lundi 31 août 2015

eis - années 70 - en guise de conclusion textuelle, visuelle et auditive.


C'est sur cette galerie de portraits, de lieux et de situations - que le lecteur mélomane pourra consulter aux sons du fichier ci-dessous -  que s'achève le récit des éléments qui forment la mosaïque de cette phase du mouvement des E.E.I.F. , phase d'environ dix ans, plus ou moins les années 70.


Comme cela a été formulé de différentes manières au long des textes successifs que l'on trouvera en "déroulant" le blog, on pourra la voir au choix comme le récit d'une adolescence, d'une époque, d'une génération.

J'ai essayé de la décrire au prisme de l'apport éducatif ainsi que du développement de la personnalité de l'individu, que peut donner les e.i.s , qu'est susceptible de donner l'éducation informelle.

A partir du 80ème anniversaire, en 2003, les e.i.s ont commencé à intégrer plus avant ce qui les accompagne depuis la création du mouvement avec la fameuse phrase de Castor (puisée à la littérature talmudique) : "je voudrais faire de toi un bâtisseur", à mieux formuler leur action, et à se proclamer "bâtisseurs d'identité depuis 1923".

Rarement à mon sens slogan n'aura été aussi bien choisi, et il prolongeait heureusement le thème du CN de 1985 : "étudions pour agir". 

Ce "étudions pour agir" est peut-être la pierre d'angle du paradigme éducatif e.i. : il s'agit d'y transmettre et d'y enseigner le savoir traditionnel, la paracha, le shabbat, les fêtes, le rite, de telle façon qu'il rencontre le vécu séculaire et qu'il devienne fondamental pour chacun. Il s'agit de prendre conscience que pour bon nombre de leurs "clients", les eis sont LE lien au judaïsme.

L'animateur n'a pas pour tâche de raconter aux enfants comment il fallait exterminer Amalek à l'époque du désert "parce 
-qu'alors-les-gens-étaient-barbares-et-ne-parlaient-qu'extermination-et-conquète-armée-alors-qu'aujourd'hui-que-nous-sommes-civilisés-et-qu'il-n'y-a-plus-de-massacres-tout-ceci-est-dépassé", il a pour tâche de transmettre, et d'autant plus alors que refleurissent les idéologies fondamentalistes et sanglantes, ce qui dans la Torah et la tradition aide le juif d'aujourd'hui, comme le juif de tous temps, à se bâtir une identité solide, concrète et non plaquée.

Il n'est pas impossible que la"page juive" ( paradigme dont Ami est l'auteur) soit un des meilleurs outils pour ce faire : la page juive, dite au cours de l'office du matin, ou la kabalat shabbat, enrichit probablement l'éclaireur ou la bâtissette qui l'écoute, mais elle enrichit AVANT TOUT l'animatrice/teur qui a le souci de la préparer et de la "faire passer" et qui y ajoute donc la charge émotionnelle - et adolescente - qui la métabolise en message pour la vie.

Toutes les époques sont des "challenge" éducatifs. Nous aimons nous bercer de l'illusion que le monde a évolué, que chaque époque est fort différente de celles qui l'ont précédée, et cela nous mène parfois trop facilement à des conclusions "café du commerce" rapides ou erronnées selon lesquelles "aujourd'hui c'est bien pire " ou  "ce qui pouvait s'appliquer dans le temps n'est plus valable dans notre monde aujourd'hui évolué".

Il est probablement vrai à certains nombreux égards que le monde a ėvolué, mais, comme de toutes les bonnes choses, il ne faut pas abuser de la tendance "moderne" dans laquelle nous sommes élevés, et qui nous entraîne à penser que le monde d'antan était bien plus barbare que celui d'aujourd'hui.

Certains courants de pensée et d'actualité viennent nous montrer que la barbarie non seulement existe encore aujourd'hui, mais fait encore très facilement école, au point qu'il semble que l'antidote à ce phénomène n'a pas encore été découvert, et en parallèle, on se souviendra en quels termes élogieux Lévinas parlait de la sagesse de l'Antiquité et des "docteurs du talmud".

