mardi 19 décembre 2023
Tenter de dépasser la honte
lundi 11 décembre 2023
La guerre et ses multiples aspects
La guerre est immonde.
Rien de neuf dans cette affirmation. Lévinas traitait magistralement de la moralité en temps de guerre dans sa lecture talmudique intitulée « les dommages causés par le feu » reprenant le texte talmudique venant développer une michna en apparence ne traitant pas le l’état de belligérance : « si un feu prend dans une meule…le responsable de l’incendie devra payer ». Et Lévinas de commenter qu’ainsi est la guerre, elle s’apparente au feu, elle est « feu », comme le feu elle tend à se répandre et est difficile à arrêter, elle est la situation où les soldats n’ont plus à entendre l’ordre spécifique de faire feu mais avancent arme à la main et font feu au besoin. Parce qu’ils sont en danger de mort. Et pourtant dit la michna, la conclusion de la michna exige la responsabilité de celui qui aura mis le feu. Même en situation de guerre et de chaos, il y a responsabilité.
La guerre est immonde et donne lieu à des excès. Mais si réfléchir sur la guerre à partir d’un texte traitant d’une situation pastorale est une extrapolation, exiger un cessez le feu dès que la guerre a éclaté ressortit à au moins de la naïveté, au plus, à de la mauvaise foi si ce n'est du cynisme.
Malheureux sont les habitants de Gaza, les palestiniens. Et pour la plupart d’entre eux, la vindicte s’adresse à Israël. Parce qu’Israël bombarde, et détruit, et fait des morts.
Mais y a-t-il dans cette situation qui s’est ouverte on ne peut plus concrètement par un massacre (des plus horribles que connait l’humanité, selon tout critère) et qui s’assortit de 240 otages, dont des bébés, des vieillards, des malades, des femmes, qui est en plus accompagnée d’un bombardement de roquettes incessant sur tout le territoire israélien (ces roquettes ne font que très peu de mort UNIQUEMENT du fait des capacités technologiques israéliennes qui permettent de les intercepter en vol. Non interceptée, une roquette peut tuer jusqu’à 10 personnes) y a-t-il une autre réaction possible que la guerre ?
L’Ecclésiaste dit qu’il y a un temps pour la paix mais aussi un temps de la guerre.
Toute personne de bonne foi ne peut proposer autre développement que la belligérance suite aux tragiques évènements du 7 octobre.
Peu suggèreraient qu’une petite opération militaire puisse suffire.
Malheureux les habitants de Gaza, malheureux les palestiniens.
Malheureux d’être dirigés par des fanatiques, malheureux d’être soutenus par des populaces qui s’offusquent de l’opération militaire..mais seulement celle du côté israélien, certains après avoir tenu fermés yeux et bouche devant les massacres et la prise d’otages.
Malheureux d’avoir cru pendant un siècle que la seule réaction possible au sionisme était le refus obstiné et absolu et la résistance armée.
Le pays était alors peuplé de quelques centaines de milliers d’habitants de part et d’autre, et les palestiniens craignaient de s’être fait prendre la place.
Vivent aujourd’hui près de quinze millions de personnes sur la même surface, et il ne tiendrait qu’à l’acceptation d’une cohabitation pour que cesse le conflit. Le conflit ne perdure que du fait de l’opposition à l’existence même d’Israël (« free Palestine from the river to the sea » = disparition/élimination de l’état d’Israël).
Malheureux les palestiniens d’être endoctrinés à la crainte religieuse que les « juifs ne détruisent Al Aqsa » comme en sont persuadé les musulmans au sens large. Peut-être les destructions de ces deux derniers mois (destruction du parlement de Gaza, du palais de justice, de la place de Palestine, entre autres) leur montreront-elles que si Israël en avait contre Al Aqsa, celle-ci aurait été détruite depuis longtemps.
Malheureux les palestiniens d’avoir eu des dirigeants qui les ont maintenus au rang de réfugiés au lieu de leur construire un pays. Malheureux les palestiniens d’avoir bénéficié de la « protection » de l’UNRWA qui n’a fait que les berner et détourner l’argent qui était récolté pour eux vers les poches de leur dirigeants. Malheureux les palestiniens d’avoir des dirigeants aujourd’hui immensément riches tandis qu’ils n’ont pas d’eau potable. Malheureux les palestiniens d’avoir un réseau de tunnels souterrains de 500 kms, uniquement voué à la guerre, de ne bénéficier d'aucune protection. Il y a énormément de morts me dites-vous, mais pourquoi ne sont-ils pas dans ces fameux tunnels ? pourquoi ne pourraient-ils pas être à l'abri ? ils sont bien au contraire exposés par une force armée positionnée dans les écoles, les mosquées et les hôpitaux, et souffrent avant tout d’avoir des dirigeants qui utilisent la population comme boucliers.
Et malheureux les palestiniens d’être soutenus dans cette posture par les ânes du monde entier qui poussent des cris d’orfraie aux sons du canon mais ne savent rien proposer de responsable en échange.
Car les dénonciations actuelles de la violence armée sous couvert de discours humanitaires sont en réalité irresponsables.
Il est irresponsable de soutenir le scandale de la corruption palestinienne, de prêter main forte aux accusations de vélléïté génocidaire à l’encontre d’Israël, prononcées par les mêmes personnes spécialisées dans le massacre. Il est irresponsable d'appeler à supprimer les jumelages avec les villes israéliennes, à accroître le boycott des entreprises israéliennes, d'appeler à condamner Israël pour crimes contre l'humanité, alors que le principal ennemi des palestiniens est l'entité qui les maltraite, les martyrisent de l'intérieur.
Les palestiniens ont vu leur population se multiplier énormément au cours du dernier siècle. Entre autres du fait de la croissance qu’Israël leur prodiguait. Les populations qui se sont engouffrées dans les béances pratiquées dans la barrière frontalière le 7 octobre sont venues prêter main forte et soutien à des barbares qui cherchaient à tuer pour tuer. Ceci est un acte génocidaire. Les mêmes qui n’ont pas condamné ces actes répêtent jour après jour qu’Israël commet un génocide à Gaza. Quelqu'un peut m'expliquer ce que je ne vois pas ?
Malheureux les palestiniens et irresponsable si ce n’est complice qui reprend ces accusations.
Ne serait responsable qu’une attitude découlant de l’acceptation que ces deux entités, l’israélienne et la palestinienne, ont droit à exister. Serait responsable une attitude de dirigeants ou d’instance internationale qui oeuvrerait à cette coexistence, par exemple en veillant à une utilisation constructive des fonds, en veillant à éliminer l’enseignement de la haine.
La guerre est immonde et les images d’humiliation qui l’accompagnent ne sont à l’honneur ou à la gloire de personne.
Mais il reste 140 otages, et personne ne se préoccupe réellement de leur sort, et rien n’indique qu’autre chose que la force ne les fera revenir…dans l’espoir que les bouchers ne les auront pas assassinés entre temps. D'autant plus qu'aucune convention de Genève ne parait être prise en compte par qui que ce soit, d'autant plus qu'aucune croix rouge ou autre instance internationale prétendûment humanitaire n'agit.
Et il y a des réfugiés. A Gaza bien évidemment...mais aussi en Israël : plus de 200000 personnes n'habitent pas chez eux depuis plus de deux mois. Il s'avère qu'ils ne sont pas dans des tentes mais dans des hotels mais ceci ne tient pas à une donnée uniquement économique, l'ONU n'a pas moins d'argent qu'Israël. Les déplacés israéliens sont logés par le gouvernement c'est à dire en fait par les israéliens eux-mêmes...et ils ne sont pas pour autant moins réfugiés.
Et Israël continuera donc la guerre jusqu’au retour des otages et jusqu'à la sécurisation de sa population, parce que la symétrie ici n’existe pas : le hizballah fait des déclarations reposant sur la symétrie : « nous reculerons nos troupes si Israël recule les siennes au sud de Haïfa ». Cette déclaration n’est ni franche ni réaliste et personne n’est dupe. Israël ne menace en rien le Liban, tandis que le Hizballah est un avant poste iranien qui multiplie de façon constante les fins génocidaires, tente de s’armer encore et encore, creuse des tunnels….
La guerre continuera jusqu’à atteindre nos buts en vertu de la définition encore et toujours en vigueur : si les ennemis d’Israël déposent les armes, il y aura la paix, si Israël dépose les armes, Israël disparaîtra.
dimanche 26 novembre 2023
journal de la guerre du 7 octobre
Le tracteur tire une
plate -forme et avance cahin-caha sur le chemin secouant les quelques
vingt personnes assises à l’arrière, dans un magnifique paysage, sous un ciel bleu vif et un soleil bas.
Paysage israélien classique d’activité de kibboutz.
Pourtant les passagers ne sont ni des scandinaves des années soixante, en
volontariat pour vivre « l’expérience kibboutz », ni de jeunes
lycéens, ni des travailleurs thaïlandais, mais des soixantenaires et
septentenaires locaux, des quatre coins du pays, eux-mêmes n’en revenant pas
d’être dans cette posture « si quelqu’un m’avait dit que je serai à mon
âge sur un tracteur » entend-on plusieurs fois au cours du trajet qui nous
emmène à travers routes et champs.
