vendredi 31 août 2018

Contre l’uniformisation de la pensée.





Trois sujets qui ne sont apparemment pas liés l’un à l’autre mais au sujet desquels je rencontre le même décalage de pensée, et où je me trouve comme face à l’interdiction de penser ce que je pense, et un quatrième qui élargit le champ.

1.   Je trouve le titre suivant dans l’Express :”ces psys qui ont voulu guérir mon homosexualité », sous-titre : « en réponse au pape ». Je lis l’article, où une femme de bientôt 60 ans raconte comment elle a été comme abusée et conduite au suicide à l’âge de 17 ans, pour seul délit d’avoir été homosexuelle...et je dois avouer qu’en tant que professionnel de santé mentale, exerçant depuis plus de trente cinq ans entre autres avec des adolescents, je trouve entre les lignes de cet article bien d’autres choses. Je trouve par exemple que les parents d’une jeune fille mineure étaient désemparés, peut-être seulement entre autres, par le fait qu’elle avait une relation amoureuse, non seulement lesbienne, mais avec une femme de 38 ans. Je trouve écrit qu’elle a été vue et même hospitalisée par des psychiatres, que ceci se passait non au moyen âge mais en 1978 (et pour les gens de mon âge canonique ce n’est pas la préhistoire) et je trouve aussi que son père a demandé des excuses à sa fille sur son lit de mort « pour ce qu’il avait fait ». Je crains de n’être devant un article non écrit par quelqu’un qui comprend la sociologie et la psychologie de l’adolescence mais par quelqu’un qui cherche à aller vite, et avant tout à contrer les propos homophobes du pape. C’est à dire que le sujet ici est « ce que le monde moderne exige que l’on pense au sujet de l’homosexualité » et le militantisme contre une pensée qui va dans l’autre sens. Je lis en effet concernant cette femme qu’elle était une adolescente en souffrance, peut-être aussi en révolte contre ses parents, je lis qu’elle a été abusée par une femme âgée, qui aurait pu (dû) être jugée pour détournement de mineur - et ceci est passé sous silence par le journaliste (il y a prescription, mais il y a ici presque complicité ), et je suppose que l’hospitalisation était parce que le psychiatre a craint un état suicidaire, ce qui s’est confirmé (le journaliste appelle cela : « le psychiatre l’a conduite au suicide »...il doit écrire dans d’autres cas que l’oncologue a induit le cancer chez le malade...). Cet article est donc un détournement d’un cas clinique, l’utilisation d’un cas clinique au profit d’un courant de pensée, et quand je tente de réagir  comme me le propose obligeamment la rédaction je me retrouve face à l’unique possibilité de cocher entre quatre possibilités, et nullement la possibilité de dire ce que je pense, c’est à dire que cet article m’a en premier lieu scandalisé pour tout ce que je viens de développer. Et cela, il n’y a pas de place pour que j’aie le droit de le dire.

2.   Alain Michel produit un petit film, énième épisode du feuilleton de son combat autour du rôle de Vichy dans la shoah, il le publie sur le site des e.i.s et une des - très peu nombreuses - réactions tient à la « consternation de trouver de telles idées sur un site e.i. » J’écoute la vidéo et n’y trouve rien, ni de proVichy, ni de fascisant, et me reviennent les termes que j’ai plusieurs fois entendus de la bouche d’Alain, « on me condamne parce que je m’élève contre la doxa ». C’est vrai qu’Alain mène ici un combat qui ressemble à celui de Don Quichotte, et c’est vrai qu’il ne tient pas assez compte du fait que son discours plait aux pétainistes, encourage la réhabilitation de Pétain, et qu’il devrait donc la mettre un peu en veilleuse. Et il est possible que la jalousie de Paxton qui est dénoncée et lui est reprochée n’est pas absente de son combat, mais concernant la doxa, il se passe qu’Alain Michel se fait condamner et fermer la bouche surtout parce qu’il pense autrement. Et parce que ce qu’il pense est à contre courant.

3.   Le gouvernement israélien a fait voter la fameuse loi nationale, qui est presque universellement condamnée et le mot apartheid est sur toutes les bouches. Et ici aussi, je ressens en marge de la vraie question (combien cette loi est véritablement le signe d’une dérive fascisante de l’état d’Israël) l’interdiction de penser à contre courant. Je ne vois pas qu’il soit licite de poser le problème en disant : « c’est vrai qu’au nom des systèmes démocratiques avancés, l’égalité de droits est primordiale pour les citoyens d’un pays. C’est vrai que les exemples ne manquent pas de pays dans lesquels des minorités ont été opprimées et que le pire et le plus emblématique de tous a été l’apartheid de l’Afrique du sud. Mais notre cas est-il celui de l’Afrique du sud ?  Alors que tout le monde sait que le cas est différent. Tout le monde vit ou au moins assiste à la situation israélo-palestinienne et peut se faire une idée de sa complexité. En deux mots, il parait clair que le monde arabe ne peut officiellement pas se permettre d’accepter l’existence d’Israël à la place (non aux côtés) de la palestine, arabe et uniquement arabe à leurs yeux. Cela n’est que le discours du hamas et du hisballah mais tout le monde peut voir que même un Abbas est mû par cette tendance. Et il doit être clair aux yeux de tout juif qui souhaite un état juif que le jeu de la démographie est un jeu interdit. Israël ne peut pas se permettre qu’un arabe soit élu premier ministre, que les juifs soient minoritaires au gouvernement parce que cela n’irait nulle part ailleurs que vers la destruction d’Israël, à terme moyen ou immédiat. Et il est difficile de ne pas voir que les arabes, barrages et difficultés administratives mis à part non seulement ne vivent pas mal en Israël, mais vivent mieux sous domination israélienne que sous toute autre alternative arabe. Alors, leurs droits ne sont pas identiques aux droits des juifs, et ce gouvernement vient l’ériger en loi. Mais cela impose-t-il de voir en cela une démarche fascisante ? Cela impose-t-il de reprendre pour qualifier la situation un terme qui est surtout au service de tout le mouvement international antisioniste (bds entre autres) ? Ici aussi, penser à contre courant est comme impossible, on est tout de suite taxé de fascisme.