Même s'il pourrait sembler que le monde doive aujourd'hui faire face à de nouveaux défis, il convient surtout de ne pas lever le pied de la pédale éducative, et de ne pas en laisser l'exclusivité au système scolaire. 

Les e.i.s ont eu encore avant la seconde guerre mondiale, pendant la seconde guerre, à son issue à la phase de restauration de la communauté juive, après les mouvements de mai 68, autour de la campagne de déligitimation d'Israël, et aujourd'hui autour de l'extrémisme islamiste, un rôle principalement éducatif et irremplaçable à jouer.

Irremplaçable, principalement du fait qu'ils ont plus de possibilités que bien d'autres structures d'assumer ce rôle. Cela tient au jeune âge des éléments moteurs, et à cette fameuse dynamique de l'éducation "du jeune par le jeune", qui privilégie les experiences fondatrices et les fait passer devant le transgénérationnel. C'est ce qui leur confère ce créneau bien spécifique d'identité juive qui est le leur.

Les photos insérées ci-dessous montrent les actuers de cette période, bien entendu de façon inévitablement lacunaire. Elles proviennent de ma photothèque personnelle, enrichie des photos qui m'ont été apportées (par un peu tous, mais en particulier Daniel et Claude, Wanda, Myriam Wanzelbaum, Yveline ex-Mirès, Colette Raichman, Philippe Klein) et que j'ai numérisées à l'occasion du 90ème, ainsi de quelques autres que j'ai pu obtenir sans même à avoir à exercer trop de pression auprès de leurs possesseurs (Dan Cuzin, Babeth Attal, Serge Caën pour les photos d'Ecosse). La mise au point technique reste forcément améliorable mais elle est déjà le fruit du soutien serviable et avisé de Philippe Klein, depuis le rassemblement israélien tsomet, d'ouverture israélienne du 90ème, jusqu'à aujourd'hui.

La chanson me parait ne pas encore avoir été numérisée et est donc une réédition privée, à base du 45 tours qui avait été distribué en bonne et due forme en son temps. J'éspère que les auteurs n'y voient pas d'inconvénient.


Il est possible de "faire des commandes" et de suggérer/demander l'ajout de telle ou telle photo, il est bien sûr possible si ce n'est souhaitable, d'ajouter encore quelques photos, qui seront pour l'occasion exhumées des boîtes à chaussures ou des albums vieillis, dans lesquelles elles dorment indûment.


n.b. En principe, on double-clique sur la photo et on la reçoit en plein écran.












mardi 25 août 2015

Eliah Shlomo - au monde depuis très peu..


   .....Le texte en hébreu est suivi d'une version française
? et si ce détail annonçait un virage linguistique 

אליה שלמה, אשר נולד בא' אלול התשע"ה, כעטוף שתי הפרשיות "שופטים" ו"כי תצא", פותח את חייו תחת עושר רעיוני מדהים.

מעבר לכמות מצוות מרשימה שכלולות בשתי פרשיות אלה, מדובר במצוות שרובן ככולן כאילו באות לרפד את נשמתו של האדם.

הקורא המדקדק והמעיין בפרשיות אלה לא יכול שלא להישאר נפעם ונדהם. יפנים האדם ולו רבע ממצוות אלה והוא כבר יהיה ברמה ערכית גבוהה עשרות מונים ביחס לשארית העם. ילד אשר הפנים ערכים אלה לא זקוק לבית הספר כל כך הוא כבר מוכן לחיים. אלה מצוות שלא רק דואגות לחברה בכללותה, אלא דואגות לבודד, דואגות למה שהאדם הבודד עשוי וצריך לקבל מחברה מתוקנת להגנתו ולרווחתו, כולל בשעת מלחמה.

מאידך גיסא יבואו אליי ויבקשו ממני להרפות מהילד הרך הזה. מה אני כל כך מלביש עליו את כל החובות המוסריות האלה ? ועוד מימיו הראשונים !  