Sur la route, on croise quelques barrages militaires, desquels les soldats sourire jusqu’aux oreilles nous saluent chaleureusement. Dans les terrains non cultivés en bordure, les chars qui étaient stationnés il y a encore quatre semaines ne sont depuis longtemps plus là, et la bande son est beaucoup plus dans les tons batterie que dans ceux des « allez allez mon troupeau » de Hugues Aufray.
Jours de bénévolat au kibboutz Karmiya, au nord de la bande de Gaza, dans laquelle Israël livre sa énième guerre contre les velléités de sa disparition, aux sons du canon.
Sont venus ce jour quelques quatre vingt personnes, de tous les âges et de tous les lieux ( un bus de retraités de la police, deux jeunes telaviviennes qui remplacent la plage par les champs et n’oublient pas de se protéger du soleil à grand recours de crème à bronzer, une famille religieuse d’une ville proche, deux belges venus pour une semaine faire du volontariat , et encore quelques autres dont notre petit groupe d’anciens eis…) à l’exploitation agricole organique installée là depuis son repli de l’intérieur de la bande de Gaza évacuée il y a 17 ans, et en grandes difficultés de fonctionnement depuis le 7 octobre dernier.
Ses quelques 150 employés (dont bon nombre de thaïlandais) se sont dispersés . Ne sont restés que les plus fidèles, parmi lesquels ces quelques bédouins des environs, et c’est avec l’aide du bénévolat que le patron tente de minimiser la catastrophe, encore accrue depuis la destruction de son usine de tri de légumes. Une machine de coût astronomique détruite par une chute de morceau de roquettes qui y a mis le feu.
Il raconte à la pause repas et la situation de l’exploitation et la vie ici quelques cinq kilomètres au nord de la bande de Gaza, juste au sud de la zone industrielle d’Ashkelon. Les roquettes ne tombent pas ici dit-il, elles nous passent au-dessus de la tête. Par contre, les batteries de dôme de fer installées non loin les interceptent juste au-dessus de nous et sont à l’origine de ces chutes. En cas d’alerte, il faut se coucher par terre les mains sur la tête..et prier pour que rien ne vous tombe dessus.
Le public, occupé à se refaire des forces avec le repas servi à la bonne franquette (viandes grillées, salades des produits locaux, le tout succulent) ne bronche pas. Tout au plus certains échangent-ils quelques regards mi figue-mi raisin.
La journée s’ouvre par l’accueil des volontaires « vous arrivez et vous repartez à l’heure que vous choisissez », par le sourire, l’inscription à fins d’assurance, et le briefing, fait ce jour par un septuagénaire volontaire lui aussi, mais sur place depuis un mois dit-il au passage, sur le bras duquel on aperçoit un numéro. Quoi ? Un rescapé de la shoah ? Mais quel âge a-t-il ? Et puis la position de son bras change et je peux lire le numéro : 7.10.2023….
La première serre dans laquelle commence le travail d’aujourd’hui est une serre de tomates. Notre accompagnateur - un français d’origine installé à Ashkelon - nous met en garde : « elles sont moches les tomates, la serre a souffert du manque de main d’œuvre. » Et de raconter comment l’exploitation est en difficulté…pour finir par avouer que sa présence ici est due à la fermeture - provisoire espère-t-il - de sa propre exploitation située, elle, à Kerem Shalom, à l’extrémité sud de la bande de Gaza.
Les tomates ont bien souffert, il ne reste plus rien à cueillir ou si peu…nous continuons bientôt dans un champ où nous plantons de la menthe, travail facile en apparence, prendre des brins de menthe, les dénuder un peu, les couper, puis les insérer dans la terre sableuse le long du tuyau d’irrigation. Trois heures plus tard, se relever est un véritable projet ! Qui me laissera des souvenirs douloureux plusieurs jours durant…
La journée de travail s’achève vers les deux heures de l’après-midi (mais le patron a bien précisé que qui veut rester jusqu’à cinq heures le peut, qui veut dormir sur place recevra un dîner et un petit déjeuner. Il le dit sur le ton de la blague mais il est sérieux.
Je repars, une caisse de légumes dûment payée dans le coffre, nos téléphones encore réglés sur le sud du pays font encore entendre quelques alertes d’envoi de roquettes, et les nouvelles que nous entendons pendant le retour parlent du retour espéré imminent des premiers otages à être libérés.
Tandis que certains de mes proches s’opposent à cet accord, qui serait scandaleux pour les extrémistes (libération de terroristes en échange, et interruption de l’action militaire..), qui serait maladraoit pour d’autres au plan stratégique, je pense quant à moi qu’un otage libéré…est libéré…et que ces libérations sont le seul but de cette opération militaire.
Notre principal objet en tant qu’Israël n’est pas de coloniser, n’est pas de dominer, n’est pas la vengeance. Notre principal objet est de vivre et de répandre le mode éthique enseigné par la Torah de la présence sur terre : le prix de la vie humaine et la libération d’un otage sont selon Maïmonide un des commandements les plus urgents de tout le codex.
La destruction du hamas est aussi importante si ce n’est vitale, mais elle n’est pas nécéssairement un projet militaire.
La bande du sud d’Israël restera un lieu de ressources agricoles, les habitations seront reconstruites et se développeront.
Les tracteurs se déplaceront sur les routes et entre les champs sans les bruits de bombardements. Puissent-ils transporter volontaires, lycéens et travailleurs de toutes les ethnies, mais…
Puisse la frontière avec la bande de Gaza être hermétiquement close, ne se réouvrir que sous plusieurs générations, à condition que le message éducatif ait été changé la-bas.
lundi 20 novembre 2023
les otages de l'antisémitisme
Nous vivons, nous israéliens, nous juifs, nous juifs
israéliens des temps très difficiles depuis ce 7 octobre.
Temps de guerre.
Très difficile d’être en guerre, d’être en
inquiétude, en incertitude, en attente d’informations, de dénouements. Et très
difficile d’être « en guerre », c’est à dire en attente de victoire,
en atmosphère de violence, de nouvelles répétitives de la mort d’un ennemi,
d’un soldat, d’une victime.
Mais là n’est pas pour moi le pire. C’est une
nouvelle guerre que nous n’avons pas initiée, elle n’est pas la première et
fasse le ciel qu’elle soit la dernière mais tous savent que ces paroles sont un
voeu pieux.
La guerre est une horreur mais elle n’est pas
pour moi le pire.
Le pire est les phénomènes afférents. Le pire
est l’atmosphère de haine qui ruisselle, qui parvient jusqu’à nous, réveil de l'antisémitisme, manifestations d'hostilité à Israël, alors que cette guerre nous a été imposée lors d'un évènement si rapidement gommé, alors que les otages sont encore en captivité, tandis que
notre quotidien est tellement autre, tandis que notre quotidien illustre si tristement que le mécanisme automatique des habitants de ce pays est l’aide, le
dévouement, le soutien, l’empathie.
Je suis bien plus tourmenté par ce qui
accompagne cette tragédie des otages. Ce silence, ce déni, cet oubli.
Le fait que tant de gens aient pu ainsi si vite
s’abstraire de cette horreur qui s’est déroulée aux yeux du monde le 7 octobre,
horreur barbare, horreur de déchéance humaine si rarement atteinte, horreur des
massacres et de la destruction, et horreur de la prise d’otages.
Il y a ainsi quelques 240 otages, de tous les
âges ( il y a de tous petits enfants, il y a des personnes du quatrième âge, et tous ceux qui sont
dans l’intervalle entre ces deux extrêmes), de plusieurs nationalités et
religions, et ils n’en finissent pas d’être oubliés ou niés.
Encore hier, l’Autorité Palestinienne publiait
un avis selon lequel l’aviation israélienne et personne d’autre était l’auteur
des horreurs du 7 octobre. L’avis a été effacé quelques heures plus tard mais
sans commentaire. Entre temps il avait été publié.
Et ce déni est la chose qui m’est
personnellement la pire. C’est un déni que je ne peux analyser qu’en relation
avec l’antisémitisme.
Même si je peux enrôler d’autres spectres
d’analyse, me demander s’il ne s’agit pas ici d’un phénomène psychologique
universel, qui pousserait le monde au déni par réflexe de survie, par
incapacité mentale à garder en mémoire de telles horreurs, il me semble que
dissocier cette indifférence et ce déni du paramètre antisémitisme serait plus
artificiel que naturel.
Une étudiante israélienne actuellement en France
pour un semestre dans le cadre d’un échange universitaire a été contactée pour
intervenir dans les stages de formation des eis le mois prochain, et s’est
adressée à moi pour prendre conseil sur le langage à tenir, sur la méthode par
laquelle communiquer au mieux aux stagiaires le vécu israélien de cette guerre.
Alors qu’elle aurait eu tendance à enseigner le
sionisme, à remonter à Ben Gourion, Golda Méïr et d’autres pour étayer son
propos, je lui ai dit que par expérience je conseillerais de remonter bien plus
loin. Je lui ai conseillé, si le stage doit avoir lieu la semaine où le peuple
juif lira dans la Torah la paracha vayekhi, de commencer par vayekhi. De
commencer par une paracha dans laquelle sont décrites les douze tribus d’Israël
et de raconter cela, la genèse de ces tribus, avant de montrer comment le pays
d’Israël a dans un premier temps été réparti entre ces douze tribus, le même
pays que l’on nous conteste aujourd’hui, nous qui sommes les descendants de
cette famille de Jacob.
