dimanche 26 novembre 2023

journal de la guerre du 7 octobre

 

Le tracteur tire une plate -forme et avance cahin-caha sur le chemin secouant les quelques vingt personnes assises à l’arrière, dans un magnifique paysage, sous un ciel bleu vif et un soleil bas.

Paysage israélien classique d’activité de kibboutz.

Pourtant les passagers ne sont ni des scandinaves des années soixante, en volontariat pour vivre « l’expérience kibboutz », ni de jeunes lycéens, ni des travailleurs thaïlandais, mais des soixantenaires et septentenaires locaux, des quatre coins du pays, eux-mêmes n’en revenant pas d’être dans cette posture « si quelqu’un m’avait dit que je serai à mon âge sur un tracteur » entend-on plusieurs fois au cours du trajet qui nous emmène à travers routes et champs.




Sur la route, on croise quelques barrages militaires, desquels les soldats sourire jusqu’aux oreilles nous saluent chaleureusement. Dans les terrains non cultivés en bordure, les chars qui étaient stationnés il y a encore quatre semaines ne sont depuis longtemps plus là, et la bande son est beaucoup plus dans les tons batterie que dans ceux des « allez allez mon troupeau » de Hugues Aufray.

Jours de bénévolat au kibboutz Karmiya, au nord de la bande de Gaza, dans laquelle Israël livre sa énième guerre contre les velléités de sa disparition, aux sons du canon.

Sont venus ce jour quelques quatre vingt personnes, de tous les âges et de tous les lieux ( un bus de retraités de la police, deux jeunes telaviviennes qui remplacent la plage par les champs et n’oublient pas de se protéger du soleil à grand recours de crème à bronzer, une famille religieuse d’une ville proche, deux belges venus pour une semaine faire du volontariat , et encore quelques autres dont notre petit groupe d’anciens eis…) à l’exploitation agricole organique installée là depuis son repli de l’intérieur de la bande de Gaza évacuée il y a 17 ans, et en grandes difficultés de fonctionnement depuis le 7 octobre dernier.

Ses quelques 150 employés (dont bon nombre de thaïlandais) se sont dispersés . Ne sont restés que les plus fidèles, parmi lesquels ces quelques bédouins des environs, et c’est avec l’aide du bénévolat que le patron tente de minimiser la catastrophe, encore accrue depuis la destruction de son usine de tri de légumes. Une machine de coût astronomique détruite par une chute de morceau de roquettes qui y a mis le feu.

Il raconte à la pause repas et la situation de l’exploitation et la vie ici quelques cinq kilomètres au nord de la bande de Gaza, juste au sud de la zone industrielle d’Ashkelon. Les roquettes ne tombent pas ici dit-il, elles nous passent au-dessus de la tête. Par contre, les batteries de dôme de fer installées non loin les interceptent juste au-dessus de nous et sont à l’origine de ces chutes. En cas d’alerte, il faut se coucher par terre les mains sur la tête..et prier pour que rien ne vous tombe dessus.

Le public, occupé à se refaire des forces avec le repas servi à la bonne franquette (viandes grillées, salades des produits locaux, le tout succulent) ne bronche pas. Tout au plus certains échangent-ils quelques regards mi figue-mi raisin.

La journée s’ouvre par l’accueil des volontaires « vous arrivez et vous repartez à l’heure que vous choisissez », par le sourire, l’inscription à fins d’assurance, et le briefing, fait ce jour par un septuagénaire volontaire lui aussi, mais sur place depuis un mois dit-il au passage, sur le bras duquel on aperçoit un numéro. Quoi ? Un rescapé de la shoah ? Mais quel âge a-t-il ? Et puis la position de son bras change et je peux lire le numéro : 7.10.2023….

La première serre dans laquelle commence le travail d’aujourd’hui est une serre de tomates. Notre accompagnateur - un français d’origine installé à Ashkelon - nous met en garde : « elles sont moches les tomates, la serre a souffert du manque de main d’œuvre. » Et de raconter comment l’exploitation est en difficulté…pour finir par avouer que sa présence ici est due à la fermeture - provisoire espère-t-il - de sa propre exploitation située, elle, à Kerem Shalom, à l’extrémité sud de la bande de Gaza.

