jeudi 19 août 2021

En pique-nique à Palmes

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Palmes est un lieu-dit qui figure sur les cartes détaillées uniquement. Palmes, est indiqué depuis l’entrée de l’adorable petit village de Campoussy comme « chemin de Palmes », « château et chapelle », indiqué par la municipalité alors que le lieu est privé, non ouvert au public.



Le Château et la Chapelle sont peu éloignés l’un de l’autre, au milieu d’un énorme espace planté de résineux et de divers autres arbres pour une part, et parsemé de cistes pour une plus large surface, au point qu’à la période de floraison, en juin, la montagne parait couverte de neige.




Depuis les alentours du château, ou de la chapelle, on voit au loin Campoussy, Sournia un peu plus important, et quelques rochers les uns ordinaires, les autres plus particulier, tel celui qui ressemble à une mâchoire de crocodile, ou cet autre,
le Roc Cornut, comme posée en équilibre sur un socle, sur lequel un homme seul pouvait aisément la faire se déplacer jusqu’au jour d’orage où la foudre lui est tombée dessus, l’immobilisant pour toujours, mais on distinguerait difficilement une présence. Paysage désert…aujourd’hui en 2021. Combien cela devait-il être encore plus vide en 1944, quand, en plus la route, la seule route qui relie cette montagne à Prades, n’était qu’un chemin rocailleux.

La chapelle St Just
& St Pasteur est du douzième siècle. S'y perpétue – en privé - la tradition de la Pentecôte avec une cérémonie annuelle réservée aux membres de la famille propriétaire des lieux et aux proches. A l’arrière de la chapelle, deux cèdres qui furent plantés il y a quelques 80 ans par la famille (pour les fiançailles de Georges Jaubert et Marie Rotgé me précise-t-on).




A l’intérieur de la chapelle, un autel en pierre, quelques colonnades sous l’alcôve, et quelques statues
récentes, la plus remarquable en l’honneur de Jean-Baptiste, se trouve là, don de Jeannot Soler, en reconnaissance d’avoir survécu à un terrible accident de voiture en décembre 1946.

Jeannot Soler
(Sous lieutenant FFI) ainsi que ses parents qui avaient le métayage de Palmes, ainsi que Michel Perpinya, qui avait 14 ans et logeait en partie à Palmes, en partie à Mosset, étaient les occupants fixes du château cet hiver de 1944, quand les soldats allemands firent irruption la nuit du 22 février, nuit de la mi-carême, dans la petite maison du 1 rue Nationale - nommée de nos jours général de Gaulle - à Prades, maison dans laquelle vivaient depuis 1940, les familles Fliederbaum (Salomon et Rachel , Borenzteijn (Eva et Bernard et leur fils Jeannot), et Friedman (Lonia et sa fille Odette).

Toutes ces neuf personnes survécurent à cette irruption grâce à la cachette qu’avaient aménagée pépé (Salomon), Bernard Borenzteijn et monsieur Sala), pendant les quelques 18 mois où les deux premiers n'avaient dû ni sortir ni se montrer, suite à l’invasion de la zone libre par les allemands ainsi qu'une chambre prise sur l'espace du grenier. Dans la chambre put se réfugier plusieurs mois un neveu des Sala, François, dont le père se livrait à Cerbère à des opérations illégales aux yeux de la gestapo. La cachette ne servit qu'une nuit…mais rien n'eut pu mieux justifier sa création.

Les allemands cherchèrent les habitants de la maison, menacèrent Jeannot - qui était lui dans son lit - de leurs armes, interrogèrent les Sala - qui habitaient aussi la maison mais n’étaient pas juifs et n’intéressaient donc pas les soldats -, et repartirent bredouilles…non sans avoir mis les scellés. La famille était sauve mais le lieu était grillé.

Quelqu’un
dénommé "Monsieur de Prades" dans les souvenirs d'Irène (était-ce Charles Bauby ?) suggéra que la famille parte se cacher à Palmes.

Lonia et Odette (grâce à un autre voisin du nom de Marceau) étaient sous la protection de mademoiselle Quès, institutrice, et se cachèrent chez elle au village de Vinça, sur la route de Perpignan.