Remonter à la Torah parce que j’ai moi-même vécu
combien rattacher le présent à notre passé biblique est riche, suscite
l’intérêt le plus profond, le plus vif et le plus authentique, et aussi parce
que je pense que c’est de l’absence d’un tel rattachement qu’est né cet
antisémitisme.
Comme beaucoup de gens, j’ai été effaré du fait
divers Sophie Pommier. Et après avoir vu cette séquence et avoir eu
l’impression que la femme qui criait « Israël assassin » après avoir
arraché les photos d’otages du 7 octobre était une française du cru, image de
la France profonde, j’ai découvert qu’elle n’est pas la femme de la rue, qu’elle
est versée dans le sujet du moyen orient, au point d’avoir été contractuelle au
quai d’Orsay, au point d’avoir écrit et publié sur le sujet.
Et j’ai découvert une analyse la faisant
remonter à un certain Henry Laurens de qui elle serait l’émanation.
Je suis donc allé à la recherche de ce
personnage, éminent universitaire, enseignant dans le lieu français le plus
prestigieux, le collège de France, spécialiste de très haut niveau de l’islam,
de l’orient, de la langue arabe. Je me suis installé à l’écouter et j’ai
compris.
Pour cet éminent universitaire français, pur
produit de l’école laïque et de la séparation de l’église et de l’état,
l’histoire de la Palestine n’inclut pas (ou de façon très marginale peut-être :
je n’ai pas écouté tous ses cours, lu tous ses livres) la Bible.
Ce qu’il se passe dans notre partie du monde est
à ses yeux un phénomène avant tout politique, produit des conflits d’influence
qui remontent à l’empire ottoman et aux années 1500 de notre ère.
La guerre actuelle serait le résultat d’un
colonialisme, qui porte le prénom sionisme mais qui est avant tout une alluvion
de cette gigantesque mouvance qui a empoisonné et continue d’empoisonner le
monde.
Je sais qu’il y a aussi en Israël des citoyens
dont l’israélianisme ne remonte pas à la Bible, mais outre le fait que très peu
d’entre eux sont identifiés à une quelconque démarche colonialiste, ne les
analyser qu’à travers le prisme laïque des évolutions de la politique
internationale ressortit à une démarche au moins partielle si ce n’est
partiale.
Les juifs ne sont en Israël QUE en référence à
leurs sources bibliques. Situer la source de la création de l’état d’Israël
dans la démarche sioniste de la fin du 19ème siècle, ou même dans les
mouvements géopolitiques du bassin méditerranéen au 16ème siècle consiste à
gommer l’historique du peuple juif.
Un Ariel Sharon, célèbre icône du monde
israélien moderne, figure militaire aucunement religieuse, général devenu homme
politique, clamait à qui voulait l’entendre que son livre de chevet n’était
autre que la Bible. Le même Sharon (pour lequel je n’aurais pas voté pour un
empire tant il était aux antipodes des idées que j’aime faire avancer par ma
voix) est celui qui a fait se retirer Israël de la bande de Gaza en 2005, au
nom de l’idéologie que « nous n’avons aucune vocation en tant que peuple à
dominer un autre peuple » (sic).
Analyser lsraël au regard de la real politique
du bassin méditerranéen revient à ignorer ou à scotomiser la composante juive.
J’appartiens moi-même à une famille qui vivait
aux premiers jours du vingtième siècle dans une communauté hassidique de
Pologne dont le chef spirituel, Haïm Israël Morgenstein, admor de Pilev,
petit-fils du rabbi de Kotsk, avait écrit le premier livre religieux sioniste :
« Shalom Yeroushalaïm ».
Je suis un juif qui lit et comprend ce qu’il lit
au jour le jour dans le rituel de prières dont les textes sont une compilation
pluricentenaire (et pour une part plurimillénaire : certaines parties de ce
rituel étant attribuées à des personnages ayant vécu et exercé en - 500 ou plus
loin encore) à base d’extraits bibliques et rabbiniques et il y est question de
Jérusalem et de retour du peuple en Israël de façon omniprésente. La grande
majorité du peuple juif prend part chaque année au repas de la fête de Pessah’,
repas nommé « seder » au cours duquel on lit la fameuse hagadah de
Pessah’ qui se termine par l’affirmation « l’an prochain à
Jérusalem ». Les juifs les moins religieux, souvent appelés « juifs
de Kippour », se sont trouvés au moins une fois dans leur vie à la
synagogue à la fin du jeûne de Kippour, et la prière se termine par « l’an
prochain à Jérusalem ».
Ne pas prendre en considération ce paramètre
ressortit à l’ignorance ou à certaine idéologie.
Le catholicisme et l’islam ont oeuvré à déconnecter
le peuple juif d’aujourd’hui, et partant, la population israélienne, des
hébreux de l’Antiquité. Au lycée, en classe de 6ème, on enseignait l’histoire
des hébreux comme peuple de l’Antiquité qui parlait l’hébreu, une langue
aujourd’hui morte. Le message catholique classique est que les juifs ont été
maudits de n’avoir pas reconnu Jésus comme messie et ont été de ce fait
condamnés à l’errance. L’islam considère que le sacrifice raconté en Genèse 22
n’est pas celui d’Isaac, le deuxième des trois patriarches bibliques, mais
Ishmaël, premier fils d’Avraham et père de l’Islam.
Il y a des gens qui ne veulent avoir sur les
évènements du proche orient, sur le conflit israélo palestinien, qu’un regard
géopolitique par ignorance. Par exemple si ils ont été formés à observer ce
conflit à base des cours de leur classe de sixième, ou aux cours de certains
professeurs illustres du collège de France.
Mais il y a aussi des gens qui ont choisi leur
camp, qui ne veulent pas que cette histoire de l’Antiquité réapparaisse. À
leurs yeux, qui la fait ressurgir est coupable et doit disparaître.
Ce sont ceux qui préfèrent les juifs morts aux
juifs vivants, et certains parmi eux ont même des parents et un nom juif. Mais
ils sont antisémites. Parfois en se leurrant et en étant persuadés de n’être
qu’antisionistes, en tant qu’à leurs yeux le sionisme n’est qu’un colonialisme
coupable, complice de l’impérialisme. Ils peuvent même avoir parmi leur famille
des parents qui savent que les premiers juifs à s’être installés en Israël n’avaient
pas un sou et seulement la peau sur les os et étaient venus au moins autant par
rejet de leur pays que par sionisme idéologique et pseudo colonialiste. Ils
savent que les juifs ayant eu des ancêtres en Pologne, en Allemagne, en
Algérie, en Irak, n’ont pas quitté leur pays par choix et pour la plupart ne
pourraient y retourner, ils savent que les israéliens n’ont atteint que
tardivement un niveau de vie encore non au niveau européen mais s’en
rapprochant, mais ils préfèrent gommer ces faits.
Ils gomment les faits qu’Israël encore faible et
dèbutant a dû se mesurer à une guerre face à des ennemis qui souhaitent la
disparition du pays et de ses habitants, Ils gomment aussi le massacre du 7
octobre, et les 240 otages de ces bêtes humaines que sont les hommes du hamas,
qui ne se contentent pas d’installer des bases militaires dans les écoles et
les hôpitaux de Gaza, mais qui savent assassiner comme l’a été Noa Marciano les
otages dans un lieu qui est un lieu de soins médicaux.
Ils gomment parce que ces évènements sont
l’anéantissement de cet enseignement universitaire en foi duquel le sionisme
n’est que le coupable à combattre et à abattre.
Les évènements du 7 octobre 2023 sont une
collision frontale avec leur idéologie. Il leur est plus facile de les nier que
de les regarder en face. Ils préfèrent démoniser le sionisme, avaliser les
accusations de Abou Mazen selon lesquelles Israël commet un génocide. Il est
plus facile d’analyser de loin une situation, de qualifier le sionisme d’échec
(puisque « plus de juifs en meurent en Israël que dans les autres
pays ») que de regarder la société israélienne et ses qualités, de
regarder les gens et de voir la société multiethnique et multiculturelle qui se
developpe ici, incluant d’ailleurs les arabes. Ils préfèrent parler de génocide
des palestiniens cinq minutes après le massacre à vocation génocidaire du 7
octobre tandis que la population palestinienne n’a fait que croître au cours
des cent dernières années, ils préfèrent continuer à parler de vol de la terre,
comme au début du vingtième siècle quand il y avait moins d’un million
d’habitants en tout, alors qu’il y en a aujourd’hui plus de quinze millions,
preuve incontestable qu’il y a ici de la place pour tout le monde. Ils
préfèrent continuer à nier aux israéliens le lien au passé, à l’Antiquité, à la
Bible, tandis que l’hébreu est ici parlé, écrit, développé, tandis que l’étude
de la Torah et des textes s’y rapportant connait une expansion exponentielle.
Ce sont ces recours volontaires à la cécité qui
constituent un des aspects de l’antisémitisme du vingt et unième siècle, quand
on nie à l’autre son identité juive, l’identité qu’il proclame lui-même, qui me
sont plus indigestes que la guerre elle-même, et contre lesquels il faut
éduquer la génération montante.
vendredi 10 novembre 2023
Manifester face à la croix rouge ? contre l'antisémitisme ?
Aller à la manifestation ce soir à Tel Aviv pour
exiger de la croix rouge qu’elle agisse pour les otages ?