Les tomates ont bien souffert, il ne reste plus rien à cueillir ou si peu…nous continuons bientôt dans un champ où nous plantons de la menthe, travail facile en apparence, prendre des brins de menthe, les dénuder un peu, les couper, puis les insérer dans la terre sableuse le long du tuyau d’irrigation. Trois heures plus tard, se relever est un véritable projet ! Qui me laissera des souvenirs douloureux plusieurs jours durant…




La journée de travail s’achève vers les deux heures de l’après-midi (mais le patron a bien précisé que qui veut rester jusqu’à cinq heures le peut, qui veut dormir sur place recevra un dîner et un petit déjeuner. Il le dit sur le ton de la blague mais il est sérieux.

Je repars, une caisse de légumes dûment payée dans le coffre, nos téléphones encore réglés sur le sud du pays font encore entendre quelques alertes d’envoi de roquettes, et les nouvelles que nous entendons pendant le retour parlent du retour espéré imminent des premiers otages à être libérés.

Tandis que certains de mes proches s’opposent à cet accord, qui serait scandaleux pour les extrémistes (libération de terroristes en échange, et interruption de l’action militaire..), qui serait maladraoit pour d’autres au plan stratégique, je pense quant à moi qu’un otage libéré…est libéré…et que ces libérations sont le seul but de cette opération militaire.

Notre principal objet en tant qu’Israël n’est pas de coloniser, n’est pas de dominer, n’est pas la vengeance. Notre principal objet est de vivre et de répandre le mode éthique enseigné par la Torah de la présence sur terre : le prix de la vie humaine et la libération d’un otage sont selon Maïmonide un des commandements les plus urgents de tout le codex.

La destruction du hamas est aussi importante si ce n’est vitale, mais elle n’est pas nécéssairement un projet militaire.

La bande du sud d’Israël restera un lieu de ressources agricoles, les habitations seront reconstruites et se développeront.

Les tracteurs se déplaceront sur les routes et entre les champs sans les bruits de bombardements. Puissent-ils transporter volontaires, lycéens et travailleurs de toutes les ethnies, mais…

Puisse la frontière avec la bande de Gaza être hermétiquement close, ne se réouvrir que sous plusieurs générations, à condition que le message éducatif ait été changé la-bas.

 

lundi 20 novembre 2023

les otages de l'antisémitisme

 

Nous vivons, nous israéliens, nous juifs, nous juifs israéliens des temps très difficiles depuis ce 7 octobre.

Temps de guerre.

Très difficile d’être en guerre, d’être en inquiétude, en incertitude, en attente d’informations, de dénouements. Et très difficile d’être « en guerre », c’est à dire en attente de victoire, en atmosphère de violence, de nouvelles répétitives de la mort d’un ennemi, d’un soldat, d’une victime.

Mais là n’est pas pour moi le pire. C’est une nouvelle guerre que nous n’avons pas initiée, elle n’est pas la première et fasse le ciel qu’elle soit la dernière mais tous savent que ces paroles sont un voeu pieux.

La guerre est une horreur mais elle n’est pas pour moi le pire.

Le pire est les phénomènes afférents. Le pire est l’atmosphère de haine qui ruisselle, qui parvient jusqu’à nous, réveil de l'antisémitisme, manifestations d'hostilité à Israël, alors que cette guerre nous a été imposée lors d'un évènement si rapidement gommé, alors que les otages sont encore en captivité, tandis que notre quotidien est tellement autre, tandis que notre quotidien illustre si tristement que le mécanisme automatique des habitants de ce pays est l’aide, le dévouement, le soutien, l’empathie.

Je suis bien plus tourmenté par ce qui accompagne cette tragédie des otages. Ce silence, ce déni, cet oubli.

Le fait que tant de gens aient pu ainsi si vite s’abstraire de cette horreur qui s’est déroulée aux yeux du monde le 7 octobre, horreur barbare, horreur de déchéance humaine si rarement atteinte, horreur des massacres et de la destruction, et horreur de la prise d’otages.

Il y a ainsi quelques 240 otages, de tous les âges ( il y a de tous petits enfants, il y a des personnes du quatrième âge, et tous ceux qui sont dans l’intervalle entre ces deux extrêmes), de plusieurs nationalités et religions, et ils n’en finissent pas d’être oubliés ou niés.

Encore hier, l’Autorité Palestinienne publiait un avis selon lequel l’aviation israélienne et personne d’autre était l’auteur des horreurs du 7 octobre. L’avis a été effacé quelques heures plus tard mais sans commentaire. Entre temps il avait été publié.

Et ce déni est la chose qui m’est personnellement la pire. C’est un déni que je ne peux analyser qu’en relation avec l’antisémitisme.

Même si je peux enrôler d’autres spectres d’analyse, me demander s’il ne s’agit pas ici d’un phénomène psychologique universel, qui pousserait le monde au déni par réflexe de survie, par incapacité mentale à garder en mémoire de telles horreurs, il me semble que dissocier cette indifférence et ce déni du paramètre antisémitisme serait plus artificiel que naturel.