Mémé (Rachel) et ses deux filles (Mathilde et Irène) furent abritées une semaine dans la maison des Salvador. Les Salvador étaient proches du groupe depuis l'arrivée à Prades. Lui, employé à la mairie, elle, Juliette, directrice de l'école maternelle et bibliothécaire de la bibliothèque municipale, de laquelle Lonia était une lectrice assidue. Joseph Salvador, dont la fille Renée était en classe avec Mathilde, travaillait à la mairie et il leur procura des fausses cartes d'identité, avec lesquelles elles partirent tenter de retrouver un représentant par qui elle pensait pouvoir se faire aider, ce qui s’avéra une fausse piste.

Salomon (pépé) et Rachel (mémé) Fliederbaum avec Mathilde et Irène.

Ceux qui ne pouvaient prendre le risque d’être vus au grand jour, pépé (Salomon), et les Borenzteijn auxquels se joignirent Shlomo Borenzteijn et Léni (la fiancée de Jacques Borenzteijn qui se trouvait depuis deux ans en Espagne), partirent pour Palmes.

La chapelle, en principe inutilisée et fermée était
un des lieux de réunion des maquisards de Rabouillet-Sournia (aussi nommé« Maquis de Sansa» qui participera à la libération de Perpignan le 18 Août 1944). Le château, qui n’était en fait plus qu’un donjon du moyen-âge auquel étaient adossées quelques espaces dont une bergerie, était habité par les Soler, deux parents leur fils, Jeannot, alors âgé de 18 ans, et Hugo, ami de Jeannot.

Au fil de l’hiver et du printemps, Rachel et ses filles, ainsi que Lonia trouvèrent finalement à s’installer à L’Isle Jourdain, tandis que les habitants de Palmes se tenaient dans la clandestinité, tenus au courant de l’évolution de la guerre en particulier par Jeannot Soler qui allait tous les jours à Campoussy, un peu aux courses, surtout aux nouvelles.

Tout le monde attendait alors le débarquement des alliés qui n’en finissait pas de ne pas se produire, malgré de nombreux signes avant coureurs.

C’est début juin que la partie de famille de L’isle Jourdain reçut un message de ceux de Palmes : « venez nous rejoindre, nous partons en Espagne » !

L’Espagne est relativement proche de Prades et ses environs. 35 kms à vol d’oiseau. Et beaucoup de gens passèrent la frontière par les montagnes, dans le sens Espagne-France au moment de la guerre d’Espagne en 1936, ou comme Pablo Casals fuyant le régime franquiste en 1950, et dans le sens France-Espagne pendant la guerre de 39-45.

C’est ainsi qu’Yvette et ses parents, Yehiel et Malche Buzyn, n’étaient plus à Prades alors qu’ils y avaient aussi atterri après la rafle du vel d'hiv de juillet 1942. Ils étaient passés en Espagne, poursuivant après vers le Maroc où ils vécurent jusqu’à la libération. C’est ainsi que se trouvait en Espagne Jacques Borenzteijn, frère de Bernard et de Shlomo, qui réussissait - enfin, de son point de vue - à les faire se décider à tenter le passage.

Ce n’était pas un passage de tout repos. Les Pyrénées ne sont pas terriblement enneigés l’hiver mais le climat est rude. C’est la montagne. Et puis les allemands surveillaient farouchement la frontière.

Rachel reçut la carte et se mit immédiatement en route. Non pour se joindre au convoi comme l’y invitait Salomon. Pour s’opposer au convoi.

Elle avait la conviction intuitive qu’il ne réussirait pas. Ayant déjà rêvé en janvier 44 que quelqu’un lui disait : « à la mi-carême, ils viendront vous chercher », et la « prophétie » s’étant tristement réalisée, elle était loin de prendre son intuition à la légère. Les discussions au sujet de l'Espagne existaient entre les membres de tout ce groupe depuis 1940, et le groupe était clivé. Jacques était le "chef" du pour, Rachel, le "chef" du contre.

Elle et les filles firent donc tout le trajet (215 kms qui sont le contraire d’une autoroute fréquentée), en autocar, train, autocar et voiture à cheval, pour atteindre finalement Palmes le 5 juin dans l’après-midi.

Il n’y avait que peu de temps, le passeur ayant annoncé que le lendemain matin était le jour propice au passage et qu’ils partiraient aux aurores.


La discussion fut âpre. Seul Salomon se laissa convaincre. Les autres partirent.


