rétrospective - suite


Rétrospective - suite


table des matières

1. Lycée français (trois derniers épisodes)
2. Voyage à Trieste
3. Henry Jacques Pisanté - zal
4. Retours en France - stages de formation
5. Du pont d'Austerlitz à l'hôpital St Antoine.
6. Voyage aux sources polonaises (5 épisodes)
7. Ce qui est arrivé à la famille Tauber en parallèle de la hassidout Pilev.
8. En pique nique à Palmes
9. Comme une rencontre de trois Jean


Lycée français - quatrième texte



ושוב אני מצרף לטקסט הצרפתי, טקסט בעברית, המתאר את אותה שנה אך במגזר האחר..


Cette deuxième année s'annonçait plus facile que la précédente. J'avais un an de rodage, à peu près dans tous les domaines.

Je n'étais pas encore israélien, loin s'en fallait ( le suis-je complètement aujourd'hui ?), mais le paysage m'était déjà beaucoup plus familier. 

Je n'avais suivi que partiellement les conseils du Dr Chaari, qui souhaitait ardemment que je change de nom, que j'adopte l'usage de יוחנן, qui est effectivement mon véritable nom, si on remonte à l'intention de mes parents, mais auquel je ne me sentais pas adhérer, au son duquel je ne me sentais pas enclin à me retourner. En foi de quoi, j'ai conservé jusqu'à aujourd'hui un prénom imprononçable par l'israélien moyen, imperméable aux nasales. Dr Chaari m'avait aussi conseillé de marcher dans Jérusalem, m'inculquant que l'on ne connait bien une ville que par les pieds. Je n'ai appliqué ces conseils qu'à long terme mais pour les trajets urbains, je préfère aujourd'hui grandement les pieds ou le vélo aux moyens motorisés.

Je circulais néanmoins à cette époque beaucoup en voiture, un peu en autobus, et pratiquement jamais à pied. 

Je me rendais à l'université en utilisation alternée de l'un et de l'autre, appréciant chacun différemment. Le premier me faisait passer à cette époque ante intifada par les quartiers arabes, wadi Jooz et Cheikh Jarah et j'aimais cet exotisme - que j'ai toujours grandement préféré à l'autre exotisme de Jérusalem : les quartiers ultra orthodoxes. Le second me faisait approcher de plus près la population hyerosolimitaine, et j'aimais bien cette ambiance, que l'on ne peut cependant apprécier qu'à condition de supporter de se faire malmener, comme l'impose la conduite du chauffeur Egged moyen.

Cette deuxième année d'internat fut effectivement bien plus digeste que la première, malgré un nombre d'élèves supérieur de près de dix à celui de l'année précédente, et malgré une occurence semblable d'évènements imprévus. Je ne me souviens plus en fait si c'est cette année ou la précédente que fut cambriolé mon bureau (pas par les élèves mais par les sequelles de ce quartier qui avait été longuement partiellement mal fréquenté) et que furent ainsi volés outre quelques centaines de francs, tous les passeports d'élèves qui y étaient entreposés. Je ne me souviens pas si les passeports furent retrouvés. Je sais que le coffre fut retrouvé par la police au fond de la piscine asséchée l'hiver de Emek Refaïm. Ce fut une des raisons qui me poussèrent à condamner l'entrée sur la rue Immanuel Noach : passaient au jour le jour par l'internat un certain nombre de voisins, certains un peu louches, qu'il n'y eut pas d'autre moyen pour les faire cesser.

Injurierai-je la mémoire de certains en révélant que ce n'est pas par la pratique de mon métier de psychologue clinicien que je découvris les hopitaux psychiatriques...mais bien par celui de directeur d'internat dans un lycée non officiellement considéré comme lieu "d'éducation spécialisée"? Ainsi que je l'ai mentionné dans le texte précédent, les élèves étaient loin de tous être ainsi venus à Jérusalem par pur sionisme. Certains fuyaient une situation familiale compliquée, certains sans le savoir reprenaient à leur compte un rêve parental, tentaient une alyah que leurs parents n'avaient pu réussir. Pour un bon nombre, l'hiver était difficile, et cela ne faisait que s'ajouter à l'âge adolescent duquel Paul Nizan a dit :"j'avais vingt ans, je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie".

Il y eu ainsi quelques épisodes médicaux d'urgence, ainsi que quelques épisodes psychiatriques, le plus dramatique d'entre eux imposant le rappatriement d'un élève....qui me téléphona d'ailleurs quelques quinze ans plus tard, alors qu'il re-faisait son alyah, marié cette fois, et apparemment bien remis de l'épisode aigu que nous avions vécu ensemble.

Il y eut cette élève, qui finalement quitta l'internat et le lycée pour retourner en France mi-janvier, et j'entends encore Marco me dire sans humour : "si elle n'était pas partie, nous serions tous devenus fous". 

Nous vivions de manière générale cette année-là beaucoup plus en harmonie et en voisinage avec les élèves, et l'ambiance était agréable, tout au moins dans le souvenir que j'en ai, tant avec nous qu'entre eux me semblait-il....même si le directeur est loin de voir tout ce qui se passe. Nous étions plus détendus, autrement moins sur nos gardes, moins jaloux de notre vie privée que l'année précédente. Le tout était beaucoup moins dramatique. Moins de conflits, moins d'accrochages, moins d'évènements. Cela tenait aussi peut-être à la composition humaine, mais j'ai tendance à m'attribuer une partie non négligeable : l'état d'esprit du directeur et de l'équipe, la façon dont il tient, mais non moins dont il vit la situation, jouent un rôle incommensurable dans la tension ou le calme de l'ambiance générale, quel que soit l'âge des internes, mais tout particulièrement s'ils sont adolescents. Je devais encore approfondir cette conviction au cours des vingt ans qui suivirent, quand je continuai à travailler dans un internat d'adolescents, cette fois en tant que psychologue clinicien. Je raconterai cela dans de futurs textes.

Ma fonction me fit aussi découvrir de façon totalement imprévisible les tribunaux rabbiniques israéliens, ceux que l'on voit en gros plan dans le film "guett", ceux que je cotoyai aussi plus tard dans ma vie professionnelle en tant qu'expert. Un beau jour, me parvint (je ne me souviens plus comment ni par qui) la nouvelle qu'un drame s'était produit au lycée pendant la journée : deux élèves - la fille était de la mochava, le garçon, de la hava - s'étaient mariés ! La loi juive stipule en effet que le fait de passer la bague au doigt d'une fille devant témoins, en prononçant la phrase rituelle, suffit à les rendre unis l'un à l'autre par les liens du mariage. Le fait s'était produit pendant la récréation, en l'absence totale d'intention sérieuse semble-t-il ni du garçon ni en tout cas de la fille, et surtout en l'absence totale de conscience de ce qui se passait, en tout cas du côté de la fille qui n'avait grandi qu'en milieu français laïque. C'était d'avoir raconté cela en cours de philo au cours de l'heure qui suivit qu'avait surgi la nécessité d'intervenir. Le prof. avait entendu le récit de la scène et avait annoncé aux élèves, ainsi qu'à la direction, que les deux étaient maintenant mariés à moins que quelqu'un n'intervienne. Il n'avait par ailleurs aucunement l'intention d'être ce "quelqu'un", et, naturellement désigné par défaut pour être ce quelqu'un, je me retrouvai à commencer un "stage" dans un des lieux les plus abrupts de la société israélienne. L'annulation de ce mariage (qui s'imposait : le simple divorce aurait impliqué pour la fille l'interdiction de se marier un jour religieusement avec un cohen) fut loin d'être automatique. Il y eut plusieurs audiences, au tribunal rabbinique de Jérusalem, à l'issue desquelles le dit tribunal considéra que la décision d'annulation était au delà de son domaine de compétence. Il fallut faire appel, recourir à l'instance supérieure, qui elle, en la personne de celui qui devait devenir le grand rabbin sefarade d'Israël, put annuler le mariage. Cela avait pris presque un an. Les deux élèves concernés ont-ils mémorisé l'épisode ? Suis-je le seul à ne pas l'avoir oublié?

Cette année me mit aussi aux prises avec le paysage "politique" israélien : face aux pressions qui incitaient à "sortir" notre internat de la mochava, et à regrouper tout le lycée à la hava (ce qui est devenu la situation depuis 1992 il me semble), nous nous étions mobilisés dans le but de faire comprendre que la hava, en tant que lieu entièrement hiloni (kidouch à l'accordéon, disco le vendredi soir) ne convenait qu'à une partie des élèves. Les hautes sphères de l'alyat hanoar ne paraissaient pas pouvoir comprendre que l'on peut ne pas se définir "religieux", et cependant vouloir une atmosphère non entièrement hilonit le shabbat. Le "combat" était loin d'être facile. Moi en tout cas avais à l'époque un hébreu encore insuffisant pour argumenter à la hauteur de la situation, et surtout j'avais une place encore insuffisamment ancrée dans la société israélienne, c'était un dialogue de sourds. L'histoire a prouvé que nous étions à contre courant. Tout au plus avons-nous réussi à retarder l'échéance du passage à la hava.

Le lien à Alyat Hanoar représentait une partie de mon rôle. Claude Sitbon m'enseignait cette "matière" à petites doses, au fil de nos rencontres. Il m'apprit en particulier qu'il y a plusieurs stades de pratique professionnelle : il y a le "faire", il y a le "savoir". Puis, il y a le "savoir faire", et il y a enfin le "faire savoir". 
Ce quatrième stade n'est jamais devenu ma spécialité. La "diffusion" de ces textes, par ce blog, est un peu mon maximum en ce domaine...

Cette année comme la précédente, nous organisames un tyioul de deux-trois jours, étape incontournable de la vie de tout établissement scolaire israélien. Je me souviens de ce nahal bet hakerem, dans lequel fut prise la photo de groupe qui circule sur les réseaux sociaux depuis au moins dix ans, je me souviens que nous dormîmes dans le golan à Ramat Magchimim, tandis que de l'année précédente où nous étions dans le sud, je me souviens de notre passage par Yamit qui n'avait pas encore été restituée à l'Egypte, je me souviens de notre passage par Ein Guédi alors que le guide me montra le pont qui alors était reconstruit année après année , et que le nahal Arougot, au moment des fortes pluies, emmenait invariablement dans la mer morte. 



Cette année-là, je gardai moins jalousement la porte de notre appartement et plus d'élèves y venaient, qui pour baby sitter, qui de l'année précédente en permission de l'armée (Charles), qui pour assister à une petite étude hebdomadaire ou presque hebdomadaire.

Cette année encore le bac. fut un évènement majeur. Les épreuves se déroulaient au collège des frères rehov Yefet à Yafo et c'était une semaine de très forte tension. Je me souviens encore de David, le directeur du lycée, me racontant durant le trajet comment il avait lu toute la nuit "l'étoile de la rédemption" de Franz Rozenzweig qui venait de sortir en français, et que javais moi-mème reçu en cadeau mais pas encore ouvert, tandis que je l'écoutais, admiratif. Je me souviens comment Sarah paya de sa générosité un an supplémentaire de scolarité, pour avoir tenté d'aider une amie et s'être présentée à sa place à l'oral.

Je me souviens enfin que peu avant la fin de l'année scolaire, j'annonçai aux élèves que je ne continuerai pas l'année suivante, les raisons étaient le stade où mes études me menaient : je devais l'année suivante faire le stage clinique, qui exigeait environ un mi-temps et, avec les derniers examens et la mise en route de la thèse, je ne voyais pas que le tout serait conciliable. Dov réagit avec surprise : "mais comment ? Tu as tout, tu es déjà directeur !". 
Je connais des directeurs qui se sont installés dans cette fonction, et y sont restés qui cinq à dix ans, qui toute leur carrière. J'étais quant à moi poussé en avant, je devais atteindre une qualification professionnelle plus "pointue", et je ne m'étais jamais imaginé devenir directeur d'internat, ni encore moins le rester. C'était un passage.

Impossible enfin de clore ce chapitre sans mentionner les souvenirs de Dan et d'Arielle, tous deux élèves de cette promotion, tous deux ayant connu un sort tragique. Dan fut victime d'un accident d'hélicoptère lors de son service militaire, quelques deux ans après cette année, et Arielle disparut dans un accident de voiture à peine plus tard, alors qu'elle était étudiante au technion de Haïfa. Et je sais que d'autres anciens élèves ne peuvent plus non plus lire ces lignes, Serge Rabineau, Philippe Lellouche, ainsi que d'anciens professeurs telle Chantal Laloum, et peut-être en oubliai-je, peut-être ne sais-je pas tout.  Que le souvenir de tous soit ici rappelé. Je suis heureux d'avoir pu trouver une occasion d'honorer leur mémoire. 



 שנתי השנייה באוניברסיטה כבר הכניסה אותי יותר לתוך הנושא, לקחתי בשנה זו יותר קורסים, הייתי כבר פטור משיעורי עברית, וגם היו מאחוריי קורסי ״תורת השטחות״ של גוטמן וקורס השלמה לspss והפרו סמינר הטראומטוגני.

משך אותי מיד קורס על מושגי הפסיכואנליזה, אותו היה מעביר פרופסור ג׳וזף סנדלר, שהיה יושב כאורח על קטדרת ״סיגמונד פרויד״. הוא היה מעביר שני קורסים, באנגלית, אחד על המושגים, ואחד בשם ״קריאה מתקדמת בפסיכואנליזה״. נרשמתי לשני, בתום לב, תוך תחושה שאחרי שלוש שנים באוניברסיטה מוקדשת לפסיכואנליזה, מושגי היסוד היו כבר ברורים לי. להפתעתי, קיבלתי הודעה שעליי להירשם קודם לקורס הראשון. חשבתי שהיתה אי הבנה וניגשתי לפרופסור סנדלר, שהסיר בהנף יד את נימוקיי. ״בין מה שמלמדים בצרפת לבין מה שאני מלמד, זה הבדל של שמים וארץ״ הוא בתמצית אמר. הקורס היה כמובן באנגלית, אבל עוד תרגיל לשוני אחד...האמת היא שהוא לא ממש צדק. לא ממש גיליתי פסיכואנליזה אחרת אצלו. כן הרווחתי מבט אינטגרטיבי יותר, ושנה של מבטא בריטי (הוא היה דרום אמריקאי, אבל משום מה רוב התלמידים היו בריטיים אמיתיים).

אשתו אן מרי, אף היא פסיכואנליטיקאית, היתה מרצה ולמדתי אצלה קורס קליני מאד, סמינר על פסיכואנליזה עם ילדים. חוויה מיוחדת במינה. אני זוכר שביום האחרון של הקורס, אחד הסטודנטים הגיש לה זר פרחים, כביכול בשם כל הכיתה, עם אמירה מרוגשת מאד ״שלא חווינו כזו חוויה עוטפת מאז תקופת בית הספר היסודי״. למדנו והתמוגגנו. היא היתה רכה מאד, בריטית מאד, על אף מוצאה השוויצרי. איתה זכיתי לכתוב לפחות עבודה אחת בצרפתית.

הנושא הזה של השפה ושל הטמעתי לתוך התרבות הישראלית צבע למעשה את כל התואר. אני זוכר שניגשתי למזכירות במשך הסמסטר הראשון של השנה הראשונה ואמרתי לאתי, המזכירה ה״קרובה״ בחווייתי (היו עובדות בעיקר שתי מזכירות. אחת, מרים, רחוקה, מנוכרת ויהירה בחווייתי, ואחת, אתי, קרובה ונעימה ) שעל פי הבנתי, זכותי בשנתי הראשונה באוניברסיטה, לכתוב את העבודות בשפת המוצא שלי. קיבלתי תגובה אופיינית ליחס שזכיתי לו במשך כל התואר : ״זה אולי החוק, אבל מי יקרא לך את העבודות?״. סוף פסוק. המסר היה ברור : המעבר לעברית היתה הבעיה הפרטית שלי, בחרתי ללמוד כאן, עליי להסתדר.

כל היחס הזה היתה פגיעה אחת מתמשכת, אבל לא מתוך כוונה לפגוע מצד אף אחד, וגם בלי שהרגשתי דחייה. הרגשתי בעיקר אטימות. עיוורת היתה הסטודנטית הזאת שראתה אותי לפני המבחן של ה״פרו-סמינר״ שולף מהתיק שלי שני מילונים, אחד עברית-אנגלית, אחד עברית-צרפתית, ושהתפקעה מצחוק. אטום המרצה הזה, לימים פרופסור מכובד מאד, שהעביר לי בסוף שנה זו אחת המקלחות הקרות והלא נעימות בחיי. פאסיביים ואדישים למצבי כל הסטודנטים שלמדתי איתם שלא ניגשו אליי - להוציא רחל סובר - ולא שאלו אותי אפילו פעם אחת אם טוב לי, אם קשה לי.

לאט לאט, בזכות השילוב של כל הקורסים, הכרתי בעצם את כולם. מי יותר מ״קרוב״, מי רק מלשמוע אותו/אותה בכיתה, מי - בעוונותיי - מלהסתכל עליה. הם פחות הכירו אותי. אני מטבעי - עד היום - ממעט מאד לפתוח את הפה בכיתה, ועוד יותר אם אני במצב שהשפה עושה לי מחסום. ובשלב זה, השפה היוותה עדיין מחסום רציני.

בשיעורים של המרצים ״עולים״ כגון מאיר ווינוקור ״מושגי יסוד בפסיכותרפיה״, כגון ירדן יעקובוביץ, המרצה לפסיכודיאגנוסטיקה, היה לי קל יחסית. בשיעורים למשל של עמרם דולב, יליד הארץ ואנין הלשון, הפינות העליונות של הדפים שלי היו שוב מתמלאות כל פעם בין עשר לעשרים מילים לא מובנות, מילים שמתוכנן הייתי לבדוק אותן עם חזרתי הביתה.

הייתי עדיין זר מאד, הרגשתי עדיין זר לגמרי. אני זוכר מפגש אחד , דווקא בבית של אחד הסטודנטים, בו איתמר, סטודנט שהיה אז מאד מתבלט בכיתה, פתאום אמר :״ברצוני לשתף את כולכם בציון 100 שקיבלתי בפסיכופתולוגיה״. הקורס בפסיכופתולוגיה היה אחד הקשים של התואר. אני למדתי הרבה לקראת המבחן, ואין לי זכרון איזה ציון קיבלתי אבל הציון 100 היה בעיניי זר לחלוטין, ולשתף את כולם בציון שלי לא היה עולה לי על הדעת בכלל. בצרפת, אחרי מאי 68, לתקופה בוטלו כל הציונים. בהמשך, הם הוחזרו אבל, נחשב מגוחך מי שהיה חס לזה. בצרפת, לקבל ציון עובר היה מספיק. לקבל 60 היה די והותר. לחפש לקבל 70 או הכי הרבה, 80 כבר היה נחשב ספורט ילדותי. אף אחד לא חלם לקבל 85. וכאן בארץ, הסטודנטים חיפשו - ועדיין מחפשים 100, ושוקלים לגשת למועד ב׳ אם הם קיבלו אפילו 85. זה היה זר לי לגמרי. זה נשאר לי זר במשך שנים ארוכות. 

בשנה הזאת, שולבנו בקורס קליני ״מיומנויות״. נתבקשנו לבחור בין מספר אופציות ושולבנו בהתאם במידת האפשר. בין האפשרויות היתה אופציה להיות משולב במחקר על פי הגישה ההתנהגותית, בהנחיית רות גוטמן. גם לא היתה לי משיכה כלשהי לא למחקר ולא לגישה ההתנהגותית, אך גם הייתי כבר מלומד ניסיון. רות גוטמן הרי המליצה לי שנתיים קודם לכך בכלל לא לנסות להתקבל ״כי אין לי כל סיכוי״...והתקבלתי, כך שלפחות ידעתי מה לא לבחור. שובצתי בערך לפי הבחירות שלי, ב״ראייון קליני״, ב״התערבות עם ילדים״, וב״תהליכים קבוצתיים״. מלבד המיומנות השנייה ממנה הפקתי לזכרוני מעט מאד (חלק בגלל שהייתי במילואים חלק מהזמן), יצאה לי הרבה התקדמות מה״מיומנויות״ הללו.

מה״ראייון הקליני״ לא למדתי הרבה, אבל זכורה לי אחת האינטרקציות הראשונות שלי, עם סטודנטית אחת, שלמעשה היתה אף היא סגורה למדי. היא היתה תימניה, ובעלת מראה מאד בהתאם, וייתכן שהיא היתה בין הספרדים הבודדים בין כל הסטודנטים, ממוצא אשכנזי לרוב רובם (לפרט זה, לא שמתי לב אז בכלל. רק בדיעבד התבלט הדבר לעיניי). הייתי נפעם מהלבן הבוהק של חלק מהבגדים שלה. חצאית, או חולצה, תמיד היה פריט אחד לבן. לבן מאד. היה עלינו לראיין אחד את השני, ואחרי שסיפרתי לה בקצרה מי אני, היא ענתה תשובה שנשארה אצלי עד היום, תשובה שהיוותה שלב חשוב מאד בהתקדמות שלי, תשובה של הכרה. ״אתה לא חושב שהספקת הרבה בהשוואה לגילך?״. האמת היא שחלק בתוכי ידע את זה, אבל גם היה פעיל לא פחות חלק אחר, לפיו לא הייתי כל כך סטודנט מוצלח, ועזר לי מאד מאד לשמוע את המשוב של נורית.

מה״תהליכים הקבוצתיים״ הפקתי הכי הרבה. זה איפשר לי הכניסה הראשונה לחברה האחרת, זו של החולים הכרוניים. הייתי מעביר קבוצה במועדון ״אנוש״, לתשושי נפש, ולי היה שם מעניין מאד, וגם טוב. אבל החלק המרכזי של הקורס היה המפגשים באוניברסיטה שהתרחשו בצורה מרוכזת, באופן של שלושה מפגשים ״מרטוניים״ כל אחד של מספר שעות. שם היתה לי הטמעה אמיתית ראשונה לתוך עולם הסטודנטים. לא שהתבלטתי גם בפעם הזאת. לא בטוח כמה הרשיתי לעצמי לפתוח את הפה, אבל הרגשתי אותם מקרוב יותר, הרגשתי חלק מהם ולא רק מתגנב לידם בכיתות, בקפטריות, בספריה או במסדרונות.

את ההיכרות עם רוב הסטודנטים שלמדו יחד איתי באותן שנים, אני חב בעיקר לקורס זה ולקורס של קוגלמ, מחקר בפסיכופתולוגיה. הכרתי כמה אחרים בזכות סוג של התקרבות טבעית שהתרחשה בינינו, למשל עם עמית ערפלי, עם טוביה פרי, עם משה טטר על אף שאותו לא פגשתי מאז, אבל רוב הסטודנטים לא ממש חיפשו לעשות סביבה מאפשרת על פי ויניקוט הלכה למעשה עם סטודנט עולה חדש.

תמי קרון/ברזניץ הובילה, מלווה באילן נילמן, את המרטונים האלה של ה״תהליכים הקבוצתיים״. היא גם לימדה אותי את הקורס פסיכופתולוגיה, בליווי מאיר פרלוב, והיא גם היתה בהמשך, על פי בקשתי, המנחה שלי לתזה. 

היא לא היתה פופולרית יותר מדי, אולי מרוב שהיא היתה כבר בכירה והרשימה/ הרחיקה את רובנו, שמרה מרחק מכולנו, אבל היא היתה עבורי המרצה שהכי התאפשר לי להיעזר בה. תמיד נשאר בינינו מרחק אבל במקרים בודדים (גם בזמן הלימודים, וגם בשנים שבאו אחרי תקופת האוניברסיטה, בהזדמנויות אלה או אחרות), היא נתנה לי להרגיש שאני לא זר לה לגמרי.

בסה״כ, הלימודים היו לי למשמעותיים מאד, גם במישור המקצועי, גם מבחינה תרבותית. עבורי, הלימודים בארץ היו בהבדל של שמיים וארץ עם מה שהכרתי בחו״ל. גם מבחינת הכמות וגם מבחינת הדרך.

הקורס ״מחקר בפסיכופתולוגיה״ בהנחיית פרופי שלמה קוגלמס, אדם נחמד במיוחד, איפשר לי את הכניסה לעולם הקליני הישראלי אותו אפרט בטקסט אחר. 

אבל כניסה זו צריכה להראות כסמל למה נדרש מהעולה בשעת עלייתו ומהישראלים בשעת קליטתם את העולה. לקח לי זמן להבין את החברה כאן, ולחברה כאן להבין אותי. הכניסה לחיי העולם הקליני המחישה את זה מאד , ועל בשרי.

בסוף שנה זו, שנתי השנייה ללימודי המ.א. הייתי אמור להתקבל ל״פרקטיקום״ לשנה הבאה. בתקופה זו, על פי הפרקטיקום בלבד נקבעה מגמת המ.א. כולו. לי היתה תחושה שלא אתקשה להתקבל לפרקטיקום קליני. גם כי לא ידעתי על הקושי, וגם כי חשבתי לתומי גם שאני מתאים וגם שיש לי כבר סיבות להתקבל. הרי הייתי אז מנהל פנימייה והפנימייה כללה לא מעט התערבויות קליניות של ממש ( נסיון התאבדות אחד, התקף פסיכוטי של תלמיד אחד ואישפוזו, והרבה התמודדויות עם גיל ההתבגרות), כל זה בנוסף לנסיון שהיה לי, בב.א. בצרפת, בו טיפלתי בשני ילדים במסגרת שפ״ח מקומי. בנוסף, תחנת עליית הנוער היתה מוכרת להתמחות בפסיכולוגיה קלינית (בניהולו של פרופי פוירשטיין ז״ל). אנשי עלית הנוער הציעו לי לעשות את הפרקטיקום בתחנה.

אבל אז חיכו לי כמה הפתעות. הראשונה מהן היתה שהאוניברסיטה פסלה את ההצעה של עליית הנוער, אך ההפתעה המרכזית והכואבת היתה בעיקר שמצאתי את עצמי מבלה את כל הקיץ בסוג של סיוט, במצב בו לא התקבלתי לאף מקום (התראיינתי ב״הדסה״, ב״תחנה של איל״ן״, ב״מוסד בני ברית״). ולא התקבלתי באף אחד ממקומות אלה.

זה היה מצב חדש, ומביך. בסוף הקיץ, הייתי כנראה הסטודנט היחיד ללא פרקטיקום. בתחילת ספטמבר (הייתי מתקשר כל הזמן למזכירות של המחלקה ונתקל פעם אחרי פעם באותה תשובה שלילית) עשה לי טובה גבי שפלר, לימים אלה פסיכולוג ראשי טרי ב״עזרת נשים״, והזמין אותו לראיון. זה ככל הנראה לא היה הרעיון האישי שלו. הוא קיבל אותי כשהתיק האישי שלי פתוח מול העיניים שלי, והזכרון שלי מהמצב הוא שהוא מסתכל בתיק, ועל פניו הבעת גועל. כאילו בא לו להקיא ממה שהוא רואה שם. מסתכל אליי ואומר לי : ״ למה ציונים כל כך נמוכים?״. הייתי במקלחת קרה. החוויה שלי עד כה היתה שהתקבלתי למקום שהיה לא קל להתקבל אליו, ושאני מתאמץ כל הזמן להתגבר על הפער התרבותי והלשוני, והתגובה , המילולית ושל שפת הגוף, של גבי שפלר הייתה שהתיק האישי שלי שווה כמעט לפח הזבל.

הסוף הוא שמרים שרון, שהיתה אז ״פסיכולוגית ראשית יוצאת״ מעזרת נשים לכיוון ״כפר שאול״ לקחה אותי איתה, לפרקטיקום שלא ייקרא קליני אלא שיקומי.

כאילו, עשו לי טובה. קיבלו אותי אבל הערך האישי שלי לא נותן לי כניסה לעולם הקליני כמבוקשי. אלא רק לעולם השיקומי.

הייתי לא רחוק מלהיות שכוב על הקרשים, מותש מהקיץ ומהחוויה / החוויות. הראיון ב״הדסה״, על ידי ירדן יעקובויץ שבכל זאת הערכתי, הראיון ב״בני ברית״, ובעיקר הראיון בתחנת החי״ש על ידי רמי בר גיורא ונעומי ענר היו ראיונות של פנים חתומות, פרצופי פוקר בלתי נעימים. רמי בר גיורא אפילו הרצה לי על הילדים הרכים שהוא לא יכול להפקיד בידיים לא בטוחות).

ההמשך היה טוב. הפרקטיקום ב״כפר שאול״ היה ממש טוב, קיבלתי שיכירו לי אותו כ״קליני״ באמצע הדרך (ותמי היא זו שבישרה לי על התשובה החיובית, ביום שבת, אחרי שגשנו בעקראי בגן הוורדים והרגשתי כזו הקלה שהיא רכשה לה באותו יום מקום נכבד ובלתי הפיך בלבי). בזכות ולא בחסד. וההמשך הוא קריירה קלינית, בעיקר ב״מוסד בני ברית״ שאולי גם על זה אספר ביום מן הימים. 

אבל הטעימה הזאת (שהיו לי בהמשך עוד דוגמאות לאותו כיוון) של עולם שלמעשה מתנהג כמו גילדה, היתה טעימה קשה במיוחד.

העולם הקליני ובעיקר העולם הפסיכואנליטי (בשונה בתכלית השינוי מהעולם של הפסיכולוגיה החינוכית) מתנהג ממש כמו גילדה. נותן להיכנס אך ורק על פי התרשמות בעיקר סובייקטיבית וסלקטיבית מאד. האדם צריך להיות ״טוב״. אין קריטריות לזה חוץ מההתרשמות של המרעיין. 