4.   Un article de Jérome Blanchet-Gravel, sur causeur.fr au sujet des réactions suite au mariage de Vincent Cassel, il y a quelques jours au pays basque.

Je le dis haut et fort : je ne suis pas homophobe, je ne suis pas pétainiste, et je ne suis pas favorable à un quelconque apartheid ou même une discrimination des arabes en Israël, et pourtant je me distancie du journaliste de l’express comme l’est de l’ouest, je suis prêt à écouter Alain Michel sans avoir l’impression de soutenir le fascisme, et si je déplore que ses hérauts soient aux commandes du pays, je ne condamne pas cette loi, et encore moins au moyen d’un terme qui consiste à verser de l’eau au moulin de mes ennemis. 

Et existe une certaine tendance à vouloir voir chez la gauche un voeu et une mise en oeuvre de meilleures conditions sociales, de pensée non rétrograde, non conformiste, non réactionnaire, non fascisante. Mais j’ai vu que le fascisme de gauche, que la dictature de gauche ont existé, existent, et ont peut-être fait plus de dégats que le fascisme de droite, celui tant et tant dénoncé par une gauche qui ne se rend pas compte que tant de dénonciations la conduisent au fascisme de gauche, à l’endoctrinement et à la dictature de la pensée, au « totalitarisme soft avec des airs de bohème » comme le disait si bien un Jérome Blanchet-Gravel que je ne connais pas (qui s’oppose au multiculturalisme, qui est taxé comme « de droite ») mais dont j’appréciai le discours, et en tout cas je ne considère pas qu’être de gauche immunise contre le fascisme.

Réagissez. Répondez-moi. Suis-je désormais « de droite »? Fascisant?


4 commentaires:

  1. Bonjour Jean. Une fois n'est pas coutume j'ai lu ta chronique. Tu demandes des réponses à tes questions existentielles qui sont parfois aussi les miennes. Je crois que la réponse est : nous sommes vieux. Les mentalités ont changé. Ce qui nous semblait anormal s'est "normalisé", ce qui nous semblait normal est devenu intolérable, et nos enfants nous regardent comme nous aurions regardé nos grands-parents qui prononçaient des jugements de valeur qui nous semblaient inadmissibles. J'avoue que c'est très déstabilisant. J'espère néanmoins t'avoir rassuré :) Sur ce, je souhaite à toute la tribu Pisanté CHANA TOVA, loin des tourments et des malheurs.

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  2. Ce que pose Jean est une question essentielle à laquelle Marianne V répond complètement à côté. Le problème n'est pas de savoir si ce que dit Jean vient d'un "vieux" mais si on peut dire quelque chose qui soit différent de la pensée unique du moment, que cette pensée différente vienne d'un vieux ou d'un jeune, on s'en bat les coquillettes.

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  3. La psy je ne sais pas.
    J habite en France et vu d ici un système officiel de droits differents pour des citoyens d un même pays paraît inacceptable.
    Le fait de s indigner qu' un mec épouse une fille qui pourrait être là sienne ne devrait pas amener à saccager une mairie ni à tenir des propos racistes mais ce n est pas ragoutant franchement .
    le problème d Alain c est la forme qui permet à ses détracteurs d attaquer le fond
    Le gauchisme ne préserve en rien de la connerie on est d accord
    Je crois que ce qui change c est la virulence des réactions due à leur diffusion par les réseaux sociaux .
    Savoir si tu es devenu un vieux réac....Je te laisse seul juge😚

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    1. D’accord pour Alain, laissons le sujet psy hors champ, mais pour celui de la citoyenneté, tu rentres exactement dans ce que je dénonce : que l’on juge un problème à partir de doctrines. Or la démocratie pure, posée comme tu le fais - et comme cela est posé en termes européens - ėchoue à résoudre le problème israélo palestinien. Et qualifier cette loi de fasciste ne résoud pas non plus le problème. Il faut continuer à réfléchir et cesser de vouloir appliquer toutes les doctrines a tous les contextes. Et qui es-tu à part ça ? À qui ai-je l’honneur ?

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