Et le sort voulut que ce jour était celui du débarquement. Irène se souvient de Jeannot Soler revenant surexcité de Campoussy, essoufflé et criant « les alliés sont là ! », tandis qu’Irène, âgée alors de 13 ans, les cherchait des yeux alentour et ne parvenait pas à les apercevoir.

La nouvelle s’était répandue comme une trainée de poudre…si bien qu’un gradé du bureau de la gestapo de Prades jugea que le moment était venu pour lui de déserter.

Les allemands entreprirent de le chercher, lancèrent toutes leurs troupes à sa poursuite…et c’est le petit groupe des Borenzteijn qu’ils trouvèrent, et arrêtèrent.

La cerise sur ce tragique gâteau est qu’à leur vue, Eva s’évanouit de frayeur et disparut dans les cistes. Les allemands ne la virent pas. Quand elle revint à elle, il n’y avait plus personne aux alentours. Elle n’osa pas retourner à Palmes et se rendit tant bien que mal à un des proches villages (Sournia ou peut-être Sirach ?) où une femme du village la recueillit…avant de la dénoncer quelques heures plus tard.

Les Borenzteijn furent envoyés à Drancy et sont parmi les 1156
 personnes ayant constitué l’avant-dernier convoi pour Auschwitz, numéro 76, qui partit le 30 Juin 44.






Ne revint que Léni…dans les catastrophiques états physique et mental que l’on peut imaginer.

Palmes avait tourné au vinaigre. Et en plus, ce lieu aussi étant grillé, il fallait fuir à nouveau.

Les Soler proposèrent gracieusement leur appartement de Perpignan, où la famille Fliederbaum finit la guerre avant de remonter en septembre sur Paris « reprendre la vie normale » ou plutôt redémarrer à zéro, dans l’ambiance générale de rationnement et de règlements de comptes.

L’histoire de Palmes resta importante dans la mémoire familiale, évoquée de ci de là, et ressurgit deux fois.

La première lors de la visite à Jérusalem de Maurice et Hélène Ruiz, anciens bons voisins de Wissous. Lors du repas familial, et eux ayant aussi quitté Wissous pour aller s’installer sur les lieux d’enfance de Maurice, à Villefranche de Conflent, le sujet de la guerre passée à Prades fut évoqué, ainsi que l’épisode Palmes. Maurice sursauta alors : « comment connaissez-vous Palmes ? Ma sœur est une des propriétaires de l’endroit ! ». La demi-sœur de Maurice, Solange, était mariée à
Philippe Bauby.

Irène et Henry rendirent à leur tour visite aux Ruiz, et retournèrent alors à Prades ainsi qu’à Palmes, et rendirent visite à mademoiselle Quès.

Nous y étions passés l’été de mes treize ans…par hasard (c’était l’été qui suivait mai 68 et les projets originels n’avaient pu se réaliser, on opta donc pour Prades) mais les hasards existent-ils ? Jeannot avait perdu la vie juste après ses treize ans…et un Jean, fils de sa cousine germaine et meilleure amie de l’enfance, revenait sur les lieux presque exactement au même âge….

Ils s’y rendirent une nouvelle fois, en 1996, accompagnés cette fois par Ayala et Ichaï, pour participer à la cérémonie de remise posthume de la médaille des justes aux Salvador. Ce jour, ils frappèrent à la porte de la maison de l’avenue du gl de Gaulle, purent entrer…et constater que la cachette était toujours intacte ! 52 ans plus tard !









Prades aussi était restée centrale dans la mémoire familiale. Tant de membres de la famille y étaient passés. C’est là-bas que Yankeleh, premier mari de Lonia, et donc père d’Odette, mourut du typhus suivi de complications cardiaques et fut enterré à Perpignan.

Jacques, Lonia et Odette 

Prades, petite bourgade au pied du mont du Canigou, a ainsi beaucoup d’atouts, et une assez riche histoire. Accueil des exilés de Menton, accueil de républicains espagnols, accueil de l’exode parisien, et aussi depuis l’arrivée de Pablo Casals, festival de musique annuel.