אני שומר חיבה מיוחדת למרים שרון על גישתה החמה אליי, ועל דרכה בניהול סקטור הפסיכולוגים של כפר שאול. אני שומר חיבה גם לתמר קרון, שהתנהגה באופן קר אך הגון - ואף מבין בשעתו - כלפיי. 

אני סלחתי לגבי שפלר על הופעתו הדוחה מולי ביום הראיון כי השנים עזרו לזה אבל הוא כל כך הגלים את האטימות הזאת שלקח המון זמן לפצעים להגליד, בכלל וכלפיו בפרט. 

אני ראיתי בשלושים השנים האחרונות לא מעט פסיכולוגים/יות, פסיכואנליטיקאים/יות, וגם סטודנטים/יות. אני לא יכול להגיד שאלה שהתקבלו היו תמיד מתאימים למה שהם התקבלו, ואני לא יכול להגיד שאלה שהתקבלו פעם, ידעו בהמשך להתייחס יחס הוגן לאלה שמגיעים לאותה דלת ודופקים בה במטרה להתקבל. 

מי פסיכולוג טוב, מי מטפל טוב, הן שאלות בעלות תשובה לא קיימת. מדובר במקצוע מורכב ולא מעט המום. בני אדם יודעים לקבל את ה״זהה״ להם, ומתקשים מאד מאד כלפי ה״אחר״. 

הייתי אחר, בתור עולה חדש, בתור אדם שגם צעיר וגם בעל תפקידים של גדולים. בתור אדם עם כיפה על הראש (בין הסטודנטים במחזור שלי, הייתי כמעט היחיד), והצליחו כלפיי בעיקר להתפדח. ואף אחד לא חזר אליי מאז בסוג של התנצלות חוץ ממיכאל שושני, מדריכי האישי בפסיכותרפיה בשנת הפרקטיקום שאמר לי יום אחד ״ ז׳אן, ירו עליך בתותחים״, וגם זה עשה לי טוב עד מאד.  אולי כל זה אומר שבעיניהם, לא בטוח עדיין ש״מגיע לי להתקבל״ כפסיכולוג קליני, שלא בידיים של מי ניתן להפקיד בבטחה את הילדים הרכים כדברי רמי בר גיורא...

אני אולי עוד אספר על לימודים אלה. כאן אני רק אומר לסיום שיום אחד, הזדמן לי להיכנס למשרד של בניין גולדשמידט, לתלמידי חו״ל, ולספר להם שסיימתי מ.א. בפסיכולוגיה באוניברסיטה העברית. שתי הנדים שעבדו ביום זה במשרד כמעט נפלו מהכסא למשמע אזניהם. 

lycée français - cinquième texte



במקביל לטקסט זה, אני מספר את הצד הישראלי - עברי של אותן שנים. בהמשך לטקסט בצרפתית.

Et ainsi, en août 83, deux ans à peine après nous y être installés, après qu'un de nos enfants y soit né, après avoir profité des charmes de l'endroit, plein et pétillant l'année, vide et admirable l'été, nous le quittions déjà pour notre deuxième maison en Israël, deuxième maison à Jérusalem.

Nous laissions derrière nous cette institution qu'était la mochava, Esther la cuisinière et son équipe, Dani et son éternel seau rempli d'outils à la main, Rubin le garde de nuit qui nous gratifiait régulièrement - et cérémonieusement - d'un "vin" (strictement non potable) de sa fabrication, et que - j'ai un peu honte à le révéler - nous versions fois après fois dans l'évier.

Nous laissions cette Emek Refaïm en cours de métamorphose, "kafit", le premier café qui venait de s'y ouvrir et qui n'était encore équipé que de six chaises keter et trois tables branlantes, la piscine et le cinéma Semadar, le musée de la nature, la vue sur la muraille et la Dormition depuis notre magnifique terrasse, et les voisins, Tsion le "shérif anti ashkenaze" du quartier et sa chevrolet cahotante, Tsvika le "noble" (et ashkenaze pur sang) directeur du mythique "centre multiculturel pour les jeunes", Avraham Selah le plombier, les frères Kaara et leur quincaillerie, la voisine psychologue au sujet de laquelle Dani m'avait expliqué : "il y a deux sortes : les "psychims" (fêlés en bon français) et les "loguim" (les "vrais").  Nul besoin de préciser à quelle sorte affiliait-il la voisine...

Nous laissions derrière nous des bons souvenirs, et quelques drames aussi, drames de la vie de l'internat évoqués plus haut , mais aussi drames locaux, tel la découverte un beau jour de l'été de ce fils d'un des travailleurs arabes de la cuisine, mort noyé dans le puits qui était sous le batîment "templier", à l'instar encore à cette époque de beaucoup de maisons de ce quartier. Le père avait emmené son fils un jour où l'école ne fonctionnait pas, et avait dû le laisser jouer sans surveillance pendant que lui travaillait. L'enfant avait probablement ouvert un des soupirails d'accès, s'était penché et était tombé. Ce fut la police alertée qui finit par le découvrir et remonter le corps.

J'ai aussi le souvenir de l'enterrement du père d'Esther la cuisinière (et de Shoulika sa soeur qui servait les repas les soirs) plus comme d'une immersion ethnique que comme d'un triste évènement . Esther et Dani étaient tous deux des enfants de ces familles sefarades que l'état d'Israël avait "généreusement" logés dans les quartiers stratégiques : Mousrara en bordure de la porte de Damas, Mamilla, face à la porte de Jaffa, Katamon, rempart humain entre Bet Tsafafa et Jérusalem. Esther et Shoulika, et leurs nombreux frères et soeurs étaient une famille de Mousrara, quartier marocain pittoresque s'il en fut, et avaient ainsi grandi rehov ha "aïn-Heth", la rue la plus proche de la muraille, celle que les tireurs d'élite jordaniens affectionnaient pour vérifier leur acuité visuelle, celle dans laquelle il fallait parfois encourir le risque de se faire atteindre d'une balle ennemie. Le père fut enterré au mont des Oliviers et tout à la fois, j'accompagnai ces deux femmes dans leur deuil, et je découvrai encore une nouvelle facette de ce pays encore tellement nouveau pour moi, enfant de Paris et de sa banlieue. L'exotisme de cet enterrement pour des yeux de parisiens est à peine descriptible. L'endroit - le cimetière du mont des oliviers est situé en plein quartier arabe - est une gravure de Daumier, on s'attend à y croiser Avraham Avinou ou le prophète Elie à tout moment. J'ai encore le vif souvenir d'un des frères dispersant comme on chasse des corbeaux le groupe des femmes qui avaient commencé une sorte de danse rituelle au cours de laquelle elles pleuraient et se giflaient en rythme, avec en arrière plan les tombes centenaires, le dôme du rocher, la tombe biblique de Jason, l'église Marie Magdaleine, ses bulbes et les oliviers millénaires du jardin de Guetsémanie, et la muraille de la vieille ville de Jérusalem, imposante.

Et nous laissions tout le vécu de la vie d'internat, où la vie n'a pas d'interruption, où on rencontre les élèves à toutes les heures du jour ou de la nuit, et où tous les états d'âme sont forcément perçus par l'un ou l'autre. Le bureau des madrikhim qui rappelait un peu la salle d'équipe pédagogique des camps e.i.s, et dans lequel ne se passait rarement plus d'une minute sans qu'un(e) élève n'y fasse irruption, Monette la secrétaire, le téléphone public à la disposition des élèves autour duquel gravitèrent tant de drames émotionnels, les petits chemins reliant un bâtiment à l'autre, la cour d'entrée et ses panneaux de basket, notre appartement aux hauts plafonds, aux carrelages arabes et à la petite marche entre le couloir et la cuisine sur laquelle Ayala se délectait tant, et le jardin embaumant des odeurs des myrthes, des grenadiers, des oliviers et des géraniums, où nous avions organisé un mariage l'été 82, et dans lequel nous devions revenir neuf ans plus tard fêter la bat mitsvah d'Ayala, réception cuisinée et orchestrée par Esther.

Nous quittions mais je demeurai rattaché au lycée, ayant revêtu les atours de ma première profession, de laquelle je n'étais pas nostalgique, n'ayant jamais décidé de la quitter : j'avais reçu 10 heures hebdomadaires d'enseignement des matières juives.

Je renouais ainsi avec mes anciennes amours, l'enseignement et en particulier la rencontre avec les élèves sur les thèmes de l'identité juive.

Sans m'en rendre compte ni l'avoir voulu, j'obéïssais à la dynamique universelle de l'enseignement : la poussée vers le haut. J'avais commencé à enseigner aux enfants, six ans à l'école Maïmonide, quelques cinq ans au talmud Torah, et voilà que je passais au second cycle, ayant habilement évité ces classes les plus difficiles que sont 5ème, 4ème, 3ème...

Ici aussi, comme dans les autres lieux où j'avais enseigné, j'étais libre de toute contrainte de programme ou d'inspection, particularité qui m'a plus ou moins accompagné tout au long de ma carrière (j'ai hautement conscience du privilège que cela représente). Je me souviens être allé voir Maïmon, avec lequel j'allais partager la noble tâche de l'enseignement des matières juives, et lui avoir demandé s'il y avait des consignes, un programme. Il m'avait répondu que j'étais le seul maître à bord de mon vaisseau et quelques minutes après m'être trouvé désemparé, je me rendis compte que cette situation m'était en fait idéale.

Cela me permit de mettre dans cette activité toute ma motivation. J'ai en fait depuis mon entrée en animation aux e.i.s été énormément investi dans le challenge de la transmission du judaïsme.

J'ai déjà raconté dans ces colonnes combien m'ont été importants les enseignements - pourtant fort différents - de Manitou, de Lévinas, et aussi à cette époque, des rav Chouchena et Frankforter. J'ai aussi mentionné mon admiration  et mon enthousiasme pour cette formulation d'Ami Bouganim selon laquelle "la Torah est une affaire trop sérieuse pour l'abandonner aux ultraorthodoxes".

Je me sentais un peu comme si j'avais signé un contrat illimité avec le challenge de la réponse adressée le soir du séder de Pessah'...à celui qui ne sait pas poser les questions. Il faut susciter ses questions, il faut l'interpeller assez pour qu'il revienne, lui que la tradition qualifie de "bébé kidnappé", d'enfant qui aurait été privé de tradition et de transmission. Ainsi me paraissaient être la plupart de ces élèves, qui ayant grandi en milieu totalement déjudaïsé, qui tentant au travers de l'éloignement de la maison familiale de se distancier, qui aux prises avec cette difficile confrontation entre le monde moderne et cet archaïque judaïsme.

Ma besace était loin d'être vide. Je disposais de quelques ouvrages et de quelques approfondissements qui me permettaient de construire des programmes annuels que je tentais d'adapter à l'âge et au niveau pour chaque classe séparément.

Peu après mon arrivée en Israël, Eliane Amado Lévy Valensi, que j'eus le privilège de pouvoir plus tard côtoyer entre les années 1993 et 1996, avait publié le livre "la onzième épreuve d'Avraham", qui était une élaboration sur le sens actuel de ce midrach raconté au nom de Rabbi Eliezer, qui découpe l'histoire d'Avraham en dix parties, définissant dix épreuves. Elle réfléchissait sur le sens actuel de ces épreuves et en formulait une onzième, challenge du renouveau de la présence juive en Israël, épreuve dévolue non à Avraham lui-même, mais à ses descendants, à ceux qui se réclament de lui, et se trouvent, ici, confrontés à ces canaanéens d'aujourd'hui que sont les palestiniens. Je me revois lire ce livre dans un autocar, en route entre Jérusalem et la mer morte, aux débuts de ma présence ici, et alors que Alyat Hanoar avait organisé une excursion pour ses travailleurs et les emmenait à travers le pays. Ce voyage fut très important pour moi : il me fit découvrir les internats (villages d'enfants) israéliens, tout un panorama qui m'était alors inconnu, et je lus en parallèle le livre d'un bout à l'autre. N'était-ce une forte crise d'asthme au village d'enfants houpim, à côté de Acco, cela aurait été peut-être pour moi une des plus riches journées de cette époque.

Ces mêmes années était sortie aussi en livre une compilation de trois conférences d'Emile Fackenheim "la présence de D. Dans l'histoire - réflexions après Auschwitz". Il s'agissait d'une formidable réflexion qui - à l'instar du livre sus mentionné - me nourrissait intellectuellement, me donnait matière à enseigner le sujet de façon que je considérais passionnante, et était de taille à m'accompagner au long cours. Jusqu'à aujourd'hui en fait. 

J'avais déjà à cette époque les lectures talmudiques de Lévinas comme livre de chevet, et les cours de Manitou, et ceux de Lévinas résonnaient encore dans mes oreilles. 

Je devais à Lévinas la composante altruiste et éthique présentée par lui comme centrale, et autour de laquelle je devais dix ans plus tard écrire une thèse de doctorat, et je devais à Manitou certains enseignements, certaines précieuses conceptualisations, telles celle du rôle de Yossef auprès des nations, le passage biblique de la "génisse égorgée" (Devarim 21, 1-9) en constituant une plate forme d'élaboration, telles tout ce que Manitou m'avait enseigné sur la fête de Hanouka, la hissant d'un coup du niveau enfant où je l'avais toujours connue, au niveau adulte, "historiosophique" comme il disait.

De plus, un élève de Manitou (Ezra), avait fait paraitre un fascicule qui présentait un diagramme des 5730 ans de l'histoire du monde, et j'avais encore frais en mémoire l'étude de quelques midrachim sur plusieurs passages bibliques, de quelques pages de talmud.

Je ne manquais ainsi pas de matière. Je m'attelai donc à la tâche avec un appétit semblable à celui qui me faisait 6 ans plus tôt me préparer à ma classe à grands renforts de feuilles que je ronéotypais moi-même jour après jour sur la machine du QG e.i., mais différent ô combien quant au niveau de discours. Je devais me mesurer avec des adolescents qui se confrontaient à l'aide de tout leur intellect aux contradictions entre le compte de l'âge du monde d'après la tradition ou d'après la science, qui se confrontaient à la shoah, au sionisme, au caractère non actuel de beaucoup d'aspects de la tradition, et qui pour beaucoup avaient un bagage voisin de zéro ou remontant à leur petite enfance. Il fallait leur enseigner le calendrier, les patriarches, en donnant à ces enseignements la dimension adulte.

J'ai enseigné huit ans au lycée, recevant chaque année entre trois et cinq classes selon les années. Autre privilège de ma carrière, j'ai rarement eu plus de vingt élèves ensemble, et les classes que j'avais étaient parfois de moins de dix élèves, avec lesquels chaque rencontre était pour moi comme un défi, celui de leur communiquer ce gout que la Torah a toujours laissé à mon palais, et celui de me mesurer à leurs questions et à leurs objections, qui étaient un peu des échos aux miennes, intérieures.

J'ai très tôt, et jusqu'à aujourd'hui, été impressionné par la richesse de ce bagage, du talmud et du midrach autant que de la Torah, je les ai toujours ressentis comme des puits intarissables d'eau de jouvence, et de profonde sagesse, et le mérite que j'attribue à ces maîtres de l'antiquité (que Lévinas appelait "les docteurs du Talmud"), ainsi qu'à ceux qui ont été les miens, n'est pas tant par le contenu de leurs enseignements que par le fait que j'ai reçu d'eux la capacité de goûter chaque fois que je les approche de nouvelles facettes de la sagesse qu'ils recèlent.

J'ai aussi très souvent bénéficié moi-même, et en premier, de ces efforts que je faisais pour susciter puis répondre aux questions, y découvrant alors telle conceptualisation, tel hidoush. Tous ces hidoushim ou conceptualisations n'étant nullement des prouesses intellectuelles, mais de nouvelles façons de faire le lien entre cette histoire multimillénaire, ce bagage que l'individu né en France au 20ème ou 21 ème siècle a si facilement tendance à considérer comme éculé, dépassé, et le monde dans lequel nous vivons.

A l'instar d'aux e.i.s je sentais que le lien entre ces élèves et le judaïsme passait beaucoup par moi. J'étais là pour leur apporter des connaissances mais pour leur procurer un lieu de confrontation, un lieu de réflexion entre leur vécu séculier et ce monde tellement riche mais qui leur était tellement étranger.

Les cours m'ont été très interessants, très enrichissants, à d'assez rares exceptions près. J'ai eu de nombreux contacts avec bon nombre d'élèves avec un certain nombre desquels facebook donne l'occasion de réguliers et affectueux échanges vingt et trente ans plus tard.

Etre prof. est une toute autre posture que celle de cotoyer les élèves à l'internat. Une toute autre relation aux élèves, une autre situation professionnelle, qui met en relation avec plus d'adultes, qui permet de connaître moins bien les interlocuteurs.

Deux parties non négligeables de cette facette sont les rencontres informelles dans la salle des profs, et les réunions fotmelles que sont les conseils de classe. Ces deux n'ont aucun rapport ni avec le vécu de la salle des madrikhim de l'internat, ni avec celui des réunions d'équipe du même lieu. C'est presque comme si on comparait la table familiale à la cantine. La première est intime, on parle et on est AVEC les élèves, la seconde est le lieu où les adultes parlent DES élèves. 


J'entrerai un peu plus dans l'ambiance du lycée, scène, salle et coulisses, dans un prochain texte.


המרכיב המרכזי ללימודי המ.א. בפסיכולוגיה היתה בוודאי הכניסה לעבודה הקלינית. אני ייחסתי רצינות רבה - עד היום - לחלק התיאורטי של הלימודים, אבל כמו רוב הסטודנטים של מגמה זו, ניגשתי ללימודים כמקפצה וכהכנה לעבודה הקלינית.

שנתי השלישית ללימודי המ.א. התנהלה רובה ככולה מחוץ לאוניברסיטה העברית.




מכיוון שהייתי למעשה משולב בפרקטיקום שהוגדר כ״שיקומי״ ( הוא בהמשך הוגדר בדיעבד כקליני, בעיקר בגלל שהוא כלל כל מה שכלל פרקטיקום קליני), נדרש ממני ללמוד שני קורסים שיקומיים באוניברסיטת בר אילן, והם מנעו ממני השתתפות בקורס הקליני של שמואל ארליך, כך שאני לא זוכר אם למדתי קורס כלשהו בשנה זו בהר הצופים. למדתי יום בשבוע בבר אילן. זה השלים את הקליטה שלי, זה הכיר לי קמפוס אחר, אווירה אחרת. לצערי זה למעשה לא לימד אותי כלום אבל לא נורא. 




למזלי, הייתי משולב להדרכות על פסיכודיאגנוסטיקה עם עוד ארבעה שהיו במקומות פרקטיקום אחרים, וזה היה החיבור היחיד שלי עם הסטודנטים מהמחזור שלי לשנה זו. 




לגבי הפסיכותרפיה והקריאה התיאורטית, הכל התנהל בכפר שאול. הייתי בהדרכות של פסיכולוגים קליניים מוסמכים למדי, והייתי בסמינר ביחד עם מתמחים ופסיכולוגים מוסמכים. שם למדתי הכי הרבה. מתכונת זו היוותה לי המגע הראשון עם המקצוע, עם ההדרכות, עם הסמינרים, עם בעלי מקצוע.

המגע הקליני הרשמי הראשון שהיה לי היה עוד בשנה השניה, במסגרת הקורס של שלמה קוגלמס, ״מחקר בפסיכופתולוגיה״. היינו קבוצה מצומצמת של סטודנטים,  כל אחד מאתנו היה משולב בשדה קליני אחר, וכתוצאה מזה, היה עושה את המחקר שלו בתחום אחר. נפל בחלקי להתלוות לפסיכיאטר נחמד וחביב מאד, שהיה אז עולה חדש בעצמו, ושהפך מהר מאד למנהל התחנה בה התנסיתי. נפגשנו אבל מפגש ראשון בחדר שלא היה גדול הרבה מחדר השירותים, בתוך הבנין הצר והצפוף שברחוב הקטנטן על שם שמעון החכם. כבר אז, תחנה זו שרתה בעיקר קהל חרדי והמקום נראה לי ביום זה - ובהמשך - כולו בצבעים של שחור ולבן. ד״ר גרינברג סיפר לי שהוא התמחה בטיפול התנהגותי ל OCD מעצם היותו יהודי דתי  : ״למדנו כבר בהר סיני שכיוון הזרם הינו ״נעשה ונשמע״ אמר לי״.  והמשיך : ״היינו, ממה שאנחנו עושים נובעת הוויתנו״. הוא הוסיף עוד שהוא לא מתכוון כלל וכלל לכפות עליו לטפל בשיטה התנהגותית והוא מסר לי פציינט. פציינט זה היה איש חרדי בשנות השלושים שהיה סובל מתסמונת OCD בעלת גוון דתי בלבד : הוא היה רוחץ ידיים עשרים פעם ביום, וכל פעם במשך דקות ארוכות, אך מחשש שידיו לא מספיק נוקו אחרי עשיית צרכיו וזה פוסל אותו מאמירת תפילה. בנוסף, הוא היה אומר בוקר וערב קריאת שמע במשך זמן רב, ותוך חזרה עוד ועוד על משפט זה, מחשש שלא אמר אותו עם הכוונה הרצויה, ועל אף שהוא ידע על איסור להגיד את המשפט יותר מפעם אחת כל פעם. הוא היה נשוי ולו כבר שני ילדים, אך הוא היה עמוק מאד בתוך התסמונת ובתוך הסבל הנובע ממנה. 




נפגשנו פעם בשבוע נדמה לי במשך שנת הלימודים כולה. היינו יושבים בחדר הקטנטן בו פגשתי את דוד גרינברג בפעם הראשונה ונושא הטיפול ההתנהגותי לא חזר אלינו כלל. אני לא זוכר כל כך באיזו תדירות קיבלתי הדרכה, ואני לא כל כך זוכר מה היה החלק המחקרי של כל העניין. אני גם לא יודע כמה עזרתי למטופל שלי, מלבד העובדה שהוא חיפש אותי כמה שנים לאחר מכן וביקש להתחיל עימי טיפול באופן פרטי. זה מתחבר למחשבות לגבי הכשרת הסטודנטים לעבודה הקלינית. אני בעיקר יודע כמה נסיון טיפול זה תרם לי מבחינת כניסה לעולם ההקשבה וליווי פציינטים. בנוסף התלוותה לי הפתעה נעימה וחשובה : לקראת סוף השנה, דוד גרינברג סיפר לי על פרויקט שלו ושל עוד פסיכיאטר, לכתוב מאמר על מחלות שגוונן דתי, והוא מציע לי להיות חלק, לכתוב שליש מהחלק התיאורטי, ולתאר את המקרה בו טיפלתי. כתבנו את המאמר, והודות לדוד גרינברג שהיה בעל ניסיון רב בנושא, התפרסם המאמר ב״כתב עת״ בין-לאומי בעל יוקרה. הדבר שימח אותי מאד אך גם שרת אותי כי בזכותו קיבלתי תשע שנים מאוחר יותר פטור מישיבה על ספסל הלימודים עת התחלתי לעבוד על הדוקטורט. המאמר אמנם התפרסם לפני כמעט 20 שנים, הוא עדיין מצוטט לא מעט וזה באמת היה בלתי צפוי לגמרי, לפחות על ידי. 




כך יצא שניסיון קליני ראשון התנהל כמעט בלי מגע עם האווירה המקצועית, ובצורה כזו שלהדרכה היתה חשיבות כמעט שולית. יש לזכור שההתנסות הטיפולית הייתה למעשה סוג של בונוס שאני ספק קיבלתי ספק יצרתי לעצמי. מלכתחילה לא דובר על מסגרת של פרקטיקום או אפילו של מיני פרקטיקום. 




הניסיון הקליני השני היה כמעט הפוך בכל הבטיו. הוא התנהל שנה לאחר מכן, בזמן הפרקטיקום, שאת הכניסה אליו מאד הקשו עליי כפי שסיפרתי בפרק הקודם, ואותו עשיתי חצי מהזמן במחלקת שיקום בתוך בית החולים לחולי נפש ״כפר שאול״, וחצי ב״מעון ירושלים״ שבשכונת תלפיות.




ה״פרקטיקום״ היה כצלילה למים עמוקים. ״כפר שאול״ שהיה אז עדיין מחוץ לגבולות העיר ירושלים הינו הכפר הפלסטינאי ״דיר יסין״ בו כוחותנו ביצעו טבח במלחמת השחרור. האגדה מספרת שהמקום הוסב לבית חולים פסיכיאטרי מתוך כוונה תחילה למנוע נקמה, מתוך ידע - או הנחה - שהערבים לא ינקמו בחולי נפש.

המקום, שלושים וחמש שנה אחרי ארועים אלה, היה עדיין כפר, הבתים היו עדיין הבתים של דיר יסין, לא צמחה חטה אבל השדרות/הרחובות נשמרו.

והחולים, היו אלה שכל העולם מכיר אחרי צפיה ב״קן הקוקיה״, או ״שאטר איילנד״. אני זוכר את הביקור שלי הראשון במקום. דורון, הפסיכולוגית שקיבלה אותי תחת חסותה לקחה אותי לביקור היכרות. עברנו ברגל לאורך כל הכפר, מחלקה מחלקה, שביל שביל. פה ושם התקרב אלינו חולה ומי הביט בנו מי יצר קשר, מי ביקש אש לסיגריה שלו, מי ביקש סיגריה. לא היה זה המגע הראשון שלי עם עולם המחלה הכרונית, אחרי ההתנסות שלי שנה קודם לכך במועדון ״אנוש״. בסוף הביקור, דורון שאלה אותי אם מפחיד אותי להסתובב במקום ואני זוכר שקיבלתי את השאלה בהפתעה. לא חשבתי לרגע שאוכל להרגיש פחד. לא הרגשתי פחד. הרגשתי כמובן גלים של רגשות מכל מיני סוגים, אבל הפחד לא היה ביניהם. הרגשתי סימפטיה. זה היה עבורי כניסה לעולם חדש. עד אז - והיו מאחורי כ 10 שנים של עבודה - עבדתי עם ילדים ומתבגרים בלבד והגיל הממוצע בכפר שאול היה בטח מעל חמישים. זה היה חדש מאד אך לא מרתיע יתר על המידה. לא בחרתי להיות במקום הזה וקיבלתי על עצמי ללמוד ממה שיפול בחלקי, במיוחד אחרי הניסיון המר של הקיץ הקודם.

מעון ירושלים היה בעל מראה ואווירה דומים לגמרי לכפר שאול, עם אולי הבדל קטן שהגיל הממוצע של החולים היה נמוך בהרבה. המעון היה עדיין מקום אשפוז אך הוא היה מעין שלב מתקדם יותר ביחס למחלקת שיקום באשר לקרבה לקהילה, לעולם החיצוני.




אם היו שייכים למחלקת שיקום חולים שמאחוריהם שנים ארוכות של אישפוז בבית החולים, היו נמצאים במעון חולים שלרובם מאחוריהם אשפוז קצר בהרבה. עובדה זו אבל לא השפיעה על האווירה. החולים היו כמו בכפר שאול בחוסר מעש 

התנסיתי בשנה זו עם מגוון רחב של חולים, מגוון רחב של מגעים קליניים, ומגע כמעט ראשון עם צוות של ישראלים.

לא נראה לי שאיש ידע להעריך מה כלל התנסות זו, כמה היא היתה מסיבית, כמה היא הכניסה אותי חזק גם לתוך המקצוע, אך גם לתוך החברה הישראלית.

ככתוב בפרק הקודם, יש לי עדיין בקורת לא מעטה על כל עולם המבוגרים ואנשי מקצוע (בתחום הפסיכולוגיה, המבוסס על אלטרואיזם, אמפטיה ועוד מושגים גבוהים מעין אלה) שלמעשה לא ראו כמה הייתי בצלילה, והיוצא היחיד מכלל זה היה המדריך האישי שלי לפסיכותרפיה, ד״ר מיכאל שושני, שהוא האדם היחיד שמצא לנכון להגיד לי על זה משפט מחמם, וגם התייחס אליי לאורך כל השנה על פי מבט אמפטי מבין. כמה שהדבר מפתיע, יחס מעין זה הינו רחוק מאד מלהיות שכיח, והשאלות אודות עובדה זו נשארות פתוחות ונוקבות : מסתבר שאלה העוברים בהצלחה את כל המחסומים אל המקצוע אינם בהכרח מתאפיינים לא בהבנת הזולת ולא אולי אפילו ביכולת לראות אותו.

בדיעבד אני מודה על כך שהאוניברסיטה לא איפשרה לי לעשות את הפרקטיקום ב״עליית הנוער״. נדמה שזה היה בוודאי מקל עליי, להישאר באווירה שהתחלתי ללמוד אותה דרך עבודתי ב״מגמה הצרפתית״, אבל הייתי מתקרב וטועם הרבה פחות את העולם הקליני האמיתי, שהפסיכיאטריה היא חלק חשוב מאד ממנו. והתוספת היתה היכרות עם עולם מקצועי שאיננו עוסק בחינוך.

מחלקת שיקום, בניהולה של ליאורה, עובדת סוציאלית וותיקה ומנוסה, היתה מחלקה מזן אחר. מחלקה לא בניהול של פסיכיאטר, ובעיקר מחלקה שתיפקודה שוויוני. סטטוס הפסיכולוגים היה כסטטוס האחיות, גם במישור חלוקת המטלות, גם במישור הטיפולי. כולם היו מטפלים, כולם היו שייכים לצוותים שתפקידם היה ביקור בבתים של החולים שעדיין שייכים למחלקה וכבר מתגוררים בחוץ, בקהילה. וכולם היו משתתפים בפעילות המחלקתית ה״לא פסיכותרפויטית״, כלומר העברת חוגים, או קבוצות, או בילוי שעות סוף יום עם החולים.