ALLER À LA MANIFESTATION POUR RAPPELER À LA
CROIX ROUGE LES RAISONS DE SON EXISTENCE ???
Et dans la même veine, rappeler à l’ONU les
mêmes raisons ?
Le 7 octobre 2023, date qui restera dans
l’histoire de l’humanité, a été commis un massacre tel que depuis Bab iyiar ou
le darfour le monde n’en avait pas vu. Un crime contre l’humanité à
vocation génocidaire ! 1400 personnes de toutes les catégories humaines y
ont trouvé la mort, confirmant ce 21ème siècle comme présageant d’une violence
pire que son prédécesseur. Civils et soldats, hommes et femmes, vieillards et
adolescents, enfants et bébés, valides et invalides, israéliens et non
israéliens, juifs et non juifs. Je ne reviendrai pas ici encore sur les détails
: ils sont obscènes et peuvent troubler si ce n’est blesser qui ne fait
qu’assister à leur simple énumération.
Le 7 octobre 2023, ont été pris en otages 244
personnes. Relevant de la même non catégorisation. Otages-échantillon de
l’humanité entière.
Un mois après, 239 de ces otages sont encore au
secret. Ils sont non seulement retenus prisonniers mais personne ne peut les
voir, les compter, parler avec même un d’entre eux.
Depuis le 7 octobre, des milliers de roquettes
ont été tirées, sont tirées au quotidien sur l’ensemble du territoire d’Israël.
Ces roquettes sont tirées plus ou moins à l’aveuglette et le fait qu’elles
n’aient fait jusqu’ici aucun mort est le produit de notre capacité, de notre
volonté de protéger notre population, probablement ajoutée à une certaine
protection divine.
Depuis le 7 octobre plusieurs centaines de
milliers d’israéliens sont « déplacés » ne vivent pas dans leur
maison. Une partie d’entre eux à cause du massacre du 7 octobre, une partie
d’entre eux parce qu’Israël protège sa population
Mais la partie du monde relayée par les médias
est surtout préoccupé du « massacre » si ce n’est des crimes de
guerre, si ce n’est des crimes contre l’humanité, si ce n’est du génocide en
train d’être commis par Israël à Gaza et veut avant tout que cesse la violence.
La violence d’Israël.
On se rappellera que
les mêmes médias ont filmé en live puis diffusé les horreurs du 7
octobre. Le sang des israéliens, paradigme du sang des juifs peut couler jusque
sur les écrans et demeurer libre de tout devoir.
Il est vrai qu’un immeuble détruit par une bombe
larguée d’un avion fait énormément de dégâts. Il est vrai que notre aviation a
détruit des centaines si ce n’est des milliers d’immeubles à Gaza, et que
montrer des images de ruines est très facile aujourd’hui dans Gaza.
Il s’avère qu’aucune de ces bombes n’est tirée à
l’aveuglette. Le monde entier a entendu parler depuis dix ans déjà de la
technique dite de « frappe à la porte » utilisée par tsahal. Avant de
lâcher une bombe sur une cible, les habitants sont prévenus. Deux fois. Une
fois par message, une fois par un premier impact non destructeur.
La « manœuvre » de Gaza, est violente.
Elle vise à détruire et à rechercher. Détruire les 500 kms de tunnels
militaires dont est truffée la Gaza souterraine. Rechercher les têtes à abattre
et les têtes à sauver. La manœuvre de Gaza, puisque c’est ainsi qu’elle
s’appelle, est ni plus ni moins chirurgicale. Le monde entier en est informé. Le
soldat qui avance pas à pas est en communication directe et personnelle avec le
pilote de l’avion qui le couvre, et ceci aussi est su. Et l’armée progresse
malgré les enfants dans les bras de leur mère que le hamas leur met sans cesse
sur la route, et ceci aussi est su…parce que cela a été filmé et montré.
Mais le monde qui a oublié le massacre du 7
octobre, qui a oublié les otages, qui a oublié leurs conditions de détention,
qui a oublié les roquettes, cherche, comme il l’a fait depuis la shoah, à
oublier que cette technique et cette éthique leur avaient été contées.
Tel Roger Waters (que son nom soit oublié), qui
explique qu’Israël a inventé les détails du 7 octobre, le monde ne peut ni ne
veut avaliser toutes ces données et se réfugie dans le mensonge et la
falsification.
Que l’ONU n’ait pas banni le hamas et ses
supporters, que quelqu’un adresse encore la parole sur la scène internationale
à des chefs d’état qui dénoncent les génocides faits par Israël, que la croix
rouge n’ait pas imposé au hamas, au monde de rendre ces otages - qui le sont
au détriment de toutes les lois internationales, lois des crimes de guerre,
lois des crimes de l’humanité, est tout bonnement inimaginable.
Et il faudrait manifester pour demander
?????????
La donne est sans aucune équivoque possible.
Toutes ces aberrations ne peuvent être le fait que d’une chose.
Le monde ne protège pas les juifs, ne protègera
pas les juifs, de la même manière qu’il ne s’est pas offusqué de la mise en
œuvre de la solution finale, et ne s’est pas interposé.
Mais il faut appeler un chat un chat.
Ceux qui dénoncent le pseudo génocide commis par
Israël, et qui ont surtout si vite mis de côté toutes exactions rappelées plus
haut, ceux qui continuent d’agiter bien haut leur doigt accusateur contre
Israël malgré toute l’information dont ils disposent, et entre autres les
preuves innombrables que le hamas et ses supporters mentent, alors qu’Israël ne
ment pas, ne pourraient échapper au qualificatif d’antisémite.
Antisémite Abou Mazen (que son nom soit effacé)
qui a tranquillement soutenu une thèse négationniste et avec qui parlent les
grands de ce monde (depuis la mort de son baveur prédécesseur ils sont
dispensés de l’embrassade), antisémite et infréquentable à jamais, antisémite
le chef suprême iranien, antisémite le président turc, antisémite le secrétaire
général de l’ONU, et antisémites les petits acteurs de quartier, des humoristes
de bas niveau aux représentants d’organisations qui même juifs s’affichent sans
vergogne, l’écharpe hamas autour du cou.
Mais Israël depuis la gestation du peuple juif,
puis depuis la création de l’état est porteur d’autres valeurs.
Nous ne nous abstenons pas de mentir pour
respecter les lois internationales.
Les instances internationales ont suffisamment
prouvé combien elles n’ont aucun poids.
Nous nous abstenons de mentir, de tuer
aveuglément, par affiliation à la Torah.
Et Israël malgré l’immensité de cette tragédie
du 7 octobre montre son visage de solidarité, de volontariat, de détermination
et de vitalité.
Et comme le dit la belle chanson du folklore
israélien, du film et du spectacle musical « halahaka » : « im
zé tov veim zé ra, ein cvar derekh hazara ein cvar derekh hazara ».
Que ce soit bien ou non, qu’Israël ait été
créée, que l’armée agisse éthiquement, que nous préférons la vérité au
mensonge, et que les antisémites continueront de nous haïr, ne changera rien au
fait que nous sommes là.
Et que ce pays renferme plus de qualités
humaines et de raisons d’y bien vivre et même d’y prospérer, juifs ou arabes,
religieux ou non religieux, habitants du centre ou de la frontière, sud ou
nord, n’est plus à prouver.
Nous ramènerons les prisonniers, nous nous
relèverons des traumatismes que nous aura causé le 7 octobre, que cela plaise
ou non aux antisémites.
Le monde de la géopolitique d’Israël a été comme
recréé depuis ce 7 octobre. Les palestiniens y ont laissé une quelconque
légitimité à exister comme peuple. Pour le mal, mais peut-être aussi pour le
bien.
Un bien qui proviendra plus du maguen david adom
que de la croix rouge internationale aux bras liés et à la face bâillonnée.
Il n’y a pas à manifester ni pour
supplier la croix rouge, ni « contre l’antisémitisme », il y a à
agir, en tant qu’Israël.
dimanche 5 novembre 2023
chronique de Jérusalem - la version juive.
Samedi soir 4 novembre 2023, premier shabbat de novembre,
quatrième de la guerre.
Presque incroyable d’écrire ces mots.
On a beau savoir qu’Israël a connu maintenant de
nombreuses guerres, on a beau y vivre depuis quarante deux ans, on n‘avait pas
encore vécu de véritable guerre.
On vivait au rythme des
« opérations », chacune affublée de son nom plus ou moins imagé
(« plomb fondu »), plus ou moins littéraire (« les raisins de la
colère »), mais ce n’étaient pas des guerres. Opérations éclairs suite à
tel ou tel enlèvement ou provocation.
On pensait avoir vécu la « guerre » du
Liban, la première ou la deuxième, la « guerre du golfe », mais ce
n’est que maintenant qu’on peut mesurer la différence.
Sans minimiser les autres, elles ne nous ont
procuré que ce qui est avant-goût de ce que nous vivons ce dernier mois.
Le 7 octobre a été un événement dont il est déjà
clair combien il s’inscrira dans l’histoire du moyent orient si ce n’est
l’histoire du monde. Il a plongé Israël dans la stupeur et a créé un
traumatisme qui nous accompagne depuis. Ce déferlement de barbarie à visage
humain sur le sud du pays, sur ce qui s’appelait encore « la ceinture de
Gaza », et qui a déjà été définitivement débaptisé encore le jour même,
cette si gigantesque défaillance de nos systèmes de renseignement, de défense,
d’écoute et de réaction, ont été sans comparaison avec des évènements
précédemment vécus ou relatés.