La population parle le français avec le pittoresque et fort accent du sud, qui laisse entendre le catalan sous jacent. C’est ici la Catalogne. Les panneaux indicateurs sont écrits tant en français qu’en catalan…et peut-être le judaïsme y a aussi un passé : sont restés célèbres dans la tradition de relativement nombreux rabbins d’époques diverses, depuis rabbénouYonah, tossafiste connu, qui s’opposa au rambam depuis Perpignan, jusqu’au Méïri dont les commentaires du talmud sont étudiés jusqu’à aujourd’hui dans de nombreuses yeshivot desquelles les élèves ignorent tout de l’histoire et de la géographie locale. Certaine tradition soutient que beaucoup de portugais d’aujourd’hui ont du sang juif sans le savoir, le même principe s’applique à la Catalogne, et donc probablement aussi à la population de Prades.

Serait-ce une des sources d’une certaine tradition résistante ? Eva aurait donc été livrée aux allemands par une dame
peut-être de Sournia ( ou Sirach), mais toute la famille a pu vivre à Prades - où la population les savait juifs, et surtout la famille a pu être protégée et cachée, à Palmes pour pépé et les Borenzteijn, à Vinça pour Lonia et Odette, même après l’arrivée des nazis, par les familles Salvador, Bauby, Sala, Marceau, Quès et Soler.

Pour rattacher cette histoire très privée de notre famille à l’histoire de la résistance locale, Paul Bauby, père de Laurent, avec lesquels nous pique-niquons ce 1 août 2021, est né à Prades le 15 avril 1944….3 jours après l’arrestation le 12 avril 1944, puis la déportation vers Neuengamme de son grand-père, le commandant Michel Doutres, qui a une rue à son nom à Perpignan, pour avoir dirigé sur cette région le réseau du Vernet avec des actions de résistance face à l’envahisseur nazi.


La deuxième résurgence de Prades se produisit quelques 20 ans plus tard, alors que j’écrivais quelques lignes de cette longue histoire dans le blog, et qu’en 2021, je reçus une lettre : « bonjour, j’ai lu que vous mentionnez Palmes dans votre blog. J’en suis aujourd’hui le propriétaire, je suis en cours de rédaction d’un livre sur l’historique de la propriété et je souhaite communiquer avec vous ».

C’est ainsi que j’entrai en communication avec Laurent Bauby, qui disait tout ignorer de notre histoire, qui disait savoir assez peu sur le maquis et ses actions pendant la seconde guerre mondiale, mais qui était très intéressé à entrer en contact.

Je restai assez évasif dans un premier temps : cette épidémie de covid laissait entrevoir tellement peu de possibilités de voyage..

Et puis, la population d’Israël à quelques irréductibles près se vit vaccinée, et une opportunité se profila. Nous programmâmes un tour par Prades combiné avec un voyage familial dans les Alpes (les Alpes et les Pyrénées devraient plutôt être les occasions de deux voyages distincts…650 kms séparant Prades de la Savoie, mais les routes et les véhicules sont aujourd’hui très maniables et la motivation emporta le morceau). Je communiquai nos intentions à Laurent Bauby qui déclina dans un premier temps (il ne serait pas dans la région à notre date de visite, peut-être son père voudra-t-il nous rencontrer..) puis me fit soudain savoir qu’il serait finalement là. Peut-être de ce côté aussi la motivation l’avait emporté.

Rendez-vous fut pris pour le dimanche 1er août…avec initiale proposition de Laurent que nous nous rencontrions près de Palmes puis que nous allions nous asseoir dans un restaurant. Je répondis prudemment qu’il nous faudrait un restaurant végétarien et qu’il valait mieux programmer un pique-nique.

Laurent annonça qu’il préparait « un pique-nique végétarien » et on aurait pu déjà entrevoir l’ardeur qui était dissimulée derrière cette platonique annonce.

Ce dimanche 1er août, où nous arrivions d’un shabbat passé à Carcassonne en compagnie des Renés, on rencontra donc sur la place de Sournia, à 10h30 du matin, Laurent Bauby, accompagné de son père Paul et d’un fort sympathique chien.





Après un bref déplacement en deux voitures jusqu’à l’entrée de Campoussy, là où le panneau municipal indique « chemin de Palmes, château et chapelle », nous laissâmes notre citadin véhicule pour nous joindre à nos hôtes dans le 4X4 defender. On entra rapidement dans un chemin pour lequel il fallait ouvrir une barrière cadenassée et nous commencions à peine à comprendre.

On arriva rapidement à la chapelle, cadenassée elle aussi, mais que l’on ouvrit. Elle ne sert donc qu’une fois l’an, et elle est pratiquement vide hormis quelques bancs et chaises servant à l’annuelle retrouvaille et l’autel, autour duquel on distingue dans la pénombre quelques statues, dont celle offerte par Jeannot Soler.