האמת היא שלא על הילד הקטן הזה בלבד חלות המצוות האלה, אלא שהן חלות על עם ישראל כולו.
אבל עם ישראל, נראה לי, לכל הפחות מחולק לשני קצוות בקשר לקיום המצוות. חלק אחד מתעלם, חלקו מפחד לקרוס תחת הנטל, ולא רואה את עצמו כלל וכלל מחוייב, והקצה השני מקפיד באופן קיצוני בקיומן, פן ישכח אחת מהן בדרך.

ובודדים מן הבודדים, קמו וקמים פה ושם בהיסטוריה, נביא זה או גיבור זה, שבאים לדרוש את העם ואת המציאות בדבר מצוות הללו, מי בחרבו, מי ברומחו.

אליה ושלמה התנכי"ים באים לבשר על תקווה בדבר קושי זה של העם מול קיום המצוות.

שניהם מבשרים שלווה ושיפור מצב. שניהם יכולים לתרום לטובת שמירה על מצוות "השבת אבידה" (המופיעה בתחילת פרשת כי תצא – דברים כ"ב א) כפי שמבין אותה הרב דניאל אפשטיין : בפירושו העשיר והססגוני (הנמסר בעל פה), מזכיר לנו הרב שלא רק את שורו ואת חפציו עלינו להשיב לאדם, אלא שאנחנו עלולים לאבד דברים חמורים יותר משור או ארנק. אנחנו עלולים לאבד את הכבוד, לאבד את הזכרון, את התקווה !  ואולי לא פחות לאבידות אלה דואגת מצוות "השבת אבידה".

קיום מצווה זו נראה קל יחסית כל עוד מדובר בחפץ...אך מסובך יותר ויותר ככל שמייחסים לה מובן מופשט יותר. לעזור לאדם בהשבת הכבוד שלו, או את התקווה שלו, או את הזיכרון שלו, מהווה אתגר רציני ביותר, מצביע על רמה גבוהה מאד של אלטרואיזם, של אחריות לזולת.
אליה הנו גרסתו ה"שמימית" והמעודנת של אליהו, הנביא הקנאי והדרמטי ("פנחס הוא אליהו !" אומרים לנו המפרשים). אליהו נקרא במקרא אליה בשלבים שהוא מוזכר ביחס לגאולה, או סמוך ללקיחתו השמימה (מלכים ב' א) או בהקשר של גאולה ממש, (מלאכי ג).

שלמה, החכם באדם, הנו בנו המובחר של דוד המלך והוא נקרא כך, כרמז לסגולתו האישית להבאת שלום לעולם. הרב יהודא אשכנזי, "מניטו", היה מלמד שעל שלמה קרוי למעשה על תקוות אביו שזה ימשיך את פעולת תיקון העולם : אחרי שאביו כבר הוכיח שניתן להוביל מדינה על בסיס תורה מסיני, על שלמה להשכין שלום.

הילד הרך הנולד, אשר קיבל שני שמות אלה אליה ושלמה, נראה על פי שמותיו כבר בכיוון הנכון להשפעה חיובית מאד על העולם, להשבת אבידות חשובות מאד.

מי ייתן והוא לא יראה בשמות הללו עול כבד מדי אלא יידע ללכת איתם וכך להתקדם בעולם ולתרום לקידום העולם והחברה.


Eliah Shlomo, né le 16 août, roch hodech eloul, vient au monde sous le signe de deux parchiot particulièrement abondantes, Shoftim et Ki tetseh.

Abondance de mitzvot, abondance de sujets des plus divers, et surtout abondance d’équipement pour la vie.

Qu’il ait en lui ces contenus, et un enfant pareillement pourvu devrait pouvoir presque se passer de l’école ! On peut effectivement se demander ( si Lévinas se demandait ce qui reste à lire quand on a lu Eschyle…qu’aucun d’entre nous contemporains n’a lu !) ce qu’il reste à acquérir si on a intériorisé ce que prescrit la Torah, ne serait-ce qu’à travers ces deux parchiot, depuis l’exigence de structurer la société, jusqu’à la sollicitation de la société pour l’individu, même en temps de guerre.