מאד נהניתי מאווירת המחלקה, מניהולה של ליאורה (דבר שלא כולם היו שותפים לו בלשון המעטה), הכרתי עולם רחב. את פמלה העו״סית, את ד״ר מוסקוביץ, הפסיכיאטר, את דורון ואת ורדה, שתי הפסיכולוגיות שעבדו בשנה זו, ועוד אנשי צוות שהשם שלהם לא קופץ לי לזכרון, על אף שאני רואה את פניהם.

ובעיקר הכרתי אנשים שנפל בחלקי לטפל בהם. אם זה היה טיפול פסיכותרפויטי, זו כבר שאלה אחרת. אחזור על דברים חשובים אלה.

במקביל, המשכתי לעבוד ב״מגמה הצרפתית״ של עלית הנוער. אך, על מנת לפנות זמן לפרקטיקום, עברתי מתפקיד מנהל פנימיה לתפקיד מורה למקצועות היהדות. אני מספר דבר זה בטקסט הצרפתי הצמוד לטקסט זה. יש נתק בין הטקסט העברי לבין הטקסט הצרפתי, וזה מבטא את המציאות דאז. היה נתק מוחלט בין שני עולמות אלה. את החיבור התחלתי לעשות מאוחר הרבה יותר, כעשר שנים אחר כך.

lycée français - sixième et dernier texte.

מאז התחלתי לספר את אשר ארע מאז עלינו, אני מצרף לטקסט הצרפתי, מיד אחריו, טקסט כתוב בעברית, קריאה מהנה.





Ainsi que je l'ai déjà exprimé à plusieurs reprises, le lycée français reste affiché dans ma mémoire comme le lieu d'un assez curieux amalgame. 

On est très loin d'un lycée parisien ou de banlieue, tous relativement formatés Jules Ferry, et dans lesquels l'homogénéité fait loi.

Au lycée français, se croisaient pêle-mêle - et de mes bribes d'expérience toute partielle ces dernières années encore, se croisent encore aujourd'hui -  bon nombre de populations, sur un nombre d'individus assez restreint.

Le lycée français existe aujourd'hui depuis plus de quatre décennies, et un bref regard sur la période qui a précédé mon arrivée, et jusqu'aux années 90, depuis le début desquelles le lycée est resté à la même adresse postale, envoie à de fréquents changements, changement de lieu, changement de tête dirigeante.

Au début de mon "temps", le lycée se trouvait rehov Sokolov et était dirigé par David Perez, puis il passa rehov Massaryik, dans ce qui s'appelle Bet Hapakid, où il fut brièvement dirigé par Guy Mimouni qui céda la place à Moshé Guttel. Le lycée passa ensuite dans ce magnifique domaine de la rehov Shimshon, qui fut depuis séparé en deux parties, une partie abritant jusqu'à aujourd'hui l'antenne hyerosolimitaine du cnrs. Par la suite, en 1991, le lycée passa - devrait-on dire définitivement ?- à la havat hanoar hatsioni, où il fut dans un premier temps dirigé par Odile Cohen Nahmia, puis par Jo Bensimhon, puis aussi brièvement par Shlomo Zemour, avant d'être aujourd'hui dirigé par quelqu'un que je ne crois pas connaître. C'est au stade de ce dernier déménagement que je quittai le navire, passant à temps complet à la psycho., où je repris des fonctions d'enseignement mais seulement quelques années plus tard.

Pour en revenir au "lycée français de Jérusalem", voilà un établissement qui a accueilli jusqu'à 200-250 élèves par année, et qui tourne en général à effectifs plus réduits encore - ce qui est donc très peu. Pour comparaison le lycée d'Antony quand j'y étudiais comptait quelques 3000 élèves. 

Et ce qui est sa caractéristique centrale est à mon avis l'hétérogénéité, et les mondes respectifs de provenances qui séparent l'élève venu sans ses parents, du fin fond de la France profonde, de celui accompagnant les siens dans un mouvement d'alyah familiale, de celle arrivant tout droit du Maroc, ou d'Espagne, ou de Turquie, ou d'Afrique, d'Iran. Certains arrivent de milieux complètement assimilés tandis que d'autres ont baigné depuis leur plus jeune âge dans le milieu juif le plus traditionnel ou dans un milieu sioniste. Certains sont venus en résultante d'élan positif, "par amour de Mordekhaï" tandis que les autres sont là en dernier recours, "par haine d'Aman", certains s'installent en Israël et ce lycée est leur première étape, certains ne font que passer, sont venus un, deux ou trois ans puis sont repartis.

Cette hétérogénéïté à la fois disparaissait derrière le vécu quotidien, et était à la fois très présente, ou peut-être y ai-je été éminemment sensible et l'ai-je donc massivement ressentie ?

L'impression que j'ai eue en passant de l'internat au lycée a été que la même hétérogénéïté envahissait tout autant la salle des profs.

Pour le meilleur et pour le pire, on y était encore plus loin du paysage français qu'en ce qui concernait la population des élèves.

Les profs étaient loin de tous avoir étudié pour le devenir mais il semble que ce paramètre - a contrario - joue ici plus positivement que négativement.

Il s'agit d'une population de professeurs avant tout identifiée à celle des élèves, bien plus que dans le cas d'un prof. issu de l'école normale, du capes ou de l'agrégation et qui se retrouve nommé au gré des caprices de l'administration, auquel cas il doit surtout affronter une population d'enfants souvent très différente de lui, d'enfants locaux tandis qu'il est excentré et a à gérer son propre exil géographique, ceci pouvant se jouer sur de grandes ou petites distances , comme par exemple celle qui sépare Paris-centre de Saint-Denis.

Les enseignants du lycée français de Jérusalem entrent plus directement dans la définition donnée par le chanteur belge Julos Beaucarne du bon prof. : "pour apprendre le latin à John, il faut d'abord connaître John, ensuite le latin" disait-il déjà aux alentours de mai 68.

Venaient ainsi enseigner des gens dont le projet identitaire était plus central que le projet purement didactique, ou que leur propre développement profesionnel importait moins qu'autre chose, un peu à l'instar de ce qui réunit les travailleurs d'éducation spécialisée, où les élans d'adoption, ou d'investissement émotionnel passent avant tout et font parfois tanguer le navire de leur lieu de travail plus fort que ce qu'il peut supporter.

La plupart de ces profs., moi y compris, étaient eux-mêmes en cours d'alyah, et plus, en cours d'intégration dans un pays qui leur était encore partiellement inconnu.

Je me souviens ma première immersion dans le bain de l'armée, en mars ou avril, en compagnie de Guy Mimouni, prof. d'économie au lycée, alors largement plus âgé que moi, et nous deux aux prises avec des ordres, le maniement du fusil, la tente, les gardes, les grades, l'éloignement de la maison familiale...avec près de dix ans de décalage par rapport au conscrit moyen.

J'ai connu tous les profs des dix ans que je passai en tout au lycée français, qui plus superficiellement, qui plus intimement, et si dénominateur commun il y avait, c'était celui du sionisme, et celui-là uniquement serais-je tenté de rajouter.

Tous étaient profondément investis dans l'apprentissage de la nage en eaux israéliennes, qui (les profs d'hébreu) pour être nés sur place, qui (les olim vatikim) pour avoir déjà surmonté cette étape, qui (le gros de la troupe) pour être soi-même aux prises avec cet exercice difficile.

Probablement de ce fait démographique, la salle des profs était elle-même une ligne à haute tension émotionnelle. Le bateau tanguait souvent. Les mouvements interpersonnels y étaient de grande amplitude et les drames n'étaient pas rares, que cela soit au niveau de relations entre collègues, ou que cela soit au niveau de la relation à un employeur souvent mal vécu parce que trop inattentif ou brutal.

Les élèves étaient, pour un certain pourcentage d'entre eux, de familles ayant une relation multigénérationnelle à Israël, de parents ou grands parents ayant eux-mêmes tenté l'alyah par le passé, ou de famille en train de re-tenter le grand saut.

Certains ont poursuivi ce bal, qui accompagne beaucoup de juifs, un peu écartelés entre Israël où ils ont certains vécu un temps, où ils ne sont provisoirement pas mais ils reviendront, où ils ont fait ce qui n'aura été qu'un passage, douloureux parfois.

Il n'est en tout cas pas d'entreprise plus hasardeuse que celle de tenter de quantifier les pourcentages de "réussite" en matière d'alyah. 

Il semble que les profs sont d'une population plus stable à ce regard. La plupart sont restés en Israël,  mais tous n'ont pas été profs au long cours. 

Ceux dont le lycée aura été une étape d'intégration ne sont pas un petit nombre. Ils enseignaient par necessité provisoire et cela ne veut pas dire qu'il s'acquittaient mal de leur tâche, bien au contraire, ne rentrant nullement dans le classique schéma français au nom duquel on est prof pour trois principales raisons : " juillet, août et le ski en décembre puis février".

J'ai obéï moi-même au schéma alyah, ayant été directeur d'internat sans m'être choisi cette fonction comme profession, puis ayant été prof. à temps partiel, au propre comme au figuré.

J'enseignais - en français - et en parallèle menais ma progression professionnelle, "master" de psychologie, puis spécialité en psychologie clinique - en hébreu. Ceci, tandis que notre famille à Marianne et moi s'agrandissait et que nous rencontrions successivement les étapes du voisinage israélien - une fois sortis de l'internat où nos voisins étaient principalement les élèves -, étape de parents d'enfants au gan, puis à l'école israélienne.

Mais j'étais investi au lycée français. Je l'étais avant tout par rapport aux éléves et à ce que je tentais de leur enseigner, mais je l'étais aussi en relation avec l'équipe des profs, et je fus de quelques tempêtes.

Me restent en fait surtout un petit nombre de clichés, de souvenirs visuels de telle ou telle classe, et de quelques scènes, impliquant telle ou telle personne, tel Maïmon qui prenait semble-t-il plaisir à s'exprimer malicieusement en conseil de classe au sujet de tel ou tel élève par les mots :"celui-ci ça fait un temps fou que je ne l'ai pas vu", tandis qu'il notait en braille ce qui se disait autour de lui.

Me reste aussi le souvenir de m'être absenté de mon poste toute une année durant, où j'ai pu - par le soutien actif de mes parents - échanger dans mon emploi du temps dix heures au lycée français par dix heures à l'institut Hartman, où s'était ouvert - une seule fois - un programme d'études intitulé "ta chma" destiné aux francophones. Pour moi qui avais enseigné à ce stade près de quinze ans dans des structures diverses et face à des élèves d'à peu près tous les âges sans avoir jamais reçu pour cela la moindre formation, il aurait été dommage de ne pas profiter d'une telle occasion, d'autant plus que mon père avait immédiatement proposé de la financer.

Le directeur Moshe Guttel avait pleinement soutenu, me garantissant plus ou moins qu'il me gardait la place, et il m'a par la suite encore payé de retour si je puis dire, en me confiant l'année suivante des stagiaires en formation avant de partir en chlikhout enseigner les matières juives dans des structures françaises et européennes.

J'ai pratiquement cessé de côtoyer la quasi totalité de ces profs et des élèves du jour où j'ai choisi de cesser mon activité, au terme de dix ans passés au lycée français de Jérusalem, et des contacts n'ont repris que par l'initiative de Fabienne et l'ouverture de ces pages facebook, à l'exception de deux évènements qui eurent lieu à la hava. Un était la très triste cérémonie qui suivait la disparition de Dan Tellier au cours d'un exercice militaire, l'autre était la rencontre des 40 ans du lycée.





Je devais, de là, passer à l'enseignement de la psycho., uniquement en hébreu, uniquement en cadre post universitaire quelques dix ans plus tard, puis à l'enseignement universitaire des mêmes domaines de la psychologie clinique, encore quelques années plus tard. Je n'ai continué à enseigner la Torah de façon régulière, que dans le cadre privé d'un cours de midrach pour amis, qui existe de façon hebdomadaire depuis maintenant près de trente ans.

Si ce sont les élèves qui font l'enseignant, il conviendra de dire que je n'ai ainsi pratiquement pas cessé cette activité au long de ces bientôt 45 ans, ayant immédiatement échangé l'enseignement au lycée français par une visite annuelle dans les stages de formation e.i.s où je retrouvai cette transmission du judaïsme, pour une période d'encore quinze ans. 

Je raconterai bientôt cette expérience.




שלמה, דוד ועזיז היו המטופלים הראשונים שלי בשנתיים בהן ביליתי והתנסיתי בעולם הפסיכיאטרי.

בנוסף, העברתי מספר בטריות מבחנים אך אני בעיקר זוכר שני אבחונים, אחד של חולה ממש ירוד, הבהפרני, עם המשמעויות הכבדות על מצבו המנטאלי,בואחד, במעון ירושלים, של חולה שנוצר עקב העברה זו סוג של קשר רבת שנים בינו לביני.

שלמה היה איש מבוגר. לסטודנט בן 28 כמוני עת פגשתי אותו לראשונה, הוא נראה מבוגר מאד, על אף שגילו היה 64 בלבד. 
אבל הוא היה מאושפז יותר משלושים שנה, קודם באיזה בית חולים פרטי בגבעת שאול, ואחר כך בכפר שאול.

הפרויקט השיקומי שנפל בשנים אלה על כפר שאול היה נועז. לא הייתי אז מספיק בעניינים ולא העמקתי בנעשה, אבל מדיניות מסויימת כנראה הובילה למהלך זה : לקחת מקום אשפוז של חולים כרוניים ולהטיל עליו דינמיקה של שיקום. חלק מהמדיניות היה בוודאי כלכלי. אישפוז עולה המון כסף לתקציב המדינה והמגמה ה״טיפולית״ נראתה מאד מאד מתאימה למחזיקי הכסף.

עם מרים שרון כפסיכולוגית ראשית נכנסו עוד צוות של פסיכולוגים שביניהם היו יחיאל שרשבסקי ומיכאל שושני. היה במקום אורי שוחט וארבעה אלה הובילו את המהלך מהצד הפסיכולוגי.

הייתי בהדרכה אישית של מיכאל שושני בשנת הפרקטיקום, והייתי בהדרכה של יחיאל ושל אורי בשנת ההתמחות. היו לי עוד הדרכות (מרים, גדי) אבל הן היו פחות משמעותיות כנראה, או שהן ניתנו על ידי פסיכולוגים בכירים פחות והשאירו אצלי פחות חותם. מסלול של התפתחות מקצועית של פסיכולוג כולל שלב של כניסה להדרכה וברוב המקרים ״מדריך מתחיל״ פחות פנוי להעניק למודרך שלו ממדריך מנוסה.

מיכאל ויחיאל היו בעמדות בכירות ואישיותם הרשימה אותי, ונגעה בי. הם גם היו בעלי אמירות תיאורטיות, העבירו חלק מהסמינר קריאה שליווה אותנו וזאת אולי סיבה נוספת למקום שהם רכש ו אצלי.

לטפל בשלמה היה אתגר נועז כבר כתבתי. במובן מסויים, כאב הלב על האיש. כחלק מכניסתי לטיפול בו, הלכתי לחפש בהיסטוריה האישית שלו. הלכתי לבית החולים הפרטי הפתטי הזה. הגעתי למקום עוד יותר כרוני מ״כפר שאול״ ובדרכי לארכיון, נתקלתי במראה שלמעשה זעזע אותי : עבד שם פסיכולוג והוא היה ביום זה עסוק עם איזה חולה שהיה נראה ירוד על כל הבטיו ואופן העבודה שלו היה משונה מה. זה היה סוג של סצנה מתוך ״הנסיך הקטן״. הפסיכולוג היה שולח את האיש לעשות סיבובים ולחזור אליו. סיבוב ולחזור, עוד סיבוב ולחזור, ובמקביל, פנה אליי והסביר לי שהוא ״מנסה ללמד את החולה הזה את מושג הזמן״. זה היה מחזה הזוי. מפגש אמיתי עם עולם השגעון. הפסיכולוג הצטייר בעיניי כמשוגע האמיתי, בו בזמן שהאיש החולה כביכול רק שידר לעיניי מראה של עיפות ויאוש נוראיים, ואת השלכותיה של מחלת נפש כרונית על האדם.

בתיק של שלמה מצאתי את סיפור חייו. את הילדות אינני זוכר, אך היה שם מסופר על פרוץ מחלתו ועל כיצד הסתובב שלמה ערום ברחובות העיר כך שהביאו אותו לאישפוז. לא מן היום הראשון אושפז סופית. היו כמה נסיונות להחזירו למשפחתו אך שלמה שוב ושוב התאשפז, עד שהצטברה תקופה בה היה מאושפז שלושים וחמש שנה. בתקופת כניסתו למחלקת שיקום, כבר לא היתה לו משפחה, בית החולים היה ביתו, ולהוציא אותו לחיות בקהילה, כשותף לעוד אחד או שניים באחת הדירות של משרד הבריאות, היה פרויקט אולי חסכוני אבל לא פחות אכזר, או לפחות מנוגד לרצונו. אני לא זוכר אותו מביע מילולית את התנגדותו. הוא היה פאסיבי מאד. אני לא ליוויתי את יציאתו החוצה. במשך כל שנת הפרקטיקום שלי הוא רק היה בהכנה ושיחותנו לא תמיד סובבו סביב הנושא הזה. חיפשתי בעיקר להכיר אותו, ולהיכנס איתו לקשר. חלקית, זה כן התרחש.

דוד היה צעיר ממנו בהרבה, אבל היה בכל זאת בשנותיו הארבעים המאוחרות, והפסיכוזה שלו היתה עדיין הרבה יותר פעילה מזו של שלמה, שהיה חולה סכיזופרניה רזידואלי במלוא מובן ההגדרה. דוד היה רואה את הזיותיו על קירות חדר הטיפול והיה כמעט אחוז אימה בחלק משעות הטיפול. גם אותו לא זכיתי לראותו מתגורר מחוץ לבית החולים. לא בטוח ששלב זה הגיע.

עזיז היה גם בשנותיו הארבעים המאוחרות, היה אחד הדיירים של ״מעון ירושלים״, והיה עוד תמונה פסיכופתולוגית : אדם במצב מאד פאסיבי, שרגיל להתחפש למפגר על אף אינטליגנציה לפחות נורמלית. הכניסה לקשר איתו היתה סוג של אתגר. הוא היה מאד רגיל ליחיאל, אותו הכיר עוד לפני הכניסה למעון, והיה ניכר שהוא בעיקר מצטער על כך שנותנים לו לדבר איתי ולא עם יחיאל. הצלחתי בכל זאת קצת לתקשר איתו, ובעיקר למדתי להכיר את חוש ההומור שלו, אותו הוא היה חושף מפעם לפעם ובאופן עדין ודיסקרטי מאד.

גם הוא, וגם שלמה, היו סגורים מאד, מוכנים כביכול להיות מטופלים שלי, כלומר להתיצב פעם בשבוע לשיחה עימי, אבל יצירת הקשר איתם היתה עבודה לא פשוטה.

בכל זאת, נאמנים לפרויקט השיקומי ולמשימה הפסיכותרפויטית, ניהלנו, המדריכים שלי ואנוכי, מתכונת פסיכודינמית כשרה למהדרין. כתלמיד טוב ובעיקר כאדם שהפסיכותרפיה לא הפסיק לעניין ולסקרן אותו בארבעים וחמש השנים האחרונות, נהגתי על פי ההוראות של מיכאל שושני : ״אתה רושם את הכל. כל מה שאתה זוכר, מה שקורה ביניכם בתוך החדר ומחוץ לחדר ואתה בא אליי עם הכתוב. הוא צריך להיות לפחות ארבעה עמודים״. כך עשיתי, כך למדתי המון. אם זה עזר לשלמה, לדוד או לעזיז, זאת שאלה הרבה יותר נוקבת. ובמיוחד שתשובה לשאלה זו דורש קודם כל הגדרת ה״עזרה״ הזאת. במה צריכה פסיכותרפיה לעזור ? את מה אנחנו שואפים להגיע דרכה ? לנושא הזה הקדשתי את תזת המסטר שלי, ובהמשך, את כל השנים בהן עסקתי בפסיכותרפיה, כלומר, עד היום. שאלה בעלת תשובה מאד מאד מורכבת...

פסיכותרפיה הינה יחד עם זאת משימה מאד מאד מעניינת. היא מעמידה שני אנשים אחד מול - או לצד - השני באופן שאין לו שני. ההדרכות היו מאד מעניינות, למדתי מהן המון, וגם נזונתי מהן המון. הניסיון המצטבר של המ.א., במיוחד עם הקשיים העצומים לכניסה לפרקטיקום עשו עליי עבודה שלילית לעומק. כפסיכולוג קליני מתחיל, שלא ממש יצר חברה בקרב הסטודנטים, ושחווה כזה קיץ של דחיות, הייתי בעל דימוי עצמי בגובה הדשא.

אני לוקח על עצמי חלק מהחוויה. הרי, בחרתי לא יותר מדי להתחבר, להתנהג באוניברסיטה כסטודנט חיצוני, שלא חי את חיי המחזור, ואפילו ניתן להגיד שהסתתרתי מאחורי התירוצים של העבודה המסיבית בפנימייה כדי להצדיק זאת, והיה עליי ליזום יותר. אבל באמת שלא הרגשתי הרבה מאמצים לחבר אותי, מהצד של הישראלים, סטודנטים ופסיכולוגים כאחד, בלשון המעטה.

המדריך שלי הראשון, מיכאל, כפי שכבר כתבתי, היה האדם היחיד שמצא את המילים כדי להיות experience near ביחס אליי, בו בזמן שאף אחד מאנשי המקצוע האמונים על אמפטיה והדוגלים בה, אמר לי דבר או חצי דבר ביחס לקושי, לפער התרבותי שמן הסתם הייתי חווה. מצד הסטודנטים כמה מהם עשו תנועות חמימות, וגם לא ציפיתי תמיכה מאף אחד, וכך, באמת, לא באה תמיכה.

שנים לאחר מכן, אדם שלא תמיד פעל בכיוונים שעזרו לי, אמר לי שבאותו קיץ 83, לא קיבלו אותי ב״בני ברית״ לפרקטיקום כי חששו שיהיה לי קשה להצליח להיות גם יחד בעל ניסיון בחינוך וחסר ניסיון בשדה הקליני. מדריך אחר, אמנם בדרך שונה מאד, גם כתב מתוך תוכן של המלצה דבר דומה, שהמעבר מחינוך לטיפול אינו דבר טבעי, בכלל ולי בפרט.

אלה דברים נכונים. כבר כתבתי שמבובן מסויים, נולדתי עם המסוגלות והמיומנות להיות מחנך, ולא כך היה עם המיומנויות הקליניות, שהיה עליי ללמוד אותן. אני גם בדעה שהמיומנויות הקליניות, פסיכותרפיה ופסיכודיאגנוסטיקה, מורכבות יותר, דורשות הרבה יותר למידה ממיומנויות החינוך.

מה שחוויתי ביחס לזה הוא חלק ממאפיין - שלילי - של עולם הפסיכולוגיה הקלינית : מרוב שיקולים וראיית המורכבות, הרבה פסיכולוגים קליניים מגיעים למסקנה שעליהם להענות בשלילה. כביכול כדי לא להזיק במקום לעזור, כביכול מרוב שהמורכבות ברורה להם. התוצאה לגביי היתה כואבת והנזקים עלו על התועלת. 

כך שאם חוויתי את ההודעה על קבלה למ.א. כנס משמיים, לא יצאתי כלל וכלל פטור מקשיי הכניסה למקצוע. אם אדם מעריך יותר את אשר עליו לעמול כדי להשיג אותו, אז אין ספק שהתנאים להערכה גדולה הורכבו עבורי בהצלחה. 
  

2. Voyage à Trieste. Réminiscence d'un passé non vécu 


Qu'est-ce qui pousse les anguilles à faire tout le trajet vers la mer des Sargasses pour se reproduire ? Qu'est-ce qui pousse les saumons à remonter les fleuves jusqu'aux montagnes ? Qu'est-ce qui pousse cette race de papillons éphémères à poursuivre dès leur naissance le chemin entrepris par la génération précédente sans avoir pu le mener au bout ? Qu'est-ce qui poussait Elkana, père de Shmuel Hanavi à se rendre chaque année quoiqu'il arrive à Shilo, à une époque où la population se dispensait de cela ? 

Et qu'est-ce qui m'a poussé ainsi vers Trieste, une ville à l'extrémité est de l'Italie, devenue touristique il y a seulement dix ans ?



Pépé n'a pas tellement raconté, n'a rien raconté à moi directement de ce passage qu'il y fit en 1924, sur la route qui le menait de Varsovie à Haïfa. Je sais par ce qui était connu dans la famille, qu'il était passé par la ville, y était resté un petit temps, et utilisait le vendredi soir un petit tas de sable sur lequel il se couchait après avoir mangé un repas trop copieux, pour caller son ventre trop plein contre la masse résistante et dure du sable.
Récemment, je découvris qu'il n'avait pas été seul à faire cette étape. 

Trieste, qui avait appartenu à l'empire austro-hongrois, était devenu italienne (sur une base de population italienne au moins en partie) au démembrement de celui-ci, et devenait en 1920 et pour environ dix ans "porte de Sion" pour les juifs polonais de la seconde alyah, qui quittaient par son port une europe natale mais hostile.



Les juifs de Trieste étaient alors une grosse communauté. Une partie vivait au ghetto, où étaient en activité quatre synagogues, certaines ashkénazes-italiennes, certaines sepharades-du rite grec, pour les juifs de Corfoue étant venus s'installer ici quelques dizaines d'années plus tôt. Le ghetto de Trieste est très ancien et les conditions de vie y réstèrent précaires jusqu'à sa fermeture. Il donnait directement sur la Place de la Bourse, et ne subsitent plus aujourd'hui de l'endroit que le porche d'accès depuis cette place dit "arco de la fortizzia", les rues extrèmement étroites, et une auberge "du ghetto".




Les juifs qui avaient réussi à s'élever économiquement et socialement ne vivaient plus au ghetto. Installés en ville, et probablement engagés dans les activités commerciales rendues possibles par la situation géographique de l'endroit (Trieste est aujourd'hui le plus gros port de la Méditerranée), ils étaient devenus une communauté si prospère qu'ils s'étaient fait construire déjà en 1912 une synagogue gigantesque, la deuxième d'Europe par la taille.



Les juifs du ghetto n'appartenaient pas à cette communauté, et les juifs polonais de passage ne daignaient pas fréquenter ce batiment aux airs de cathédrale, pourvu de vitraux, et d'un orgue de surcroît.
Ils étaient logés dans une petite rue escaladant la colline la plus ancienne de Trieste sur laquelle se tiennent le chateau et la cathédrale, une rue très en pente, ayant reçu de ce fait le nom de "via del monte".





Là, les organisations sionistes avaient acheté quelques locaux dans lesquels ils avaient installé un restaurant, une auberge, une synagogue, et quelques bureaux depuis lesquels se menaient les démarches de l'émigration.
Les juifs polonais restaient en général peu de jours à Trieste. Ils arrivaient par le train, se rendaient via del monte, et quelques jours plus tard, embarquaient vers la Palestine à bord du paquebot "Jerusalem" dont le capitaine, Umberto Steindler, juif de Trieste passioné de navigation et devenude ce fait capitaine au long cours, avait fait un lieu comme "israélien avant l'heure" : pourvu "au naturel" d'une synagogue et d'une cuisine cachère.

Pépé resta six mois à Trieste et la raison ne m'en est pas connue. Peut-être dût-il attendre tout ce temps pour obtenir non seulement un visa pour lui-même, mais aussi pour que mémé puisse le rejoindre ? Je sais qu'elle ne passa pas par Trieste mais par Odessa, et le rejoignit bel et bien à Tel Aviv, où ils se marièrent en 1925, mais je ne sais pas pourquoi elle ne passa pas par Trieste, ni si ce détail est à l'origine de la prolongation du séjour à Trieste. 

Pépé, né d'une famille de hassidim, était devenu orphelin très tôt et il n'avait apparemment plus de lien avec la pratique des mitzvot quand lui et mémé se rencontrèrent à Varsovie et conçurent le projet de créer en Palestine leur vie commune et leur foyer.
Le séjour à Trieste le transforma, au moins en apparence : il monta sur le bateau déjà non plus laïque, déjà en décalage avec ce qu'il avait été au moment de sa rencontre avec mémé.

Qui avait opéré en lui ce changement ? Quelle atmosphère ? Quel monde juif ? Quelle personnalité ?  Peut-être d'autres desendants savent une réponse à ces questions.

Elles sont à l'origine de mon voyage à Trieste. 

Je savais que je ne trouverais sur place aucun indice concret.

Je ne suis allé qu'humer l'ambiance. Me mouvoir dans la ville, dans ses parties religieuses, dans ses quartiers commerçants, le long de la jetée, sur la colline du chateau de San Giusto,





 sur la falaise, en bout de trajectoire du tramway funiculaire qui relie la ville à Opicina. Je cherchais le climat. Moi, qui déteste le vent, ésperais expérimenter cette "bora", le vent local à cause duquel des barres en métal sont installées le long des murs afin de s'y aggriper les jours où il souffle.