À l’arrière de la chapelle, les deux grands cèdres, plantés à l’occasion de
fiançailles de la famille,

Nous refermons la chapelle, remontons dans la voiture et reprenons notre itinéraire 4X4 entre les arbres, sur un terrain accidenté mais que le père comme le fils semblent connaître comme leur poche, et nous arrivons au château…
dont une partie est en ruine. C’est là que nous pique-niquons, d’un pantagruélique repas…cachère, entièrement préparé par Laurent et acheté au magasin cachère de Perpignan. C’est arrosé de vin (cachère également, et il sait que c’est moi qui doit l’ouvrir et le servir), il y a salades en tous genres, et Laurent est prêt à celle des deux éventualités que nous choisirons, fromage ou viande (on passe alors du vin rosé au vin rouge), le tout servi dans de la vaisselle jetable. Il y a dessert (gâteau glacé !), café…et pousse-café…un armagnac…de 1944 ! Ceci n’a déjà plus de pique-nique que le fait d’être consommé en situation champêtre et en très chaleureuse ambiance.

Nous aidons Laurent à replier, à recharger les six à huit glacières dans le 4X4 et reprenons la visite. On passera ainsi par le rocher crocodile (vu sous un certain angle, on pourrait croire voir une mâchoire de saurien), par le roc Cornut, pour enfin aboutir au sommet, au col de
Roc Jalère d’où on voit Prades en bas et le Canigou en face.









Toute une excursion tant géographique (on scrute les alentours, on apprend à localiser les villages, à se situer), qu’historique ( ce que faisaient les maquis respectifs, celui qui était plus communiste et visait à attirer le maximum d’allemands vers l’ouest - la France - de manière à aider les forces soviétiques, et celui qui était plus d’intérêt
anglo-américain et cherchait à informer les alliés tout en provoquant au minimum la colère de l’envahisseur pour mieux participer en temps voulu à la libération), toute une formidable leçon…qui se termine en fin d’après-midi, par l'impression d'un lien qui s'est créé quatre-vingts ans après n'avoir été que virtuel, et une séparation que l’on souhaite provisoire.



Michel zal, et le Canigou

בתחילת 2021, קיבלתי יום אחד מכתב ובו היה כתוב : ״ שלום, הגעתי אליך בעקבות קריאת הבלוג שלך, אחרי שהתחלתי חיפושים אחרי השם  Palmes ואתה הרי מזכיר את השם הזה. אני הבעלים של המקום (palmes), ואני מחפש לכתוב ספר על המקום הזה שהוא בעל חשיבות היסטורית, גם על תפקידו במלחמת העולם השנייה, אבל גם בהיותו בן קרוב לאלף שנה״.

פלמ הינו המקום בו הסתתרו ז׳אנו והוריו, וגם סבא שלי, אחרי שהגרמנים דפקו בדלת ביתם שבפרד כדי לעצור אותם והם הצליחו אז להסתתר (במחבוא שבנה פפה). מ״פלם״, בתאריך 6 ליוני 1944 , יום הפלישה לצרפת על ידי הבריטים והאמריקאים, היום בו התהפכו ענייני המלחמה ובו החלו הגרמנים לסגת מצרפת, בתאריך זה, למר גורלם, יצאו ז׳אנו והוריו, וגם מי שתהיה בהמשך אימו של הז׳אן בורנשטיין הפריזאי, וגם עוד דוד של ז׳אנו, יצאו בנסיון לעבור לספרד…והם נתפסו על ידי הנאצים, נשלחו לאושוויץ וחזרה משם רק לני, אימו של ז׳אן.

היום, כחמשה חודשים אחרי שקיבלתי את המכתב, אני במטוס עם מריאן לכיוון ג׳נבה, ומתוכננת לנו פגישה עם האיש הזה ביום 1.8, בכפר Sournia, שנמצא ליד Palmes ואני מתאר לעצמי שהוא ייקח אותנו לבית ממנו הם יצאו אל מותם.

אימא שלי ״מלווה״ אותנו במחשבה, ובהתרגשות רבה. היא עצמה היתה בפלם באותו בוקר של שנת 1944…כי מֶמֶה, אימא שלה הגיעה ערב קודם, איתה, ועם מטילד, במטרה למנוע את ניסיון המעבר לספרד. היא הצליחה לשכנע את פֶפֶה, שהיה גם על סף יציאה, היא לא הצליחה לשכנע את אחותה, אווה, אימו של ז׳אנו המנוח.