Une étudiante israélienne actuellement en France pour un semestre dans le cadre d’un échange universitaire a été contactée pour intervenir dans les stages de formation des eis le mois prochain, et s’est adressée à moi pour prendre conseil sur le langage à tenir, sur la méthode par laquelle communiquer au mieux aux stagiaires le vécu israélien de cette guerre.

Alors qu’elle aurait eu tendance à enseigner le sionisme, à remonter à Ben Gourion, Golda Méïr et d’autres pour étayer son propos, je lui ai dit que par expérience je conseillerais de remonter bien plus loin. Je lui ai conseillé, si le stage doit avoir lieu la semaine où le peuple juif lira dans la Torah la paracha vayekhi, de commencer par vayekhi. De commencer par une paracha dans laquelle sont décrites les douze tribus d’Israël et de raconter cela, la genèse de ces tribus, avant de montrer comment le pays d’Israël a dans un premier temps été réparti entre ces douze tribus, le même pays que l’on nous conteste aujourd’hui, nous qui sommes les descendants de cette famille de Jacob.

Remonter à la Torah parce que j’ai moi-même vécu combien rattacher le présent à notre passé biblique est riche, suscite l’intérêt le plus profond, le plus vif et le plus authentique, et aussi parce que je pense que c’est de l’absence d’un tel rattachement qu’est né cet antisémitisme.

Comme beaucoup de gens, j’ai été effaré du fait divers Sophie Pommier. Et après avoir vu cette séquence et avoir eu l’impression que la femme qui criait « Israël assassin » après avoir arraché les photos d’otages du 7 octobre était une française du cru, image de la France profonde, j’ai découvert qu’elle n’est pas la femme de la rue, qu’elle est versée dans le sujet du moyen orient, au point d’avoir été contractuelle au quai d’Orsay, au point d’avoir écrit et publié sur le sujet.
Et j’ai découvert une analyse la faisant remonter à un certain Henry Laurens de qui elle serait l’émanation.

Je suis donc allé à la recherche de ce personnage, éminent universitaire, enseignant dans le lieu français le plus prestigieux, le collège de France, spécialiste de très haut niveau de l’islam, de l’orient, de la langue arabe. Je me suis installé à l’écouter et j’ai compris.

Pour cet éminent universitaire français, pur produit de l’école laïque et de la séparation de l’église et de l’état, l’histoire de la Palestine n’inclut pas (ou de façon très marginale peut-être : je n’ai pas écouté tous ses cours, lu tous ses livres) la Bible.

Ce qu’il se passe dans notre partie du monde est à ses yeux un phénomène avant tout politique, produit des conflits d’influence qui remontent à l’empire ottoman et aux années 1500 de notre ère.

La guerre actuelle serait le résultat d’un colonialisme, qui porte le prénom sionisme mais qui est avant tout une alluvion de cette gigantesque mouvance qui a empoisonné et continue d’empoisonner le monde.

Je sais qu’il y a aussi en Israël des citoyens dont l’israélianisme ne remonte pas à la Bible, mais outre le fait que très peu d’entre eux sont identifiés à une quelconque démarche colonialiste, ne les analyser qu’à travers le prisme laïque des évolutions de la politique internationale ressortit à une démarche au moins partielle si ce n’est partiale.

Les juifs ne sont en Israël QUE en référence à leurs sources bibliques. Situer la source de la création de l’état d’Israël dans la démarche sioniste de la fin du 19ème siècle, ou même dans les mouvements géopolitiques du bassin méditerranéen au 16ème siècle consiste à gommer l’historique du peuple juif.

Un Ariel Sharon, célèbre icône du monde israélien moderne, figure militaire aucunement religieuse, général devenu homme politique, clamait à qui voulait l’entendre que son livre de chevet n’était autre que la Bible. Le même Sharon (pour lequel je n’aurais pas voté pour un empire tant il était aux antipodes des idées que j’aime faire avancer par ma voix) est celui qui a fait se retirer Israël de la bande de Gaza en 2005, au nom de l’idéologie que « nous n’avons aucune vocation en tant que peuple à dominer un autre peuple » (sic).

Analyser lsraël au regard de la real politique du bassin méditerranéen revient à ignorer ou à scotomiser la composante juive.

