morale. La morale des dirigeants.

La deuxième est que la Bible, vieille de l'antiquité prône que le pays gagne à être gouverné par quelqu'un qui n'est pas seulement le vainqueur des élections, quelqu'un de populaire, d'envergure médiatique, mais quelqu'un d'envergure morale. Quelqu'un capable de dire : "c'est de ma faute". 
La démocratie moderne ne définit pas cette capacité personnelle comme critère du choix d'un dirigeant..

La troisième leçon est relative aux atteintes et aux réparations. L'humain est naturellement porté à la loi du talion et n'imagine pas moins que la mort pour réparer la mort (le texte mentionne que David offre de l'or et de l'argent aux guibeonim, mais ils refusent, Samuel ibidem). Israël a fait couler des litres d'encre sur de nombreux parchemins talmudiques pour expliquer que la loi du talion ne doit en aucun cas être prise à la lettre en Israël, et pour expliquer qu'être Israël, c'est atteindre  le niveau de moralité qui permet de pouvoir renoncer à cette application littérale du "oeil pour oeil dent pour dent".

La dernière leçon naît de l'analyse de ce que ce texte fait littéralement sauter aux yeux, et c'est l'analogie entre la situation décrite par la Bible et notre actualité.

Les guibeonim de la Bible rappellent étrangement une autre peuplade - une peuplade d'aujourd'hui - qui se trouve en Israël quand le peuple revient sur sa terre, qui ne disparait pas, et avec laquelle Israël doit composer.

Il y a ici le récit d'une histoire au sens historique. Les hébreux n'ont pas choisi que les guibeonim fassent ainsi partie de leur histoire. Leurs dirigeants ont composé avec la situation en leur conférant un statut social, différent, d'inégalité mais qui est plus que contraignant : le jour où les guibeonim se retrouvent lésés (destruction de la ville de Nov pour cause de conflit interne au peuple juif), c'est tout Israël qui en paie le prix (famine).

À travers la premiére explication proposée à leur exigence que leur soient livrés sept fils : sept guibeonim avaient été tués, deux porteurs d'eau, deux bûcherons, un chantre, un écrivain d'écritures saintes et un bedeau de synagogue, le récit nous fait comprendre que les guibeonim s'étaient intégrés partiellement au peuple juif. 

Or il apparait ici que la question de l'intégration au peuple juif n'est pas qu'un problème démographique comme on le regarde aujourd'hui, en limitant l'argumentation au nombre de palestiniens qu'Israël pourrait supporter sans en payer un prix. 

L'antique Bible, antédémocratique, anté-révolution française et droits des citoyens, exprime ici que le problème de l'identité d'Israël n'est pas uniquement un problème de nombre. Les commentaires midrachiques semblent pouvoir nous enseigner que le pays restera pays d'Israël à l'aune de sa moralité et non à l'aune de sa génétique.

En accord parfait avec les textes qui ont toujours traité de cette question de la conversion. Pour être Israël, nul besoin de naître et d'être de sang juif. Cette définition est posée deux millénaires avant les luttes contre le racisme et pour l'abolition de la noblesse ou de l'esclavage. 

On peut devenir Israël mais cela ne peut être immédiat, d'autant plus que l'exigence est de très grande taille, et l'examen peut dans certains cas s'étendre sur plusieurs générations. Et le critère majeur est celui de la moralité.

Un peuple pourrait-il exiger une moralité en la bafouant lui-même ? C'est la question évoquée entre les lignes par le midrach cité plus haut qui raconte comment dans un premier temps, l'épisode de David et des guibeonim provoque une énorme critique d'Israël.

Israël est jugé par son attitude à l'égard des hommes, et à l'égard du texte dont il se veut le représentant officiel...une exigence que d'après le midrach n'est sujette à aucune réduction.

Un épisode donc riche de sens. A méditer et à inclure dans la réflexion sur l'Israël actuel.


vendredi 21 juillet 2017

La fille inconnue. Un film interessant...sur le dés-inter-essement. הנערה האלמונית. סרט מערב על הערבות האתית


הטקסט בעברית נמצא מיד אחרי הטקסט בצרפתית. 

Jenny est médecin, jeune. Elle semble, tout au long du film (qui comme tous les films des frères Dardenne se passe à Liège, au bord de la Meuse, dans la grisaille belge..), n'être "que" médecin, c'est à dire ne vivre que pour cela, n'avoir aucune vie privée, aucun répit. 

Quand elle "ose" ne pas ouvrir la porte de son cabinet, au nom de : "les gens qui sonnent une heure après la fin des heures de consultation, on ne leur ouvre pas la porte, parce qu'ils ne respectent pas notre fatigue", le drame se produit, et il déligitimise - pour tout le long du film - son quant-à-soi.

Jenny ne vit dès lors plus que pour ce que la tradition appelle le "gmilout hassadim par excellence", la charité que l'on fait à l'égard de quelqu'un qui ne viendra plus jamais dire merci. Elle consacre chaque instant à identifier la jeune femme qui avait frappé à la porte alors qu'elle était poursuivie, celle qui a poursuivi sa course devant l'absence de réponse, et a trouvé la mort peu de minutes plus tard, sur les bords de la Meuse.