Que de valeurs ! que de valeurs éthiques dont ne dominer ne serait-ce que le quart vous place déjà bien loin devant le peloton de l’humanité.

Le sac à dos, du coup, pourrait paraître bien lourd. Laisse-vivre cet enfant, entends-je déjà autour de moi. Que l’affubles-tu de tous ces devoirs !

La vérité est que ceux-ci n’incombent pas uniquement à qui naît la semaine où ils sont lus, il appartient au peuple juif dans son ensemble de les prendre à sa charge. Mais combien même adressent un regard à cette montagne de « tu feras » et à ces falaises de « tu ne feras pas » tant la seule ombre jetée par cet édifice les fait déjà fuir ?

Le peuple juif, au sujet duquel beaucoup de ses enfants, et le monde entier, sont plus généralement polarisés en une grande majorité qui tourne le dos et préfère pudiquement ne pas se sentir concernée d’un côté, et de l’autre côté, une petite minorité qui, tel un naufragé accroché à sa bouée, s’efforce de tout scrupuleusement conserver et observer sans rien laisser derrière elle.

Encore plus minoritaires sont tels prophètes et autres individus qui soudain se dressent au fil de l’histoire, et mènent le combat pour ces valeurs, épée ou javelot au point.

Eliah et Shlomo sont deux exemples bibliques d’individus qui peuvent réduire cette polarité, qui peuvent apporter confiance et espoir, qui peuvent accomplir l’aspect caché de la mitzva de « hachavat avéda » (restitution de perte) tel que l’a si succuleusement enseigné Daniel Epstein :

Il faut, dit la Torah en Devarim 22, 1 rendre à son propriétaire ce que l’on a trouvé lui appartenant. 
Ne s’agirait-il ici que d’objets ou d’animaux? Il y a énormément de choses que peut perdre un individu outre les objets – fussent-ils précieux – lui appartenant. Peut-être même pourrait-on dire qu’aucun de ces objets ne nous appartient vraiment mais plutôt comptent parmi ce qui est en dépôt chez nous au même titre que notre vie.

Par contre, nous risquons bien plus de perdre quelques "non-objets" de bien plus grande valeur. Nous risquons ainsi de perdre notre mémoire, nous sommes en danger de perdre notre honneur, notre dignité, notre réputation, de perdre la face, et enfin nous sommes en risque de perdre espoir en l'avenir.

S’acquitter de cette mitzva parait un bien plus grand défi d’autant que l’on s’éloigne plus du matériel, et même si nous avons la faiblesse d’être souvent très attachés à nos objets, nous souffrirons certainement beaucoup plus de la perte de ces valeurs que de ces objets.

Accomplir la mitzvah consisterait peut-être en un rayonnement, une préoccupation pour autrui qui soit au-delà de lui rapporter le porte-documents qu’il a malencontreusement oublié sur un banc.

Eliah est la version « adoucie » d’Eliahou, le plus jaloux et le plus sanguin d’entre les prophètes. 

Eliah est le nom qui est donné par le texte à ce prophète au moment où c’est en relation directe avec le monde du haut qu’il apparaît ( au moment d’être enlevé sur le char de feu en Rois II, 1 ou quand sa venue -salvatrice - est annoncée en Malachie 3 -, c’est le nom qui exprime la version  salvatrice de cette rage, qui exprime donc peut-être la sublimation de sa fougue.

Shlomo, le plus sage de tous les hommes, enseignait Manitou, est ainsi nommé ( de shalom – paix) par son père David comme pour lui léguer un programme, celui de répandre la paix et l’harmonie dans le monde, après que David ait répandu la torah et ait fait fonctionner un royaume entier à base de ses Lois.

Et ainsi être nommé Eliah Shlomo renvoie à ces deux références, références de sublimation, références d’élévation.