Le monde a été aussi bousculé mais cela n’a été
que le temps de quelques heures.
Depuis qu’Israël riposte, la presse et les
hommes politiques de la plupart des pays savent surtout mettre en exergue les
images de maisons détruites par les bombardements et les termes destruction,
massacre, génocide, ne sont plus imputés qu’entièrement à Israël, les habitants
de la bande de Gaza ayant reconquis instantanément leur sempiternel statut de
malheureux, de misérables, de damnés de la terre.
Et c’est d’eux et surtout d’eux que parlent la
presse et les haut-parleurs du monde soi-disant civilisé. Et ce sont les
manifestations en soutien à Gaza qui sont l’activisme mentionné par la presse.
Du bas (et non du haut) de leur courte mémoire
nous n’avons pas 1400 personnes assassinées le 7 octobre, bébés, enfants,
jeunes femmes, vieillards, handicapés, civils, juifs et non juifs, assassinés
aveuglément dans cette épouvantable actualisation de la férocité des mythes de
l’histoire ancienne. Alors que Attila et ses huns se sont répandus sur notre
territoire, nous qui avons été ce jour-là si impuissants face à eux. Un seul
demi-jour d’inattention et tant de morts et de kidnappés ! Tant de sauvagerie..
À leurs yeux frappés de cécité sélective, nous
n’avons pas 240 otages, aussi de tous les âges, de toutes les conditions, et de
toutes les obédiences. Et nous n'avons pas d'enfants réquisitionnés ou appelés.
Nous avons de nouveau l’armée la plus
professionnelle du monde, et donc la plus violente, et ce qui est au-devant de
la scène est combien Gaza vit un désastre, un massacre, un génocide.
Et cela est scandé par les manifestations des
rues parisiennes, londoniennes, newyorkaises et par ces champions des droits de
l’homme et de l’humanisme que sont Erdogan ou Abou Mazen.
Champions de la cruauté quand il s’agit de leurs
propres ennemis, mais aussi champions de la perversion de la langue. L’auteur
d’une thèse négationniste « sait » quel est le véritable sens du
mot génocide. C’est de lui qu’il faut l’apprendre. Celui dont le pays a perpétré
le génocide du peuple arménien « sait » dire ce que sont les crimes
contre l’humanité.
Nous avons le privilège d’avoir reçu de
meilleures leçons.
Leçons de vocabulaire, mais aussi leçons
d’humanité. Nous n’irons pas écouter les accusations couvertes ou découvertes
du bon ton de la société européenne, et nous sommes tristes des vœux de paix
incluant généreusement les deux côtés du champ de bataille. Parce que le seul
message éthique qui ne soit pas obscène aujourd’hui est « qu’il y a un
temps pour la guerre et un temps pour la paix » (Ecclésiaste 3, 8) et
qu’aujourd’hui la guerre prévaut. Et aussi parce que « celui qui veut la
paix doit s’armer pour la guerre » (si vis pacem para bellum).
On voit ici que nous sommes en guerre non par la
multiplication des images de destructions ou des condamnations erdoganesques
(ou mélenchonesques..) mais bien plus par l’ambiance israélienne.
Qui ne connait personne qui fasse du
volontariat, qui en allant rendre visite ou pratiquer son métier dans les hôtels
où sont logés les réfugiés ?
Qui n’est pas directement ou indirectement
impliqué dans l’achat ou la revente de produits agricoles des régions
frontalières du pays où la main d’œuvre a été assassinée (zone frontalière de
la sinistre bande de Gaza), a pris la fuite ou a été provisoirement relogée
ailleurs (zone du nord du pays, principalement du doigt de la Galilée) ?
Qui ne se trouve pas à prêter main forte en
agriculture ? Je sais déjà beaucoup mieux qu’il y a un mois comment
désherber un champ, conditionner pour la vente laitues ou fenouils, cueillir
tomates ou poivrons…et je suis loin d’être seul quand je me programme une
journée au kibboutz Karmiya.
À la maison, les portes sont relativement non
cadenassées quand nous sommes de sortie, et fermées plus à double tour que
jamais justement quand nous sommes à l’intérieur. « L’espace
protégé » existant dans de nombreuses (mais en nombre encore insuffisant)
demeures israéliennes est devenu espace de protection non uniquement contre les
bombes lancées de loin comme on l’a toujours considéré mais aussi et de façon
bien plus inquiétante contre les incursions à main armée…car qui n’a pas vu ou
entendu les récits et les images des massacres du 7 octobre 2023 ?
Dans de nombreuses régions du pays, les journées
et les soirées sont scandées par les alertes, heureusement le plus souvent
suivies du boum de la destruction en vol du missile ou de la roquette.
Les écoles ne fonctionnent que partiellement :
il faut ne pas faire entrer à la fois plus d’enfants que ne peut contenir
l’abri.
À la communauté le groupe de soutien interfamilial
a vu son activité se multiplier, à la synagogue, le nombre de fusils d’assaut
dans la pièce, portés par des pères avec un enfant en bas âge sur le bras est
aussi impressionnant et sans comparaison avec le vécu des trente dernières
années.
Les journalistes et les politiques de la presse
internationale préfèrent montrer encore et encore les ruines de Gaza et appeler
encore et encore à la paix. Appeler à museler cet Israël assoiffé de sang. À
l’empêcher de détruire Gaza et sa population civile. Vraiment ?
Les kibboutzim et autres villages qui ont été
sauvagement et cruellement attaqués le 7 octobre, et pour certains amputés de
plus de la moitié de leur population - civile pour le coup, une partie
exterminée une partie kidnappée, étaient - et seront - habités par de nombreux
pacifistes. Personnes actives au transport de malades depuis Gaza jusqu’aux hôpitaux
israéliens, personnes ayant créé ou membres actifs de telle ou telle ong œuvrant
pour la paix…Ces pacifistes, ces enfants, ces vieillards, ces invalides étaient
autant de cibles des brutes de violence aveugle du 7 octobre .
Israël ne frappe pas aveuglément. Je connais
suffisamment aujourd’hui de soldats, conscrits ou réservistes sous les
drapeaux, au front ou en deuxième ligne pour croire aux récits, témoignages et
déclarations de combat éthique non vengeur et pour prendre mes distances du
fiel qui sort de la plume ou la bouche de ces détracteurs d’Israël.
Aucune idéologie juive (aux siccariotes de
l’antiquité et à Kahana d’aujourdhui près) n’a jamais appelé à la violence,
encore moins à la vengeance, et c’est encore ce que l’on entend aujourd’hui
dans les lieux de réunion si on se donne la peine de bien vouloir aller
écouter.
La prière du samedi matin est, dans notre
communauté comme dans la plupart des synagogues du monde juif, accompagnée d’un
discours en relation avec la portion de Torah lue la même semaine.
La semaine dernière, l’orateur, par ailleurs
individu connu en Israël par ses interventions quotidiennes sur les chaînes
radiophoniques, l’orateur lui-même directement touché par la situation voyait
le lien dans la personnalité généreuse, altruiste et désintéressée du
patriarche Avraham.
Le peuple juif est revenu habiter sur sa terre.
Non du fait d’un quelconque message colonialiste mais bien dans la continuité
du message transmis de parents à enfants de génération en génération
« l’an prochain à Jérusalem ». Le peuple juif a dû faire face à
plusieurs guerres d’extermination, la dernière en date faisant encore rage, et
il continue à souhaiter la cohabitation, à ses kahanistes près. C’est ce son de
cloche que l’on souhaiterait plus fortement exprimé par les médias, par les
ambassadeurs officiels et officieux.
lundi 30 octobre 2023
Lekh lekha et vayéra de l'année 2023
texte publié à l'occasion de la bat mitzva de ma cousine, ce shabbat à Paris.
Les deux parchiot lekh lekha et vayéra sont en général
considérées comme une unité, et, ainsi que le précise Y.Leibovitz, bien que le
thème central en soit Avraham, il faut ne pas considérer ces deux textes comme
la biographie d’Avraham.
Le texte est ainsi extrêmement avare de détails
de vie, la naissance d’Avraham et sa mort appartiennent à deux autres parchiot,
et les évènements de sa vie au sens où on l’entend généralement (mariage, vie
professionnelle, réussites, échecs, états d’âme) n’apparaissent en fait que partiellement et
parcimonieusement dans le texte biblique.
De façon générale on peut être à plusieurs
reprises étonné à la lecture du texte de combien il n’est qu’une illusion de
récit chronologique. Ainsi par exemple, on nous relate l’arrivée en terre
d’Israël, et le texte précise qu’ “à ce moment le cananéen habite la terre”
(Genèse 12, 6) . On s’attend à ce que nous soient détaillés ce que cette phrase
implique, or le texte passe directement à “il y eu une famine” (Genèse 12, 10),
qui conduit Avraham à aller en Egypte, où a lieu le bizarre épisode induit par
l’étonnante consigne donnée par Avraham à Sarah “dis que tu es ma soeur”
(Genèse 12, 12), épisode qui parait donner immédiatement lieu (Genèse 12, 19)
au renvoi d’Avraham d’Egypte…mais alors qu’on s’attendrait à ce qu’Avraham ait
à nouveau à se mesurer avec la famine, il n’en est plus question, au contraire,
Avraham est devenu riche.
