jeudi 19 mars 2020

Pourim - Pessah’ à l’ombre du corona 2



Je me suis rendu compte que je n’avais pas été ni le seul ni le premier à évoquer la ketoret..

Je me suis même demandé dans quelle galère ne m’étais-je pas embarqué...à quels comparses n’allais-je pas être associé ?

Les posts, appels, prières publiques au nom de la ketoret comme « anti épidémie » sont légion et ils ne sont pas tous dépourvus de primitivisme, pour le moins...

Et pourtant, je veux continuer...mais en tentant au maximum de traiter le sujet sur le mode que je me suis mis récemment à intituler le mode du « super iyun » ou mode de tentative (à la mesure de mes menus moyens) d’approfondissement maximal (toutes proportions gardées « à la Chouchani »).

Et la tache est relativement ardue avec la ketoret...parce qu’en fouillant même beaucoup de textes, on trouve à revendre les mêmes superlatifs...sans arguments, et peu de textes à développement « nourrissant ».

Au nom de ces superlatifs, la ketoret est la potion magique. Et il convient surtout de s’en persuader.

Et nous préférons poser la question « pourquoi » ? Eh il semble qu’on ne trouvera la réponse à cette question qu’en y réfléchissant...ce qui est toujours conseillé.

On trouvera quand même quelques remarques intéressantes, chez Rashi par exemple au sujet de l’insertion d’une malodorante parmi dix plantes « bon odorantes » : cela vient selon lui indiquer que la communauté (dont le chiffre 10 est le pradigme) peut être de bonne odeur (renommée ?)même en contenant en son sein quelques éléments négatifs, ou mieux encore : il faut inclure les négatifs, et non les extraire.

On trouvera aussi que la myrthe figure au nombre des ingrédients, et que si elle sent bon, elle n’en est pas moins amère et déplaisante à consommer et que ceci peut être vu au niveau allusif.

On trouvera aussi qu’une des vertus de la ketoret était de parfumer toute la ville de Jérusalem quand on la brûlait, et que cela présentait entre autres l’avantage d’éliminer l’odeur du sang des sacrifices. La ketoret est ainsi à l’image de ce que laisse derrière lui un individu qui fait du bien. Son parfum est à même de couvrir les odeurs les plus pestilentielles.

On trouvera aussi - et surtout, dirais-je - , et une nouvelle fois dans Rachi, que la ketoret n’arrête pas l’épidémie de Korah du fait de son essence, mais pour donner justement le contre pied à ceux qui la voyaient, après l’épisode de la mort de Nadav et Avihou et des 250 comparses de Korah’, comme vecteur de mort. Le commentaire de Rachi a la grande vertu de déconnecter la ketoret en elle-même de son effet. Elle n’a ni l’essence de poison ni de pseudo essence de potion magique.

Mais alors, que vient-elle nous apporter ? Et encore, pourquoi le rituel lui fait-il cette place de choix ? Et entre autres en attendant que la lecture de sa composition joue un rôle en cas d’épidémie..?

Entre dans la préparation de la ketoret un ingrédient que l’on appelle en hébreu « maaleh ashan », et qui désigne la plante fumigène qu’il fallait utliser de manière à ce que la fumee de l’encens monte droit en non en volutes. La tradition mentionne un secret, que ne possédait qu’une seule famille, de l’utilisation de cette plante (un peu comme le fameux parfum afarsémon dont seuls les habitants d’Ein Guédi possédaient - et conservaient jalousement - le secret).

Ressort principalement de ce détail que ce que fait surtout cette ketoret est de relier le ciel et la terre, le monde d’en bas et le monde d’en haut.

Et c’est peut-être autour de cette notion qu’il faut chercher l’explication du rôle de cette ketoret : elle fait jouer de concert
les éléments dont l’homme a le contrôle et ceux qui lui échappent. Elle pourrait avoir pour rôle d’exprimer haut et fort que certains événements sont le fait de quelque chose qui dépasse l’homme, et que l’homme sait accepter cela malgré son désir de domination de tout ce qui l’environne.

Cette épidémie vient comme re-battre nos cartes. Et plusieurs en ont déjà l’intuition. Elle vient comme nous mettre en exergue que le monde et ses commandes sont au-delà des capacités humaines, et la ketoret est l’expression de la reconnaissance humaine de cela.

Dire la composition et la préparation de la ketoret, ainsi que la brûler ne sont pas obligatoirement l’expression de l’affiliation aux thèses déterministes. L’homme fait quelque chose, dit quelque chose. Et ce qu’il dit témoigne de sa bonne volonté à accepter de se plier à certains rites, voire à leur accorder de l’importance même s’il ne comprend pas les règles du fonctionnement de tout cela.

Freud voyait dans la blessure narcissique quelque chose qui est de nature à faire avancer l’humanité. Il avait probablement raison.


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