J’appartiens moi-même à une famille qui vivait aux premiers jours du vingtième siècle dans une communauté hassidique de Pologne dont le chef spirituel, Haïm Israël Morgenstein, admor de Pilev, petit-fils du rabbi de Kotsk, avait écrit le premier livre religieux sioniste : « Shalom Yeroushalaïm ».

Je suis un juif qui lit et comprend ce qu’il lit au jour le jour dans le rituel de prières dont les textes sont une compilation pluricentenaire (et pour une part plurimillénaire : certaines parties de ce rituel étant attribuées à des personnages ayant vécu et exercé en - 500 ou plus loin encore) à base d’extraits bibliques et rabbiniques et il y est question de Jérusalem et de retour du peuple en Israël de façon omniprésente. La grande majorité du peuple juif prend part chaque année au repas de la fête de Pessah’, repas nommé « seder » au cours duquel on lit la fameuse hagadah de Pessah’ qui se termine par l’affirmation « l’an prochain à Jérusalem ». Les juifs les moins religieux, souvent appelés « juifs de Kippour », se sont trouvés au moins une fois dans leur vie à la synagogue à la fin du jeûne de Kippour, et la prière se termine par « l’an prochain à Jérusalem ».

Ne pas prendre en considération ce paramètre ressortit à l’ignorance ou à certaine idéologie.

Le catholicisme et l’islam ont oeuvré à déconnecter le peuple juif d’aujourd’hui, et partant, la population israélienne, des hébreux de l’Antiquité. Au lycée, en classe de 6ème, on enseignait l’histoire des hébreux comme peuple de l’Antiquité qui parlait l’hébreu, une langue aujourd’hui morte. Le message catholique classique est que les juifs ont été maudits de n’avoir pas reconnu Jésus comme messie et ont été de ce fait condamnés à l’errance. L’islam considère que le sacrifice raconté en Genèse 22 n’est pas celui d’Isaac, le deuxième des trois patriarches bibliques, mais Ishmaël, premier fils d’Avraham et père de l’Islam.

Il y a des gens qui ne veulent avoir sur les évènements du proche orient, sur le conflit israélo palestinien, qu’un regard géopolitique par ignorance. Par exemple si ils ont été formés à observer ce conflit à base des cours de leur classe de sixième, ou aux cours de certains professeurs illustres du collège de France.

Mais il y a aussi des gens qui ont choisi leur camp, qui ne veulent pas que cette histoire de l’Antiquité réapparaisse. À leurs yeux, qui la fait ressurgir est coupable et doit disparaître.

Ce sont ceux qui préfèrent les juifs morts aux juifs vivants, et certains parmi eux ont même des parents et un nom juif. Mais ils sont antisémites. Parfois en se leurrant et en étant persuadés de n’être qu’antisionistes, en tant qu’à leurs yeux le sionisme n’est qu’un colonialisme coupable, complice de l’impérialisme. Ils peuvent même avoir parmi leur famille des parents qui savent que les premiers juifs à s’être installés en Israël n’avaient pas un sou et seulement la peau sur les os et étaient venus au moins autant par rejet de leur pays que par sionisme idéologique et pseudo colonialiste. Ils savent que les juifs ayant eu des ancêtres en Pologne, en Allemagne, en Algérie, en Irak, n’ont pas quitté leur pays par choix et pour la plupart ne pourraient y retourner, ils savent que les israéliens n’ont atteint que tardivement un niveau de vie encore non au niveau européen mais s’en rapprochant, mais ils préfèrent gommer ces faits.

Ils gomment les faits qu’Israël encore faible et dèbutant a dû se mesurer à une guerre face à des ennemis qui souhaitent la disparition du pays et de ses habitants, Ils gomment aussi le massacre du 7 octobre, et les 240 otages de ces bêtes humaines que sont les hommes du hamas, qui ne se contentent pas d’installer des bases militaires dans les écoles et les hôpitaux de Gaza, mais qui savent assassiner comme l’a été Noa Marciano les otages dans un lieu qui est un lieu de soins médicaux.

Ils gomment parce que ces évènements sont l’anéantissement de cet enseignement universitaire en foi duquel le sionisme n’est que le coupable à combattre et à abattre.