Fasse le ciel qu’Eliah Shlomo ne souffre pas de pareille assignation mais qu’il en soit au contraire le premier bénéficiaire, qu’il grandisse en atmosphère de paix et d’harmonie, et qu’il soit de présence apaisante et génératrice de développement et de progrès.      

dimanche 16 août 2015

(très) bonnes nouvelles ! בשורות מקסימות


בתחילתו של יום
שהוא גם תחילתו של שבוע
וגם תחילתו של חודש הכנה 
לחשבון הנפש ולהתחדשות,

ביום החם של השנה
ובשיא הקיץ הירושלמי,
בנוף המרהיב של ההרים והגבעות
בין יהודה לבנימין

בארץ הארצות
היא ארץ ישראל

בשבח והודיה לבורא עולם

נולד לו ילד
בן זכר
שהוא גם
ראשון לאביו ולאמו,
ראשית משפחתם.




מי ייתן ויגדל רך זה,
יגיע למילה, לתורה,
לחופה ולמעשים טובים

באותה נינוחות איתה
החל עד עתה להופיע.

הידד להוריו
הידד לדודיו ודודותיו
הידד לסביו ולסבא-רביו
הידד לבני דודיו

ולכל אלה אשר ציפו לבואו
ושמחים סביבו  !

Et qui veut voir de près ce petit personnage peut se rendre sur la page prospective du blog:
       תמונות ראשונות על עמוד prospective של הבלוג.

lundi 3 août 2015

L’auberge e.i., le transgénérationnel, l'enseignement, l'éducation ettoute cette sorte de choses.



On a souvent l'impression qu'aux eis, la durée de vie d'une génération est d'environ trois ans. Soit que l'animateur lambda soit vite absorbé par ses sacro saintes études, soit qu'il change rapidement de cheval. Je lis par exemple ces derniers jours sur FB qu'Olivier Jaoui est offusqué par un animateur d'aujourd'hui qui date l'ouverture du groupe local d'Antony à cette dernière décennie, soit bien après que lui, Olivier l'ait créé en 1981 ou quelque chose comme ça. Mais moi-même avais reçu en 1974 la tâche ingrate de fermer le groupe local dont l'identité faisait plus que battre de l'aile, et avec une maitrise jugée plus nocive qu'autre chose ( je suis par ailleurs resté plutôt perplexe de la situation, et que j'aie accepté ce rôle, en soi plus nocif que constructif mais c'est un autre sujet). Visiblement, à l'arrivée d'Olivier, personne ne se souvenait plus de rien. C'était une nouvelle génération "qui ne savait plus qui était Joseph" (Shemot 1, 8). De même, les animateurs du groupe local place des Vosges peuvent très bien s'imaginer l'avoir créé de leurs propres mains, ignorant magistralement ce qu'Emilie, Daniel, Isabelle, Michel Klein, et d'autres y compris Marianne et moi avons fait là-bas. Pour rester dans le contexte de l'Egypte, c'est le syndrôme dit "du Pharaon" : " le Nil est moi et c'est moi-même qui m'ai créé" (Ezechiel, 29, 3), "syndrôme" d'auto-suffisance et de réaction au transgénérationnel. 

En contraste avec ce défilement si rapide  dont je vis régulièrement d'autres et d'autres exemples, les eis vivent au rythme d'"e.i. un jour e.i. toujours" et dans la conscience d'appartenir à un mouvement bientôt centenaire, dont ils ont connu personnellement ou presque les fondateurs, ou tout un tas d'anciens, qu'ils ont allègrement tutoyés, comme si aucun fossé de génération ne les séparait, ne séparait personne.

Et donc, y a-t-il éducation sans transgénérationnel ? D'un côté, on reçoit de quelqu'un du fait même qu'on lui attribue ou lui reconnait un ascendant, et cela procède du transgénérationnel, ou du transférentiel pour parler un autre langage.  Mais sont-ce les seules occurences de l'éducation ? Il semble que l'édification d'un individu, qui, elle-même ne se confond que très partiellement avec l'étendue de son savoir, provienne non moins d'autre chose que j'appellerais expériences fondatrices. 