Nous avons passé la fin de Souccot en compagnie de la seule communauté qui subsiste aujourd'hui, après que les nazis aient exterminé les quelques 9/10 de la population juive. 

A l'instar du mouvement qui avait motivé mon voyage en Pologne, je ne suis pas allé sur le site du camp d'extermination, au sud de la ville, le seul qui ait été installé en Italie, et je ne suis pas non plus allé me promener dans le cimetière juif. Je n'étais pas en voyage de pélérinage, ni en quête de tombes et de témoignages d'un passé disparu, j'étais en recherche de ce qu'avait été là-bas la vie de mon grand-père, la vie de ceux qu'il a cotoyés le temps d'une demi-annėe.

La communauté nous a accueilli d'une façon qui s'est progressivement faite de plus en plus chaleureuse. Nous avons pu, au cours du repas communautaire dans la soucca le vendredi soir principalement, échanger, converser avec le hazan, le rabbin, le shamash, le directeur du musée juif installé aujourd'hui via del monte, et le petit-fils du capitaine du paquebot Jerusalem.

Nous les avons accompagné dans une partie de leurs activités (les laissant sans nous, étudier - en italien - le soir de Hochaana rabbah, et fêter Simkhat Torah le jour où la fête était déjà terminée pour nous autres israéliens) et ils nous ont joint, aux prières, au kiddouch, m'ont donné la lecture de la haftarah : "maintenant tu as bouclé la boucle, m'a ensuite dit le rabbin, tu as lu la haftarah à l'endroit où ton grand-père était passé il y a 90 ans", nous ont fourni les repas du vendredi soir et du soir de la fête - repas que nous allâmes prendre au Bet Avot, encore en activité, et où nous cueillîmes au passage un kaki, qui paraissait déjà à point, mais qui daigna mûrir et devenir comestible cinq jours plus tard. Les kakis européens doivent être consommés mous, voire très mous, si on ne veut pas souffrir de leur âpreté. Le nôtre était resté encore un peu âpre quand nous le mangeâmes, le samedi suivant à Venise, en déssert de notre repas de midi.

Nous avons arpenté Trieste, nous avons, pour nous rendre à notre appartement via Capitolina, dans le prolongement de la via del monte, sur les flancs de la colline de San Giusto où se tient le "parco della rimembrenza", escaladé les "scale dei giganti", et les moins hauts "scale dei benedicti".


Nous avons exploré la place Goldoni, la via Carducci, la via Battisti, la piazza dell'unita d'Italia, le port. Nous avons monté les 145 marches qui mènent au sommet de la "lanterna", le vieux phare aujourd'hui inusité, et nous avons assisté au soleil couchant au départ d'un de ces gigantesques paquebots de croisère qui peuvent accoster à Trieste depuis l'aménagement du port à cette intention il y a seulement quatre ou cinq ans.
Nous avons bu un café au café San Marco que fréquentaient James Joyce, Italo Slavo et Umberto Saba, nous avons bu le café Illy, produit de Trieste et à leurs yeux le meilleur de l'Italie si ce n'est du monde (et il est possible qu'ils n'aient pas tort),



 nous avons mangé une gelata dans le square Attilio Hortis, observé les ruines romaines de l'amphithéatre, via del teatro romano, nous avons marché le long du grand canal, sur la place de la Bourse, dans les petites et étroites ruelles de l'ancien ghetto, nous avons fait quelques courses au marché couvert, en n'oubliant pas de boire au passage un espresso au comptoir, et nous avons admiré les façades début vingtième siècle, la bibliothèque municipale créée puis dirigée par Hortis,



 et nous avons visité le musée Sartorio.





Nous avons fait tous ces trajets tandis que je me demandais ce que pépé avait vu et vécu de tout cela. Combien de fois était-il allé au port ? Le long des grandes avenues ? Combien de fois s'était-il appuyé les marches et les montées de cette ville aux raides collines ? Combien de fois sa bourse lui avait-elle permis de goûter le café italien ?

Nul doute qu'il ne vit la même ville que nous qu'à explorer le sujet à très basse résolution. Je suis né dans un Paris non encore ravalé et où la beauté était enfouie sous la crasse, et il est visible combien Trieste doit une partie de sa beauté au ravalement progressif de ses façades...mais peut-être en 1924 la pollution n'avait-elle pas encore tout noirci ? Combien pépé, alors jeune homme de 22 ans préoccupé essentiellement de sa survie économique immédiate, de son projet sioniste, et de la consécration de son couple, était-il sensible à l'architecture ? Qui savait à l'époque que James Joyce qui avait juste achevé la rédaction d'"Ulysse" avait vécu quelques vingt ans à Trieste?




 Qui connaissait déjà Umberto Saba, né vingt ans plus tôt dans le ghetto, et dont la nourrice habitait la même via del monte ? Connut-il l'existence d'Italo Svevo, écrivain alors déjà traduit en plusieurs langues, juif de la Trieste austro-hongroise, et qui devait s'éteindre à peine quatre ans plus tard ?



Nul doute que pépé ne put découvrir en six mois ce qui s'est offert en cinq jours à nos yeux de touristes bien pourvus économiquement et disposant de tout le temps nė essaire pour cette exploration. Nul doute, partant, que nous ne vîmes pas, lui et moi, la même ville. 

On ne saurait revivre la vie de ses ancêtres.

Peut-être ce voyage nous aura-t-il juste un peu plus affichés au chapitre décrit dans la massekhet Avot De rabbi Nathan :" comparés aux anciens qui étaient des géants, nous sommes des nains, du fait de la détérioration progressive de l'humanité. Mais, si nous savons profiter de leur expérience, nous devenons des nains juchés sur les épaules des géants, ce qui nous permet, malgré la détérioration, de voir plus loin qu'eux.

Ce voyage a été agréablement soutenu par tout notre environnement, par des copains qui choisirent de s'associer au projet, par notre famille qui nous convainquit de ne pas l'annuler malgré des circonstances un peu défavorables. Qu'ils soient tous remerciés.


3. Henry-Jacques Pisanté. Pour contribuer à élever un peu le débat.

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Dimanche 16.10. 2016 avaient lieu les shloshims d'Henry-Jacques Pisanté, décédé subitement le 18 septembre.









Ainsi qu'il est d'usage à Jerusalem, la pierre tombale fut dévoilée au cours d'une brève cérémonie en présence de la proche famille et d'amis.

La coutume nous prescrit tout un lot d'actes destinés "à l'élévation". On dit en général "élévation de l'âme du défunt", certains prennent l'expression à la lettre, considérant qu'il s'agit véritablement, par l'intermédiaire de prières et de récitations de Psaumes, de contribuer à ce que l'âme mène à bien son ascension vers le ciel. D'autres sont très opposés à des rites qu'ils considèrent nécrophiles, et donc répréhensibles. D'autres encore considèrent qu'il faut voir cet effort d'élévation à un niveau plus collectif, plus général, plus figuré, un peu comme si la mort et le deuil nous "plaquaient au sol" et qu'il convenait d'aider l'humanité à dépasser ce stade et à reconquérir de la hauteur.

Certains vont au cimetière, à l'issue des sept jours, des trente jours, de l'année, puis tous les ans, ainsi qu'aux veilles de fêtes, d'autres manifestent à ces rites différentes nuances  d'opposition.

J'ai choisi de dire quelques mots, sur le thème des Psaumes, lors de ce qui aura été la dernière réunion au cimetière pour Henry suscitée par moi.

On a l'habitude de voir que ce qui relie le premier et le dernier mot de la Torah (Beréchit et Israël) est la présence des trois lettres qui forment le mot "chant" (shir). 
Une tradition nous rapporte de plus que le roi Hizkiahou remplissait toutes les conditions pour être le messie, à un grave défaut près, qu'il était imperméable au chant et à la poésie.

Je me suis proposé de développer un tout petit peu ce qui dans la lecture des Psaumes qui ont été dit à cette cérémonie (on utilise le psaume 119, alphabétique, pour broder/tresser ainsi de Psaumes le nom du défunt) m'a sauté aux yeux comme "faisant sens" concernant mon père, comme si certaines phrases semblaient avoir été écrites "pour lui".

C'est ainsi que je me permets de suggérer de considérer les Psaumes : ils sont l'insertion du poétique, et donc de l'émotionnel, dans ce qui, sans cela, risquerait de ne devenir qu'une pratique intellectuelle ou fanatique. 

Je les utilise non comme un médicament pour tout (il existe pléthore d'indications reliant tel psaume à tel ou tel sujet. Il n'y a qu'à dire le psaume en question et la maladie s'arrête...) mais comme une indication de l'émotionnel comme voie d'accès au spirituel.

Je ne considère pas à la légère le fait que les Psaumes sont plus dans le canon biblique que les fables de La Fontaine, mais comme ce qui les place doublement à cette place : ils proviennent d'une écriture doublement inspirée, inspirée par l'émotionnel et par le prophétique.

Et ainsi, certains versets de la série induite pas les initiales du nom de mon père (youd- heth- zaïn-kouf-aleph- lamed- pour Yehezkel et ainsi de suite) m'ont interpellé, m'ont paru hautement signifiants, m'ont paru s'accorder particulièrement avec le souvenir que j'ai de ce qu'étaient la personnalité et la vie de mon père.

C'est le sens que je propose de donner aux Psaumes, afin ni de m'opposer à leur récitation, mais de non plus leur attribuer un sens magique qui nous met aux limites de l'idolâtrie : chercher comment ce texte universel peut être habité d'un sens particulier, peut nous aider à nous mesurer à ce qui nous est particulier, et non par la voie de l'intellect mais par celle de l'émotionnel. 

Notre rôle sur cette terre n'est-il pas de donner un sens aux choses, aux évènements ?

On a trop longtemps limité la notion de sens à ses composantes rationnelles et logiques. De nombreuses sagesses ont dû pour cela être mises de côté, ramenées au silence.

Les choses font parfois non moins sens par leur résonnance (je suis tenté d'écrire "résonnement" en jeu de mot sur raisonnement) tripale en nous que par leur logique cartésienne ou maïmonidienne. 

Les premiers versets de cette chaîne de Psaumes me racontent ainsi l'histoire de mon père, dont la vie, partagée en trois parties distinctes, est marquée d'éléments que ces versets mettent en lumière.

Cette chaîne retrace en particulier ce que fut son itinéraire, né enfant de migrants devenus agnostiques de leur judaïsme par une succession d'aléas, devenu à 14 ans orphelin du fait de la folie nazie, puis n'ayant eu de cesse de redresser la barre.

Outre une tendance à la rigueur et à la constance qui marquait tant son comportement en famille, au travail, qu'en société, mon père a œuvré au long de sa vie en France pour apaiser les conflits, principalement entre les gens dont il était proche, puis il s'est consacré lors de ses 39 ans de vie ici en Israël à donner à son judaïsme le maximum de sens, étudiant en particulier le talmud et la Torah au quotidien, et vivant de façon synagogale trois fois par jour.

      Il a orienté son action quotidienne en fonction de la pratique du judaïsme, ("ce sont       tes mains qui m'ont formé et organisé, donne-moi l'intelligence pour que                       j'apprenne à connaître tes commandements" Ps. 119, 73,  "c'est mon lot à moi, ô           Eternel, me suis-je dit, d'observer tes paroles" ibid. ,57, "rappelle-toi, en faveur de       ton serviteur, la promesse où tu as voulu que je mette mon attente" ibid. 49)

     Il a puisé en l'Eternel son principal réconfort, ("je t'invoque de tout coeur, exauce-          moi Seigneur, je veux observer tes préceptes" ibid. 145, "heureux ceux dont la voie        est intègre, qui suivent la voie de l'Eternel" ibid. 1, "pour l'eternité, Seigneur, ta            parole demeure immuable dans les cieux" ibid. 89, "je t'appelle, viens à mon                  secours et je garderai tes statuts" ibid. 146)

     Il a ainsi été un modèle pour ses contemporains et ses descendants ("ceux qui te            craignent, en me voyant, seront dans la joie car j'espère en ta parole" ibid. 74)

      Il a intégré cet effort à la tendance profonde qui était la sienne de rechercher la               justice en tout lieu ("j'ai pratiqué la justice et l'équité, ne m'abandonne pas à mes         oppresseur" ibid 121)

      Il a donné un virage à sa vie ("comment le jeune homme rendra-t-il pure sa                     conduite? En se conformant à tes paroles" ibid. 9).

Que les Psaumes, à l'instar de ce que nous conte le livre de Samuel sur l'action apaisante de la harpe de David sur la mélancolie du roi Saül, nous soient une source d'apaisement de l'âme, et nous aident à nous mesurer au manque et à la tristesse,

Que son souvenir demeure en nous, s'intègre en notre quotidien, pétrisse notre avenir, et que nous réussissions à intégrer son âme dans la chaîne de la vie. 


ערב סוכות, כפי שנהוג בירושלים קיימנו בהר המנוחות טקס גילוי מצבתו של אבי ז״ל הנרי, יחזקאל יעקב, אשר נפטר בט״ו אלול האחרון.

נהוג לראות טקסים אלה, אזכרות, אמירת תהילים, כמצטרפים למאמצים לטובת עילוי נשמת הנפטר.

אחדים מתיחסים לביטוי זה באופן הכי מילולי ומתכוונים במלוא מובן המילה שיש לעזור לנשמה להתעלות אל השמיים.  אחרים לעומתם אינם מוכנים לייחס חשיבות כה קונקרטית לאמירות מיטולוגיות מעין אלה, על גבול הפגניות, או לפחות, מבוססות על דבר שאין בידינו אף לא האינפורמציה הכי קטנה.

אנשים רבים מרבים לפקוד את בתי הקברות, פעם בשנה, בערבי חגים, ואילו, אנשים אחרים תופסים מרחק ממנהגים אלה, וקיימים בספרות היהודית תימוכין רבים לדעה זו או לזו.

בחרתי לבסס על התהילים את המשפטים שאמרתי בטקס גילוי המצבה, אחרי שנדהמתי למצוא  לאורך אלה שאמרנו, אלה שאיתם שזרנו את שמו, כמה וכמה פסוקים שמזכירים לי את אבי, כמעט כאילו לאבי הם נכתבו.

זה מביא אותי לנסיון לחפש אינטגרציה בין שתי הגישות לתהילים ולעילוי הנשמות. נדמה לי שלתהילים מעלה מיוחדת, ועל כך הם נבחרו להיכנס לתוך התנ״ך.

הם בעיניי יותר מסתם שירה אך הם עדיין שירה. כלומר, הם טקסט שמעורר בנו שכבות אחרות מאלה אשר טקסט מחשבה מסוגל לעורר.שירה יוצאת מהרגש ומעוררת בנו רגשות, וראוי אולי הרבה יותר להתחבר לאדם קרוב שזה עתה נעלם דרך הרגש מאשר דרך השכל.

מול אלה אשר מייחסים לתהילים כוח אוניברסלי לפתרון בעיות או מחלות, אני מציע לייחס להם את הכוח להוות כלי דרכו הרגשות הספציפיים  שלי כלפי אבי יוכלו להיאמר במילים.

                                                     אבי הקדיש עצמו ללימוד התורה ולשמירת המצוות כהלכתן כמה שנאמר ״ידיך עשוני ויכוננוני הבינני ואלמדה מצוותיך״ (תהילים קיט עג) וכמהשנאמר ״חלקי הי אמרתי לשמור דבריך״ (שם שם נז) וכמה שנאמר ״זכר דבר לעבדך על אשר יחלתני״ (שם שם מט)

אבי הכיר את חסר האונים של האובדן הלא מוסבר ומצא נחמה בפסוקים ״קראתי בכל לב ענני ה׳ חוקיך אצורה״ (שם שם קמה), בפסוק ״קראתיך הושיעני ואשמרה עדותיך״ (שם שם קמו), ובפסוק  ״אשרי תמימי דרך ההולכים בתורת ה׳״ (שם שם א)
הוא האמין באמונה שלמה ואיתנה על פי ״לעולם ה׳ דברך נצב בשמיים״ (שם שם פט) והוא שם עצמו דוגמה על פי ״יראך יראוני וישמחו כי לדברך יחלתי״ (שם שם עד)

הוא ייחס חשיבות עליונה לצדק  כמה שנאמר ״עשיתי משפט וצדק וממשפטיך יראתי״ (שם שם קכא)

ובהיותו עדיין נער, בחר הוא מהר בדרך שתשמור עליו על פי ״במה יזכה נער את אורחו לשמור בדברך״ (שם שם ט).


מי ייתן ומשפטים אלה, הלקוחים מספר הספרים ובה בעת אשר נראים כתובים במיוחד עבורו, יתנו לנו את הכוח להתמודד עם האובדן, ובתוך כך יעזרו לנו להתעלות, ויעזרו לנו לזכור ובהמשך להתמלא מן הדברים המיוחדים שאיפיינו אותו, כך שנשמתו תהיה עבורנו צרורה בצרור החיים.
4. Retours en France - stages de formation

Mes retours en France d'israélien né français sont souvent plutôt chargés émotionnellement. C'est arriver dans un pays que l'on connait comme la paume de sa main, mais duquel on a choisi de partir, et la raison du retour en France joue aussi un rôle non négligeable.

En général, on n'a pas choisi de s'installer en Israël par élan positif uniquement, on a au moins autant choisi de quitter la France. Même si c'est par sionisme que l'on est parti, on a derrière soi les souvenirs, et parmi eux, ceux qui ont renforcé l'envie puis la décision de partir (n'ai-je ainsi pas écrit dans un bulletin e.i. un texte qui s'achevait par "moi je m'en vais" ? Ce texte était écrit au lendemain de l'attentat de la rue Copernic, mais en ce qui me concerne j'étais sur le départ depuis déjà deux ou trois ans et pour des raisons qui n'étaient que positives).

Durant les premières années en Israël, on ne domine en général pas entièrement la langue hébraïque, et surtout, on est plus imprégné de culture, de nostalgie et de coutumes françaises que de leur équivalent israélien, et dans ce cas aussi, l'élément comparatif est omniprésent. Que l'on aime mieux ou moins bien tel ou tel élément de chacun des deux pays, c'est encore du "mieux" ou du "moins bien". 

On aime ainsi peut-être plus la familiarité israélienne, tellement différente du mode relationnel français, mais on reste attaché au mode parisien du "bonjour madame, au revoir madame, merci madame" même si c'est pour se féliciter de s'en être affranchi - ou débarrassé.

On vit de plus en Israël, au jour le jour identifié en tant que "français" ou "oleh khadash", que ce soit du fait de l'accent en hébreu, de l'habillement, ou même des manières, mais on s'imprègne petit à petit et on arrive ainsi en France à la fois comme natif et comme visiteur, semi-étranger.

Je suis ainsi revenu en France de nombreuses fois. Certaines en famille, et donc en tant que visiteur du début à la fin, en tant qu'adulte parfaitement francophone et familier de la culture française, mais parallèlement, en tant que parent d'enfants israéliens. Ces fois n'étaient pas l'objet de grands émois.

Mais je veux surtout ici parler des autres fois : celles où je vins en France comme "envoyé" ou "invité", dans le cadre de stages de formation ou conseils nationaux des eis. Fois où les règles du jeu sont de venir travailler et improviser et être interpellé sur l'interculturel. Ces fois furent nombreuses, au moins au nombre de quinze. Alors que la première fois était le conseil national de 1985, soit quatre ans après avoir fait mon alyah, j'ai un plus vif souvenir d'étrangeté (si ce n'est d"'inquiétante étrangeté") de la seconde, qui eut lieu en décembre 1991.

En 1985, le thème du cn ei était "étudions pour agir" et j'avais été invité sous le pompeux titre de "maître" - Jean-Charles, le directeur de l'évènement, ayant ainsi invité un nombre de "maîtres" correspondant au nombre de groupes de cette étude-destinée-à-commander-l'action qui scandait la rencontre. Je venais ainsi dans un cadre - celui des e.i.s - qui m'était autant clair que familier. J'ai enseigné, puis ai présidé aux travaux de la commission "judaïsme" et n'étais en fin de compte qu'un ancien ei revenu mettre la main à la pâte après avoir été sollicité pour cela. Pas plus israélien qu'autre chose.

La situation était autre en 1991. J'avais fait le voyage depuis Jérusalem en compagnie d'autres chlikhim, chacun envoyé dans une autre colonie ou un autre groupe juif. Nous étions de plus (très) peu de temps après cette "guerre du golfe" au cours de laquelle - bien que n'ayant pris aucune part militaire active - nous israéliens avions été très éprouvés par les chambres hermétiques qu'il avait fallu préparer puis utiliser, par les scuds irakiens qui étaient tombés sur Israël, par l'interruption prolongée de la vie normale et, en prime autant qu'en signe de cela, par les masques à gaz avec lesquels il avait fallu se promener un mois et demi durant. J'avais moi-même été mobilisé par l'armée un temps relativement long, affecté en tant que psychologue à la gestion de l'anxieté de la population.

Au plan personnel, cette "guerre" s'était soldée par la disparition de mon grand-père paternel et de la grand-mère maternelle de Marianne, aucun des deux victimes directes d'un quelconque scud, mais les deux ayant visiblement succombé éprouvés par la précarité de la situation de vie sous belligérance.

Et voilà que les eis, avec lesquels je n'avais plus trop de contact, cn de 1989 qui s'était déroulé à Jérusalem mis à part, m'invitaient pour me joindre à l'equipe d'encadrement des stages de formation.

J'avais encadré et même dirigé plusieurs stages avant mon alyah. Tant que la rentrée scolaire était mi-septembre, les stages avaient lieu la première quinzaine de ce mois, en général sur le terrain du Mont Dore, impraticable en hiver. Depuis la réforme qui fait débuter l'année scolaire le premier du mois de septembre, les stages ont régulièrement lieu dans des maisons louées pour l'occasion, durant les vacances d'hiver. Ce détail ajoutait un élément de désagrément en ce qui me concerne : si j'avais toujours énormément aimé me trouver ainsi en pleine nature en fin d'été, le climat de l'hiver du nord de l'europe m'en était comme l'antithèse.

En décembre 1991, le stage avait lieu au "domaine de Mozet", en Belgique, dans un ancien couvent qui appartenait je crois aux Scouts (catholiques) de France ou de Belgique. 

Il aurait fallu travailler dur pour dégotter un endroit plus sinistre où le soleil apparaitrait plus rarement, où le froid pénétrerait plus jusqu'aux os à la moindre sortie d'un bâtiment, où les paysages plats d'arbres dénudés auraient l'air plus tristes.

L'équipe d'encadrement du stage incluait des personnages qui m'avaient un temps été relativement proches, mais que je n'avais plus cotoyé depuis près de quinze ans, Bertrand et Dana Klein, J.P. Bader, et aussi, parmi les plus jeunes, Judith Cohen Solal et Corinne Elgrishi. 

De l'équipe dirigeante des eis de l'époque par contre je ne connaissais personne. Une génération aux eis peut ne pas avoir une durée de plus de trois ans et dix ans s'étaient écoulés depuis notre alyah : nos anciens animés n'étaient pas encore en âge de diriger, et étaient donc aux commandes des gens qui m'étaient parfaitement inconnus, des gens à qui j'étais complètement inconnu.

Je me joignis à la troupe des stagiaires + encadrement en prenant place à bord d'un autobus stationné au petit matin sur l'esplanade des Invalides, dans un climat parisien hivernal gris et glacial, entouré de gens très enjoués, très familiers les uns aux autres mais tandis que je n'en connaissais aucun et ne trouvais personne avec qui échanger un mot. Je n'étais pas très vieux mais pour des teenagers, quelqu'un de 36 ans est d'un autre âge. On ne remarque,même pas.sa.présence.

Le trajet jusqu'à la Belgique (du côté de Namur) dura quelques heures sur autoroute sans que le ciel ne changeât de couleur, et tandis que la question du Cid me tournait en boucle dans la tête. "Mais qu'allait-il donc faire dans cette galère?".

La sinistrose ne me quitta pas avec l'arrivée au domaine, et en particulier l'entrée dans ce qui devait être ma chambre et qui avait tout de la cellule monacale, sous–pentée et dans laquelle je touchai pratiquement les deux murs sans trop tendre les bras, dans la largeur comme dans la longueur, moi qui ne suis pas grand loin s'en faut.

Ce stage a laissé en moi un bon souvenir, et me fut en fin de compte l'occasion de véritables rencontres, c'est à dire de situations où on ne fait pas qu'enseigner mais où on constate une véritable réaction chez certains, qui ont des questions, qui en redemandent. J'étais ainsi programmé pour quelques interventions et en fis beaucoup plus, un cours quotidien ayant rapidement été réclamé. Je sentis rapidement beaucoup de contact et beaucoup de satisfaction à ce que je faisais.

Je ne rencontrai cependant pas le même enthousiasme dans l'équipe dirigeante, qui n'assistaient pas à mes cours, aux yeux desquels j'étais plus un israélien bombardé par l'agence juive qu'autre chose, et chez qui mon état d'israélien déclenchait une classique réaction ei : "on n'est pas un mouvement sioniste. Il vaut mieux que tu enseignes le judaïsme et on trouvera bien le temps de parler d'Israël lors de la soirée Israël (dont l'essentiel consistait en la consommation de falafels de seconde zone)". 

Avec Bertrand et Dana, les retrouvailles avaient été émouvantes mais ils n'étaient restés que deux jours, ou n'étaient même venus que pour le shabbat, et je restai avec surtout J.P., et un peu Corinne et Judith comme potentiels compagnons des temps morts dont la quantité restait néanmoins importante. 

Je me souviens d'une sortie en voiture avec J.P. jusqu'à Namur qui m'a paru une ville dénuée de tout interêt, et j'ai le souvenir de quelques errances dans la grisaille et la boue froide de l'hiver belge, appareil photo à la main mais sans pour autant réussir à trouver matière à ramener beaucoup de photos dignes de ce nom.

Je reste surtout marqué par le souvenir de la tension qui régnait dans la maîtrise, en principe dirigée mais pour l'occasion par un commissaire général qui n'avait pas l'envergure de la fonction et qui passait plus de temps comme cloîtré dans sa chambre - où il ne risquait pas de faire trop de rencontres éprouvantes - qu'au contact des stagiaires ou surtout de ses formateurs.

Me restent quelques souvenirs de réunions, où Judith, qui était autant israélienne que moi, avait essayé de susciter que la guerre du golfe soit au moins évoquée mais s'était heurtée à l'opposition ei classique, et me reste le souvenir de cette bizarre sortie à Bruxelles : Quelqu'un avait eu l'idée saugrenue d'organiser une visite à l'hôpital de Bruxelles où une pédopsychiatre asséna à la foule des stagiaires un cours totalement dénué d'interêt sur le développement psychologique de l'enfant.

J'étais déjà psychologue clinicien spécialisé et je me souviens avoir été abasourdi de l'inadéquation de cette initiative, convaincu -  jusqu'aujourd'hui - que l'animateur ei n'a aucun besoin de connaitre quoi que ce soit en psychologie du développement.

Me restent de cette visite quelques photos de la grand-place, d'un café où les consommateurs buvaient de la bière, le tout baigné de l'humidité et de la grisaille.

Je suis rentré en Israël - non sans avoir fait une halte express copains-magasins à Paris - l'esprit encombré de sentiments fort divers incluant les souvenirs de l'ambiance ei, les réactions vivement positives à mes cours, mais non moins ces réactions presque épidermiques à la seule évocation du nom Israël.

Je revins de nombreuses fois dans les stages et l'ambiance varia d'une fois sur l'autre, de plus à moins tendue - mais sans toutefois jamais atteindre le degré de 1991 - mais le quiproquo autour d'Israël resta la composante la plus constante de ces séjours. Il ne se trouva pas une année où le sujet Israël ne rencontra pas au moins une réaction de rejet, dans le meilleur cas chez une ou deux ou trois personnes et de façon isolée, ou dans le pire, comme à Mozet où fut exprimée clairement la préférence que le sujet soit évité.

Dans l'ensemble, les eis surent constamment que je tenais trois cartes, celle de l'étude juive, celle de la psycho que je considérais non nécessairement adéquate à la situation, et celle d'Israël qu'eux en général avaient tendance à trouver encombrante. Ce qui fait qu'ils me préféraient au rayon judaïsme.

Ces stages, ces visites quasiment annuelles, me furent la source d'amitiés nombreuses dont plusieurs ont subsisté au delà du cadre ei, me furent l'occasion de ne pas perdre contact avec mes racines parisiennes, amis, famille et lieux fétiches inclus, et me furent une occasion d'enseigner, occupation que j'aime beaucoup, à une époque où j'avais un peu mis de côté cette activité.

Ces visites furent cependant aussi occasions de confrontations d'israélien avec un contexte, to say the least, rarement franchement pro-sioniste, en général plutôt défiant à aborder le thème et parfois nettement ponctué de pics d'hostilité.

Dans l'ensemble, je circule la tête couverte d'une kipa, comme j'y suis habitué, et, hors le cadre du stage ei, il y eut peu de cas où je pus oublier cet état de fait. La kipa est en général l'objet de regards (que je n'ai jamais ressentis en Inde par exemple mais aussi en Angleterre ou en Italie) poussant à cette constatation générale  : la kipa ne passe pas inaperçue en France. Parfois elle ne gène pas, et peut-être dirais-je que c'est la majorité des cas et la preuve en est que j'ai rarement eu à l'enlever, mais il y a aussi d'autres cas. Les cas où elle me vaut des regards obliques voire désapprobateurs voire nettement hostiles ne sont pas des cas isolés. Et les situations où on me conseille de ne pas la porter ne sont pas rares non plus .