Les évènements du 7 octobre 2023 sont une collision frontale avec leur idéologie. Il leur est plus facile de les nier que de les regarder en face. Ils préfèrent démoniser le sionisme, avaliser les accusations de Abou Mazen selon lesquelles Israël commet un génocide. Il est plus facile d’analyser de loin une situation, de qualifier le sionisme d’échec (puisque « plus de juifs en meurent en Israël que dans les autres pays ») que de regarder la société israélienne et ses qualités, de regarder les gens et de voir la société multiethnique et multiculturelle qui se developpe ici, incluant d’ailleurs les arabes. Ils préfèrent parler de génocide des palestiniens cinq minutes après le massacre à vocation génocidaire du 7 octobre tandis que la population palestinienne n’a fait que croître au cours des cent dernières années, ils préfèrent continuer à parler de vol de la terre, comme au début du vingtième siècle quand il y avait moins d’un million d’habitants en tout, alors qu’il y en a aujourd’hui plus de quinze millions, preuve incontestable qu’il y a ici de la place pour tout le monde. Ils préfèrent continuer à nier aux israéliens le lien au passé, à l’Antiquité, à la Bible, tandis que l’hébreu est ici parlé, écrit, développé, tandis que l’étude de la Torah et des textes s’y rapportant connait une expansion exponentielle.

Ce sont ces recours volontaires à la cécité qui constituent un des aspects de l’antisémitisme du vingt et unième siècle, quand on nie à l’autre son identité juive, l’identité qu’il proclame lui-même, qui me sont plus indigestes que la guerre elle-même, et contre lesquels il faut éduquer la génération montante.

 

vendredi 10 novembre 2023

Manifester face à la croix rouge ? contre l'antisémitisme ?

 



Aller à la manifestation ce soir à Tel Aviv pour exiger de la croix rouge qu’elle agisse pour les otages ?

ALLER À LA MANIFESTATION POUR RAPPELER À LA CROIX ROUGE LES RAISONS DE SON EXISTENCE ???

Et dans la même veine, rappeler à l’ONU les mêmes raisons ?

Le 7 octobre 2023, date qui restera dans l’histoire de l’humanité, a été commis un massacre tel que depuis Bab iyiar ou le darfour le monde n’en avait pas vu. Un crime contre l’humanité à vocation génocidaire ! 1400 personnes de toutes les catégories humaines y ont trouvé la mort, confirmant ce 21ème siècle comme présageant d’une violence pire que son prédécesseur. Civils et soldats, hommes et femmes, vieillards et adolescents, enfants et bébés, valides et invalides, israéliens et non israéliens, juifs et non juifs. Je ne reviendrai pas ici encore sur les détails : ils sont obscènes et peuvent troubler si ce n’est blesser qui ne fait qu’assister à leur simple énumération.

Le 7 octobre 2023, ont été pris en otages 244 personnes. Relevant de la même non catégorisation. Otages-échantillon de l’humanité entière.

Un mois après, 239 de ces otages sont encore au secret. Ils sont non seulement retenus prisonniers mais personne ne peut les voir, les compter, parler avec même un d’entre eux.

Depuis le 7 octobre, des milliers de roquettes ont été tirées, sont tirées au quotidien sur l’ensemble du territoire d’Israël. Ces roquettes sont tirées plus ou moins à l’aveuglette et le fait qu’elles n’aient fait jusqu’ici aucun mort est le produit de notre capacité, de notre volonté de protéger notre population, probablement ajoutée à une certaine protection divine.

Depuis le 7 octobre plusieurs centaines de milliers d’israéliens sont « déplacés » ne vivent pas dans leur maison. Une partie d’entre eux à cause du massacre du 7 octobre, une partie d’entre eux parce qu’Israël protège sa population

Mais la partie du monde relayée par les médias est surtout préoccupé du « massacre » si ce n’est des crimes de guerre, si ce n’est des crimes contre l’humanité, si ce n’est du génocide en train d’être commis par Israël à Gaza et veut avant tout que cesse la violence. La violence d’Israël.

On se rappellera que les mêmes médias ont filmé en live puis diffusé les horreurs du 7 octobre. Le sang des israéliens, paradigme du sang des juifs peut couler jusque sur les écrans et demeurer libre de tout devoir.

Il est vrai qu’un immeuble détruit par une bombe larguée d’un avion fait énormément de dégâts. Il est vrai que notre aviation a détruit des centaines si ce n’est des milliers d’immeubles à Gaza, et que montrer des images de ruines est très facile aujourd’hui dans Gaza.

Il s’avère qu’aucune de ces bombes n’est tirée à l’aveuglette. Le monde entier a entendu parler depuis dix ans déjà de la technique dite de « frappe à la porte » utilisée par tsahal. Avant de lâcher une bombe sur une cible, les habitants sont prévenus. Deux fois. Une fois par message, une fois par un premier impact non destructeur.