C'est un des domaines sur lesquels bute désespérément la psychologie cognitive, dans son apparente incapacité d'accepter que tout ce que sait l'individu ne provient que pour une - faible ? - part du cognitif et de l'apprentissage à proprement parler. L'individu apprend par mille et une manières, dont on pourrait presque suggérer que le cognitif est un élément mineur du phénomène. Tous ont entendu à un moment ou à un autre que l'individu moyen n'utilise que 5% de ses capacités cérébrales, les musiciens en utilisant environ 7%. Freud a tenté de briser cette doxa, en énonçant les règles du développement, vu par lui "psychosexuel", c'est à dire autant tributaire du monde pulsionnel que du monde psychique. 
D'autres théoriciens de la psychanalyse ont depuis  suggeré que la thèse de Freud, pour être très interessante et respectable, n'en reste pas moins encore partielle. On ne couvre pas tout avec le pulsionnel. D'autres axes existent. Concernant les pourcentages enoncés plus haut, je souhaite apporter une version un peu modifiée : ce n'est pas que l'individu n'utilise que 5% de ses capacités, c'est que le monde de l'éducation, le monde du travail et la société, ne savent quantifier que les 5% qui sont visibles, quantifiables, et consacrés à la productivité. 

L'individu, lui, utilise beaucoup plus, mais n'a que peu de chances de se voir crédité en proportion. Je suggère que les e.i.s donnent à l'individu quelque chose qui procède d'un de ces domaines qui édifient un individu mais ne se voient pas à l'oeil du ministère de l'éducation ou de celui du travail. Quelque chose qui est peut-être beaucoup plus important qu'il n'y parait, un peu comme si il s'agissait des 95% non comptabilisés par le monde occidental normal. 

Et c'est en fait souvent par la satisfaction d'avoir soi-même créé, qui procède de l'anti-transgénérationnel (qui est donc en fait l'envers du décor du transgénérationnel, donc, non moins transgénérationnel...) mais aussi de la créativité et de l'élan personnels, que l'individu se dépasse, se surpasse, grandit. C'est la raison pour laquelle j'ai l'impression que le terme génération n'est pas le bon. 

En ce qui me concerne, je préférerais parler de tranches, ou de phases. Ce sont ces dernières qui nous façonnent, et il se pourrait bien que seule une partie d'entre elles s'apparente (si j'ose dire..)  au mode parents-enfants.

Ma vie e.i. se partagerait ainsi de mon point de vue en deux tranches. Une première, dont j'achève l'analyse et les souvenirs dans le présent chapître, et qui s'étend de mon entrée véritable au mouvement en 1972, à mon alyah en 1981. 

Au cours de cette période, j'ai eu des référents, de qui j'ai oui ou non reçu, à qui j'ai rendu des comptes, j'ai eu des pairs, avec des écarts d'âge pouvant aller jusqu'à cinq ou six ans, et j'ai transmis-enseigné-ai eu de l'ascendance du fait des fonctions que j'ai remplies. Et durant cette période, non moins, je me suis beaucoup développé. Au plan humain, au plan social, au plan de la créativité, de la responsabilité, de la confiance en moi-même, de la prise de conscience de mes capacités, au plan des décisions qu'il convient que je prenne pour ma vie, mon lieu de résidence, mon activité.

Tout n'est pas au mérite des e.i.s. Je ne sortais pas de la forêt comme Mowgli, ou Victor de l'aveyron, J'avais grandi dans une famille, dans une maison, dans un système social, dans une communauté, et tous ceux-ci comptent, mais ils sont du registre de la nourriture quotidienne. Celle qui est vitale. Tandis que les e.i.s agissent à un autre registre que j'appelle celui des expériences fondatrices. Ces expériences fondatrices sont très liées à l'âge adolescent, parce qu'elles sont comme des poussées, des saillies de l'individu, et celui-ci est d'autant plus enclin à ces saillies qu'il est adolescent, c'est à dire qu'il est lui-même en telle phase. Mais ces poussées ont lieu quand l'impulsion intérieure est activée par l'extérieur, par un extérieur non parental, et c'est certainement le rôle joué par les e.i.s pour beaucoup de gens.