Quand et comment ceci s’est-il produit ? combien
de temps s’est écoulé ? Ce n’est pas le sujet du récit biblique.
La suite porte surtout sur ses relations à son
neveu Loth avec lequel ils se partagent le pays (Genèse 13, 8) afin de ne pas
se quereller, et tout de suite après se produit l’enlèvement de Loth par des
rois qu’Avraham poursuit jusqu’à Dan (Genèse 14) pour y reprendre kidnappés et
butin dérobé, c’est à dire afin semble-t-il de nous conter un épisode d’agression
non justifiée contre sa famille ayant eu lieu dans le sud du pays, ayant fait
l’objet de la réaction la plus morale qui soit de la part d’Avraham (Genèse 14,
22 et 23) et ayant eu des répercussions
jusqu’à la frontière nord.
On voit donc Avraham plus occupé à gérer ses
relations interpersonnelles, avec son neveu, avec ses voisins (Pharaon,
Avimelekh) et face à l’hostilité locale (kidnapping et la répétition des noms
des peuples qui vivent à ce moment dans le pays) qu’à mener sa vie personnelle.
Et il est bien difficile de ne pas voir en quoi
ces parchiot que nous lisons dans le texte semaine après semaine, ne sont pas
en synchronie avec notre vécu de ces jours-ci vraiment.
Ce qui nous mobilise, tout le peuple d’Israël, intramuros
et à travers le monde, ce n’est pas notre croissance économique, l’éducation de
nos enfants, nos réussites ou échecs personnels ou nationaux, c’est notre
relation à un ennemi que nous considérons comme voisin et qui ne souhaite que
notre disparition, un ennemi qui vient de se livrer à une agression spontanée ayant
causé la mort d’un très grand nombre de gens de toutes sortes (militaires et
civils, bébés et vieillards, valides et invalides, juifs et non juifs,
israéliens et non israéliens).
Comme si ce texte racontait une histoire
générique, que peut avoir à rencontrer répétativement le peuple juif, plutôt
que le témoignage d’une histoire s’étant une seule fois produite avec un héros
bien précis.
Comme si la Torah n’était pas un livre d’histoire des
hommes mais le livre de l’histoire de l’humanité de l’homme.
Ceci est bien l’histoire d’Avraham, en ce qu’il
prend sur lui l’élévation de l’humanité à un plus haut et plus moral niveau.
Dans la paracha Noah’ surgissait dans le texte
hébraïque (Genèse 6, 11) le mot Hamas (dont la traduction littérale est
violence ou iniquité et dont la traduction en araméen selon Onquelos
est…”kidnappés”), et on nous présentait Noah’ comme le seul individu jugé digne
de survivre, comme celui qui recevait l’injonction “fais pour toi une téva”
(Genèse 6, 14) , ce mot dont la signification est aussi bien “une arche” qu”un
mot”. Noah sait faire l’arche et dans la progression de l’humain vers
l’humanisme il faut attendre Avraham pour qu’un individu prenne sur lui de
faire progresser l’humain par des mots, par le premier message humaniste de
l’histoire de l’humanité.
Dans la paracha lekh lekha, lue cette semaine,
il y a entre autres cet enlèvement de Loth et la mention deux fois réitérée des
habitants du pays qui ne sont pas sans résonner dans nos oreilles éprouvées
d’une dure actualité.
Être juif signifie prétendre à un niveau
d’humanité selon lequel la vie d’un kidnappé est la chose primordiale, celui-ci
fût-il un cousin avec lequel les relations sont plutôt fraîches.
Être juif signifie frapper son ennemi mais en
gardant visage humain même si celui-ci a manifesté la plus grande déchéance
humaine possible.
Un des assaillants du hamas du 7 octobre
explique au cours de son interrogatoire que le quartier général de
l’organisation - qui n’est pas digne d’être qualifiée politique ni même
terroriste tant elle s’est affichée au-delà, comme criminelle et inhumainement
meurtrière - est situé sous le plus gros hôpital de Gaza parce qu’ils savent
qu’Israël n’attaquera pas un hôpital ni une école, aussi utilisées par le hamas
comme arsenals, lieux d’où sont tirées les roquettes.
La paracha lekh lekha contient aussi un élément
à faire frissonner et c’est la prédiction au sujet d’Ishmaël appelé à ne
pouvoir que se distinguer comme “un sauvage dont la main est partout et qui
s’approprie tout” (Genèse 16, 12). “Et il se maintiendra à la face de tous ses
frères” conclut tragiquement le verset. Est-ce inéluctable ? Irréparable ? Les
évènements du 7 octobre sont une dramatique illustration…
Parmi les assaillants de la boucherie du 7
octobre se trouvaient aussi des travailleurs des villages assaillis,
travailleurs jusqu’à la veille en bonne relation avec leurs employeurs (20000
gazaouïtes recevaient au quotidien l’autorisation de passer la frontière pour
venir travailler en Israël), et qui viennent s’associer à leur massacre
aujourd’hui. Parmi les victimes et les kidnappés se trouvent bon nombre
d’individus dont l’occupation majeure était le militantisme pour la paix, le
convoi régulier de malades gazaouïtes vers les hôpitaux israéliens.
Dès le 7 octobre, après dix mois de crise de
politique intérieure, qui incluait de la part de la moitié du pays un vif
désaveu de la majorité au gouvernement, le pays israélien entier est unifié
derrière le combat et le soutien, gauche et droite, religieux et séculiers,
avec un niveau de volontariat rarement égalé, que ce soit pour consoler les
familles des victimes, pour prendre en charge les individus déséquilibrés
mentalement par le choc du 7 octobre, pour soutenir les individus déplacés pour
raisons militaires, pour aider à l’agriculture et plus encore.
Le monde extérieur a manifesté sa désapprobation
de l’action du hamas, tous ne se joignant cependant pas à la condamnation de la
cruauté, et l’impression dominante est que ce mouvement de soutien pour
beaucoup aura été d’extrêmement courte durée, vite remplacé par un tollé de
condamnation de la force militaire réactive d’Israël, très souvent encore avant
l’examen des faits réels, comme par exemple l’incident du 9 ou 10 octobre. Ce
jour, un feu tomba sur le lieu d’un hôpital de la partie sud de la bande de
Gaza. Il ne s’était pas passé plus de quelques minutes que le “massacre des
cinq cents victimes commis par Israël” était dénoncé, que ce soit par le
sinistre chef de l’autorité palestinienne qui décrétait sur le champ trois
jours de deuil national, et qui parlait de “génocide israélien du peuple
palestinien”, que ce soit par notre “ami” de toujours le président turc, que ce
soit par la gauche européenne et américaine…avant qu’il apparaisse que rien de
tout ce qui était dénoncé ne s’était produit. Il ne s’agissait ni d’un
bombardement israélien, ni de feu tombé sur l’hôpital, ni de plus de quelques
dizaines de victimes…d’un tir palestinien qui n’avait pas réussi à sortir de la
bande de Gaza et était tombé (accidentellement ou volontairement?) sur le
parking de cet hôpital faisant quand même quelques morts mais ne s’approchant
pas de la cheville du “massacre israélien” dénoncé spontanément.
Dénoncé spontanément par des gens qui avaient
déjà oublié qu’un “massacre pour de vrai” avait été commis, par leur propre
peuple en ce qui concerne Abou Mazen, deux ou trois jours plus tôt. Un massacre
qui dépassait de loin le niveau pogrom, qui avait inclus des bébés, des
vieillards, des invalides, un massacre qui avait été accompagné de tous les
actes les plus vils auxquels sait recourir l’humain, même quand il descend lui
aussi d’Avraham.
Le message d’Avraham n’est pas qu’un message de
paix, de bienveillance, de fraternité. Il est un message de révolution.
L’individu doit se révolutionner pour savoir ne
pas tomber dans les agissements les plus vils. Ishmaél peut-il aussi se
révolutionner et donner naissance à un islam qui rejettera cette partie de
lui-même ? C’est un challenge qui leur incombe. C’est le véritable challenge
qui devrait animer cette gauche qui se dit militer en faveur du peuple
palestinien. Rien ne peut plus enfoncer le peuple palestinien que la
justification internationale de ce massacre. Rien ne peut plus aider le peuple
palestinien que la renonciation à ce combat armé accompagné de négation de
l’humain.
Le judaïsme exprime cela sous la forme des
mitzvot. C’est avant tout le rôle des mitzvot : mettre en action au quotidien
un niveau d’exigence maximal de soi.
C’est par ce niveau d’exigence qu’Avraham
dépasse de loin le programme noahide. Pour la tradition juive, Noah aussi émet
des obligations, des mitzvot, au nombre de sept.
Avraham mis en mots par la Torah porte ce nombre
à 613, un chiffre encore augmenté à 620 par les sages de l’après destruction du
temple et envoi en exil du peuple juif par les romains.
Le peuple juif depuis Avraham vient s’installer
sur la terre d’Israël et y est mal reçu.