La « manœuvre » de Gaza, est violente. Elle vise à détruire et à rechercher. Détruire les 500 kms de tunnels militaires dont est truffée la Gaza souterraine. Rechercher les têtes à abattre et les têtes à sauver. La manœuvre de Gaza, puisque c’est ainsi qu’elle s’appelle, est ni plus ni moins chirurgicale. Le monde entier en est informé. Le soldat qui avance pas à pas est en communication directe et personnelle avec le pilote de l’avion qui le couvre, et ceci aussi est su. Et l’armée progresse malgré les enfants dans les bras de leur mère que le hamas leur met sans cesse sur la route, et ceci aussi est su…parce que cela a été filmé et montré.

Mais le monde qui a oublié le massacre du 7 octobre, qui a oublié les otages, qui a oublié leurs conditions de détention, qui a oublié les roquettes, cherche, comme il l’a fait depuis la shoah, à oublier que cette technique et cette éthique leur avaient été contées.

Tel Roger Waters (que son nom soit oublié), qui explique qu’Israël a inventé les détails du 7 octobre, le monde ne peut ni ne veut avaliser toutes ces données et se réfugie dans le mensonge et la falsification.

Que l’ONU n’ait pas banni le hamas et ses supporters, que quelqu’un adresse encore la parole sur la scène internationale à des chefs d’état qui dénoncent les génocides faits par Israël, que la croix rouge n’ait pas imposé au hamas, au monde de rendre ces otages - qui le sont au détriment de toutes les lois internationales, lois des crimes de guerre, lois des crimes de l’humanité, est tout bonnement inimaginable.

Et il faudrait manifester pour demander ?????????

La donne est sans aucune équivoque possible. Toutes ces aberrations ne peuvent être le fait que d’une chose.

Le monde ne protège pas les juifs, ne protègera pas les juifs, de la même manière qu’il ne s’est pas offusqué de la mise en œuvre de la solution finale, et ne s’est pas interposé.

Mais il faut appeler un chat un chat.

Ceux qui dénoncent le pseudo génocide commis par Israël, et qui ont surtout si vite mis de côté toutes exactions rappelées plus haut, ceux qui continuent d’agiter bien haut leur doigt accusateur contre Israël malgré toute l’information dont ils disposent, et entre autres les preuves innombrables que le hamas et ses supporters mentent, alors qu’Israël ne ment pas, ne pourraient échapper au qualificatif d’antisémite.

Antisémite Abou Mazen (que son nom soit effacé) qui a tranquillement soutenu une thèse négationniste et avec qui parlent les grands de ce monde (depuis la mort de son baveur prédécesseur ils sont dispensés de l’embrassade), antisémite et infréquentable à jamais, antisémite le chef suprême iranien, antisémite le président turc, antisémite le secrétaire général de l’ONU, et antisémites les petits acteurs de quartier, des humoristes de bas niveau aux représentants d’organisations qui même juifs s’affichent sans vergogne, l’écharpe hamas autour du cou.

Mais Israël depuis la gestation du peuple juif, puis depuis la création de l’état est porteur d’autres valeurs.

Nous ne nous abstenons pas de mentir pour respecter les lois internationales.

Les instances internationales ont suffisamment prouvé combien elles n’ont aucun poids.

Nous nous abstenons de mentir, de tuer aveuglément, par affiliation à la Torah.

Et Israël malgré l’immensité de cette tragédie du 7 octobre montre son visage de solidarité, de volontariat, de détermination et de vitalité.

Et comme le dit la belle chanson du folklore israélien, du film et du spectacle musical « halahaka » : « im zé tov veim zé ra, ein cvar derekh hazara ein cvar derekh hazara ».

Que ce soit bien ou non, qu’Israël ait été créée, que l’armée agisse éthiquement, que nous préférons la vérité au mensonge, et que les antisémites continueront de nous haïr, ne changera rien au fait que nous sommes là.

Et que ce pays renferme plus de qualités humaines et de raisons d’y bien vivre et même d’y prospérer, juifs ou arabes, religieux ou non religieux, habitants du centre ou de la frontière, sud ou nord, n’est plus à prouver.

Nous ramènerons les prisonniers, nous nous relèverons des traumatismes que nous aura causé le 7 octobre, que cela plaise ou non aux antisémites.

Le monde de la géopolitique d’Israël a été comme recréé depuis ce 7 octobre. Les palestiniens y ont laissé une quelconque légitimité à exister comme peuple. Pour le mal, mais peut-être aussi pour le bien.

Un bien qui proviendra plus du maguen david adom que de la croix rouge internationale aux bras liés et à la face bâillonnée.