La kipa me signale en général plus comme israélien que comme juif pratiquant et on m'apostrophe, de son fait, souvent en hébreu, quand on ne la prend pas comme prétexte à l'expression de critiques ou de remarques désobligeantes liées au conflit israélo-palestinien (dont je deviens rapidement comme le seul responsable) , ou très exceptionnellement à l'expression de sympathie à l'encontre d'Israël. Force m'est de constater que ce petit et encore jeune pays est nettement plus couramment affiché dans la conscience collective européenne en tant que "pays voyou" qu'en tant qu'initiative positive et interessante, ce qu'il est néanmoins, ou en tant que miracle au pluriel ce qu'il est aussi à mon humble avis. Miracle de la création d'un foyer juif, miracle de la résurrection de la langue hébraïque, miracle de la réunion des exilés, réunion et vie en commun de gens qui proviennent d'univers tellement éloignés et différents et dont le seul dénominateur commun de départ est d'avoir grandi dans un univers où on a toujours dit au moins une fois l'an "l'an prochain à Jérusalem",  miracle de la survie au milieu de tant d'hostilité, miracle du développement scientifique et du désert qui re-fleurit, et même miracle d'un certain "vivre ensemble" juifs et palestiniens, vivre ensemble qui est loin de faire l'unanimité ni pour le constater ni pour l'apprécier, mais qui existe néanmoins, et de plus en plus.

Ce dernier cas où je suis le foyer de critiques anti israéliennes se produisit aux eis non moins fréquemment que dans les autres milieux où j'évolue, mais les remarques que j'y enregistrai n'atteignirent jamais en intensité ce qu'il me fut donné d'entendre ailleurs, en particulier émanant de personnes identifiées avec l'extrême gauche (il est vrai que je n'ai en fait jamais eu l'occasion de cotoyer des ressortisants de l'extrème droite..). Un peu comme si le pluralisme des eis permet que trouvent place en leur sein aussi des lycéens ou étudiants vivant au quotidien dans le monde français non juif, au point qu'y trouvent place manifestations anti israéliennes d'intensité variable. Reste quand même majeure l'impression que ceux trop imprègnés par ce vécu francohostile quittent en général les eis, tandis que ceux qui y restent sont ceux pour lesquels l'attachement du juif à Israël l'emporte sur le regard critique, dont on a bien compris ces dernières années qu'il est en fait une version moderne de l'antisémitisme.

De ces faits, mon immersion annuelle aux eis m'était l'occasion d'enseigner surtout ce qui est mon cheval de bataille favori : les éléments du judaïsme qui sont actuels et pertinents dans le frottement au monde moderne, au monde non-juif, au monde laïque, la question israélienne ne constituant qu'un aspect de cela.

Ce voyage annuel était possible du fait de mon exercice professionnel en milieu scandé par les vacances scolaires, même si les congés français et israéliens ne sont pas toujours synchronisés. 

A l'internat d'adolescents en extrème fragilité psychologique où j'exerçai vingt ans durant, les sujets du judaïsme et de la Torah n'étaient pas de mise, mais on me permettait de m'absenter pour mes déplacements aux eis avec bienveillance, probablement par sensibilité au sujet, ou par conscience de son importance en diaspora. 

Ces voyages prirent cependant fin quand plusieurs paramètres devinrent majeurs. L'écart d'âge entre les stagiaires + maîtrise et moi d'une part, la famille d'autre part, et enfin quelques modifications de mes emplois du temps qui rendaient la chose moins facile. 

C'est une expérience qui me reste comme une sorte de tranche de vie : "les quinze ans durant lesquels je revenais chaque année dans le rôle : un israélien à Paris" auxquel s'est trouvé rattaché le dernier (en date), celui de décembre 2015, où me fut donné d'enseigner quelques heures et où me fut solennellement remis ce lion de bronze, distinction honorifique du mouvement. Moi qui me savais lionceau depuis 1973, accédai quarante deux ans plus tard à l'âge adulte. 





Une belle tranche en somme.


5. Du pont d'Austerlitz à l'hôpital St Antoine



Les extrémités géographiques du périmètre que je vais tracer sont à l’ouest la seine et, au-delà du pont d’Austerlitz le jardin des plantes, au nord-ouest, la place de la Bastille, au nord, la rue Basfroi à son confluent avec l’avenue Ledru Rollin, et au sud la gare de Lyon. A l’est, la frontière est tristement je dirais marquée par l’hopital Saint Antoine, auquel aboutit ce récit.



C’est un périmètre qui s’étend à cheval sur le onzième et le douzième arrondissement, et dont l’artère centrale est la rue du faubourg Saint Antoine, celle qui marque précisément la frontière entre les deux arrondissements.





Entre l’avant-guerre et le milieu des années quatre-vingt, ma famille maternelle habitait ce quartier.






Ma mère et ses parents s’y étaient installés avant-guerre, au 219 rue de Bercy, tandis que mes grands-parents investissaient les économies méticuleusement obtenues en dix ans de travail sur les marchés dans la location de « la boutique », sur l’avenue Ledru-Rollin, en face de l’église Saint Antoine.

 La demi-soeur et le demi-frère de ma grand-mère les avaient rejoints, et la guerre mit cette lente installation en hibernation. Une hibernation très mouvementée, la famille ayant quitté Paris lors de l’exode de 1940, puis s’était réfugiée à Prades dans les Pyrénées orientales, d’où ne devaient revenir qu’une partie d’entre eux.



Ils surmontèrent les difficultés du retour d’après-guerre, difficultés financières (le stock qui leur avait permis de survivre s’était écoulé, l’appartement dont le loyer avait pourtant été régulièrement payé, avait été loue à un triste individu qui ne se laissa pas facilement expulser) et se réinstallèrent dans le quartier.

Les deux filles de mes grands-parents, ma tante Mathilde et ma mère quittèrent bientôt le foyer maternel, chacune s’étant mariée, et elles s’installèrent aussi dans le quartier.




Tandis que mon cousin Daniel naissait en 1949 au 4 rue de Candie, je vins au monde en 1955, au 64 avenue Ledru Rollin,


où nous habitâmes jusqu’au passage à Wissous en 1961, au deuxième étage d’un immeuble hausmannien, tout en longueur, avec balcon sur l’avenue. Un balcon baigné quotidiennement de la fumée des locomotives de la dernière ligne non electrifiée circulant le long de l’avenue Daumesnil et traversant l’avenue Ledru Rollin sur le pont qui jouxtait le balcon.






J’ai des souvenirs olfactifs de cet appartement qui abritait aussi le cabinet dentaire de ma mère, et des réminiscences (qui me paraissent plus le souvenir de quelque chose que l’on m’a raconté qu’un véritable souvenir d’enfance) de ce long couloir que je parcourais en tricycle, et qui s’achevait par une chicane avec la cuisine sur la droite et la chambre (ma chambre?) sur la gauche.



L’appartement des Sznajder était au 5ème étage, ce qui fait que lui aussi (la plupart des immeubles hausmanniens ont un balcon au second et un balcon au 5ème) avait un balcon, balcon très ètroit mais sur lequel fut quand même chaque annee installée une soucca, entre 1973 ou 74 et peut-être le dèbut des annees 80, avant la maladie puis le dècès de Simon en 1985, et le départ de Mathilde pour Israël peu de temps après.








On m’a raconté maintes fois comment une partie de mes activités régulières étaient les visites à la boutique qui fut dans un premier temps tenue par mes grands parents et ensuite par tante Lonia.



Je fus aussi irradié aux ultra violets par Jacques Mallah en compagnie de Daniel (Mallah) qui a un an et demi de plus que moi, dans leur appartement de la rue Michel Chasles où se trouvait aussi le cabinet médical avant qu’ils ne montent habiter au 5ème, où il y avait aussi un balcon. Une photo de lui, son frère Michel et moi dans une poubelle de jardin publique est une preuve des jeux que nous avons joués ensemble au jardin des plantes, lequel abritait aussi le jardin botanique, le musée paléontologique et une ménagerie dont l’attraction la plus populaire - à mes yeux, aussi souvenir induit - était le chameau.



J’allais à l’école maternelle rue Charles Beaudelaire, où mme Lopata fut mon insitutrice, tandis que sa fille Geneviève fut à peine plus tard ma première prof. de piano. Michel aussi apprit les bases du piano chez elle, et peut-être continua-t-il plus longtemps que moi, je me souviens en tout cas qu’il atteint un meilleur niveau que moi. Plusieurs années à la suite, les Lopata, mère et fille, organisaient une séance annuelle de concert pour tous les élèves dans leur maison de Sucy en Brie où nous nous rendions cérémonieusement. J’ai quand même le souvenir de leur immeuble, et en particulier des chaises qui avaient été disposées par elles sur les palliers afin qu’elles puissent s’asseoir en cours de montée. Il me semble qu’elles habitaient aussi au 5ème.



Mais à la différence des balcons de la rue de Candie et de la rue Michel Chasles d’où nous lachâmes maints liquides sur de malheureux passants, rien de tel ne se produit depuis l’appartement Lopata où je ne suis venu que pour m’asseoir docilement face au piano et y jouer quelques morceaux de débutant sous la conduite bienveillante de Geneviève assise à mes côtés.


Le marché d’Aligre était dans mon souvenir comme le centre du quartier, et je ne sais pourquoi, c’est à Mathilde qu’il est associé, peut-être parce qu’elle en était la plus proche géographiquement, ou qu’elle l’aimait.


Tante Lonia habitait au coin de la rue Emilio Castelar et de la rue de Prague, ainsi qu’Arnold et je n’ai que de vagues souvenirs de leurs maisons.


Habitait aussi dans le quartier, rue de Charenton, un couple sans enfants, les Stark, et j’ai dû passer du temps chez eux parce que j’ai plus de souvenirs. Ils avaient un chien nommé Bobby, une bonne pâte de chien, genre basset, et Lola, dont j’entends encore dans mon oreille la voix et l’accent polonais me servait quand je venais chez elle de la pomme râpée saupoudrée de sucre, que j’aimais beaucoup, ainsi que leur contact, à Francis et à elle.



Leur immeuble était d’un niveau inférieur aux autres mentionnés jusqu’ici et j’ai le souvenir de la cour, d’escaliers plus rudimentaires, et surtout des wc à mi-étages qui devaient encore être bien courants dans le Paris des années 50.



Les rues, leurs trottoirs, leurs pavés, et les entrées d’immeubles avec leurs lourdes portes ne sont ainsi pas moins importants dans mon stock de souvenirs que les maisons et les gens.








J’ai de forts souvenirs de l’avenue Ledru Rollin, ses trottoirs, ses feux, ses ponts (celui du chemin de fer mais aussi le pont d’Austerlitz qui en est l’aboutissement..ou le point de départ), ses boutiques (le restaurant « la frégate » dont j’aimais l’enseigne), souvenirs qui ne remontent pas qu’à la petite enfance puisque plus âgé, j’allais à la piscine située alors (le bâtiment a été détruit il y a bien trente ou quarante ans) dans les premiers numéros de l’avenue.



Je sens sous mes pas la rue Trousseau que j’empruntais pour arriver rue de Candie, rue Trousseau où Daniel, puis Michel, allaient à l’école - on en voyait la cour depuis son balcon, elle est aujourd'hui le collège Anne Frank- , le passage Saint-Bernard, la rue de la forge royale (un nom qui m’a toujours fasciné), où était la boucherie cachère, 

et « le faubourg » comme tous l’appelaient.



Il était à l’epoque encore le coeur de l’activité ébéniste parisienne.

Ce sont les artisans ébénistes qui menèrent la révolte puis la destruction de la Bastille.


 Dans la partie qui va de l’hopital Saint Antoine à l’avenue Ledru Rollin se trouvaient

tous les magasins, toutes les échoppes de materiel, quincailleries spécialisées en serrures, en poignées, en vis de toutes tailles. Après le métro faidherbe-Chaligny, en direction du boulevard Voltaire se trouvaient tous les magasins d’outillage du menuisier ébeniste, rabots, gouges, limes, ciseaux à bois, scies, maillets à plaquer, trusquins, equerres, et dans la partie qui reliait l’avenue Ledru Rollin à la place de la Bastille on ne trouvait aucun autre commerce que marchands de meubles.



Ai-je puisé à ce faubourg la source de mon activité ébéniste qui m’accompagne sans discontinuer depuis l’arrivée à l’âge adulte ? Peut-être. Je me souviens que Marianne et moi fabriquions ma première vraie table à La Troche sous l’oeil interessé de Simon, qui arriva le prochain dimanche avec un « niveau », en bois passablement vermoulu, qu’il tenait de son père et me remit ce jour solennellement en cadeau. Le niveau est toujours en bonne place dans mon atelier.






Et last but not least j’ai le souvenir d’énormément de temps passé dans l’appartement de la rue de Candie, chez Simon et Mathilde, et Daniel et Michel Sznajder, aujourd’hui tous les quatre disparus.



Cet appartement m’était très familier. Je peux encore sentir son atmosphère, l’odeur d’encaustique qui l’envahissait, je me souviens du moulin à café electrique accroché au mur de l’étroite cuisine, au-dessus de la table, et de son fracas quand il était mis en marche, peut-être plusieurs fois par jour.



Je me souviens de la conformation de l’appartement, la salle à manger avec son accès au balcon, la chambre de Daniel et Michel et je me souviens de m’y trouver, surtout en compagnie de Michel, mais avec Mathilde, Simon, et Daniel, en toile de fond.






Daniel avait six ans de plus que moi, et donc sept ans et demi de plus que Michel, et c’est une grande différence d’âge quand on n’a pas encore même 15 ans. Je me souviens qu’il racontait les chahuts de sa classe du lycée Charlemagne, comment il imitait tel prof. (qui par exemple demandait à son meilleur copain pour le prier de baisser le store : « Charmes, faites-en sorte que le soleil disparaisse » et Daniel de raconter cela à grands renforts d’éclats de rire comme si n’existait pas de manière plus cocasse de s’adresser à un élève).



Mes souvenirs de lui sont aussi très reliés à nos grands parents communs, auxquels il était très attaché et au sujet desquels son discours était régulièrement ponctué de fous rires, que ce soit pour raconter tel épisode survenu en voiture, ou telle expression meurtrière - et en yiddish - de pépé, et sont associés à la deuxième boutique, celle qu’ils tenaient rue des fossés Saint-Jacques, en bordure du panthéon, quand Tante Lonia eut repris la boutique de l’avenue Ledru Rollin. Alors, eux aussi avaient dejà quitté le quartier, ayant un appartement au-dessus de la boutique.



A partir de cette époque, le centre de mon activité parisienne se déplaça et se situa au quartier latin, avec le boulevard Saint Michel, les stations Luxembourg et Odéon, et la rue Servandoni, racontée ailleurs.



Je ne revins au faubourg que comme adulte nostalgique qui trouve toujours une raison de passer par là-bas à chaque visite à Paris, en général pour acheter du matériel d’ébénisterie, ou photographique sur le boulevard Beaumarchais, de l’autre côté de la place de la Bastille.



Il y a un mois, Daniel ne survivait pas à son hospitalisation en soins intensifs à l’hopital Saint Antoine, et succombait encore avant d’avoir même entamé la vieillesse à une féroce maladie auto-immune.

Que son souvenir soit source de bénédictions.




מרכזה של המפה המנטלית שברצוני לסרטט כאן נמצא סביב רחוב אחד בפאריס, שמוביל מן הקצה המזרחי של העיר אל מגדל הבסטיליה, ושמו rue du faubourg Saint Antoine.

הרחוב כמעט ישר לכל אורכו. הוא עובר דרך בית חולים Saint Antoine, שוק marché d’Aligre, חוצה את avenue Ledru Rollin ומסתיים כאמור בכיכר de la Bastille שעל רצפתה נמצאו שנים ארוכות שרידיה של המבצר שהופל במהפכה הצרפתית ושבמרכזו מתנשא המגדל ולמעלה מלאך קטן שעומד על רגל אחת.

ביליתי בשכונה זו את שנות חיי הראשונות, הייתי גר בavenue ledru Rollin, לסבים שלי היתה חנות ללבני נשים באותו רחוב, הדודים שלי היו גרים ברחוב קטן מקביל לfaubourg, בrue de Candie, ועוד בני דודים אחדים היו מתגוררים בקרבת מקום, ב rue de Prague. כולם היו קונים בשוק marché d’Aligre, אני למדתי את שנות הגן, école maternelle, ב rue Charles Baudelaire.

לציר המרכזי הזה, היסטוריה מפוארת. זה היה מחוזם של בוני הרהיטים לאצולה, המקום בו התפתחה הנגרות הארופאית, וכל חצר, כל חנות היו עוד מקום בו לקנות דברי פרזול או כלי עבודה, או רהיטים, ונגריה ועוד נגריה.

העובדים בנגריות אלה, שהיו עושים את כל עבודתם באופן ידני, לפני עידן החשמל, היו הפועלים שלקחו את החלק הפעיל והמרכזי במהפכה הצרפתית. אלה הם שהפילו את מבצר הבסטיליה, אבל אלה הם על מי יושבת מקצועיות עבודת העץ ליצירת רהיטים. בחצרות אלה פותחו ושוכללו כל הטכניקות מהן מתפארת אומנות זו, באמצעות מפסלות, מקצועים, מסורים ופצירות מכל מיני סוגים.

ואני גדלתי שם באופן מקרי בלבד, כי השכונה היתה יחסית זולה, ולא רחוקה מהמרכז היהודי של פריס דאז.

אבל המקצוע הזה, ועיצוב ובניית רהיטים הפכה לחלק מאד מרכזי בחיי.

אין לי יותר אף אחד מבני המשפחה בשכונה, אבל לעליות לרגל, או לחיפוש ורכישת כלי עבודה ומרכיבי פרזול, או סתם לצילומי רחוב, אני חוזר לשם שוב ושוב

Voyage aux sources polonaises 





Préliminaires.



C’est fin juin que je réalise que ce voyage, qui ne se concrétise que dans quatre semaines, a en fait déjà bien commencé.



La phase de genèse de l’idée remonte à deux ans, quand Katarzyna a débarqué dans la communauté, avec son état d’israélienne encore proche de son passé non juif polonais, et quand a germé en moi l’idée de faire avec son aide ce voyage à Pulawy que je n’ai pas réussi à faire il y a onze ans lors de mon passage en Pologne avec les groupes de la « marche des vivants ».



Le groupe aussi s’est constitué avec quelques hauts et bas, illusions désillusions, mise au point du programme, et nous voilà aujourd’hui un groupe de neuf personnes, quatre couples de la communauté plus Michèle qui se joint à nous. Il s’agit d’un voyage semi-organisé, dans lequel deux jours sont « chacun son programme », tandis que les deux jours du début et les trois de la  fin sont organisés.


Les modalités de « qui va où, qui loge où, qui est seul, qui est en groupe » semblent au point,

Et commence à prendre sa place la partie personnelle et émotionnelle. Katarszyna avait proposé de prendre contact avec les diverses archives, civiles et juives, et ceci a commencé.

J’ai déjà reçu l’acte de naissance de Israël Tauber, né en 1880. 




J’ai déjà les relevés d’état civil des naissances de quatre sur cinq de ses enfants du premier lit, et il commence à apparaître....que tout n’apparaîtra pas.



Ce qui doit peut-être être le signe sous lequel il convient d’inscrire ce voyage d’entrée de jeu. La nature de l’homme est de fantasmer, et dans ce cas précis de mettre tous les espoirs de l’éclaircissement du brouillard du passé dans les éléments nouveaux : l’accès aux archives et le déplacement.



Il y a onze ans, j’étais rentré un peu dépité de n’avoir pas pu passer par Pulawy, j’avais constaté que la rue Chlodna où vivaient les Wajnberg à Varsovie avait été entièrement transformée, j’avais cru que toute trace de présence juive avait été effacée à Pulawy et j’avais en gros fait mon deuil.



Et voilà qu’arrive Katarszyna avec du nouveau. Et voilà que je découvre (ce qui n’existait pas il y a onze ans) un site « virtual shtetl » dans lequel je peux voir qu’ont été posées au moins plusieurs plaques et ce que je crois à ce stade être des tombes virtuelles à Pulawy, et que tout ceci fit repartir le fantasme.



Les préparatifs du voyage sont intensifs. Au niveau collectif ils incluent deux rencontres avec Shlomo Balsam (qui a déjà emmené 250 fois !! des groupes en Pologne, et à Auschwitz...alors que selon ses dires, lors de son premier voyage, en direction du village où étaient nés ses parents, il n’envisageait même pas d’entrer dans le camp, pourtant tout près. Si quelqu’un cherche des exemples de « retour du refoulé »...), une conférence donnée par Shmil Holland, spécialiste de l’histoire de l’installation en Pologne des juifs, du statut des juifs polonais aux diverses époques de l’histoire, et spécialiste du hassidisme, étant lui-même un descendant du rabbi de Kotzk, la lecture de « gog et Magog » de M.Buber, nombreuses recherches sur internet-wikipedia concernant Pulawy, les hassidé Kotzk, la mise à contribution de Benjamin qui envoie quelques documents sur les deux rebbes de Kotzk (petit-fils et arrière petit-fils du premier kotzker rebbe) qui ont exercé à Pulawy, la mise à contribution de ma mère pour localiser dans le « Pulav yzker bukhs » les passages directement informatifs, et celle de Michèle pour les traduire.

Marianne raconte aussi à Varda, son amie née en Pologne, ce que nous sommes en train d’entreprendre, et elle apporte un annuaire en polonais des rues de Varsovie et de leur histoire...

dans lequel je découvre l’adresse du lieu de rencontre de pépé et mémé. Ils travaillaient tous les deux chez les Heinsdorff, cousins directs de pépé et connaissances des Tauber, et je découvre l’adresse de cette épicerie de produits coloniaux, au 11 rue Karmelicka. Varsovie ayant été énormément bombardée, en particulier le ghetto, rien aujourd’hui ne ressemble, et je n’ai aucune chance de trouver l’immeuble, mais avoir l’adresse, et d’autant plus que c’est tout proche du musée juif, donnent la double possibilité de me promener sur place et d’humer.



A Pulawy, la situation semble similaire. Le livre m’indique assez précisément les lieux où se trouvait le bet midrash du rebbe, et la cour dans laquelle la plupart des hassidim (dont mes arrière grand-parents habitaient) mais le site virtual shtetl contient l’information que tout à Pulawy a été détruit encore avant la fin de la guerre, pierres des maisons juives et de la synagogue détruites, pour le renforcement d’une route, et pierres tombales pour les fondations d’une usine de gelatine, et vu qu’aucun juif n’est retourné se réinstaller à Pulawy après la guerre, il n’y a que très peu de chances que les maisons existent encore, même si elles n’ont pas été toutes bombardées..ce qui fait que la visite à Pulawy va aussi plutôt être du domaine de l’imaginaire que de celui de la constatation visuelle.



Plus nous approchons de la date du départ, plus nous nous rendons compte combien cela va probablement nous être émotionnellement dur. Le plus bizarre est que cela ne parait pas le cas de tous les participants, à moins qu’ils se dispensent de partager avec nous cette composante...



J’ai en tout cas bien compris que le fait de ne pas nous rendre dans les camps ne réussira pas à nous épargner la composante tragique de ce voyage. Toute la famille Fliederbaum qui était encore en Pologne a été envoyée à Treblinka - même si Jack émet des doutes sur cela, arguant par exemple que sa mère,serait morte,d’une crise cardiaque chez elle, et que les autres n’étaient peut-être pas dans le ghetto (et la découverte tardive de l’annuaire téléphonique de Varsovie de 1939-40 semble appuyer ses dires) - et les Tauber qui étaient restés à Pulawy, ainsi que les Borenztein, ont aussi été envoyés à la mort. Les preuves de tout cela apparaissent de la non réapparition d’aucune de ces personnes après la guerre.


Deuxième épisode



Lundi 22 juillet

Arrivée sans encombres, et récupération de l’appartement (chmielna 73) dans un complexe d’immeubles d’un laid accompli, d’inspiration soviétique. Une énorme cour entourée d’une dizaine d’entrées identiques le tout sur environ sept étages. L’appartement est propre et installé comme il faut, et correspond complètement à nos besoins, Marianne, Michèle et moi.



La première étape du voyage est la cérémonie en souvenir de la déportation à Treblinka de tous les juifs du ghetto, qui debuta le 22 juillet 1942 (qui s’avère avoir été ...le 8 av de cette année) et s’accomplit en quelques semaines, déportation vers la mort de quelques 380000 juifs du ghetto.


La cérémonie, située à la humshlagplatz, d’où partaient les trains, entièrement en polonais, et réunissant quelques deux mille personnes, incluant « el male rahamim », couverte par une forte présence policière bienveillante, est suivie d’une marche dans les rues du ghetto,


la première étant karmelicka que nous descendons, non jusque l’endroit où se trouvait la boutique Heinsdorff (au 11 de la rue, au coin de la rue Nowolipie) dans laquelle travaillaient pépé et mémé, firent connaissance l’un avec l’autre et commencèrent l’histoire familiale à laquelle nous appartenons. Je quitte le défilé (j’étais en train automatiquement d’écrire le convoi..!) quelques minutes le temps d’aller photographier ce coin de rue...qui n’a bien entendu aucun rapport avec l’aspect qu’avait l’endroit en 1923 : nous sommes dans le ghetto entièrement rasé en 1945 suite aux bombardements, cf film « le pianiste » de Polanski.
Et à propos complètement détruit, la marche, après être passée par la rue Chlodna (sur le trottoir de laquelle on voit clairement les limites du mur du ghetto, dessiné sur le sol)





s’achève à l’endroit où existent encore deux maisons, derniers vestiges de ce monde disparu. Cette marche a lieu tous les ans et est chaque année dédiée à un personnage. Cette année, il s’agit d’un poéte, non juif, Wladyslaw Szlengel, dont les fenêtres (dans la maison qui précisément subsiste) donnaient sur le ghetto, et qui écrivit poèmes et chansons sur cela.


La journée s’achève par un repas chez Katarzyna et David, de catering cachère, en compagnie de Bella Shwartzman- Zarnota, traductrice et écrivaine polonaise, née en 1947 à Waroslav, 

                                      


et qui nous raconte sa vie, comment la période 45-48 a été relativement emplie d’espoir de réinstallation, ombragée si ce n’est complètement obscurcie par le pogrom de Kielce, suivie d’une période laïque jusqu’à l’arrivée du communisme en 1968. Le retour collectif au judaïsme date de la fin du communisme en 1991, avec depuis, l’ouverture de l’institut d’histoire juive, la réparation de la synagogue Nozykov seule ayant survécu à la guerre, et le retour de de plus en plus de juifs au judaïsme. Cette Bella, qui semblait dans les premiers temps d’après guerre être attachée uniquement à un judaïsme laïque composé essentiellement de yiddish, a progressivement fait elle-même un retour vers la Torah, étant active dans la mise en place de gans pour enfants, d’écriture de livres de paracha, en marge de son activité de traductrice du français au polonais, qu’elle a progressivement converti en traduction du yiddish en polonais, activité pour laquelle elle vient de recevoir un prix, (de l’institut Yivo de recherche sur la culture yiddish) que nous fétons en levant un verre. Elle vit à Varsovie, en compagnie de son mari,non- juif, mais incite ouvertement sa fille à partir en Israël, à ne pas faire sa vie en Pologne

Mardi 24.7.

Après une petite marche dans une Varsovie grise et fraîche, très parve/moche, arrivée au cimetière juif où les choses ne se passent pas comme je pensais.
Je pensais que comme m’avait été localisée la tombe du trisaïeul, j’y irais rapidement le matin en arrivant, avant la visite groupée.
En fait nous avions rv à 10:00, y arrivons tout juste avant...pour découvrir que le cimetière est fermé et n’ouvre...qu’à 10:00.
Ensuite, le Przemyslaw Szpilman, directeur du cimetière, qui m’a localisé la tombe est loin de chercher à engager la conversation, et c’est notre guide, Vitek, qui s’avère au long de la visite être une véritable encyclopédie sur pieds, et qui est un spécialiste accompli de ce cimetière, ayant contribué pendant quatre ans à travailler jour après jour au recensement et à l’inscription en ligne des tombes, qui m’explique que je n’ai aucune chance de trouver seul cette tombe, mais il m’assure que nous y passerons.


Il nous emmène ainsi dans une promenade de trois heures dans ce cimetière gigantesque qui est surtout une véritable forêt. C’est touffu d’arbres certains très hauts, et on marche dans le limon. Il y a quand même des chemins. On passe par quantité de tombes dont il nous raconte l’histoire, tombes sculptées, tombes vénérées, tombes méprisées, celle du fondateur du cimetière, Zonenfeld qui se fit appeler Berek Son...qui devint Bergson, et dont Henri Bergson était le descendant, tombe magnifiquement sculptée, 

                                                 
celle de ce traître, ayant travaillé pour les allemands, dont le corps a été déterré en cachette et laissé aux chiens et devant la tombe duquel les survivants du ghetto ne passaient pas sans cracher, celle de Y.L. Peretz, celle de Zamenhof inventeur de l’esperanto, celle du rebbeh de Slonim, celle du Moshe Mordekhaï Morgenstern, le kotzker qui quitta Pulawy en 1914 s’installa puis mourut à Varsovie, 

                                           
la cachette dans laquelle s’est caché Avraham Carmi....encore pléthore d’autres, et la tombe du trisaïeul Avraham Ytshak ben Kalman Fliederbaum, dont la découverte est émotionnellement très chargée : la tombe est parfaitement lisible, est couverte d’un texte élogieux, elle est en bordure de rangée dans un des endroits les plus reculés du cimetière...