La deuxième tranche, sera racontée par la suite, et est d'une autre nature, beaucoup moins adolescente, beaucoup moins pulsionnelle, beaucoup moins existentiellement fondatrice.

Quant à la première tranche, elle semble s'achever fin août 81, avec notre départ en Israël. Nous nous sommes alors séparés d'une vie qui avait été la nôtre au profit d'une nouvelle, différente en de nombreux aspects. J'ai continué à un peu vibrer en phase avec les gens de cette tranche, par exemple quand ils étaient ensemble - et nous non puisque nous étions en Israël - au soixantième (1983), ou peut-être même encore quand j'ai été invité à participer au CN de 1985, mais déjà, c'était le début de la nouvelle tranche.

La période s'était bien achevée avec mon départ de l'auberge e.i. en août 1981.

Pour la deuxième année consécutive, nous dirigions "l'auberge e.i.", l'année précédente dans la fameuse maison de l'OSE de Morgins, où Alain et Tily avaient fait un mois, et nous un mois, et cette année à La Toussuire, dans une maison catastrophique ( je peux bien te l'avouer aujourd'hui Alain Grinbaum, toi qui avais été en charge de la prospection. Il y a prescription. Et de toutes façons, les gens ne se sont en fait pas plaints...mais on n'a jamais su comment ni pourquoi parce que la maison....) mais où l'ambiance fut encore une fois très sympa.

Combien d'années les e.is ont-ils ainsi continué ce projet, d'offrir des vacances cachères, pas chères, et avec ambiance e.i. ?

La première année, le plus marquant pour nous avait été d'être nous-mêmes les patrons de ce lieu où nous avions été comme colons, comme adolescents. S'étaient inscrits les parents de quelques e.i.s de notre génération, tels les parents Klein, la famille Silberstein, et plusieurs non-e.i.s, dont un groupe de trois chelikhim et leurs familles, en recherche de lieu de vacances pittoresque, et auxquels finalement je dois les mécanismes réalisateurs de notre alyah, comme je le raconterai plus loin.

Nous avions intégré l'auberge à Morgins à une large tournée vacances dans le sud, peu de temps après avoir mis Ayala au monde et l'y avoir accueillie dans le bruit fracassant de la fabrication de ma première bibliothèque. Nous sommes allés là-bas après être passés par le Tarn où les Khenkine faisaient leurs premières armes  avant de devenir comme tarnois autochtones (cette année, nous étions en leur compagnie quand ils visitèrent le vieux presbytère qui devint le célèbre Montrosier), et après s'être arrêtés à Morzine, dans un chalet familial que j'ai bien connu, et où Philippe et Follow, un couple d'amis de lycée en cours d'études de lutherie à Crémone (Italie), faisaient leurs devoirs d'été. 

C'est autour de cette anecdote que s'est insérée une importante autre phase hautement édificatrice de ce que je suis, et semble-t-il dénuée de la moindre composante générationnelle. 

Là-bas, au cours de ce bref séjour, je contractai mon attachement définitif au travail du bois, dans l'atelier improvisé d'apprentissage de fabrication des violons de Philippe et Follow. Je découvrai là, peu après les toutes premières expériences de travail du pin, bois tendre et dépourvu de noblesse, un autre niveau de relation au bois. Chez eux, il y avait l'érable et le sapin utilisés à la fabrication des violons, et il y avait aussi et surtout un outillage conséquent, scie à ruban, colonne, rabots, ciseaux, gouges, et autres. J'achetai à Morzine mes deux premiers ciseaux à bois, un rabot, une pierre à affûter, et le bois de ce qui devint dix ans seulement plus tard notre table basse de salon, mais surtout j'emportais de ce séjour avec moi les fruits d'un enseignement, ou d'une initiation, qui s'était produite hors tout champ transgénérationnel ou transférentiel.

De là-bas, nous rejoignâmes Morgins, libèrâmes de leurs fonction Alain et Tily et assumâmes le mois d'août.




