samedi 28 mai 2011

Darké olam 4. La voie.

Le texte de l'article se trouve à la page midrach du blog.

mardi 10 mai 2011

Sur les mouvements humains, les mises en place de rites, d’us et de coutumes.

Cet alliage Yom hazikaron-yom haatsmaout, jour de l’indépendance accolé au jour du souvenir national israélien, quoique vieux de 63 ans, est vraiment encore très expérimental, et est peut-être une sorte d’enseignement sur les mouvements des peuples, sur la façon par laquelle s’écrit l’histoire.

On nous a appris que l’entrée en Israël ne s’est pas faite dans la foulée de la sortie d’Egypte, mais qu’il a fallu 40 ans pour prendre le virage. On s’est habitués à attribuer cette lenteur historique à une faute. « Ils ont dû être bien coupables pour être ainsi si sévèrement condamnés » se dit-on et répète-t-on de génération en génération

Chez nous, peut-on considérer que quelques 65 ans ont déjà permis de franchir un cap ?

La page est-elle tournée ? le peuple juif est-il à nouveau passé d’une étape à une autre ?

J’en doute. L’histoire allait apparemment plus vite il y a 3000 ans que dans notre ère du progrès technologique et de l’immédiat.

Où en sommes-nous ? A partir de quand doit-on compter ce que nous fêtons aujourd’hui ? Pourquoi à partir de la déclaration d’indépendance et non à partir du premier congrès sioniste ? Ou à partir de la fin de la shoah ?

Que fêtons-nous en ce jour où chacun semble avoir son propre regard sur la situation :

-les religieux sionistes qui se sont emparés de la date et en ont fait de force une nouvelle fête à inscrire au calendrier liturgique avec tout le caractère indigeste qui va avec (encore toute une journée à passer à la synagogue…sans entrer dans les détails). Un regard de ceux pour qui tout est liturgique, les accros à la liturgie omniprésente.

-les religieux antisionistes qui, tout à leur réaction aux précédents sont prêts à brûler le drapeau (c’est vrai que ça fait moins de dégâts écologiques que quand on brûle les poubelles, mais l’un n’empêche pas forcément l’autre), ou en tout cas ne sont nullement décidés à se joindre à l’évènement.

-les non religieux qui s’en voudraient de participer à une mouvance prétendument religieuse et qui se sont retrouvés à leur grande surprise à avoir été les premiers à réinstaurer les sacrifices (ou plus largement l’idolâtrie et ses fêtes de liesse pas toujours contenues ?) à l’époque du monde moderne. Ceux pour lesquels l’acte religieux du jour est avant tout de griller de la viande.

-les sionistes du dehors du pays, qui manifestent yom haatsmaout sans se mouiller trop. Un peu du bout des lèvres. Et en tout cas sans y accoler ce jour du souvenir aux relents presque encore plus nationalistes que son confrère.

-et je me limite aux juifs ce qui me permet de maintenir pudiquement à l’écart ceux qui ont un tout autre regard, ceux qui donnent un tout autre nom au même jour…, ou encore les observateurs bienveillants qui paraissent eux-mêmes ne pas encore avoir vraiment décidé de l’attitude à adopter…

Le peuple israélien concerné par Yom Haatsmaout a depuis longtemps cessé de ne fêter que l’actualité de ce seul jour, qui n’est en fait que la moitié d’une entité de 48 heures. Les israéliens ont deux fêtes qui durent deux jours. L’une est Roch Hachana et celle-ci est l’autre. Le peuple israélien ne distingue pas le deuxième jour du premier, celui où on se focalise sur ceux qui sont tombés et dont la mémoire est rappelée le premier jour, ceux qui ont pris sur eux d’être du premier jour pour que les autres puissent fêter le deuxième.

Peut-être l’observation de ce mouvement populaire devrait conduire à y encourager une pratique centrée sur la couture, sur ce moment central qu’est le passage du premier jour au deuxième, passage de Yom Hazikaron à Yom Haatsmaout.

Les synagogues pourraient y retrouver leur étymologie de lieu de rencontre et être le lieu par excellence de ce passage ; lieux où on ferait quelque chose qui correspondrait peut-être à l’expression d’une sorte de consensus : pas vraiment un « service religieux » mais une manifestation conjointe de sentiments religieux, historico-religieux, sentiments de douleur, expression du souvenir, sentiments que l’on souhaite ressentir en compagnie de ceux de qui on est proches.

Pas vraiment « encore une dose de toute la tartine liturgique », sans y proposer comme seule alternative une cérémonie uniquement à tendances militaro-commémorative, mais quelque chose qui soit « à l’intermédiaire ».

Une séance où on puisse chanter, jouer de la musique un peu triste, un peu gaie, lire des textes, certains remontant aux sources d’Israël (je vote inconditionnellement pour Isaïe, le plus grand, l’incontournable, mais le choix est presque illimité), certains issus de nos prophètes d’aujourd’hui (Agnon, Yehoudah Amikhai, David Grossman, la liste est presque plus longue que dans le précédent registre).

Une séance que le peuple puisse vivre ensemble, moins polarisé, moins éclaté que dans son quotidien.

Et quant aux cérémonies du souvenir, allons-les vivre dans le quartier, avec les mouvements de jeunesse. Ce sont des lieux plus sains que les cimetières ou les casernes militaires. On y rencontre d’année en année ceux qu’on a vu grandir, ceux qui ont élevé les amis de nos enfants, ceux qui sont encore petits et ceux qui ont déjà grandi. On y évoque aussi suffisamment de disparus…

On se prend à souhaiter que c’est ce qui devrait se mettre en place. Mais il faudra encore du temps pour parfaire ce passage de la diaspora au foyer national, pour créer l’évènement qui est celui qui correspond le mieux à cette histoire que nous vivons et que nous participons à modeler.