 

La suite de la journée quoiqu’incluant la visite aux restes du mur du ghetto, 





en passant par la place où une des maisons ayant tenu et ayant été rénovée se tient à côté d’une encore tristement en état, place qui fut le haut lieu de la délinquance juive ayant inclus la traite des femmes, quoiqu’incluant la visite de la synagogue et une très intéressante rencontre avec Stas, le rabbin d’Etz Haïm, la partie réformée de la communauté de Varsovie, le suite de la journée m’est bien plus terne que cette visite du matin.

La journée s’achève par un repas d’une partie du groupe chez nous dans une très sympathique ambiance.

troisième épisode



Mercredi 25.7.

Le matin se déroule très rapidement au musée juif, qui requiert au moins le double des trois heures que nous avons à lui consacrer. Il est très intéressant, retrace toute l’histoire du judaïsme polonais, on suit l’exposition dans le sens chronologique, l’accompagnement audio à l’oreille. Le ton est récurrent, constant et rappelle de façon atténuée le message actuel du gouvernement polonais : les juifs ont trouvé en Pologne le paradis. Plusieurs personnages notables, rois ou princes, ou autres nobles leur ont accordé à diverses phases de l’histoire toutes sortes de droits, les ont protégés, leur ont permis de s’institutionnaliser, de se développer, et tout ceci justifie l’interprétation du nom Polania : ici réside la chekhina.
Ce n’est pas à cause des polonais que tout ceci s’est achevé tragiquement, mais à cause de l’église, ou des diverses invasions qu’a subies la Pologne. Les turcs, les russes, les autrichiens et en fin de compte les nazis puis les soviétiques. Tous ceux-là ont, qui envahi et massacré, qui conquis et imposé leur loi, qui restreint les droits qui avaient été donnés aux juifs, et c’est ainsi que furent abolis les droits et même les privilèges dont ont bénéficié les juifs entre 1200, date estimée de leur arrivée, et 1800.

Ce ton est un peu révoltant, même s’il repose sur la réalité historique et géographique de la Pologne, qui a toujours été faible politiquement, en étant installée en étau entre l’ouest et l’est, entre de puissants empires, qui l’ont sans cesse envahie, se la sont partagée et ont causé tous les torts, dont la shoah n’a été que l’apothéose, à cause de la folie hitlérienne.

On n’entend pas de tout ce discours ce avec quoi j’ai été élevé, c’est à dire l’énorme méfiance, teintée de rancune à l’égard des polonais, qui m’a baigné, tant du côté Fliederbaum (Varsovie), que du côté Tauber (Pulawy), mais ce discours était inclus dans le message venant du côté « tata Renée »(Wajnberg) et du côté « Jack Fliderbaum ». Eux gardent de bons sentiments à l’égard de la Pologne, tandis que l’autre côté dit : « si un feu prend à une frontière et ravage toute la Pologne jusqu’à l’autre frontière, je n’appellerai pas les pompiers » (Salomon Fliederbaum).

Nous quittons le musée à la salle des débuts du sionisme ( c'est-à-dire en n'atteignant pas la rue de Varsovie reconstituée…ce dont je reste triste) et il est possible que nous ne complèterons jamais cette visite, au cours de laquelle nous retrouvons le récit de la richesse de Shmul Zabitkouber (Jacubovitch), dont le fils Berek Sonenberg créa le cimetière juif de Varsovie et est l’ancêtre d’Henri Bergson, nous découvrons celui de la trop courte vie de Maurycy Gottlieb, peintre fort narcissique ( inclus en selfie dans grand nombre de ses tableaux, et non uniquement dans l’ultra célèbre du jour de Kippour) mais fort talentueux, surtout quand on réalise qu’il est mort à 23 ans ! et nous rencontrons Suzanna Rogojinsky, notre nouvelle guide et chauffeure, venue nous rencontrer à 13h00 face à la gigantesque sculpture de Nathan Rappaport représentant un regard très soviétiquement inspiré sur le ghetto et sa révolte.



Avec elle nous quittons Varsovie après avoir de façon éclair « complété «  la visite : nous passons devant Mila 18, où est erigé le monument en souvenir de la révolte du ghetto, devant les piles de métal érigées en souvenir du pont de ulica Choldna mais nous ne nous arrêtons pas...et bien nous en prend.

Suzanna est d’un calibre « hors calibre ». Petite nana souriante à la belle chevelure dorée, aux yeux bleus et au grand sourire, elle explique rapidement comment elle sait l’hébreu grâce aux six mois d’oulpan qu’elle fit à Haïfa suite à son alyah...une alyah qui dura six mois, après lesquels elle fuit littéralement Israël à cause de la chaleur (!). Elle est interprète de formation mais essentiellement guide de tioulé shorashim depuis deux ans, monitrice de ski en Italie l’hiver, étant native de Zakopena, et elle pilote de main de maître même dans les rues les plus étroites son Opel vivario de neuf places.

Elle a pris contact avec notre hôte de Pulawy, le prêtre protestant Yaroslav Bator (dont Katarzyna a découvert puis m’a donné les coordonnées) qui nous attend à 16:30 au bord de la rue principale d’accès à Pulawy.

C’est un gros bonhomme au crâne rasé, vêtu de noir, d’une cinquantaine d’années, circulant en scooter, ne parlant que le polonais, et qui fait plutôt fruste. Il est pasteur, mariée à une pasteure, père de quatre enfants, est né à Pulawy...et a un passé de néo-nazi qui s’était même fait tatouer le sigle ss...jusqu’à avoir commencé à lire la Bible et le nouveau testament. Depuis quelques bonnes années, il œuvre à faire connaître l’histoire des juifs de Pulawy (ainsi que de Kurow, d’après sa page facebook, mais il ne sera pas question de Kurow au cours des quatre heures que nous passerons en sa compagnie. D’après le musée, l’histoire du judaïsme est plus courte à Pulawy qu’à Kurow...mais c’est Pulawy notre sujet).



La visite débute au bord de la route, au pied de la toute petite pierre gravée et ornée d’une plaque et d’un Magen David, située au haut d’un monticule fleuri et entretenu (aux frais de la mairie précise-t-il. Cette pierre a été érigée...puis profanée, et est restée en l’état, recouverte de peinture, jusqu’à ce que lui-même vienne la frotter et la restaurer), et alors qu’il nous retrace l’histoire de l’invasion nazie, il confirme ce que les lectures m’avaient appris : les nazis arrivèrent à Pulawy dès début septembre 1939, bombardant et incendiant les deux synagogues en bois encore le 6 du mois, installant le deuxième ghetto en date de toute la Pologne encore au cours de ce même mois. Ce ghetto fut fermé le 28 décembre 39 quand les juifs furent transférés-regroupés dans d’autres ghettos...et l’histoire du judaïsme à Pulawy s’arrête brutalement et définitivement à cette date. Michèle et moi savons par les récits historiques familiaux que la famille n’était pas dans ce ghetto mais qu’ils avaient fui à Baranow, village (très – trop…) proche. Quand tous ceux du ghetto furent conduits à Sobibor, cela incluait aussi ceux qui avaient fui à Baranow et dans peut-être d’autres villages-bourgades environnants. Bator raconte comment ce 28 décembre , il faisait moins 30 et comment les juifs ont été contraints quand même à marcher, ceux qui n’en avaient pas la force étant enfermés dans la synagogue, où ils moururent de froid. Ces récits se trouvent dans le livre « yskor buch Pilow ».

Mais la visite se poursuit. Ou plutôt commence.

De là, il nous montre d’un geste un peu évasif que se trouvaient à proximité la synagogue et le mikveh...mais rien de cela n’est à voir : ces bâtiments ont été détruits et ont été construites d’autres choses à leur place. A ce stade, la situation parait être qu’il n’y a que cette stèle à voir avec les yeux à Pulawy, et que le seul habitant qui conserve le souvenir de la présence juive à Pulawy se trouve face à nous.

Nous marchons cependant, en direction de la Vistule tandis qu’il nous raconte comment dans ce qui est la maison où habitait le rav Mendel Naj (le dernier rabbin de Pulawy), lui et le petit groupe qui l’accompagne dans ces actions vouées au souvenir au judaïsme de Pulawy, ils se sont soudain aperçus de l’existence d’une soucca ! dit-il avec excitation. Nous nous trouvons à ce moment dans une petite rue parallèle à la grand-rue, alors qu’il nous désigne du bras deux immeubles d’habitation récents en disant « ici était la synagogue, ici le mikve » alors que nous ne pouvons rien en voir, mais nous continuons à marcher 20 mètres, et découvrons sur la gauche une vieille maison de briques rouges, d’environ 60 mètres de long, sur deux étages, inhabitée....et dont il nous explique qu’ici vivait le rav Naj.



 A une extrémité, au premier étage, un balcon sur lequel se trouve comme un mahsan en bois et c’est, dit-il, la soucca. Le mahsan ainsi que le balcon sont couverts, la toiture les incluant et les couvrant entièrement, et après quelques secondes d’hésitation, je lui explique qu’une soucca doit être ouverte sur le ciel pour en être une. Il répond que le bâtiment a vécu des jours difficiles, a été d’abord utilisé par les allemands, qui y ont entreposé toutes sortes de choses, une écurie entre autres, il sait ce que je viens de lui répondre sur la soucca, et répond que le toît n’est pas celui qui existait du temps du rav Naj. C’est la première maison, le premier signe tangible que nous découvrons.



Ce sont des signes d'autant plus impressionnants qu'ils sont inattendus. Ces découvertes sont néanmoins impersonnelles, ne nous touchent qu'indirectement : ma grand-mère, le père de Michèle ont quitté Pulawy bien avant ces évènements..

Nous revenons en direction de la grand-route, et il nous montre sur le trottoir d’en face deux maisons dont il dit qu’elles étaient des maisons juives, tandis que nous continuons à deviser et que je crois constater que j’en connais un peu plus que lui sur l’histoire du judaïsme de Pulawy : lui connait surtout la tragédie (à cause des allemands - encore une fois) de la seconde guerre mondiale. Il semble n’avoir pas conscience de la différence entre hassidim et mitnagdim, et ne sait pas que le judaïsme de Pulawy avait d’abord deux versants (mitnagdim venus de Lithuanie en fin dix-huitième siècle, puis hassidim fin dix-neuvième) puis plusieurs encore (toute la gamme de la haskala et des mouvements d’inspiration sioniste). Voici ce que je crois savoir : Le rav Naj était le rav officiel de la ville, et en parallèle de sa communauté s’est installé en 1895 le rebbe Haïm Israël Morgenstern, petit fils du Menahem Mendel Morgenstern, « saraf miKotzk » et premier Kotzker Rebbe. Avec son installation à Pulawy, se créa la hassidout Pilev (nom yiddish pour Pulawy), qui attira de nombreux juifs (et en particulier Yankeleh Tauber, père de Israël, qui passa pour cela de Szydlowiecz à Pulawy) et avec elle se développa non seulement la présence juive mais aussi l’importance socio-économique de toute la bourgade. Ce rebbe est l’auteur du « shalom Yeroushalaïm », premier livre hassidique sioniste avant le « em habanim semekha » et dans lequel il prône l’achat de terres et l’installation des juifs en Palestine. A sa mort en 1906, lui succéda le Moshe Mordekhaï Morgenstern, son fils, deuxième admor de la hassidout Pilev...qui quitta Pulawy en 1914 pour Varsovie, vraisemblablement du fait de la guerre, pour finir ses jours en 1939 et être enterré au cimetière juif de Varsovie, là où nous vîmes hier sa tombe, son ohel. 



A ce stade de la visite, nous ignorons encore que nous attend bien mieux..

quatrième épisode



De cette date commença le déclin de la présence juive à Pulawy dont notre famille contient l’illustration et l’éventail : Israël Avraham Tauber naquit en 1880 à Pulawy (en fait, ici subsiste une petite enigme : lui et ses enfants du premier mariage naquirent apparemment à Kurow, bourgade toute proche, je ne comprends pas ce détail), alors Nova Alexandryi parce que sous domination russe , épousa Matl Rozenson et mit au monde Hazkel en 1998, puis Rachel en 1900, Etl en 1901, Eva en 1903 et Nahman en 1906. Puis elle mourut et Israël se remaria avec Hanna la fille de Moshe Mayer Teitelbaum, de qui il eut Slava, Lonia, Yaïr, Arnold et Shlomo.

Israël tenait la graineterie qu’avait ouvert Yankeleh, Moshe Mayer était actif dans le commerce de la farine, possédait des moulins et vendait dans toute la région...mais sa journée se déroulait entièrement dans le bet hamidrash, aux côtés de Yankeleh son ami que tous surnommaient « rabbi Tarfon ». Même le jour où mourut Ytel sa femme, il fit le hesped depuis le bet hamidrash mais n’alla pas jusqu’au cimetière. Ses enfants ne restèrent pas des hassdim. Son aîné Hazkel se laissa cependant marier à la mode hassidique avec une cousine, mais servit dans l’armée, s’installa à Lublin et vécut en juif hiloni. Rachel refusa de se laisser marier, exigea de partir à Varsovie où elle rencontra Salomon, alors que les deux étaient hilonim. Lonia, Yaïr, Slava et Arnold fréquentèrent les groupes sionistes qui se développaient à Pulawy. Slava rencontra Yehoshoua Milrad, lui aussi de Pulawy, Eva rencontra Bernard Borenszteijn, lui aussi de Pulawy.
Rachel et Salomon étaient partis en Palestine en 1925. Salomon était parti le premier, avait stationné six mois à Trieste puis ayant réussi à atteindre Haïfa, avait envoyé un visa à Rachel. Lonia a raconté comment les hassidim de Pulawy l’ont accompagnée à la gare en chantant : « elle partait pour eretz Isroel ! ».
Rachel et Salomon se marièrent à Tel Aviv en 1926 ( à rosh hodesh Iyar) mais émigrèrent pour Paris en fin1926/début 1927. Les y rejoignirent Slava et Yehoshua, Eva et Bernard, puis Lonia suivie de Yankeleh Frydman, aussi de Pulawy, qui l’épousa à Paris. Arnold ne quitta Pulawy qu’en 1935, Yaïr ne quitta/fuit qu’en 1939, et Israël Avraham, et sa femme Hanna, et leur fils Shlomo firent partie de ceux parmi les juifs de Pulawy qui finirent leurs jours déportés à Sobibor.

Il semble qu’ainsi que cela apparait sur la photo de groupe en 1935, lors du voyage de Rachel accompagnée de ses deux filles Mathilde et Irène, alors qu’elle tentait sans succès de leur faire quitter Pulawy, n’étaient plus hassid qu’Israël et sa femme. Alors qu’il a encore le couvre-chef typique et est boutonné droite sur gauche, et sa femme la tête couverte d'une perruque, tous les autres sur la photo sont vêtus à l'occidentale.



A Pulawy 1935.


Mais ils habitaient encore la « cour » du rebbe, telle qu’elle est décrite dans le livre de Pulawy...et nous découvrons cette cour dont j’avais cru avoir lu qu’elle avait été détruite en même temps que la synagogue.!!

Extrait du yzker buch Pilev (édité en 1964, écrit par un collectif, dont Yehoshua Milrad. Traduction Michèle Tauber) :


La shil, les kley-qoydesh (fonctionnaires de la vie religieuse),
et les shamossim
(p. 86-87)
La grande cour de la synagogue faisait trois cents mètres de long et était délimitée au sud par la Lubliner Gass (rue de Lublin) et au nord par ce qu’on appelait le zamd, le Sable.
Du côté sud il y avait trois accès étroits : 1) à côté de la boutique de Velvl Tsukerman, l’entrée « paradner » : l’entrée « d’honneur », dont le sol était bétonné, 2) à côté du shoykhet Mendl Kutner, 3) à côté de Yitskhok Honigstein. Dans les deux derniers accès s’écoulaient au milieu du chemin des caniveaux…
Voici les habitants de la cour de la shil :
1) Velvl Tsukerman
2) Itamar Rubinstein
3) Yisroel Rubinstein
4) Menukhè Rubinstein
5) Rayzl Rossèt
6) Mordkhe Regerman
7) Hayim Tugentraikh
8) Mendl Kutner
9) Arn-Mayer Edelstien
10) Khanè Shayndl
11) Gdaliè Feder
12) Khayè Rubinstein
13) Yisroel-Avrom Toyber (Tauber)
14) Noyekh fin der teyvè (Noé de l’Arche !)
15) Moyshé Foygl
16) Tankhum Tenenboym
17) Avromtshè Hershman der melamed
18) Yidl Sokhatshevski
19) Yankl Vlostovitser
20) Yankl Borenstein
21) Yitskhok Honigstein
22) Avrom Tshujè
23) Sholem Grinberg et d’autres…..

photo extraite du livre édité par Jaroslav Bator, pasteur à Pulawy


Le bâtiment qui longe encore aujourd’hui la route d’accès à Pulawy, qui s’appelait alors Lubelsky, est le batiment de 300 m de long décrit dans le yzker buch, qui abritait le bet midrach et les maisons des proches du rebbe, dont Yankele, Israël, Moshe Mayer et les autres.

photo prise par moi le 25 juillet2019

Il a encore le fronton triangulaire qu’on voit sur les photos de l’époque, dont le pasteur nous montre un exemplaire. Nous ne trouvons trace d’aucune mezouza, mais il y a encore les entrées vers la cour intérieure. 



À certains endroits, subsiste un pavage ancien, du côté intérieur subsiste l’aspect d’époque,

la cour hassidiaque vue de l'intériieur. Juillet 2019


 d’une autre maison aussi en briques, que je croyais avoir été détruite par les allemands et qui est face à nos yeux. 
Il est loin d'être impossible que cet appentis soit d'avant-guerre.
  Tandis que Jaroslav parle, un habitant sort sur le balcon au premier étage et me lance un « shalom » spontané et ému (je suis en kipa). Nous échangeons des signes d’amitié.


photo magnifique, extraite de la page facebook de JBator, années 20. Il y a dessus Tévié le laitier, le porteur d'eau, des enfants que mes grands oncles et tante et grand-mère ont connus..et l'agneau du sacrifice..



La rue Piaskowa, perpendiculaire à cette rue, voie centrale d'accès à Pulawy depuis Lublin, est celle qui était appelée alors "le sable".

Jaroslav nous emmène encore au « nouveau » cimetière, en bordure du cimetière catholique, où seule une pierre monument atteste de la présence jadis d’un cimetière juif. Il ne reste rien, et il précise que ce sont les nazis qui ont détruit, mais les soviétiques communistes qui ont ensuite accompli le travail et nettoyé la place. Il nous montre l’endroit où était enterré le kozker, nous voyons le creux dans lequel les allemands ont abattu ceux des juifs qui n’ont pas été déportés à Sobibor, en compagnie des polonais qui avaient été jugés traitres et avaient tenté de combattre l’occupant, et nous voyons les quelques tombes juives parmi les soldats natifs de Pulawy tombés au front. Il raconte qu’il sait avec certitude où était le cimetière et les tombes parce que c’est un ami à lui qui a acheté le terrain pour en faire un garage, et quand il a creusé pour aménager, il a trouvé des ossements, qu’il a enterrés, Jaroslav disant le kaddish, le rabbin n’ayant pas daigné honorer la cérémonie de sa présence.


Puis il nous emmène dans la dernière partie de la visite, au « vieux » cimetière, qui est aujourd’hui rien moins qu’un cimetière de carrosserie..rien ne permet de distinguer qu’un jour il y eut là un cimetière, alors qu’il nous indique de la main où était la bet tahara, et les limites du cimetière. Il est inquiet, demande que l’on s’en aille avant que quelqu’un ne vienne lui chercher querelle, peut-être nous prendre à parti...tandis qu’il raconte encore comment les pierres tombales ont servi à faire la rue attenante, et comment certaines ont été trouvées par la suite par des ouvriers de terrassement, tandis qu’en creusant, des habitants ont trouvé des ossements. Il nous montre deux photos de pierres tombales qui ont un jour été exposées dans le musée de Pulawy, aujourd’hui fermé.

seul souvenir visible du cimetière juif. On remarquera que le texte "hébraïque" sur le monument est....en "gibrish".

Sous cette butte aurait été enterré l' admor de la hassidour Pilev.





Cette émouvante rencontre s’achève au café qui appartenait jadis aux deux frères juifs qui tenaient une fabrique de vinaigre, et nous nous séparons avec la promesse de rester en contact, de l’accueillir s’il vient en Israël, et de contribuer à la cérémonie commémorative-exposition qu’il a l’intention d’organiser pour les 80 ans de la tragédie, le 28 décembre prochain.


Clotûre




Jeudi 25.7
Aujourd’hui commence en fin de compte le voyage en Pologne, mais est-il tellement différent des passages à ulica Karmelicka, au cimetière de Varsovie, à la rue Chlodna de Varsovie, à Pulawy ?
Nous nous rendons à Kasimir Dolny, considérée comme étape touristique. C’est effectivement un village estival sur les bords de la Vistule, dans lequel il y a aussi une vieille synagogue désacralisée, transformée en librairie et lieu d’exposition et dans laquelle on trouve beaucoup de belles photos en noir et blanc du vieux judaïsme de Pologne, il y a un cimetière profané semi-restauré et avec une impressionnante sculpture/stèle...et il s’est mis à faire très chaud.



Le trajet jusqu’à l’étape suivante est une balade à travers la Pologne profonde, où nous passons par pléthore de petits villages dans lesquels on peut sans cesse se demander s’il y avait ici ou non des juifs.

A mi chemin du trajet vers Krakow, on s’arrête à l’initiative de Suzanna dans une petite ville, Chmielnik, dans laquelle ne subsiste qu’une synagogue désacralisée, transformée par les polonais locaux en salle d’exposition, dans laquelle ils ont créé une bima ..en verre ! La seule au monde est très fier de nous dire le guide local...ils ont aussi fait une sorte de ohel zikaron dans le terrain attenant, dans lequel il prétend qu’ils ont écrit les noms de familles de tous les douze mille juifs qui étaient sur place avant la shoah..et ont tous disparu.




Il nous projette aussi un très intéressant morceau de film tourné par des polonais qui avaient émigré aux USA et sont revenus à Chmielnik dans les années d’entre les deux guerres. Un témoignage unique de ce qu’était le paysage humain juif en Pologne à cette époque, qui contient quelques interviews de femmes polonaises non juives au langage complètement nostalgique..

Le mystère de la relation juifs-non juifs - avec ses aspects de haine réciproque, mêlés de relation amicale interconfessionnelle - persiste.

Arrivée en fin de journée à Krakow où nous recevons un appartement en plein quartier juif, au troisième étage d’un vieil immeuble aux plafonds hauts..ce qui les fait compter pour 5 si à en juger au nombre de marches..et assez joliment installé...mais dans lequel il manque pour ainsi dire une pièce. D’une part cela nous contraint Marianne et moi à dormir dans le salon, d’autre part ce salon royal avec lustre et canapés en faux cuir vert foncé permet de recevoir tout le groupe pour la super réunion de fin de voyage (le dimanche se passe en formation éclatée) le shabbat en fin de journée.



Le vendredi matin, visite en groupe, de niveau de guide relativement moyen, mais elle me montre - au groupe synagogue-cimetière du Remah près - des choses que je n’avais pas vues (la synagogue haute, la maison d’Helena Rubinstein, le musée de Galicie, et la rue où logeait - et où a été tournée une partie du film - Oskar Schindler).

L’après-midi, tandis que les Friedson partent pour encore une étape-visite dans les mines de sel pluricentenaires de Wieliczka aux alentours, nous nous rendons chez un luthier, Matthiew Farley, dont j’ai découvert l’existence, et avec lequel la rencontre est super interessante. Il s’agit d’un américain qui s’est en fin de compte retrouvé luthier en Pologne par une succession peu ordinaire de hasards...ayant commencé son périple hors des USA pour retrouver une française qui l’a plaqué à son arrivée à Paris...ce qui l’a conduit à reprendre contact avec de vagues connaissances polonaises...de quoi est sortie une relation avec une nana qu’il a suivie à Rome, où il a enseigné l’anglais entre autres à un étudiant qui était régulièrement couvert de copeaux de bois...ce qui éveilla sa curiosité...et le conduisit à s’intéresser puis à apprendre la lutherie.
Quelques années plus tard il quitte l’enseignement et s’installe comme luthier, spécialisé en violes de gambe...qui parait un instrument dans lequel est exigée énormément moins d’exactitude que pour les violons...ce qui est une lueur d’espoir...même si il ne me parait pas l’individu le plus exact et le plus porté sur les finitions. Mais il raconte s’être créé une notoriété et avoir des commandes..très sympa en tout cas.





Dimanche 28.7.
Visite paisible de la grande place, le musée national (avec en particulier le tableau de De Vinci de la jeune fille à l’hermine, qui provient du musée Kartorycky de Pulawy),



 consommation d’excellente limonade à la framboise écrasée chez iqos, et des extérieurs du chateau Wevel, à l’entrée duquel se dresse la statue équestre de Tadeusz Kosciusko, le héros polonais qui organisa une insurrection contre la domination russe et prussienne en 1794....suite à laquelle la Pologne disparut de la carte de l’Europe jusqu’en 1918...avant d’être envahie en 1939 par les nazis..puis « libérée" en 1945 par Staline...ce qui décrit le tragique de la nation polonaise...apparemment trop dominée par la vodka et l’église pour ne pas encore et encore tomber dans le ridicule.

Dimanche 11 août.
Et, en fin de compte, sans l'avoir plus prévu que son commencement, une fois revenus, avoir raconté, s'être à nouveau retrouvés, avoir repris contact avec le pasteur de Pulawy, s'achève ce voyage avec le 9 av.

Un voyage "pour retrouver comment avaient vécus mes ancêtres" et qui a quand même été frappé continuellement du sceau de la shoah. 

Peut-on aller en visite en Pologne ? sans y rencontrer la shoah ? Je m'y suis pourtant promené en permanence avec la kipa sur la tête sans ressentir le moindre regard hostile, ou même critique. Beaucoup plus facilement qu'en France d'aujourd'hui..

Le judaïsme renaît aujourd'hui en Pologne ( où réapparaissent deplus en plus d'enfants du silence qui re découvrent leur lien au judaïsme), en Allemagne vers laquelle les israéliens sont attirés comme les abeilles par le miel, et en parallèle, l'antisémitisme aussi réapparait.

Il est possible de lire les textes de tichea beav avec un regard relativisant : aux textes sur la destruction de Jérusalem présente quand même un singulier contraste la Jérusalem d'aujourd'hui, capitale de l'état d'Israël où vivent près de 9 millions d'habitants dans d'excellentes conditions de niveau de vie, de niveau de société n'en déplaise aux détracteurs et aux éternels Cassandre, une Jérusalem plus que rebâtie, dans laquelle n'ont jamais étudié autant de juifs, dans laquelle l'hébreu n'a jamais été une langue aussi vivante.




Et pourtant, comme on dit en hébreu justement "toute personne dont les yeux sont à leur place sur la tête" ne peut que voir comment tichea beav n'appartient pas au passé.   




קורותיה של משפחת טאובר, ברקע גורלן המר של חסידויות פילוב וסוקולוב, ושל היהדות בעיירה פולאווי, שבדרום מזרח פולין.

אתאר כאן במקביל ובשילוב את אשר התפתח במשפחתי משפחת טאובר, ביחס לפולין ולישראל, בהבלטת הרוח שאיפיינה את הקהילה בה משפחה זו חיה, קהילה שהמנהיגים שלה היו נכדו ואחריו נינו של הקוצקר רבה, בין השנים 1895 ו 1914. 

מאחר ונסגרה אז חסידות פילוב, ושמלחמת העולם השנייה חוללה את הרצח הכללי של כל יהודים במקום זה, אין להפריד תיאור של המקום ממרכיב הטראומה שהתלוותה לשורדים ולצאצאיהם, שיהיו אלה תושבים או צאצאי חסידות פילוב.האם ניתן למצוא סימנים של טראומה זאת היום ?



היהודים התיישבו בפולאווי במרוצת המאה ה 17, כנראה בהזמנת נסיכות קסטוריסקי, שבניה הקימו שם ארמון, וכעבור זמן קצר, את המוזיאון הפולני הלאומי הראשון. עם הזמן, נאלצו בני הקסטוריסקי להגלות את עצמם לצרפת, כאשר את המוזיאון, העביר השלטון לקראקוב, ובזה הסתיימה תקופת הזהב של העיר פולאווי. היא חזרה למימדים של עיירה קטנה. בראשית המאה ה20, נוסדו במקום מכון ללימודים טכניים, וגם פקולטה לחקלאות והגיעו לעיירה סטודנטים, דבר שתרם להתעוררות מחודשת.  ברם, היהודים הם אלה שהביאו לצמיחתה הכלכלית של העיירה, עד למשבר הכלכלי של שנות ה 30 של המאה ה 20. הכתובים אודות פולאווי מציינים את הגעת כמות גדולה של יהודים לעיר בסוף המאה ה 19, ומעורבותם המכריעה בפיתוח הכלכלי של העיר. מצויינת גם פעילותם במישור המוניציפלי, וגם סביב קהילת הסטודנטים. אז, היוו היהודים כשני שליש מהאוכלוסיה הכללית, היו מיוצגים במועצת העיר בשיעור של 25% מהועד, וכאמור, הם לקחו חלק פעיל מאד באומנויות הקשורות לחיי הסטודנטים (דיור, לבוש, בישול ומחירת מוצרי מזון). בשנים של אחרי מלחמת העולם השנייה, שוב התפתחה פולאווי, עד למימדיה הנוכחיים (כחמישים אלף תושבים) אך כבר בלי שום קשר ליהדות.