Sans retourner vers l’Antiquité, le présent est
témoin du caractère générique conté par la Torah à travers le procès intenté aujourd’hui
contre le sionisme, vu par certains comme une excroissance coupable du
judaïsme, alors qu’il n’est rien d’autre que la réactualisation du projet
avrahamique, vu par certains comme un colonialisme alors que les juifs ne sont
venus s’installer sur cette terre non en colonisateurs impérialistes, riches et
arrogants, mais uniquement en tant qu’individus, meurtris des coups donnés par
l’histoire récente qui était la leur, forts de leur seule force de travail et
de leur intention de faire fructifier la terre et l’humanité, comme le fit
Avraham. Un mouvement vu par certains comme un crime à l’encontre de la
population locale alors que les terres sont au départ toutes achetées, alors
que la population locale non seulement n’est pas exterminée mais croît en
nombre et en niveau socio-économique en parallèle de celle d’Israël.
Le phénomène d’antisionisme contemporain est
finalement identique à une certaine opposition rencontrée par Avraham, puis par
son fils et son petit-fils, mais le vingt et unième siècle vient montrer non
seulement qu’il y a de la place pour vivre côte à côte selon les chiffres de
l’an 1900 quand vivent sur place une poignée de juifs et guère plus de
population locale, non encore désignée comme palestinienne, mais aussi selon
les chiffres de 2023, qui sont de près de huit millions de juifs pour quatre ou
cinq millions de palestiniens.
Il y a non seulement la place pour tous, mais il
y a la possibilité de vivre côte à côte - tout au moins jusqu’au 7 octobre 2023
jour de l’aube d’une ère nouvelle qui n’est pas encore définie mais qui change
la donne.
Il y a la place pour tous, tout n’est question
que de décision.
La Bible montre les alliances contractées entre
Avraham et les voisins, ou les habitants locaux, contractées par Ytshak et les
mêmes, qui ont entre-temps rompu les alliances, par Yaakov qui semble plus
concentré sur l’édification physique et morale de sa famille qui se mute en
peuple que sur les relations extérieures.
Le message avrahamique est encore actuel, ne
serait-ce que par le fait qu’il est lu dans toutes les synagogues du monde
année après année, qu’il est enseigné aux enfants juifs depuis les plus petites
classes. Me concernant, le premier texte biblique qui m’a été enseigné, aux
alentours de l’âge de 7-8 ans est celui-là.
On lit ces parchiot non en souvenir d’une
histoire ancienne, l’histoire des hébreux comme on nous l’enseignait en classe
de sixième chez Jules Ferry, histoire selon laquelle le peuple des hébreux
existait durant l’Antiquité puis avait disparu.
Le ministère de l’éducation français ne vit pas
dans les années 50 et 60 du vingtième siècle qu’il y avait comme une perversion
cynique de l’histoire à ainsi persister à cantonner le peuple d’Israël à son
histoire ancienne, à peine cinq ou dix ans après que l’europe et le monde
entier aient connu le plus formidable déferlement d’antisémitisme de l’histoire
de l’humanité, et en ignorant superbement 2000 ans de judaïsme scandé au
quotidien par “l’an prochain à Jérusalem” et fort de centaines de milliers de
pages écrites, lues et enseignées (le talmud et toute la littérature rabbinique
ininterrompue au long de vingt siècles).
Le monde éclairé aujourd’hui ne dénonce pas
assez cet antisionisme qui est la forme moderne de l’antisémitisme, au nom duquel
associé à un prétendu humanisme n’hésitent pas moult représentants des pays du
monde aux mains les plus engluées de sang, à accuser les juifs - représentés
aujourd’hui par les israéliens et leur armée - de crimes dont ils sont
eux-mêmes les plus éminents et fréquents acteurs.
Ceci tandis que les israéliens ne se livrent pas
à des massacres mais au contraire ont développé le seul système connu et
utilisé au monde de “frappe à la porte”, pour avertir que telle cible - dans
laquelle se trouvent des civils ou des enfants cyniquement utilisés comme
boucliers humains - va être “chirurgiquement” frappée (cibles atteintes avec la
plus grande précision) et qu’il faut incessamment la quitter.
Ceci tandis que les israéliens ont développé un
système qui leur permet de ne pas voir leur population massacrée par l’envoi
incessant de roquettes hautement meurtrières. Ce système – associé peut-être à
une certaine « protection divine » ? - permet que plusieurs milliers de roquettes
aient été tirées sur tout Israël et que la population n’ait pratiquement pas
été touchée.
Ceux, à l’extérieur de nos frontières, qui
identifient le peuple israélien d’aujourd’hui avec Avraham ne font pas légion.
Ceci est peut-être la preuve de l’actualité du
texte biblique et de la nécessité de s’en imprégner, d’imprégner l’identité
juive moderne mais aussi l’identité humaine afin qu’Avraham (qui change de nom
au cours de son histoire, devenant “père de l’humanité” - sens littéral de ce
nom hébraïque) devienne véritablement celui qui a élevé le niveau moral de
l’humanité.
Ce n’est pas encore réalisé.
mardi 24 octobre 2023
la leçon par la parabole
L’attaque du hamas ce 7 octobre 2023, qui
nous trouve encore abasourdis aujourd’hui, qui laissera en nous des blessures
sur des décennies, du fait de sa violence et de son caractère inhumain mais
aussi du fait de notre faiblesse qu’elle a exposé au grand jour, cette attaque
a eu lieu à une date bien précise.
Le 7 octobre est d’une part le lendemain même du
jour anniversaire de la guerre de kippour, qui nous avait trouvés en même
posture, et les journaux israéliens et même d’autres pays étaient pleins ces
dernières semaines de la commémoration des cinquante ans de cette sinistre date.
Le 7 octobre était d’autre part jour de fête en Israël,
paradoxalement le jour du summum de la joie, la fête qui clôt Souccot
communément appelée la fête « par excellence », et la fête du
bouclage de la boucle annuelle selon laquelle la Torah est lue par le peuple
d’Israël d’année en année, la fête de la Torah.
Comme si cette coïncidence avait été choisie à
dessein par les programmateurs de l’attaque, qui choisissaient ainsi de porter
un coup supplémentaire au coup militaire.
Comme si cette guerre portait un élément visible,
celui de l’opération purement militaire, très réussie pour un aspect, celui de
la surprise, celui de l’envahissement très temporaire mais néanmoins réel, mais
aussi un élément sous-jacent, peut-être de plus forte portée. Élément de
démoralisation, qu’il est encore prématuré de savoir si telle sera sa portée.
Il y a une autre coïncidence de calendrier à
laquelle se rattache cette attaque, qui a provoqué un état de belligérance qui
dure depuis, qui va peut-être être long, et c’est celle de ce que raconte la
Torah dans ce qui se lisait shabbat dernier dans les synagogues, l’histoire de
Noé et du déluge.
Selon un courant très important dans le monde
juif, courant directement induit par Maïmonide, le penseur juif qui vécut de
1140 à 1205, né en Espagne, passé en Israël , installé en Egypte puis enterré à
Tibériade, les récits de la Torah sont avant tout des paraboles. Ils ne
décrivent pas tant une réalité dont ils sont les témoins qu’ils sont le
véhicule de messages masqués par le récit.
On ne sait donc pas si ce déluge a réellement eu
lieu, quelles ont été ses dimensions, ses conséquences (les licornes ont-elles
existé puis disparu dans le déluge comme le dit la chanson ?), mais on sait que
le déluge est un événement universel qui appartient à l’histoire de l’humanité.
D’après le texte hébraïque, ce déluge est
déclenché par le Créateur du fait de son diagnostic de l’état du monde, monde
qui serait entièrement perverti, à tous les plans, situation décrite
bizarrement par le terme hébraïque…. « hamas ».
C’est un mot relativement fréquemment utilisé au
long de la Bible (quelques 50 occurrences) et dont le sens premier est
« violence », tandis que sa première occurrence est le déluge dans
lequel il décrit une situation au-delà de la seule violence, une situation qui
justifie la remise à zéro des compteurs de l’humanité.
Ce déluge est décrit dans la Bible comme une
situation d’enfermement, la famille de Noé et les spécimens des espèces
d’animaux existant sur la terre se tenant enfermés dans l’arche le temps que la
tempête et la pluie cessent et que la terre redevienne habitable, et que l’humanité
puisse être reconstruite, repartir sur d’autres bases.
Il est difficile de ne pas voir une sinon
plusieurs analogies entre ce texte et la situation que nous avons vécue et
continuons de vivre.
Situation d’incroyable violence, qui dépasse les
antécédents connus (on a beaucoup parlé du pogrom de Kishiniev de 1903…mais qui
fit considérablement moins de morts que le seul 7 octobre), violence dont les
pogroms qui se sont abattus encore et encore sur les juifs apparaissent
aujourd’hui comme de faibles répétitions générales, comme ce qui a inspiré ceux
qui ont fomenté cette attaque.
Et la question qui est présente chez tous est
celle du lendemain.
Quoi souhaiter pour demain, œuvrer dans quelle
direction ?
Israël doit bien évidemment œuvrer pour ne plus
jamais être surprise de la sorte c’est une évidence. Israël va reconstruire et
repeupler la région, probablement après l’avoir renommée (le terme encore en
usage de « Otef Aza - ce qui entoure Gaza » doit disparaître, le
terme Gaza doit disparaître du vocabulaire israélien), c’est une deuxième
évidence.
Mais quelle suite avec les gazaouis ? Avec les
palestiniens ? Avec les iraniens ?
