mercredi 12 septembre 2018

« L’insulte », de Ziad Doueri. Pour le nouvel an commun ?


« L’insulte », de Ziad Doueri, est un nouveau film (2017), qui existe déjà ici en cd, alors que je ne suis pas sûr qu’il ait déjà été projeté en Israël, alors que je ne suis pas sûr que son destin n’est pas les oubliettes, justement pour avoir été trop bon...

C’est un film libanais, qui parait présenter une (triste) réalité, et ma première réaction, encore avant de voir le film jusqu’au bout, a été de louer le ciel de ne pas vivre au Liban, en tout cas en tant qu’israélien.

Un film cependant très investi dans le but de faire découvrir au spectateur combien de couches peuvent être sousjacentes à ce qui pourrait n’apparaître que comme une broutille, comme une querelle de pallier, et ceci d’autant plus quand la scène est au moyen orient, d’autant plus quand le sujet inclut les palestiniens.

Et ainsi, une scène de la rue, dans laquelle un homme marié et sur le point de devenir père, qui s’en prend apparemment par excès d’impulsivité à un chef de travaux qui tente en toute innocence de ne faire qu’accomplir son devoir, dégénère en drame national dans lequel s’affrontent les sensibilités blessées - et à vif - des arabes chrétiens d’un côté et des palestiniens exilés au Liban de l’autre.

Un film qui s’il me pousse à remercier le ciel de ne pas m’avoir fait vivre au Liban, devrait me pousser aussi à remercier encore plus de ne pas m’avoir fait naître palestinien vivant au Liban.

Un film qui fait réfléchir sur les racines de cette situation inextricable(?) qui est celle des palestiniens, et sur laquelle on ferait bien de méditer, surtout si on cherche à aider à résoudre le conflit israélo palestinien.

Bien que la scène du film traite entièrement d’une affaire libanaise interne, il est quand même question, abondamment, des israéliens. Mais on voit surtout à mon avis combien les palestiniens sont non tant victimes des israéliens que de leurs propres dirigeants et avocats.

Je me suis trouvé par hasard il y a bientôt vingt ans à Londres au mois d’avril, aux alentours du yom haatsmaout israélien, et je me souviens de ma surprise en tombant soudain face aux « houses of parliament » sur une manifestation de haine à l’encontre d’Israël en souvenir de Deir Yassine.

Pour ceux qui ne l’ont pas en mémoire, Deir Yassine était un village alors aux alentours de Jérusalem, un village qui fut le lieu d’une tragédie (dont tous les tenants et aboutissants n’ont d’ailleurs pas encore été complètement élucidés) et la thèse la plus populaire et admise jusqu’ici est que c’est le lekh’i, le groupe israélien aux ordres de Yaïr Stern qui aurait massacré cent des habitants au cours de la guerre d’indépendance, très exactement le 9 avril 1948. Ne manquent pas les études sur le sujet, entre autres celles qui montrent qu’il ne s’agit nullement du sauvage massacre que retient l’opinion internationale. ici aussi, un peu comme dans d’autres cas, il y a une thèse admise, très très difficile à effriter..

Mais, sans pour autant exonérer d’une quelconque manière les auteurs de ce massacre, qui furent-ils, ce film montre que les palestiniens sont bien moins exposés à la violence face à Israël (opérations contre Gaza comprises) que face à la vindicte contre eux dans les pays arabes, Jordanie, Liban ou certainement aussi Syrie, Egypte, Koweït, Qatar ou autre.

Les israéliens sont régulièrement la cible d’insultes, de manifestations, de condamnations internationales à chaque fois que la situation s’embrase militairement (depuis vingt ans cela se « limite » à la bande de Gaza, d’où le hamas orchestre un retour régulier au conflit armé), mais ce film met en lumière combien les palestiniens sont incomparablement plus exposés à la haine quotidienne et à la discrimination, ainsi qu’à la soif de vengeance, dans un pays comme le Liban qu’en Israël, combien la violence interarabe est supérieure à ce qu’il se passe face à nous israéliens.

En Israël, tous n’aiment pas les palestiniens, loin s’en faut, il y a eu suffisamment d’attentats et de pertes humaines en cent vingt ans de sionisme pour que chacun ici ait son - ou ses - souvenir/s personnel/s, quand ce n’est pas son amputation personnelle, mais la haine à leur égard parait bien moins à fleur de peau parmi la population israélienne que ce que ce film décrit, qui se veut une description fidèle de la réalité libanaise.

Je crois de plus qu’une situation similaire à celle décrite dans le film ne pourrait pas se produire aussi crûment dans la société israélienne, c’est à dire dans une société où peut-être les palestiniens se sentent aussi mal acceptés que dans les pays arabes alentour mais où les habitants (juifs israéliens) n’ont pas une rancune comparable à celle qui est décrite dans le film à l’encontre des palestiniens, et je n’oublie pas qu’il y a eu Abou Khder.

L’arabe chrétien libanais au centre du scénario, qui essuie une insulte de la part d’un chef de travaux palestiniens a un passé émotionnel bien plus lourd à l’encontre des palestiniens que tous les israéliens, je crois pouvoir dire, même ceux qui ont perdu un proche dans un attentat.

Les palestiniens n’ont eu ici le loisir de commettre aucun massacre collectif (et je n’oublie pas Maalot, quelques 70 morts, le lynch de Ramallah...et quand méme.) et c’est si j’ose dire non seulement notre chance (à notre crédit) mais aussi la leur, et ils n’ont essuyé en Israël rien de comparable à ce que la Jordanie, le Liban ou autres leur ont fait subir.

Ils se sentent probablement mal intégrés ici, non souhaités, mais y compris tout le passif des cent vingt dernières années, leur situation est meilleure sans comparaison avec tout ce qui les attend dans le monde entier, comme je le disais en haut, entre autres (et surtout) du fait de ceux qui les mènent et de ceux qui les défendent (depuis l’UNRWA jusqu’aux hérauts de la gauche européenne ou américaine antisionistes), attachés les uns comme les autres à mettre en exergue éternelle leur prétendue misère à cause d’Israël, sans apparemment la moindre intention de vraiment les aider ou les encourager à se développer.

Ce film très émotionnel, et assez peu optimiste, se termine cependant sur un échange, sur une scène dans laquelle les regards des deux antagonistes se rencontrent soudain sans animosité. Puisse cet embryon de sourire qui apparait alors sur leurs deux visages augurer de ce que nous arriverons peut-être à faire.