במאה השמונה עשרה, היתה שם קהילה יהודית מצומצמת, מרוכזת סביב הרחוב הראשי, המוביל לעיר לובלין אשר נמצאת במרחק כ 30 ק״מ, ושמו בפולנית אוליצה לובלסקה.





רבים המסמכים עליהם מופיע רחוב זה כסמל של הנוכחות היהודית במקום, ציורים ובהמשך תמונות, וגלויות.



Ce qui est arrivé à la famille Tauber,
traduction en françaias chaleureusement fournie par Philippe Michard.

En parallèle du sort amer de la Hassidout de Pulawy et Sokolov, et de la communauté juive dans la bourgade de Pulawy, au Sud-est de la Pologne.

Je décrirai ce qu’il en est de ma famille, la famille Tauber, dans ses liens avec la Pologne et Israël, en soulignant l’esprit qui inspirait la communauté dans laquelle cette famille a vécu, communauté dont les dirigeants étaient les petits-fils et arrières-petits fils du Rabbi de Kotsk dans les années 1895-1914.

Cette description de la vie de cette famille et de la hassidout à laquelle elle s'est liée, est indissociable du drame suite auquel on ne trouve plus aujourd'hui à Pulawy ni de survivants Tauber, ni de hassidim…ni le moindre juif. Je fais cette description et tente de déceler chez les survivants et à travers les écrits qu'ils ont laissés la marque de ce drame, et du traumatisme qu'il a occasionné

Les Juifs se sont installés à Pulawy au cours du 17ième siècle, à l’invitation, semble-t-il de la famille princière Kastoriski, lignée polonaise très présente dans l'histoire de la Pologne, dont les fils ont édifié à cet endroit un palais et, après une courte période, le premier Musée national de Pologne. Avec le temps, les fils Kastoriski ont dû émigrer eux-mêmes en France lorsque le Musée passa au pouvoir de Kracovie, et c’est ainsi qu’a pris fin l’âge d’or de la ville de Pulawy. Elle est revenue aux dimensions d’une petite bourgade, à laquelle les Juifs ont apporté la croissance économique jusqu’à la crise économique des années 30 du 20ième siècle. Les écrits concernant Pulawy décrivent quantité d’évènements concernant les Juifs dans la ville à la fin du 19ième siècle, et leur implication déterminante dans le développement économique de la ville. Sont décrits aussi des activités sur le plan municipal, et aussi autour de la communauté étudiante lorsque la ville a transformé son académie en accordant une part au développement de l’Institut Polytechnique et la Faculté d’Agriculture au début des années 20. Les Juifs étaient alors 70% de la population totale, ils étaient représentés au conseil municipal dans une proportion de 25% du conseil, et ils prenaient une part dans l’activité encore plus importante dans les humanités liées à la vie des étudiants (logement, habillement, cuisine et prix des denrées alimentaires).Dans les temps d’après la seconde guerre mondiale, Pulawy s’est développée à nouveau, jusqu’à l’agglomération actuelle (autour de 50000 habitants) qui n’a plus aucun lien avec la judéïté. 

Au cours du 18ième siècle, il y avait là une communauté juive réduite,  centrée autour d’une rue principale dirigée vers la ville de Lublin qui se trouvait à environ 30 km, et dont le nom polonais était Ulica Lubelska.

La majeure partie des documents les concernant montrent cette rue comme symbole de la présence juive dans le lieu, d’abord sur les dessins puis sur les photos et les cartes postales.









ר' חיים ישראל מורגנשטרן, נכדו של מייסד חסידות קוצק, ה״שרף מקוצק״, ר' מנחם מנדל מורגנשטרן, נולד בקוצק בשנת ת״ר (1840). הוא למד הרבה אצל מורים ורבנים ובעיקר אצל סבו, ועבר בשנת 1895 לעיר פולאווי, בהיותו כבר ידוע ואהוד, ואחרי שכתב את ספרו ״שלום ירושלים״, אך טרם הוציא אותו לאור. שם, הוא ייסד חסידות פילוב, אליה נהרו מרחבי דרום מזרח פולין הרבה חסידים, וביניהם  יאנקעל׳ה טאובר וחברו הטוב משה מאייער טיטלבאום מהעיר זידלוביץ, לא הרחק מפשיסחא, דרומה מוורשה. בעיר פשיסחא, המקום הרוחני ממנו יצאו חסידות קוצק וחסידות פילוב, כיהנו זה אחר זה ״היהודי הקדוש״ ורבי שמחה בונם, אצל מי למד בזמנו האדמו״ר הראשון, ה״שרף מקוצק״, בראשית המאה ה 19 .

ליאנקעל׳ה טאובר נולדו ארבעה בנים, שניים מהם היו ישראל אברהם (1880) וחיים (?), שקיבלו ככל הנראה את שמותיהם בהשראת השמות של האדמו״ר. שני האחרים לא הותירו לא צאצאים ולא זכר, והשואה היא הסיבה לכך.


Haïm Israël Morgenstern était le petit-fils du fondateur de la hassidout de Kotsk, le « séraphin de Kotsk » Menahem Mendel Morgenstern qui naquit dans la vile de Kotsk dans l’année 5600 (1840), non loin de Pulawy. Il apprit beaucoup chez les enseignants et les rabbins et surtout chez son grand-père, et s'installa  en 1895 dans la ville de Pulawy, étant déjà connu et apprécié, en partie du fait de son livre « Chalom Yeroushalaïm », bien qu'il n’était alors pas encore publié. C’est là qu’il fonda la Hassidout de Pulawy, vers laquelle convergèrent de nombreux hassidim du sud-est de la Pologne, et parmi eux Rabbi Yankeleh Tauber et son meilleur compagnon Moché Mayer Teitelbaum de la ville de Sidlowitz , géographiquement et idéologiquement proche de Pchiskha, au Sud de Varsovie. De cette ville de Pchiskha, lieu d’entre les plus inspirés, sortirent la hassidout de Kotsk et celle de Pulawy, sous l'impulsion du « Juif saint » et  de Rabbi Simkheh Bounem « Rabbi joyeux de ses enfants », chez qui étudia en son temps le premier Admor[1]le « Séraphin de Kotsk » ; au début du 19ième siècle.

De Yankeleh Tauber, naquirent quatre enfants, deux d’entre eux étaient Israël Abraham, et Haïm (1880) qui reçurent comme chacun, semble-t-il, des noms inspirés par les noms de l’Admor. Les deux autres n’ont rien laissé : pas de descendants et aucune trace; la Shoah en a voulu ainsi.







[1]Adonénou Morénou Rabbénou (notre Maître, notre enseignant et notre Rabbin)
יאנקעל'ה טאובר

האדמו״ר מפילוב הראשון, רבי חיים ישראל מורגנשטרן, דאג לחצר חסידית חיה ותוססת, ולהשפעה רוחנית ומוסרית על ההולכים בדרכיו. הוא התיישב, יחד עם חלקם, בבית הארוך ולו חצר אחורית גדולה שלאורך ״אוליצה לובלסקה״ בעיירה, אותו הבית שמסמל לאורך שנים ארוכות את יהדות פולאווי, ובחצר שלו שיחקו  סבתא שלי רחל ואחיה ואחיותיה, יחד עם כל ילדי חצר החסידים הרבים. באופן כמעט פלאי, על אף שכל סימני יהדות פולאווי נהרסו והועלמו, הבית עד היום עומד, על אף שלא נשאר בעיירה אף יהודי אחד.ישראל אברהם טאובר שנולד כאמור בשנת 1880 בעיירה הסמוכה קורוב, נישא למאטל רוזנסון. אחרי מותה (בשנת 1905), הוא עבר לפולאווי, נישא בשנית לחנה טיטלבאום, בתו של משה מאייער טיטלבאום, והוא עבר להתגורר עם החסידים הקרובים לאדמו״ר, בתוך אותו בית. הבית הניצב בין אוליצה לובלסקה ובין האזור הנקרא אז ״החול״ (כי אז ובטרם בנו עליו, הוא היה רובו חול, מדברי. היום זה נקרא אוליצה פיאסקובה, ״רחוב החול״), ועל שתי קומות, כלל מתחמים רבים, שחלקם שימשו לצרכים הקהילתיים, בית מדרש בעיקר, חלקם (אלה בקומת קרקע הפונים אל הרחוב הראשי) למסחר (כפי שניתן לראות על התמונות ), וחלקם לדירותיהם של חלק מהחסידים, וביניהם משפחת טאובר, ויש תמונות עתיקות עליהם רואים גם עיזים כך שניתן לשער שהיו שם גם דיר, לול ועוד. מאחורי הבית ששרד, שרדה גם החצר, ולא קשה לדמיין כיצד התהלכו שם בעלי חיים, כיצד היו להם מחסה בפינות החצר



Le premier Admor de Pulawy, rabbi Haïm Ysraël Morgenstern, installa une cour de hassidim vivante et joyeuse, et exerçait son influence spirituelle et morale sur ceux qui suivaient ses chemins. La cour trouva tout naturellement sa place dans la longue maison, devanture, étage et grande arrière-cour, le long d’Ulica Lubelska, la maison-même qui fut pendant de longues années le symbole de la judéïté de Pulawy. Dans cette cour ma grand-mère Rachel jouait avec son frère et ses sœurs, en compagnie des nombreux enfants de la cour hassidit. La maison est encore debout mais il n'y reste plus un seul juif.




Israël Avraham Tauber qui naquit, semble-t-il, en 1880 dans la bourgade voisine de Kourov, se maria à Matel Rozenson. Après la mort de celle-ci (en 1905), il épousa en secondes noces Hana Teitelbaum, la fille de Moché Mayer Teitelbaum, et se joint aux Hassidim proches de l’Admor, à l’intérieur de cette même maison. La maison se tenait entre Ulica Lubelska et le terrain connu comme « le sable », (car alors et jusqu’à ce qu’il soit construit, il était sablonneux, désertique). Aujourd’hui, il est appelé ulica Piskowa, la rue du sable[1]),  et sur deux étages, qui incluaient plusieurs espaces, partagés selon les besoins communautaires, en Beith Midrash pour une part principale, pour commercer (comme on peut le voir sur l’image) dans une seconde partie (celle du rez-de-chaussée, tournée vers la rue principale), et comme logement du groupe des Hassidim, et entre eux, la famille Tauber pour la dernière partie ; il reste des photographies anciennes sur lesquelles on voit aussi des chèvres, on peut donc supposer qu’il y avait aussi là une bergerie, un poulailler etc.



[1] J’ai commencé par une version avec « profane » pour houl…ça collait presque… tu imagines ….



על התמונה של הרחוב משנת 1924, (התמונה מופיעה בהמשך העמוד, ליד התמונות של מצב הבית היום) וגם על התמונה כאן, בערך מאותה תקופה, רואים כמה בני הבית, חלקם על המרפסות, חלקם ליד הבית, ביניהם ילדים אחדים, ולא מן הבלתי אפשרי  שנמצאים ביניהם אחד או יותר מצאצאי ישראל אברהם טאובר.

Sur la photo de la rue datant de 1924, on voit quelques personnes de la maison, certains sur les balcons, certains à côté de la maison, parmi eux des enfants. Il est possible que se trouvent entre eux un ou plusieurs descendants d’Israël Abraham Tauber.





בשנה הזאת, יחזקאל ורחל, שני הילדים הראשונים של ישראל אברהם, כבר לא היו בפולאווי. יחזקאל, הבכור, זה שנולד לישראל אברהם בהיותו בן 18 בלבד, כבר היה נשוי לבת דודתו (אחותה של אשתו של יאנקעל׳ה) נחומל׳ה גליקליך, והם היו מתגוררים בלובלין. יחזקאל שרת בצבא הפולני. לימים הם הביאו לעולם את שמיל מנשה וחיו בלובלין. חייהם הסתיימו בשואה.


En 1924, Yechezkel et Rachel, les deux premiers enfants d’Israël Abraham, n’étaient déjà plus à Pulawy. Yechezkel, l’ainé d’Israël Abraham, qui était né quand celui-ci était âgé de 18 ans seulement, était déjà marié à la fille de sa tante (sœur de l’épouse de Yankeleh) Nehoumaleh Gliqlikh, et ils habitaient à Lublin. Yechezkel servit dans l’armée polonaise. Ils mirent au monde Chmil-Menache et vivaient à Lublin. Leur vie se termina avec la Shoah. 

יחזקאל טאובר ובנו שמיל מנשה


רחל לא אהבה את הנישואים בתוך המשפחה, ובפרט לא הסכימה שיחתנו אותה לחיים, דודה, כפי שתוכנן היה. היא ביקשה לעבור לעיר הגדולה. הוריה, שנאלצו להסכים, סידרו לה עבודה ומגורים אצל מכריהם, משפחת היינסדורף, אשר להם חנות של מצרכים קולוניאליים, ברחוב כרמליצה, בלב השכונה היהודית (שלימים הפכה לגטו) של ורשה. שם היא הכירה את שלמה פלידרבאום, שהיה בן דוד של יעקוב היינסדורף והיה עובד בחנות. אחרי ביקור בפולאווי, שם קיבל שלמה מחמיו סט מחזורים שנשארו לו יקרים עד יום מותו, היא נסעה איתו לארץ ישראל, ונשאה לו שם, בעיר תל אביב בשנת 1926, בראש חודש אייר.

 
Rachel n’aimait pas l’idée de se marier dans la famille et surtout, elle n’était pas d’accord qu’ils la marient à Haïm, son cousin, comme c’était programmé. Elle demanda à aller à la grande ville. Ses parents, qui s’efforçaient de trouver un accord, obtinrent pour elle un travail et un logement chez des clients, la famille Heinsdorf, qui avaient un magasin d’articles coloniaux, dans la rue Carmelitsa, au cœur du quartier juif (qui deviendrait un jour le ghetto) de Varsovie. C’est là qu’elle rencontra Chlomo Fliederbaum, qui était le neveu par alliance de Jacob Heinsdorf et qui travaillait alors au magasin, elle partir avec lui s'installer en Eretz Israël, et c’est là qu’elle se maria avec lui, dans la ville de Tel-Aviv, l’année 1926.
רחל טאובר ושלמה פלידרבאום בתל אביב בעת נישואיהם ב 1925


אחותה למחצה, לאניה, מספרת כיצד ליוו את רחל כל החסידים וכל בני המשפחה בשירים, בתופים ובמחולות, עד לתחנת הרכבת : היא היתה יוצאת לפלסטין ! עולה לארץ ישראל ! כדברי האדמו״ר חיים ישראל !לימים, בהיותה בהריון, ובגלל המצב הכלכלי הקשה בארץ, היא ביקשה לעבור לפריס, שם נולדו מאטל ב 1927 ואיטהל'ה (אירן) ב 1931, ושם הצטרפו אליה זו אחר זו אחותה אווה (ובעלה, ברנרד בורנשטיין, אף הוא מפולאווי), אחותיה למחצה סלווה ולאניה, ומאוחר יותר אחיה למחצה אהרון, שלימים נקרא ארנולד.



Avant le départ de Shlomo, le couple passa par Pulawy – où Shlomo reçut des mains d'Israël Avraham un set de makhzorim qui lui fut cher jusqu'au dernier jour, puis il partit seul, et une fois le visa pour Rachel obtenu, elle le rejoint.

Sa demi-sœur, Lonia, raconte comment tous les hassidim et les membres de la famille accompagnèrent Rachel avec des chants, des tambours et des danses, jusqu’à la gare de chemin de fer : elle s’en allait en Palestine ! Elle montait en Terre d’Israël ! Comme pour suivre les paroles de l’Admor, Haïm Israël !



Au fil des jours, maintenant enceinte, et du fait de la situation économique difficile dans le pays, elle chercha à gagner Paris, et c’est là que naquit Matel (Mathilde) en 1927, et Iteleh (Irène) en 1931, et là que, les uns après les autres, la rejoignirent sa sœur Hava (et son mari, Bernard Bornstein, qui, lui aussi venait de Pulawy), ses demis-sœurs Slava et Lonia , toutes deux également mariées à des natifs de Pulawy et plus tard son demi-frère Aaron, qui s’appellerait ensuite Arnold. 
מימין לשמאל, רחל, לאניה, סלאווה ואווה טאובר

כפי שסיפרה לאניה (ילידת 1910) לקראת סוף חייה בצרפת, סבה, ר׳ משה מאייער טיטלבאום, על אף שהיה שותף ליאנקעל׳ה טאובר בסחר ובהשגחה אזורית על מכירת הקמח וטחינתו, לא היה עוזב את בית המדרש. בניגוד ליאנקעל׳ה שהיה מבלה לא מעט זמן בחנות של המשפחה, אולי באחד המתחמים של אותו בניין. בזכרונה של לאניה, משה מאייער לא יצא מבית המדרש אפילו כדי לקבור את אשתו, דבורה לבית קירשנבלאט, בתשרי של שנת 1916, הוא לא פסק ללמוד. היא תארה כיצד ביום פטירתה, עבר משא הלוויה דרך בית המדרש, אז הוא הספיד אותה ארוכות, אך לא יצא יחד עם החסידים שנשאו את הגופה, אלא נתן להם לקבור אותה בו בזמן שהוא דבק בלימודו, כהוראת האדמו״ר, (. זכרון זה נוגד את ההלכה וסביר להניח שלאניה שהיתה אז בת 6 לא יכלה לזכור בכזו וודאות). הנקודה המרכזית הינה ההקפדה המאסיבית של הסב בלימודו בעיני נכדתו.תקופה זו היתה ימיה האחרונים של חסידות פילוב. האדמו״ר הראשון, רבי חיים ישראל כבר נפטר בגיל 65, בשנת 1906. הוא הותיר אחריו ספר בשם ״שלום ירושלים״ שטרם פורסם, עוד ספר שלא זכה לפרסום, ועוד חיבור שצורף לספר אותו כתב אחד מבניו. בניו המשיכו את דרכו אך עד לשנים של מלחמת העולם הראשונה בלבד.בהיותו עדיין בחיים, ועל אף שעוד לא הועלה על דפוס, היה ספר ״שלום ירושלים״ מרכזי מאד לאדמו״ר ולחסידיו. קונטרס ״שלום ירושלים״ (כפי שהוא מוזכר במספר מקומות) היה ספר מיוחד מאד, בהיותו בין הספרים הציוניים החסידים הראשונים, אם לא הראשון. (הגר"א  - הגאון מווילנה - וגם האדר"ת - חמיו של הרב ראי"ה קוק, שכיהן כראשון לציון, גם כתבו כל אחד ספר על חשיבות קיום מצוות תלויות בארץ. הם אבל שייכים לזרם הליטאי, ולא לזרם החסידי, והם פחות הובילו למעשה מכפי שניסה האדמו"ר מפילוב) .האדמו״ר השקיע המון מרץ במגמתו הציונית פורצת הדרך. הוא הקים את ״אגודת האלף״ כביטוי לרעיונו המרכזי על פיו יוכל לבוא המשיח אם יעלו עשרים ריבוא יהודים לארץ ישראל, וכאשר האדמו״ר דואג לאלף חסידים שיתרמו כל אחד אלף רובל. רבי חיים שלח את הקונטרס למספר אדמו״רים ברחבי פולין והעולם היהודי וזכה לתגובות חיוביות, למשל מהאדמו״ר מגור, בעל ה״שפת אמת״, לתגובות חיוביות פחות, וגם לתגובות מתנגדות מאד, וזאת בעיקר מצד האדמו״ר מרודוזין. בעזרת בנו, רבי יצחק זעליג, לעתיד האדמו״ר מסוקולוב, הוא גייס כספים, ושלח אותם לרוזן מרוטשילד...שסרב להצעה ולבקשה להירתם לאגודה והחזיר את הכסף לשולחיו.במקביל, נפטרה בתו ערב יום החתונה שלה, וגם חלתה אשתו במחלה סופנית. שלושת הגורמים האלה, התווספו לביקורת הקשה שהתעוררה כלפי המגמה הציונית יוצאת הדופן שלו, והביאו את האדמו״ר למבוכה קשה ביחס לגורל הפרויקט. נראה שבניגוד לדעת הרוב, וביניהם בניו, שראו באסונות שפקדו אותו סימנים משמיים שהפרויקט נוגד את דעת המקום, נטה האדמו״ר לפרש אחרת את המצב, שלהבנתו לא התרחש בגלל אופי הפרויקט - אופי מהפכני ככל שיהיה - אלא בגלל שאדם שמתחיל במצווה ואינו משלים אותה מתחייב בנפשו. בין כך ובין כך הביא המצב את האדמו״ר לוויתור על מאמציו ועל דרכו, ואולי הביא למותו. רבי חיים ישראל נקבר בעיר פולאווי, ואין היום זכר למקום קבורתו מאחר ובית הקברות חולל ובוטל אפילו פעמיים. פעם ראשונה על ידי הכובש הגרמני הנאצי, פעם שנייה על ידי השלטון הקומוניסטי הסטליניסטי.



Comme l’a raconté Lonia (née en 1910) rencontrée à la fin de sa vie en France, son grand-père, Rabbi Moché Mayer Teitelbaum, même s’il gagnait sa vie avec Yankeleh Tauber dans le commerce et la distribution régionale de la farine et dans la minoterie, ne quittait pour ainsi dire jamais la maison d’étude. Au contraire de Yankeleh qui passait beaucoup de temps au magasin de la famille, peut-être dans un espace de ce même immeuble, Moché Meïr étudiait. Selon le souvenir de Lonia (un souvenir probablement inexact puisqu'il est en contradiction avec la halakha…mais elle avait alors seulement 6 ans) il ne sortit pas de la maison d’étude même pour enterrer sa femme, Deborah (de la maison Kirchenblatt), en Tichri de l’année 1916. Le jour de la disparition de son épouse, Moché resta à la maison d’étude fit une longue oraison funèbre au passage du convoi, mais ne sortit pas avec les hassidim qui portaient la dépouille, et il les laissa l’enterrer pendant qu’il se plongeait dans son étude selon l’enseignement de l’Admor.

C’étaient déjà les derniers jours de la hassidout de Pulawy. Le premier Admor, Rabbi Haïm Israël avait déjà disparu à l’âge de 65 ans, en 1906. Il laissait derrière lui le « Chalom Yeroushalaïm » qui n’était toujours pas publié, un autre livre qui ne le fut jamais, et aussi des cahiers réunis en un livre par les soins d’un de ses fils. Ses fils poursuivirent son chemin mais pour quelques années seulement.

Lorsqu’il était encore en vie, et alors qu’il n’était pas encore élevé au statut de référence, le livre « Chalom Yeroushalaïm » était déjà central pour l’Admor et ses Hassidim.  Le kountrass(recueil) « Chalom Yeroushalaïm » (comme il était qualifié dans nombre de lieux), était un livre très particulier, parmi les premiers livres hassidim sionistes, si ce n’est le premier. L’Admor avait investi beaucoup d’énergie dans le mouvement sioniste qui vivait ses premiers jours en ce 19ème siècle. Il créa une association, le « faisceau des mille » comme l’expression de son idée centrale qui, dans sa bouche, pourrait amener le Messie si vingt mille juifs montaient vers la Terre d’Israël, et selon les statuts de laquelle l’Admor prenait à sa charge que mille hassidim réunissent chacun 1000 roubles.

Rabbi Haïm envoya la brochure à de nombreux Admorim dans tous les coins de la Pologne et le monde juif, et reçut des réactions positives, par exemple de l' Admor de Gour, l' auteur du « Sfat émét », des réactions moins positives, et même des réactions d’opposition absolue, et cela surtout du côté de l’Admor de Rodozin. Avec l’aide de son fils, Rabbi Isaac Zelig, qui deviendrai l’Admor de Soqolov, il récolta de l’argent, qu’il envoya au baron de Rotshild …qui refusa la proposition et la demande d’être associé à ce groupe et renvoya l’argent à l’envoyeur.



Au même moment, sa fille mourut le soir de son mariage, et sa femme aussi tomba malade d’une maladie incurable. Ces trois facteurs renforcèrent la dureté des critiques envers un mouvement sioniste insolite comme l’était le sien, et opposèrent à l’Admor un obstacle difficile à franchir pour l’avenir du projet. Il semble que contre l’avis de tous, et en particulier, de ses fils qui voyaient dans les malheurs qui lui étaient comptés les signes divins que ce projet allait contre les voies de Dieu, l’Admor proposa d’interpréter autrement la situation : celle-ci, selon son entendement, n’était pas empêchée du fait du caractère du projet- caractère révolutionnaire comme tout ce qu’il était –mais parce qu’un homme qui s’est engagé à une mitsva sans parvenir à remplir son engagement est passible de mort. D’une façon ou d’une autre, la situation imposa à l’Admor d’abandonner ses efforts et ses voies, et peut-être cela entraîna-t-il sa mort. Rabbi Haïm Israël fût enterré dans la ville de Pulawy et il n’est aujourd’hui aucune trace du lieu de sa sépulture ; plus tard, le cimetière a été profané et abandonné,par deux fois : La première par les envahisseurs nazis, la seconde par le pouvoir communiste stalinien. 


על פי הפסטור ירוסלב בטור, גבעה זו מסמנת את המקום בו נקבר האדמו"ר

בניו, רבי משה מרדכי, רבי יוסף, ורבי יצחק זעליג, ואחיו רבי צבי הירש מקילובה, בעל ה״עטרת צבי״, המשיכו את דרכו ואת חסידות קוצק. הראשון הוסמך כאדמו״ר פילוב אחרי מות אביו והמשיך את דרכו אך במיתון ניכר. הבנים התנגדו הרי לכך שגאולה תוכל לבוא מעלייתם של יהודים לא שומרי מצוות, בניגוד לדעת אביהם שהיה פתוח הרבה יותר בנושא זה, ורבי משה מרדכי הוא למעשה זה ש״סגר״ את החסידות, בעזיבתו את פולאווי לטובת וורשה, בגלל שריפה גדולה בפולאווי, ובגלל מלחמת העולם הראשונה. רבי משה מרדכי נפטר בוורשה, כאדמו״ר פילוב, אך לא הותיר אחריו שום ממשיך דרכו...אולי בגלל מאורעות מלחמת העולם השנייה והשואה. הוא השאיר אחריו ספר בשם ״מדרש משה״, שהוא פירוש על התורה, אוסף דרשות.




Ses fils le Rabbi Moché Mordékhaï, rabbi Yosef, et Rabbi Isaac Zelig, et ses frères Rabbi Tsvi Hirsch de Qilouva, auteur du « hatéret tsvi », poursuivirent son chemin et la Hassidout de Kotsk. Le premier fût investi comme Admor de Pulawy après la mort de son père et poursuivit dans ses voies au milieu de difficultés évidentes. Les fils étaient en désaccord avec l'idée que la rédemption pourrait advenir au milieu de l’émergence de Juifs qui ne gardaient pas les mitsvot, se démarquant ainsi du chemin que leur père avait tracé, bien plus ouvert qu'eux sur ce sujet, et rabbi Moché Mordékhaï eut le triste privilège de « fermer » la hassidout en quittant Pulawy pour Varsovie en 1915, du fait d’un grand incendie de Pulawy et de la première guerre mondiale. Rabbi Moché Mordekhaï disparut à Varsovie en 1939, très peu avant la shoah, comme Admour de Pulawy, mais il n’a laissé personne qui aurait suivi son chemin… en particulier du fait des évènements de la seconde guerre mondiale et de la Shoah. Il laissa derrière lui un livre au nom de « Midrash Moché » commentaire de toute la Torah, écrits sur base de ses drashot hebdomadaires.




שמואל חיים לנדאו (1892-1928)שהיה מראשי תנועת הפועל המזרחי בארץ ישראל,ומוכר לקהל הרחב תחת ראשי תיבות שמו (שח״ל), היה מתלמידיו וממשיכי דרכו המובהקים של האדמו״ר הראשון, ולא מן הנמנע שאיש זה מסמל את אשר ארע לדעותיו הכה ציוניות : אלה שדבקו בו הצטרפו לתנועות הציוניות, ואלה שהתנגדו לדעותיו לא רצו להישאר מזוהים עימו ואף עזבו את התנועה החסידית.כאמור, דעותיו לא היו כה ציוניות בלבד, אלא שהן היו בהשראת ה״קוצקר רבה״ גם ״כה קיצוניות״. אדמו״ר קוצק הרי לא הצליח להיות גם יחד ״אינוועלט״ ו״אוסוועלט״, כלומר לא הצליח גם להעמיק בחיפוש אחר האמת, בהתבודדות ובניתוק, וגם לתפקד כמנהיג מעורב בחיי היום יום, מחובר לחסידיו ופנוי לענות לשאלותיהם, ואולי כך גם היה בנו. אבל השערה זו לא מתיישבת יפה עם הכריזמה שהיתה לרבי חיים ישראל בצעירותו, אליו הצטרפו רוב חסידי קוצק עת ייסד את חסידות פילוב כפי שצויין לעיל.בנו השני, רבי יצחק זעליג מורגנשטרן עבר לעיר סוקולוב ונמנה שם לאדמו״ר חסידות סוקולוב. הוא נפטר ב 1929 ובנו (אחד מ 11 ילדיו) שהמשיך את דרכו נספה באושוויץ. מספר בנות מתוך שמונה בנותיו הגיעו ארצה.אחיו רבי צבי הירש פירסם אף הוא ספר בשם ״עטרת צבי״ ובתוכו חלקים שנכתבו על ידי האדמו״ר הראשון, רבי חיים ישראל. הוא גם הוציא לאור ספר בשם ״שארית ישראל״ ובתוכו תוספות ל״שלום ירושלים״ מכתבים אחדים , וכמה דרשות.