Il n’y a pas à manifester ni pour supplier la croix rouge, ni « contre l’antisémitisme », il y a à agir, en tant qu’Israël.

dimanche 5 novembre 2023

chronique de Jérusalem - la version juive.

 

Samedi soir 4 novembre 2023, premier shabbat de novembre, quatrième de la guerre.


Presque incroyable d’écrire ces mots.


On a beau savoir qu’Israël a connu maintenant de nombreuses guerres, on a beau y vivre depuis quarante deux ans, on n‘avait pas encore vécu de véritable guerre.

On vivait au rythme des « opérations », chacune affublée de son nom plus ou moins imagé (« plomb fondu »), plus ou moins littéraire (« les raisins de la colère »), mais ce n’étaient pas des guerres. Opérations éclairs suite à tel ou tel enlèvement ou provocation.

On pensait avoir vécu la « guerre » du Liban, la première ou la deuxième, la « guerre du golfe », mais ce n’est que maintenant qu’on peut mesurer la différence.

Sans minimiser les autres, elles ne nous ont procuré que ce qui est avant-goût de ce que nous vivons ce dernier mois.

Le 7 octobre a été un événement dont il est déjà clair combien il s’inscrira dans l’histoire du moyent orient si ce n’est l’histoire du monde. Il a plongé Israël dans la stupeur et a créé un traumatisme qui nous accompagne depuis. Ce déferlement de barbarie à visage humain sur le sud du pays, sur ce qui s’appelait encore « la ceinture de Gaza », et qui a déjà été définitivement débaptisé encore le jour même, cette si gigantesque défaillance de nos systèmes de renseignement, de défense, d’écoute et de réaction, ont été sans comparaison avec des évènements précédemment vécus ou relatés.

Le monde a été aussi bousculé mais cela n’a été que le temps de quelques heures.

Depuis qu’Israël riposte, la presse et les hommes politiques de la plupart des pays savent surtout mettre en exergue les images de maisons détruites par les bombardements et les termes destruction, massacre, génocide, ne sont plus imputés qu’entièrement à Israël, les habitants de la bande de Gaza ayant reconquis instantanément leur sempiternel statut de malheureux, de misérables, de damnés de la terre.

Et c’est d’eux et surtout d’eux que parlent la presse et les haut-parleurs du monde soi-disant civilisé. Et ce sont les manifestations en soutien à Gaza qui sont l’activisme mentionné par la presse.

Du bas (et non du haut) de leur courte mémoire nous n’avons pas 1400 personnes assassinées le 7 octobre, bébés, enfants, jeunes femmes, vieillards, handicapés, civils, juifs et non juifs, assassinés aveuglément dans cette épouvantable actualisation de la férocité des mythes de l’histoire ancienne. Alors que Attila et ses huns se sont répandus sur notre territoire, nous qui avons été ce jour-là si impuissants face à eux. Un seul demi-jour d’inattention et tant de morts et de kidnappés ! Tant de sauvagerie..

À leurs yeux frappés de cécité sélective, nous n’avons pas 240 otages, aussi de tous les âges, de toutes les conditions, et de toutes les obédiences. Et nous n'avons pas d'enfants réquisitionnés ou appelés.

Nous avons de nouveau l’armée la plus professionnelle du monde, et donc la plus violente, et ce qui est au-devant de la scène est combien Gaza vit un désastre, un massacre, un génocide.

Et cela est scandé par les manifestations des rues parisiennes, londoniennes, newyorkaises et par ces champions des droits de l’homme et de l’humanisme que sont Erdogan ou Abou Mazen.

Champions de la cruauté quand il s’agit de leurs propres ennemis, mais aussi champions de la perversion de la langue. L’auteur d’une thèse négationniste « sait » quel est le véritable sens du mot génocide. C’est de lui qu’il faut l’apprendre. Celui dont le pays a perpétré le génocide du peuple arménien « sait » dire ce que sont les crimes contre l’humanité.

Nous avons le privilège d’avoir reçu de meilleures leçons.

Leçons de vocabulaire, mais aussi leçons d’humanité. Nous n’irons pas écouter les accusations couvertes ou découvertes du bon ton de la société européenne, et nous sommes tristes des vœux de paix incluant généreusement les deux côtés du champ de bataille. Parce que le seul message éthique qui ne soit pas obscène aujourd’hui est « qu’il y a un temps pour la guerre et un temps pour la paix » (Ecclésiaste 3, 8) et qu’aujourd’hui la guerre prévaut. Et aussi parce que « celui qui veut la paix doit s’armer pour la guerre » (si vis pacem para bellum).