שני פרטים מיוחדים : ז׳אנו נהיה בדיוק בן 13 שבוע ימים אחרי המעצר שלהם. אני חזרתי רק פעם אחת לפרד, וזה היה בקיץ 1968, כלומר כחודש אחרי שנהייתי בר מצווה בעצמי. כלומר, הגעתי לפרד בדיוק בגיל שז׳אנו יצא מפרד אל מותו. כאילו להראות שההיסטוריה בכל זאת ממשיכה ? אירן והנרי לא תכננו חופש בפרד לאותו קיץ. זה יצא ״במקרה״, בגלל שאותה שנה התרחשה בצרפת מהפכת הסטודנטים, כתוצאה ממנה, מצב האספקה והתיירות קולקלו לכל הקיץ ומה שהם תכננו לא התאפשר, ואז הם החליטו לנפוש בפרד. בקיץ זה, טיילנו בפרד, לא הגענו לפלם.

הפרט השני הוא מהפרטים שהחלה אירן לספר לאחרונה, לדבריה אחרי שהיא לא סיפרה אותם לאיש אף פעם. היא סיפרה שלמעשה אימו של ז׳אנו לא נעצרה איתם באותו בוקר…בזכות עילפון. כנראה שעם הגעתם המפתיעה והמחרידה של הגרמנים, עם הנשקים, הכלבים, אווה התעלפה ונפלה בין השיחים, (עם הגעתנו למקום ביום 1.8.21 לפיקניק, גילינו איך ההר כולו מכוסה לוטם. שיחים אלה פורחים בחודש יוני כל שנה ונותנים להר מראה מושלג. אווה נפלה בין השיחים בשיא פריחתם ולא נראתה) כך שהם עצרו את כל השאר (האיש המעביר, וארבעת הנותרים). כשהתעוררה אווה, לא היה סביבה אף אחד. אז היא החלה ללכת והיא הגיעה עד לכפר סורניה (או שזה לכפר סירק אף הוא בקרבת מקום), שם היא דפקה בדלת של אישה שקודם אירחה אותה, ובהמשך מסרה אותה לגרמנים, כך שהם בסוף עצרו גם אותה וצרפו אותה למשפחתה. מסתבר שללא כניעתה של האישה מסורניה-סירק (כניעה למה ? למי ? לפחד ? לשנאת היהודים ? מי יוכל לדעת ?) , אווה אולי לא הייתה נשלחת לאושוויץ.

אנחנו מגיעים לפלם ביום זה, 1.8.21, בהתרגשות רבה.
המפגש עם לורן בובי , ואביו, חם מאד. ביחד, אוטו אחרי אוטו אנחנו נוסעים מסורניה לקמפוסי, שם אנחנו משאירים את הרכב שלנו לצד הכביש ואנחנו מצטרפים ל 4X4 של לורן.

אם נראה בהתחלה שרכב מסוג זה לא ממש מתחייב, אנחנו נגלה בהמשך כיצד הוא ממש חובה.

לורן לא ממש מכיר את סיפור משפחתנו, ביחס לפלם. כלומר, הוא יודע את מה שהוא קרא בבלוג שלי, וזה כנראה מאד ריגש אותו. מה שהוא יודע על פלם, מה שמחבר אותו לפלם, הוא משהו קצת אחר.

עבורם, מדובר באתר שנמצא בקרבת גבול ספרד צרפת של ימינו, על גבול ממלכת אֲרַגון וממלכת צרפת דאז, על גבול ארופה ואפריקה מבחינה טקטונית, אתר שההיסטוריה שלו היא הסטורייה המשתרעת על פני אלף שנה, כך שהמקרה שמחבר אותנו אל המקום היה יכול להיות בטל בשישים.

וכנראה שלא כך הוא. האב והבן ממש מרוגשים, עושים לנו קבלת פנים מושקעת, כאילו האירוע ממש בעל חשיבות עליונה לעיניהם.