La direction en elle-même nous laissa assez peu de temps pour faire de la montagne, mais nous descendîmes trois fois à Montreux. Une fois pour y visiter le chateau, et deux fois pour emprunter à la yeshiva le matériel de réparation du sefer Torah des e.i.s qui était avec nous. Une faute était apparue lors de sa lecture, et monsieur Klein, le père de Yolande, de Michel, de Gabriel, bref de tous les enfants Klein, était (aussi) sofer stam. J'apportai le matériel, et il corrigea le séfer. A cette période, je photographiais surtout en noir et blanc mais j'ai de là-bas aussi quelques photos couleurs.







Les gens venaient, restaient quelques jours après avoir réservé ou non. Dans la journée, ils se baladaient, parfois en notre compagnie (mais à cette période, Ayala dormait tous les jours trois heures l'après-midi, comme une montre suisse ), parfois seuls, et nous chantâmes plusieurs soirs. C'était très sympa. 

Les chelikhim avaient paru enchantés. On se quitta sans trop de cérémonie, ils étaient sur la fin de leur période en France, et retournaient en Israël.

Et c'est par cette rencontre que se fit notre alyah, quand je reçus mi-juin, à l'école Maïmonide, un appel d'un des trois, Claude Sitbon, qui, s'étant souvenu de moi depuis l'été dernier, me proposait un poste de directeur d'un des internats du lycée français de Jérusalem.

Ça tombait à point. Les trois ans depuis notre premier essai s'étaient écoulés, j'avais fini une licence, Marianne la partie universitaire de ses études de médecine, j'avais même fait les démarches - et les examens, GRE,TOEFFL - pour tenter de poursuivre mes études à Jérusalem (mais fondais très peu d'espoir sur une réponse positive, la conseillère du m.a. de psycho m'ayant averti sans ménagement : "vous n'avez aucune chance".), rien n'était encore organisé au plan matériel et voilà que tombaient du ciel logement et salaire. Plus tard, tomba aussi la réponse miraculeusement positive de l'université.

En juillet je fis le voyage aller-retour, rencontrai les boss de l'agence juive, à qui j'eus la maladresse de raconter que j'attendais une réponse de l'université de Jérusalem, ce qui me coûta de devoir m'engager à ne pas faire d'études simultanément à la direction de l'internat (l'avenir montra qu'il y avait eu ici comme une erreur...), et nous partîmes diriger l'auberge à La Toussuire.

Les deux évènements marquants de cette deuxième session - qui fut, malgré la maison, aussi sympa que la précédente, avec le même genre de public (dont une partie revenait de l'année précédente) et le même mode - furent les premiers pas d'Ayala, qui furent célébrés par des beignets ( de madame Benaych) et l'enthousiasme de tous les présents, et notre décision commune à Valérie - qui était cuisinière - et moi, d'arrêter de fumer.
 Quant à moi, cette cigarette que j'écrasai dans le cendrier en la proclamant "dernière", fut effectivement la dernière, alors que je crains qu'il n'en ait pas été de même pour Valérie.

Je me rappelle que j'appréhendais un certain nombre de situations que j'étais très habitué à ne mener qu'avec une cigarette. En particulier, l'après "bon repas", l'après havdalah, mais aussi le trajet en voiture La Toussuire-Paris. J'aimais beaucoup conduire (la saturation du réseau routier israélien m'a un peu désintoxiqué), et en particulier de nuit, et j'aimais beaucoup ce long moment où on est seul réveillé, dans la voiture comme en dehors, où la route se déroule et se déroule et où on allume une cigarette de temps à autre. 


Je rentrais, accompagné d'Ayala et de ma belle-mère (Marianne, je crois, nous avait précédés, en train), en trajet de nuit, et après les avoir déposées, elles et la voiture, je continuai pratiquement sans transition, flanqué d'une malle de camp, vers l'aéroport. Devant accueillir les élèves pour la rentrée scolaire, je partais seul. Marianne et Ayala me rejoignirent un mois plus tard. C'était septembre 1981. Nous étions devenus israéliens.