Jenny dit avoir en tête jour et nuit le visage de cette femme anonyme, dont on ne découvre le nom que dans les dernières minutes du film, elle cherche sans relâche à lui assurer une sépulture.

Et elle atteint son but, mais après s'être successivement heurtée au milieu, à la police, et à tous ceux que son acharnement dérange.

Comme dans la plupart des films des frères Dardenne, c'est de la philosophie de Lévinas qu'il est avant tout question. Lévinas qui dit que nous vivons naturellement une vie "d'interessement", c'est à dire plongés anonymement parmi les autres êtres, comme anesthésiés, jusqu'au moment où le visage d'autrui nous interpelle, exige notre réponse (au sens répondre d'autrui), et introduit en cela "l'autre de nous-mêmes" dans le "même" dans lequel nous nous barricadons pour pouvoir dormir tranquilles.

Pour Lévinas, la philosophie est l'insomnie de la pensée. Cette insomnie est salutaire à l'humanité et à nous-mêmes, il nous est interdit d'être indifférents au sort d'autrui. Notre rencontre avec le visage déclenche en nous la responsabilité, préalable à la subjectivité, puisque je ne peux véritablement dire "je" que si c'est pour dire "me voici", que si c'est consécutivement à l'éveil de la responsabilité.

Jenny incarne ce mouvement de l'être. Tout en elle est responsabilité, altruisme, et insomnie. Elle vit dans son cabinet médical, son téléphone et le carillon de l'entrée sonnent à tout instant du jour et de la nuit, et elle ne se soustrait jamais à son devoir.

Il faut remarquer que ce comportement n'est pas seulement de nature à déclencher l'hostilité des personnages du film, il dérange aussi le spectateur.

Le "milieu" se sent menacé et la menace en retour, la police se sent génée dans le tissage de sa toile et lui impose le silence, le meurtrier involontaire de la jeune femme tente lui aussi de lui imposer le silence, avant de découvrir lui aussi la responsabilité, et la sœur de la victime, elle -même aussi réfugiée dans son mutisme né de sa jalousie, sort de sa tour d'ivoire et accomplit l'annulation de l'anonymat de la victime. Et le spectateur ressent le malaise de son outrance, craint le pire, espère la voir lâcher un peu prise.

Et c'est en fin de compte le très spécial "happy end" de ce film très non-hollywoodien : la morte peut enfin être enterrée sous son nom et non plus sous x.

C'est un film-réponse au classique "sans toit ni loi" d'Agnès Varda (1985) dans lequel aussi une femme est trouvée morte, mais dont l'issue est un "non lieu" : la gendarmerie a vaguement et paresseusement enquêté, n'a pas vraiment dérangé, et n'a rien trouvé. La mort de cette fille ne dérange personne, n'empêche personne de dormir. 

C'est la véritable faillite d'une société, quand la mort des individus qui la composent n'est que fait divers.

C'est le sens de la responsabilité endossée par « Yossef hatsadik » d'après la tradition : il part non retrouver ses frères pour leur passer le bonjour comme le laisse supposer la lecture superficielle de la Genèse, il part en fait, disent les commentateurs, déjà conscient qu'il ne reviendra pas, et que son but n'est pas ses frères de sang mais ses frères, les êtres humains, et leur société , à qui il se charge d'enseigner le message le plus révolutionnaire de cette Torah : la mort de la plus petite personne doit mobiliser le pays entier, jusqu'au roi.

Mais le film de Varda décrit une réalité tandis que le film des Dardenne décrit une exception à la réalité. J'ai toujours pensé que la philosophie de Lévinas n'avait pas été écrite pour l'homme de la rue...qui ne veut pas, qui n'a pas le souffle de se sentir interpellé par cette responsabilité tellement envahissante. 

Et Jenny est dans son personnage aussi l'illustration de cela. Elle est plus que lourde. Elle est étouffante. On la voit sourire, mais on se demande à quel moment elle décroche, quand elle s'autorise à respirer.

Je pense donc que même si le médecin de quartier représenté ici par Jenny s'affiche souvent à la case des gens que Lévinas interpelle, le psychothérapeute (à l'instar de la différence entre D. et le juif polonais, le premier sachant tout, mais le second sachant tout mieux) est probablement mieux interpellé que le médecin, étant en principe formé à ne pas être lourd.


Le psychothérapeute-psychanalyste est formé à pouvoir signer pour la philosophie de Lévinas sans s'y épuiser ou reculer devant l'ampleur de la tâche, et l'intention première du médecin comme du psychothérapeute est de répondre à autrui.

Le citoyen lambda, lui, est généralement plus intéressé par le sommeil que par l'insomnie.


ג׳ני היא רופאה צעירה שלא מופיעה בסרטם האחרון של האחים דרדן הבלגייםאלא כרופאהללא משפחהללא תחביביםללא מנוחה.רופאה ב״פול טיים ג׳וב״.
הסרטכמו כל סרטי האחיםמתנהל בעיר ליאג׳ הבלגית והאפורהלצד הנהר ״מוז״.