באתר שלורן בובי הוא היום הבעלים היחיד שלו, שני בניינים, אחד הוא החווה, כמעט כולה חורבה, ובה התגוררו בני משפחתנו בין אפריל ליוני 44. אבל היו כנראה עוד אחרים, ובעיקר נראה שהכנסיה הקטנה היה מקום מפגש של אנשי מחתרת  (maquis), ובו היו כמה מתנגדים וכמה פליטים.

כזכור, כל אלה שנתפשו ב 6.6.44 התגוררו במקום כשלושה חודשים, אירן, מטילד ומֶמֶה, לילה אחד בלבד.

הבניין השני הינו כנסיה קטנטנה, בה בני המשפחה רגילים לערוך כל שנה בחג ה pentecôte(המקביל הנוצרי לחג השבועות) סוג של ספק מפגש ספק טקס דתי. וכשאני שואל ״למה דווקא ביום זה ?״ התשובה הינה שעבור הנוצרים, חג זה הוא החג של קבלת עול מלכות שמיים האוניברסלי (דבר שמזכיר עוד יותר את חג השבועות).

הדבר המרשים ביותר - אותי - הוא המבנה הגאוגרפי. יש משהו יותר מגרנדיוזי בנוף, ובמיוחד כשעולים עד לנקודה העליונה מעל פלם, נקודה ממנה רואים 360 מעלות, עד ים התיכון בצד מזרח, עד ההר הגבוה באזור (הר הקניגו) בדרום, וכל היתר, מתקבלת תחושה של מדבר. מדבר ירוק אמנם, ומדבר מלא בשיחי הלוטם, עצי הארזים, ועוד המון חורש טבעי משלל סוגי הצמחים, אבל מדבר ריק מאדם. מצד אחד, לכיוון דרום, העיר פרד, ובדרך אליה הכפר סירק. מצד שני, לכיוון צפון, הכפרים סורניה, קמפוסי ועוד בית פה בית שם, אבל לא רואים כל תנועת אדם. למעשה, אדם שברח מפרד ומגיע לפלם צריך להרגיש מאד בטוח. המארחים שלנו גם דואגים להזכיר מספר פעמים שכל כביש שנראה לנו היום מאד טוב לא היה אפילו סלול לפני שבעים וחמש שנים.

לחשוב שהגרמנים הגיעו עד לחור הזה כדי לעצור עוד קומץ יהודים, ללא כל סימני תקפנות או אפילו כוח מצדם, מוציא אותי מבינתי. זה כל כך לא הגיונ, כל כך קיצוני, אכזרי.

וכך הולך היום, בנסיעה 4X4  ועצירות תוך שהם מספרים לנו בלי סדר על המקום ועל הקשר שלהם, קשר למקום, קשר להתנגדות של תקופת המלחמה, כשהסוף של הסיור הוא כניסה לחורבה, ואז פורש לורן פיקניק מדהים, כולו קנוי בחנות הכשרה בפרפיניאן, פיק ניק יותר מושקע מארוחת חג, עם יינות - לפי בחירתנו לבן או רוזה או אדום אבל הוא יודע שעליי לפתוח את הבקבוקים !, ועם מנה אחרונה (עוגת גלידה !) ועוד בקבוקוני אלקוהול לסיום הארוחה.


אנחנו מבלים ומסיימים את כל היום הזה בהתרגשות רבה ובתקוה שלא יסתיים בזה הקשר החדש והמרגש הזה.

4 commentaires:

  1. תודה רבה על הטקסט, מאוד מאוד קשה ועצוב לקרוא. פשוט ככה. התמונה של אירן והנרי מחוייכים ושל ישי מביט מבעד למחבוא מקלה על התחושה.

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  2. Un témoignage détaillé et émouvant qui permet de ne pas oublier tout en transmettant bien au delà de la mémoire familiale. Palmes est un lieu isolé, mais ici aussi, un lien multiple entre les générations et les cultures.
    Et si le hasard n'existait pas .......!

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  3. Je découvre votre blog tout à fait par hasard, parce que ma mère me parlait de sa grande copine de lycée, Irène Fliederbaum, à Prades pendant la guerre. Si vous voulez (c'est certes très marginal en regard de l'histoire de votre famille) je vous enverrai un court paragraphe de ses souvenirs d'enfance où elle y fait allusion.

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    1. bonjour, votre commentaire pourra être l'occasion d'émotions pour ma mère. Je recevrai le paragraphe dont vous parlez avec grand interêt, puis lui transmettrai. Jeanpisante@gmail.com

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