On voit ici que nous sommes en guerre non par la multiplication des images de destructions ou des condamnations erdoganesques (ou mélenchonesques..) mais bien plus par l’ambiance israélienne.

Qui ne connait personne qui fasse du volontariat, qui en allant rendre visite ou pratiquer son métier dans les hôtels où sont logés les réfugiés ?

Qui n’est pas directement ou indirectement impliqué dans l’achat ou la revente de produits agricoles des régions frontalières du pays où la main d’œuvre a été assassinée (zone frontalière de la sinistre bande de Gaza), a pris la fuite ou a été provisoirement relogée ailleurs (zone du nord du pays, principalement du doigt de la Galilée) ?

Qui ne se trouve pas à prêter main forte en agriculture ? Je sais déjà beaucoup mieux qu’il y a un mois comment désherber un champ, conditionner pour la vente laitues ou fenouils, cueillir tomates ou poivrons…et je suis loin d’être seul quand je me programme une journée au kibboutz Karmiya.

À la maison, les portes sont relativement non cadenassées quand nous sommes de sortie, et fermées plus à double tour que jamais justement quand nous sommes à l’intérieur. « L’espace protégé » existant dans de nombreuses (mais en nombre encore insuffisant) demeures israéliennes est devenu espace de protection non uniquement contre les bombes lancées de loin comme on l’a toujours considéré mais aussi et de façon bien plus inquiétante contre les incursions à main armée…car qui n’a pas vu ou entendu les récits et les images des massacres du 7 octobre 2023 ?

Dans de nombreuses régions du pays, les journées et les soirées sont scandées par les alertes, heureusement le plus souvent suivies du boum de la destruction en vol du missile ou de la roquette.

Les écoles ne fonctionnent que partiellement : il faut ne pas faire entrer à la fois plus d’enfants que ne peut contenir l’abri.

À la communauté le groupe de soutien interfamilial a vu son activité se multiplier, à la synagogue, le nombre de fusils d’assaut dans la pièce, portés par des pères avec un enfant en bas âge sur le bras est aussi impressionnant et sans comparaison avec le vécu des trente dernières années.

Les journalistes et les politiques de la presse internationale préfèrent montrer encore et encore les ruines de Gaza et appeler encore et encore à la paix. Appeler à museler cet Israël assoiffé de sang. À l’empêcher de détruire Gaza et sa population civile. Vraiment ?

Les kibboutzim et autres villages qui ont été sauvagement et cruellement attaqués le 7 octobre, et pour certains amputés de plus de la moitié de leur population - civile pour le coup, une partie exterminée une partie kidnappée, étaient - et seront - habités par de nombreux pacifistes. Personnes actives au transport de malades depuis Gaza jusqu’aux hôpitaux israéliens, personnes ayant créé ou membres actifs de telle ou telle ong œuvrant pour la paix…Ces pacifistes, ces enfants, ces vieillards, ces invalides étaient autant de cibles des brutes de violence aveugle du 7 octobre .

Israël ne frappe pas aveuglément. Je connais suffisamment aujourd’hui de soldats, conscrits ou réservistes sous les drapeaux, au front ou en deuxième ligne pour croire aux récits, témoignages et déclarations de combat éthique non vengeur et pour prendre mes distances du fiel qui sort de la plume ou la bouche de ces détracteurs d’Israël.

Aucune idéologie juive (aux siccariotes de l’antiquité et à Kahana d’aujourdhui près) n’a jamais appelé à la violence, encore moins à la vengeance, et c’est encore ce que l’on entend aujourd’hui dans les lieux de réunion si on se donne la peine de bien vouloir aller écouter.

La prière du samedi matin est, dans notre communauté comme dans la plupart des synagogues du monde juif, accompagnée d’un discours en relation avec la portion de Torah lue la même semaine.

La semaine dernière, l’orateur, par ailleurs individu connu en Israël par ses interventions quotidiennes sur les chaînes radiophoniques, l’orateur lui-même directement touché par la situation voyait le lien dans la personnalité généreuse, altruiste et désintéressée du patriarche Avraham.

Le peuple juif est revenu habiter sur sa terre. Non du fait d’un quelconque message colonialiste mais bien dans la continuité du message transmis de parents à enfants de génération en génération « l’an prochain à Jérusalem ». Le peuple juif a dû faire face à plusieurs guerres d’extermination, la dernière en date faisant encore rage, et il continue à souhaiter la cohabitation, à ses kahanistes près. C’est ce son de cloche que l’on souhaiterait plus fortement exprimé par les médias, par les ambassadeurs officiels et officieux.