Israël est encore menacée, comme il y a 75 ans (sa
création), comme il y a 50 ans (la guerre de Kippour), et il y a cette question
incontournable (sauf par les inconscients..et il y en a ) de la relation avec
ces voisins, qui constituent aussi par exemple une main d’œuvre dans tout
Israël et dans de nombreux domaines, dont la construction et la santé ne sont
que les plus visibles).
Serait-il incongru de questionner le texte ? Ce
texte écrit en premier lieu sous forme de paraboles et d’énigmes selon ce qu’en
dit Maïmonide, afin de transmettre des messages pluri centenaires.
Des midrachim racontent comment cette question a
occupé Noé et ses fils dans l’arche. Ils se seraient même opposés, les uns
dessinant tel avenir, un autre et un autre une autre et une autre version.
Comment règle-t-on la question de la répartition
du pouvoir dans le monde ? La question de la guerre dans le monde ? La question
de la moralité dans le monde ?
Certains ont suggéré de regarder la situation
comme si nous avions été radicalement changés, nous les israéliens et peut-être
aussi le monde au sens plus large.
Peut-être avons-nous ainsi découvert que les nazis
n’avaient pas atteint les sommets de la haine et de la cruauté et que d’autres
pouvaient faire pire qu’eux ?
Certains disent que ces évènements feront tomber
« la conception » selon laquelle des pourparlers de paix étaient
imaginables, selon laquelle ont eu lieu les accords d’Oslo, camp David. Gardons
en mémoire que les porte-paroles de cette opinion avaient déjà la même opinion
avant le 7 octobre. Ils ne font que répéter ce qu’on les a entendu dire
plusieurs décennies. Et ils répètent cela malheureusement sans penser au
lendemain.
Ces arabes vont-ils disparaître ? Cet esprit de
haine et avec lui ce désir d’anéantissement qu’ils ont acté il y a trois
semaines vont-ils disparaître ?
Le premier ne disparaîtra pas. Pour sûr. Aucune
ethnie ne disparaîtra comme par enchantement. Il s’agit d’un phénomène primaire.
Le second est par contre un phénomène secondaire.
La conduite de l’homme n’est pas immuable. Nous avons assisté au fil des
siècles à bien des modifications dans la carte géopolitique de l’europe, du
monde, à bien des évolutions dans les relations interhumaines, interethniques.
Comme pourrait nous l’enseigner le déluge. En
situation extrême, le Créateur intervient (est intervenu ? Et a prévenu qu’il
n’interviendrait plus nous enseigne-t-on). Mais la suite revient à l’homme
comme l’illustre le midrach qui imagine Noé et ses fils en discussion sur la
mise en place de la société post diluvienne.
C’est à l’homme que revient le devoir de gérer la
vie des hommes entre eux.
Et il n’y aura probablement aucune autre
conception que « la conception ».
Mais les évènements vont peut-être dicter le
rythme.
Aujourd’hui, les porte-paroles de la paix, de
l’amitié entre les hommes sont complètement inadéquats. Ils doivent se taire.
Laisser le temps aux plaies de se refermer.
A l’image de ce qui se passe entre deux individus
qui doivent se calmer avant de se re rencontrer, les israéliens et les gazaouis
doivent les temps à venir ne pas se côtoyer. Ne pas communiquer, ne rien avoir
en commun.
Je rêve de deux frontières et peut-être cela se
réalisera-t-il ? Une bande inhabitée et idéalement infranchissable devrait nous
séparer.
Que les travailleurs gazaouis se débrouillent.
Si vient à naître une génération qui voit la
situation différemment, alors nous dialoguerons avec eux.
Mais pas maintenant. Ils se sont comportés comme
des gens qu’il convient de voir comme maudits.
Nous parlerons peut-être avec leurs petits-enfants.
mercredi 11 octobre 2023
tirer la leçon de l'Histoire
Quel est notre
agenda, quand nous ne sommes pas au front, quand nous ne faisons pas
directement le deuil d’un proche, aux moments où nous ne sommes pas aux côtés
de quelqu’un à accompagner affectivement et émotionnellement?
Certains sont rivés aux informations, aux articles, certains passent à la phase
des accusations, des règlements de compte, et recherchent qui a la
responsabilité de cet immense échec, de ce gouffre dans lequel nous sommes
brusquement tombés samedi aux aurores, quand, alors que nous fêtions Simkhat
Torah, un ennemi barbare réussissait à nous surprendre et à assassiner plus de
1000 innocents, de tous les âges, à kidnapper plus de 200 civils et militaires.
Je suis persuadé que notre agenda le plus important et le plus urgent, le plus
constructif est d’étudier. Etudier pour apprendre. Apprendre aussi à réfléchir.
Lévinas, en marge de sa lecture talmudique dans le cadre du colloque des
intellectuels juifs consacré au pardon (première lecture du recueil “quatre
lectures talmudiques) …enseigne la leçon biblique de l’épisode de la grande
famine qui frappa le pays sous le règne de David ( Shmuel II 21).
David, en chef d’état, ne resta sûrement pas inactif et oeuvra à nourrir la
population, mais ce n’est pas ce que nous raconte le texte. Peut-être comme
pour dire que le texte n’est pas là pour conter l’évidence. Le texte nous
raconte que David réfléchit. Il cherche les causes de la situation.
La situation est une situation de famine, donc de catastrophe que nous
qualifierions aujourd’hui de catastrophe naturelle, et il cherche la cause.
Peut-être est-ce la première leçon : agir certes, être aux côtés d’autrui,
combattre, mais aussi réfléchir. Intégrer le présent dans une structure
cause-conséquence. Peut-être est-ce aussi cela “être juif”.
Donc il réfléchit, il cherche, et il aboutit à une première conclusion, qui est
peut-être la deuxième leçon :”c’est de ma faute”. Peut-être cette conclusion
nous paraît-elle un peu excessive. J’aurais tendance à l’exprimer plutôt :”je
vais chercher ce en quoi je peux avoir apporté ma contribution à cette
situation de famine”. Peut-être ceci indique-t-il ce qui va être le plus
potentiellement fructueux dans ma réflexion : chercher le coupable chez autrui
ou me plonger en introspection…on semble ici être nettement conduits par le
texte vers la deuxième option.
Et David parvient à la conclusion qu’il a une part de responsabilité dans le
massacre (pourtant effectué par Shaül quand il le poursuivait lui, David !) de
la ville de Nov, massacre qui a lésé les guiveonim dont l’entretien et le
service des habitants était la principale source de revenus.
Shaül a fait un massacre parmi les cohanim (Nov était une ville de cohanim. N’a
survécu que Eviatar) et la faute que s’attribue David est une faute qui parait
vraiment au delà des limites de sa responsabilité (mais, et c’est probablement
la troisième leçon, peut-être le chef de l’état n’a pas le privilège de plaider
son innocence, peut-être doit-il assumer la responsabilité de tout ce qui se
passe tandis qu’il est en poste).
Et David se tourne vers les guibeonim et leur demande comment il peut réparer
le préjudice qui leur a été causé. Et ceux-ci exigent que leur soient livrés
cinq fils de Shaül. Et David les livre, et les guibeonim se comportent avec eux
comme des barbares. Ils les mettent à mort et les clouent sur la muraille de la
ville.
Et la famine cesse.
Le talmud tire de ce conte un étonnant enseignement : c’est cet épisode qui met
fin au serment fait par Josué quatre cents ans plus tôt aux guibeonim. De ce
moment, les hébreux ne sont plus tenus à responsabilité vis à vis d’eux.
Pourquoi ? Parce qu’ils ont prouvé qu’ils n’ont rien appris au contact
d’Israël, ils ne sont pas devenus “rahmaniim bné rahmaniim. Ils n’ont pas
développé la pitié, la compassion qui caractériserait Israël à en croire le
talmud.
Quatrième leçon : on ne reste pas indéfiniment tenu aux serments de nos
ancêtres. Les évènements influent sur la morale, ce n’est pas que l’inverse est
absolu. Il faut devenir capable de demander pardon. A autrui.
Mais il y a peut-être ici une dimension que ni le talmud ni Lévinas
n’envisagent et qui est peut-être la cinquième leçon de cette histoire
pluricentenaire : Josué a été berné par les guibeonim lors de la conquête du
pays et il s’est trouvé contre son gré et au détriment du peuple, sur plusieurs
générations, contraint à vivre avec eux.
Il n’avait pas choisi leur présence et elle lui a été imposée.
Le peuple juif a ainsi admis en son sein une peuplade qui lui était étrangère,
qui n’avait aucun droit à la loi du retour.
Et cette peuplade lui a finalement été une plaie jusqu’à l’épisode, douloureux
lui aussi, qui a permis la rupture du contrat.
Mais n’aurions-nous pas aujourd’hui un autre regard ? Ne dirions-nous pas que
cette condition de sous citoyens dans laquelle ont été maintenus par les
hébreux les guibeonim a été la raison - ou au moins a joué dans le sens - de
leur non intégration, la raison de leur stagnation à un niveau humain de non
clémence, non élévation ethique ?
Sommes-nous, israéliens d’aujourd’hui face à une situation analogue ?
Saurons-nous retirer la substantifique moelle de notre Histoire et ainsi
justifier ce H majuscule ?
Ce serait probablement plus urgent et plus fructueux que de se jeter à corps
perdu dans la chasse aux sorcières.