העלילה של הסרט מבוססת על המקרה היחיד בו זייפה ג׳ני להערכתהשעה אחרי שהקליניקה שלה נסגרה, (והיא עדיין בפניםעדיין בעבודההיא לא פתחה את דלתה לעוד צלצול״לאנשים שמצלצלים כל כך מאוחרלא פותחים את הדלתאלה אינם מתייחסים אלינו ואלה עייפות שלנו״ מסבירה ג׳ני לרופא הסטג׳אייר שעומד לצדה. אלא שהאירוע מתפתח לטרגדיהלמחרת מוצאים את גופתה של אישה,שמסתבר היא זו שדפקה בדלתבהיותה בורחת ממישהו שבסופו שלדבר רצח אותה.

לג׳ני טרגדייתה של האישה היא הטרגדיה שלה האישיתללא הפסקה היא מחפשת עוד ועוד לפענח את התעלומהובעיקר לגלות את שמה של האלמוניתובעיקרעל מנת שהיא תזכה לקבר כיאהגמילותחסדים לשמה.

ג׳ני מסבירה שאין לה שינה מאז המקרהושהפנים של האישה מופיעות לה כל הזמן מול העיניים.

האחים דרדן מצטיינים בעשיית סרטים איכותיים מאדומבוססים על הפילוסופיה של עמנואל לווינס.

על פי הגותוהנטייה הטבעית של האדם היא להיעלם בין יתר בני האדםולא להרגיש ערביםכדוגמת ״השומר אחי אנוכי?״ ואילו מטרת האתיקה היא לחולל חברה מבוססת על ה״הנני״ של אברהם אבינומבוססת על ערבות בלתי מוגבלתעל פי לוינסהפנים שלהזולת הם אלה המעוררים בי את האחריות הראשוניתההתיצבות מול האחריותהאחריות הראשונית הזו היא הגורם לסוביקטיביותשאין אדם מסוגל להגיד ״אני״ במלוא העוצמה אם לא התעוררה בו האחריות לזולת.

על פי לוינסתפקידה של הפילוסופיה היא לגרום לאדם נדודי שינהמול הנטייה הטבעית להירדם ולא למחות או להתערב.

הסרט מסתיים בצורת ״הפי אנד״ לא הוליוודיג׳ני מגלה את שמה של האישהובתוספתמגלה גם את הרוצח (שראוי יותר לתואר אשם בהריגהואף מגלה קרובת משפחה של האישהשתדאג לתיקון הקבר.

אך הסרט מטיב להראות כיצד סלולה הדרך לגילויים אלה לא מעט מכשוליםג׳ני למעשה מפריעההיא מפריעה למשטרההיא מפריעה להתנהלות העולם התחתוןהיא מפריעה לרוצח ואפילו לקרובת משפחתה של האישה היא מפריעהלמעשהג׳ני מפריעה גם לצופה.

היא הרי כבדההיא לא נחה״מתי כבר תפסיק ?״שואל את עצמו הצופההיא מפריעה בהיותה כל כך מכוונת לזולתכל כך מצטיינת בהקדשת עצמה לכל הפציינטים שלה.

סרט זה מתכתב עם סרטה של אניאס וורדה ״עוברת אורח״ משנת 1985. גם בסרטהנרצחת אישה ואין לדעת מי רצחאו אם בכלל מישהו רצחאו שהיא סתם נפלה אל מותההסרט הזה מסתיים הפוךכאשר מערכת המשפט הצרפתיה סוגרת את התיק לאחר חקירה נונשלנטית.

סרטה של וורדה מראה את החברה נגדה יוצא יוסף הצדיקבלכתואחרי חיפוש אחיוהמפרשים מסבירים שאין הוא יוצא לחפש את אחיו הביולוגייםאלא את אחיו שביקוםהוא למד עם אביו את פרוש ״עגלה ערופה״ שבספר דברים (סוף פרשת שופטים), והוא ״יוצאלדרך״כלומר הוא יוצא במטרה לתקן את החברהולהשיג מצב לפיו לא סוגרים תיקים אלהכפי שכותבת התורה ״נופל בשדה לא נודע מי הכהו״ עבור התורהאין מצב שנפל סתם אדם בשדהמישהו אחראי לזה.

ג׳ני היא יוסף הצדיקמקרה האישה לא נותן לה יותר לישון.

הרגשתי מאז גיליתי את הגותו של לווינס שהיא אינה מדברת אל איש הרחוברוב האנשים מעדיפים לישוןלוינס לעניות דעתי כתב - בלי להיות מודע לזה - למקצועות הבריאותלרופאיםלמטפלים.

יש למטפלים מרכיב שברוב המקרים אין הרופאים לומדים עליו :לומדים המטפלים במקצועות הנפש לייחס חשיבות מיוחדת ל״ביןאישי״הם לומדים להיות מודעים לרגישות של הזולתהם לומדים לתת מקום לרגישות שלהםהם לומדים שלהיות כבד לא כל כך משרת את המטרה.

הסרט החשוב והיפה הזה פותח את כל הסוגיות החשובות האלה לדיון ולמחשבה.