Chmouel Haïm Landau (1892-1928) qui était à la tête du mouvement hapohel hamizrahi en terre d’Israël, connu de la communauté sous ses initiales comme le Chahal, était parmi les élèves qui avaient suivi clairement la voie du premier Admor, et cela fait de cet homme comme l'illustration de ce qu’il est advenu de la pensée de l'admor :les uns la quittent en adhérant au mouvement sioniste nationaliste, les autres la quittent et abandonnent au passage tout mode de vie religieux.

Il faut dire que sa pensée n’était pas tant sioniste, qu'en phase avec celle du Rabbi de Kotsk, ce qui veut aussi dire  extrémiste. L’Admor de Kotsk ne sut être aussi « invelt » que « aussveldt », c’est-à-dire qu’il ne réussit pas en étant aussi plongé dans sa recherche de la vérité, dans son isolement et sa rupture, à assumer  son rôle de guide engagé dans la vie de tous les jours, lié à ses hassidim et disponible  pour répondre à leurs questions, et peut-être son fils était-il ainsi. Même si un tel portrait ne s'accorde pas avec le charisme du Rabbi Haïm Israël, que suivit la majorité des hassidim de Kotsk quand il partit fonder la hassidout de Pulawy.




Son second fils, Rabbi Isaac Zelig Morgenstern passa à la ville de Sokolov et servit[‏W2]  là comme Admor des hassidim de Sokolov. Il disparut en 1929 et son fils qui suivit son chemin périt à Auschwitz. Quelques-uns de ses huit enfants parvinrent en Israël.

Son frère Rabbi Tsvi Hirsh publia cependant un livre du nom de « hatéret tsvi » (la couronne de Tsvi)[1], qui contient des passages qu’il a écrit avec l’aide du premier Admor, Rabbi Haïm Israël. Il publia aussi le livre Le reste d’Israël (Chéharit Yisraël) et en particulier les suppléments à « Chalom Yérouchalaïm », quelques lettres et quelques drashot





[1] Ou en jeu de mot "la couronne du cerf" ce dernier symbolisant Israël















נראה שה״מדרש משה״ וה״עטרת צבי״ הוצאו לאור בוורשה בשנות השלושים. בעשרים השנים האחרונות הם שוב הוצאו לאור על ידי צאצאי חסידות קוצק שהתגלגלו לישראל.משפחת טאובר מצדה, הפנימה כנראה את ההערצה לציונות בחלקה, ולרעיונות ההשכלה והסוציאליזם בחלקה האחר. אם יחזקאל ושלמה, הבן הראשון והבן האחרון של ישראל אברהם, בחרו להישאר בפולין, ונספו בשואה יחד עם אביהם, כל האחים האחרים יצאו מפולין.על תמונה זו, שצולמה בפולאווי בסוף שנות ה 20 של המאה העשרים, רואים את פעילי תנועת החלוץ, וביניהם, לאניה טאובר, סלבה טאובר, יהושע מלרד בעלה להמשך, ועוד מספר יהודי פולאווי שסביר להניח, חלקם נולדו למשפחות חסידיות וחלקם ליהודים שלא השתייכו לחצר החסידית.



Il semble que Midrash Moché et Aterét Tsvi furent publiés à Varsovie dans les années trente. Au cours des vingt dernières ans, ils ressortirent à l’instigation de ses descendants de la hassidout de Kotsk installés en Israël.

La famille Tauber adopta, semble-t-il, son admiration pour le sionisme d’une part, et les idées de la Haskala et du socialisme d’autre part. Tandis que Yehezkel et Chlomo, le fils aîné et le dernier fils d’Israël Abraham, choisirent de rester en Pologne, et disparurent dans la Shoah, ensemble avec leur père, tous les autres frères et sœurs quittèrent la Pologne.



Sur la photo qui a été prise en Pologne pendant les années 20 du siècle dernier, on voit des membres du mouvement sioniste, et parmi eux, Lonia Tauber, Slava Tauber, Yoshua Milrad qui devint son mari, et encore plusieurs Juifs de Pulawy dont probablement certains sont nés dans des familles hassidim, et d’autres Juifs qui n’étaient pas affiliés à une cour hassid. 



רחל כאמור עלתה ארצה, וזה כנראה היה יותר בהשפעת מלצ׳ה - אחותו של שלמה - ובעלה יחיאל בוזין שהיה להם בעיקר אידיאל סוציאליסטי. גם יאיר, אחיה למחצה, עלה ארצה, ועם הגעתו לארץ הצטרף לקיבוץ קרית ענבים, אבל לא בטוח כמה עלייתו היתה בחירה ציונית או בריחה מתופת מלחמת העולם השנייה, וכמו כן לא ברור כמה הצטרפותו לקיבוץ היתה פרי החלטה אידיאולוגית שלו או של הסוכנות היהודית ומשרד הקליטה שהעבירו אותו לשם אחרי שהייתו במחנה עתלית עם הגעתו לארץ.



Comme on l’a dit, Rachel monta en Erets Israël, et cela, semble-t-il était plus sous l’influence de la sœur de Salomon Maltcha et de son mari Yéhiel Buszyn qui y allaient eux, surtout au nom d’un idéal socialiste.  Yaïr aussi, son demi-frère, monta en Israël et arrivé en Eretz, se joint au kibboutz Kyriat Anavim, et il n’est pas certain que cela ait été un choix sioniste mais plutôt celui du moment, en pleine seconde guerre mondiale, et de la même façon, il n’est pas évident de savoir combien la décision de rejoindre le kibboutz était le fruit d’une décision idéologique personnelle ou celle de l’agence juive ou du bureau de l’intégration qui l'a fait passer là d'autorité après le camps d’Atlit où étaient accueillis alors les immigrants arrivés en Terre d’Israël. 




ציור פרי ידיו של יאיר על מחנה עתלית

בהמשך, לאניה ובעלה, אווה ובעלה, סלבה ובעלה יהושע, וארנולד אחיותיה ואחיה, הצטרפו אל רחל ואל שלמה בצרפת. סלבה ובעלה יהושע ניסו להשתקע בצרפת, יהושע אפילו הגיש מועמדות לסמינר הרבני בפריס, ממנו נדחה בגלל רמתו הנמוכה בשפה הצרפתית, והם עברו כעבור זמן מה מצרפת לישראל, אבל לא מבחירה חופשית אלא בגלל שרשויות צרפת דחו אותם. הם התיישבו בתל אביב. דבורה, בתם הראשונה התחתנה לימים עם עמינדב חרמוני, הבן הראשון שנולד בקיבוץ שריד שבעמק יזרעאל, והם עברו לשם עד מותם.
ב 1935, רחל לקחה את שתי בנותיה, מאטל ואירן (איטל'ה) לביקור בפולאווי. מטרתה היתה כנראה כפולה : לבקר את משפחתה ולהראות את בנותיה, אך גם לשכנע את אלה שנשארו בפולין לעזוב ולהצטרף אף הם למשפחה בצרפת.

Comme on l’a dit, Rachel monta en Erets Israël, et cela, semble-t-il était plus sous l’influence de la sœur de Salomon Maltcha et de son mari Yéhiel Buszyn qui y allaient eux, surtout au nom d’un idéal socialiste.  Yaïr aussi, son demi-frère, monta en Israël et arrivé en Eretz, se joint au kibboutz Kyriat Anavim, et il n’est pas certain que cela ait été un choix sioniste mais plutôt celui du moment, en pleine seconde guerre mondiale, et de la même façon, il n’est pas évident de savoir combien la décision de rejoindre le kibboutz était le fruit d’une décision idéologique personnelle ou celle de l’agence juive ou du bureau de l’intégration qui l'a fait passer là d'autorité après le camps d’Atlit où étaient accueillis alors les immigrants arrivés en Terre d’Israël.

Ensuite, Lonia et son mari, Eva et son mari, Slava et son mari Yehochua, et Arnold, ses sœurs et son frère, s’associèrent à Rachel et Salomon en France. Slava et son mari Yehochua passèrent quelque temps de France puis partirent en Israël, non du fait d’un choix délibéré mais parce que les Français de les y ont poussés…en les expulsant. Ils s’installèrent à Tel Aviv, Dvorah, leur première fille, se maria à cette époque avec Aminadav Hermoni, le premier fils qui naquit dans le kibboutz Sarid dans la vallée d’Yzréel, et ils vécurent là jusqu’à leur mort. En 1935, Rachel prit ses deux filles, Mathilde et Irène pour aller revoir la Pologne. Son but était double : visiter la famille et montrer ses filles, mais aussi encourager ceux qui restaient en Pologne à quitter ce pays pour se joindre à la famille en France. 



פרויקט זה נתקל בהתנגדותם של ישראל אברהם ואשתו חנה אשר טענו שהחיים בצרפת בעיקר מזמנים התבוללות. על אף הקשר החם לבניהם ולבנותיהם, וגם אולי מפאת גילם, הם בחרו להישאר בפולאווי, שלמה ואשתו ובנם היחיד נשארו עימם. רק יאיר השתכנע ועזב/נמלט כאמור את פולין אפילו אחרי פרוץ המלחמה. אולי ניתן להרגיש את הויכוח האידיאולוגי בקרב המשפחה על התמונה שצולמה עת ביקור רחל בפולאווי. ישראל אברהם ואשתו חנה לבושים בלבוש החסידי המסורתי, בו בזמן שהאחרים הם בעלי חזות מערבית, לא מסורתית.



Ce projet rencontra l’opposition d’Israël Abraham et de sa femme Hana qui considéraient que la vie en France impliquait surtout l’assimilation. Ils choisirent de rester à Pulawy, Salomon et sa femme et leurs enfants restèrent avec eux. Seul Yaïr fut convaincu au point de quitter la Pologne pendant la guerre. Peut-être ce débat idéologique au sein de la famille transparaît sur la photo prise au moment de la visite de Rachel à Pulawy. Israël Abraham et sa femme Hana y apparaissent vêtus en hassidim traditionnels pendant que les autres sont à l’occidentale, et non selon la tradition. 



סוף יהדות פולאווי ארע ב 26 לדצמבר 1939. הגרמנים הכריזו על מלחמה ופלשו לפולין ב 1 לספטמבר 1939. ב3 של אותו חודש הם כבר נכנסו לפולאווי, והסיבה לכך הינה כנראה אסטראטגית, מפני שפולאווי נמצאת בין רוסיה לבין וורשה והגרמנים רצו לשמור על גבולה המזרחי של פולין.



La fin des juifs de Pulawy intervint le 26 décembre 1939. Les Allemands déclarèrent la guerre et conquirent la Pologne le 1ier septembre 1939. Le 3 du même mois ils entrèrent dans Pulawy, le motif de cette rapidité étant semble-t-il stratégique, parce que la ville se situait entre la Russie et Varsovie, et que les Allemands voulaient garder la frontière orientale de la Pologne.



כניסת הצבא הגרמני לפולאווי. השער נהרס ב 1945

ב 6 לחודש אוקטובר, הופגזו בתי הכנסת, ונוסד גטו פולאווי, שהיה הגטו השני (אחרי גטו לודז׳) שהוקם בפולין.



Le 6 du mois, ils bombardèrent la synagogue, et au début d’octobre, fondèrent le ghetto qui était le second, après celui de Lodz, qu’ils établissaient en Pologne.









בני משפחת טאובר, יחד עם עוד מספר משפחות ברחו לכפר ברנוב, לא ארחק מפולאווי והתגוררו שם באופן זמני. יאיר סיפר (עת בואו לביקור בפריס בשנת 1954, עם בנו ישראל ואחרי מות אשתו. וזה היה מפגשם הראשון של האחים אחרי 20 שנה) כיצד הם ברחו דרך היער, ואביו על כתפיו, כשהוא מרגיש את דמעותיו על צווריו. הסב יאנקעל׳ה כבר לא היה יותר בחיים, נורה למוות בתוך החנות המשפחתית על ידי חייל גרמני.בסוף חודש דצמבר, הגרמנים סגרו את הגטו של פולאווי, בדרכם הרגילה האכזרית והאלימה מאד. הרבה יהודים מתו בארוע זה. אלה ששרדו הועברו - ברגל, וזוכרים אנשים אחדים שהטמפרטורה עברה ביום זה את ה 30 מעלות מתחת לאפס - לגטו גדול יותר ובהמשך נשלחו למחנה סוביבור, ממנו לא חזר אף יהודי אחד לעיר פולאווי...עד היום הזה.ביולי 1943, שלחה לאניה גלויה להוריה לכתובתם בכפר ברנוב, וזא חזרה אליה עם כיתוב : ״אינם בחיים יותר״, ובדרך הזאת, נודע לבני המשפחה הנמצאים בצרפת, את גורלם של אלה שנשארו בפולין. הטקסט של הגלויה מאד טראגי : הורים יקרים, אני לא יודעת אם תקבלו את הגלויה, יש עוד קצת תקווה שאתם בחיים אז אני כותבת. אולי נקבל איזו הודעה מכם ואחרת נשתגע. קיבלנו מידע שמהמשפחה של ברנר לא נשאר אף אחד. האם זה אפשרי ? אנחנו מוטרדות לגבי הגורל שלכם. איפה כל המשפחה ? יחזקאל, שלמה וכל השאר אנחנו פה בסדר, בחיים, הילדיםהולכים לבית הסםר. אני קצת עובדת, גרים באותו בית בדירות נפרדות. הבנות שלכם.



Les membres de la famille Tauber, réunis avec d’autres nombreuses familles fuirent vers le village de Baranov, sans s’éloigner trop  de Pulawy, et y demeurèrent là pendant un certain temps. Yaïr a raconté leur fuite à travers la forêt, lui avec son père sur son dos, et tandis qu'il sentait les larmes de celui-ci dans son cou. Le grand-père Yankele n’était déjà plus en vie, tué par balle dans le magasin familial par des soldats allemands.

Au début du mois de décembre, les Allemands fermèrent le ghetto de Pulawy, à leur manière habituelle, impitoyable et violente. Beaucoup de Juifs moururent pendant ces évènements. Sauf ceux qui réussirent l'exode, à pieds, par un climat effroyable - des gens se souviennent que la température passait alors 30° sous zéro – les autres furent executés ou poussés vers un bâtiment non chauffé où ils moururent de froid. Le ghetto était trop petit, les allemands regroupaient alors les juifs en ghettos plus grands, d'où ils les envoyèrent par la suite au camp de Sobibor, d’où ne revint pas un seul des Juifs de la ville de Pulawy… Jusqu’à ce jour.



En juillet 1943, Lonia envoya à ses parents une carte postale à leur adresse de Baranov, carte au texte poignant "êtes-vous encore en vie ? nous avons appris qu'il ne reste déjà plus de survivants de la famille Borenstein…répondez-nous où nous mourrons d'angoisse…", carte qui lui revint avec cette mention : « Il n’y en a plus de vivants » écrite par la poste polonaise. C’est par cette voie que les membres de la famille qui étaient en France surent le sort de ceux qui étaient restés en Pologne. 




רב העיר, הרב מנדל נוי, נשאר במקום כקברניט הספינה. הוא נלקח אף הוא לגטו האחר, וגם הוא לא חזר.ביתו הפך לבית חרושת לפראפין, כלומר למחנה עבודה לחלק אחד, ולאורוות הסוסים הגרמנים לחלקו השני. הבית הזה לא נהרס והוא קיים עד עצם היום הזה, כפי שהראה לנו הכומר ירוסלב בטור ביום ביקורנו בעיירה בסוף חודש יולי 2019



La majeure partie de la ville, avec le Rav Mendel Noy[‏W1]  (ornement),tel le capitaine du navire en perdition, restèrent sur les lieux, furent pris vers l' autre ghetto et n’en revinrent pas.

La maison du rav fut transformée en usine de paraffine, c’est dire un camp de travail pour une part, et une écurie pour les chevaux allemands d’autre part. Cette maison n’a pas été détruite et elle existe encore jusqu’aujourd’hui, comme nous l’a montré le pasteur Yaroslav Bator  le jour de notre visite à Pulawy à la fin du mois de juillet 2019.







 [‏W1]Naj en polonais. 



הבית השני ששרד את כל האירועים הוא ביתה של חצר החסידים.





הבית של חצר החסידים ברחוב לובלסקה (היום פילסודסקה) כפי שצולם בשנת 1924 והיום.



נותרו עוד מספר בתים, וביניהם הבית בו נמצאת מסעדה זו, בית שהיה ביתם ומפעל ליצירת בירה של שני אחים יהודים ששמם לא הגיע עד אליי.



La seconde maison qui a survécu à ces évènements est celle de la cour des hassidim.



De nombreuses autres maisons, et entre elles celle de ce restaurant, qui abritait une brasserie de fabrication de bière qui appartenait à deux frères juifs dont le nom n’est pas parvenu jusqu’ici. 



גורל משונה היה לחסידות פילוב. נשאר ביתה. נתפזרו צאצאיה בזרמי העולם היהודי, נעלמו אדמו״ריה.ואני הקטן, חשבתי שאם אחפש אמצא ואגלה....את מחשבותיהם, של האדמו״ר מפילוב הראשון, או של האדמו״ר השני, או של יוצאי פולאווי, על מה שקרה להם.אבל מאימתי כותב אדמו״ר על מה שקרה לו ? אדמו״רים אלה כתבו דווקא ספרות ענפה ועשירה, כפי שפורט לעיל, ועוד ישנם קונטרסים, ואגרות ומכתבים ואפילו פנקסים. אבל הם דנים בתורה, ובמועדים, ובסוגיות תלמודיות, ולכל היותר בסוגיות של תפילה, הם דנים בסוגיות שכליות. לא בסוגיות אישיות, לא בסוגיות רגשיות, ולא בסוגיות נפשיות. אופי המחשבה הוא "צניעות", ו"ביטול היש" על פי הדרך החסידית, בקושי ימצא החוקר דיון בסוגיות חברתיות, פוליטיות...על אף שאנשים אלה חוו את המזעזע מכל,(בספר "מדרש משה, ניתן למצוא מספר דרשות מהשנים של מלחמת העולם הראשונה, עת עבר האדמו"ר מפולאווי לוורשה,. אין התייחסות ולו המרומזת ביותר למתרחש מסביב המחבר.כתב מחבר ה״אם הבנים שמחה״, רבי יששכר שלמה טייכטל, את מחשבותיו על ארועי השואה, אבל הוא כתב ספר עיוני - אפילו אם משיחי נלהב - ולא ספר של מחשבות, לא יומן של חוויות.וגם יוצאי פולאווי או צאצאי משפחת טאובר לא כתבו. אלה שהיו בפולין עד מלחמת העולם השניה נספו בשואה ומובן מאליו איך לא נשארה מהם אף שורה. אפילו אם הם היו כותבים, ספק אם היה נשאר מזה זכר. אלה ששרדו הוכו באילמות כפי שכל העולם ראה. ממתי החלו ניצולי השואה לספר את אשר חוו ? רק בעשרים-שלושים השנים האחרונות. לאבא שלי, שהיה מאד בריא בנפשו, שהתייתם מאימו בשואה, לקח כארבעים שנה עד שדיבר איתי פעם ראשונה על זה...וגם היום, חוקרים, פילוסופים, היסטוריונים מתעסקים עם עובדות, עם זרמי מחשבה, ולא עם רגשות. הם כנראה משאירים את זה לספת הפסיכואנליטיקאי.אין לי ספק שלא הסתגר ה״שרף מקוצק״ מסיבות של אינדיווידואליזם וחיפוש האמת בלבד. גם אם נימק את מעשיו באמירות כגון "איך בין נישט איין אנטיגער" - אני לא איש בן זמנו - קשה לי להעלות על הדעת שהאדמו״ר השני מפילוב שעזב את פילוב לטובת וורשה, ונטש את חצרו כאשר העיר בוערת, עשה זאת מסיבות אידיאולוגיות בלבד,. ואני אף מעז לא לראות שיש להתייחס לכתיבת "שלום ירושלים" כאל כתיבה שכלית בלבד...אבל אין לזה הוכחות כלשהן.. 


חקר הנפש וחקר המוח של מאה העשרים וראשית המאה העשרים ואחת לימדו אותנו שיש לאירועי החיים השפעה על התנהגויות האדם אם לא על מבנה נפשו. אדם שחווה אירוע טראומטי עלול לצאת מפסי השפיות ולעבור לשגרה צבועה כל כולה על ידי הטראומה. זהו אדם שלא חי ולא ישן באופן רגיל אלא שהוא חי חיי סיוט גם בערנות וגם בשינה. אבל גם האדם שמחלים מאירועים טראומטיים ונראה מתפקד הושפע אף הוא. לא נראה שאפשר לנתק אורח חייו של אדם זה מאירועי חייו. ועל כן, לא רק מעשים של בריחה או של הסתגרות עושה האדם כתוצאה מטראומה. אדם גם עשוי להתגבר על הטראומה ולהתמודד עם טראומות החיים בצורה קוגניטיבית, למשל בהשקעה רבה בנושא מסויים, למשל בכתיבת ספר עיוני. ואם ספר זה נכתב בנושא מיוחד, יוצא דופן למשל, או אם הוא נכתב בצורה מיוחדת, קיצונית למשל, אז יש לראות בבחירהת נושא זו או בסגנון כתיבה זה את הופעתו המוסווית של המרכיב הרגשי, נפשי וגם טראומטי


אדם לא עוזב, או מסתגר בתוך החדר מסיבות אידאולוגיות בלבד, ובמיוחד אם הוא עבר קודם לכך כמה אירועים קשים. אפשר להציע שאם יש לו אמונה בהתבודדות, אז אירועי חייו מחזקים אצלו את האמונה הזו. אבל לא מן הנמנע שאידאולוגיה כזו יוצאת, נוצרת דווקא מן המצוקה. כלומר שהאדם מסתגר כתוצאה מטראומות חייו..


דוגמה לכך בעיניי היא הספר "פרקי דרבי אליעזר". אפילו אם בקורת המקרא מתייחסת לספר זה כאל "ספר "מאוחר", כלומר ספר שלא נכתב על ידי רבי אליעזר עצמו אלא מאוחר הרבה יותר, התבוננות במרכיב הרגשי שצובע את כל הספר הזה  מקשה על תיאוריה זו. הספר כולל גם את הסיפור האישי של רבי אליעזר, שנזרק מבית אביו, שהיה במאבק עם כל בני המשפחה, ואנחנו יודעים מאין ספור דוגמאות מהתלמוד כיצד היה רבי אליעזר במאבקים עם עמיתיו, עם כל בני דורו, עד כדי חרם שהוצא נגדו, ואין אפשרות לקרוא את הספר ולא להרגיש את המרכיב הרגשי של מחברו. זאת כתיבה של אדם סגור, של אדם שאינו סובל מחלוקת, כתיבה של אדם פגוע. 


אפשר להניח שמשה מאייער טיטלבאום ויאנקעל׳ה טאובר כן עזבו את זידלוביץ לטובת פולווי מסיבות אידאולוגיות. בשנות 1870, שנות פריחת החסידות, המון יהודים עברו ממקום למקום, לא רק מסיבות שליליות של אנטישמיות, אלא גם כדי להתלוות למנהיג זה או אחר.יש עדויות רבות לכך שעם בואו לפולאווי של האדמו״ר הראשון, רבי חיים ישראל מורגנשטרן, נהרו לעיירה הרבה יהודים. יש שכותבים שרוב חסידי קוצק הצטרפו אליו.


אך, קשה יותר לטעון שעזבו צאצאי משפחת טאובר את פולאווי מסיבות אידאולוגיות, ציוניות או אחרות בלבד. בוודאי חלקם - אם לא רובם - חיפשו בראש ובראשונה לעזוב את פולין (ויש להניח שהסיבה המרכזית לכך היא בוודאי פרי החיים בקרב עם שמבצע פוגרומים באופן חוזר) עוד הרבה לפני פרוץ מלחמת העולם השנייה. ואלה שכמו רחל סבתי, מצאו את הדרך לחזור לפולין כדי לבקר, או כדי לשכנע את אלה שנותרו במקום לעזוב, פעלו על אף הטראומה, כאשר אלה שלא חזרו לשם, לא רצו בשום אופן לחזור לשם, מונעו על ידי טראומה משתקת יותר או שרק הצליחו להתכחש כדרך לקויה מאד להתמודד עם קריאת המצב.המון השתנה בעולמנו מאז הגיע רבי חיים ישראל מורגנשטרן לעיירה פולאווי. כל כך הרבה השתנה שלנסות לאמוד את שינויים מעורר סחרחורת. לא היה אז לא חשמל ברחוב, ולא בתוך הבתים, לא היו כלי רכב נוסעים, לא היו מקררים, ולא מחשבים, וכמובן לא היו מקלידים טקסטים על טבלטים ולא היה טלפון, לא בתוך הבתים ועוד פחות על כל אדם ואדם. ולא היתה מדינה יהודית ריבונית, ומיטוס היהודי הנודד היה הקובע גם בעיני הגוים וגם בעיני היהודים.על כן, אין לנו להביע תמיה על כך שלא עלה על הדעת של אלה שחיו בעין הסערה לנבא את אשר אוטוטו מתרחש וגם לחשוב את המשמעות הנפשית והפסיכולוגית של אירועים אלה או אחרים על עצמם. פשוטי העם היו עסוקים בהישרדותם, ומנהיגי העם, האינטלקטואלים היו עסוקים במתן קידום חיצוני לאדם, טכנולוגי או פוליטי חברתי. הרבנים דאגו להוביל רוחנית את העם.היום, ובגדול מאז סיגמונד פרויד, מתמודד העם הארופאי כאשר בהישג ידיו כלי ששמו פסיכולוגיה, התבוננות עצמית, חשיבה אחרת, שלמשל נותנת מקום רב לעולם הרגשי, לטראומה ולהשפעתה בין היתר על האדם.האם כלי התמודדות זה, שחדר להרבה מקצועות ותחומי עיסוק חדר באותו קצב למערכת הניתוח של המנהיגים הרוחניים, הרבנים ?נדמה שלא קל לחוקרי מדעי החברה והרוח (היסטוריה, פילוסופיה, סוציולוגיה, גאוגרפיה) וגם לחוקרי הרפואה, לעשות מקום למרכיב הרגשי של התופעות שפוקדות את האדם, או שהאדם אחראי או שותף להתרחשותם, אך נראה שעוד פחות קל לרבנים לעשות מקום למרכיבים אלה.

על כן, כל כך מעט חומר מצאתי כמענה לשאלות של מקומה של הטראומה הנפשית והחברתית בכל מה שארע לחסידות פילוב מחד, ולמשפחה טאובר מאידך.חסידות פילוב וגם חסידות קוצק נכחדו. יהדות פולאווי נעלמה. אלה עובדות. צאצאים למשפחת טאובר יש היום לא מעט, רובם בישראל, אף אחד לא בפולין, מעט בצרפת, אלה עוד עובדות.אפשר אכן לסיים התבוננות בקורותיהן של החסידות מחד גיסא, ושל משפחת טאובר מאידך גיסא בציון עובדות אלה.נראה הרבה יותר מעניין ומעמיק לערב להתבוננות את המרכיבים הרגשיים לכל זה. ניסית לעשות זאת בטקסט זה, מכורח הנסיבות, בעיקר בכוחות הדמיון והניתוח שלי.


Sort étrange que celui des hassidim de Pulawy : Il reste leur maison, leurs descendants sont éparpillés dans les courants du monde juif, et tout de leurs Admors a disparu.

Et moi le petit, je pensais que si je cherchais, j’allais trouver et je révèlerai … leurs pensées, celles du premier Admor de Pulawy, ou du second Admor, ou de ceux qui sortirent de Pulawy, au sujet de ce qui leur est arrivé.

Mais quand donc  un Admor a-t-il décrit ses pensées sur ce qui lui est arrivé personnellement ? Ces Admorim là ont écrit une littérature énorme et riche, aussi difficile à conquérir qu'une forteresse, et il reste aussi des brochures, des comptes et des lettres, même des carnets. Mais ils traîtaient de la Tora, et des fêtes juives, et de sujets talmudiques (sougiot), sujets de prière, sujets intellectuels de tous ordres mais non, jamais ô grand jamais de sujets "humains" ni d’émotions ou d'angoisse de vie et de mort . Un chercheur d’aujourd’hui trouverait difficilement même des jugements ou des avis sur des questions de société, ou de politique, tous thèmes vis-à-vis desquels ils éprouvaient une horreur supérieure à tout.




Rabbi Yssakhar Chlomo Teichtal écrivit dans son recueil « Une mère joyeuse de ses enfants »[1], ses pensées sur les évènements de la Shoah, mais il s’agissait d’un livre théorique – malgré l’enthousiasme messianique – et pas de ses propres pensées, pas un journal de ce qu’il éprouvait.

Et pas plus ceux qui était sortis de Pulawy ou les descendants de la famille Tauber :ils n’écrivirent pas. Ceux qui étaient en Pologne jusqu’à la seconde guerre mondiale disparurent dans la Shoah et il est certain que de ceux-là, il n’est pas resté une seule ligne. Même s’ils ont écrit, on (peut) douter s’il reste de cela un seul lambeau. Et ceux qui ont survécu ont été frappés de mutisme, comme on a pu le voir partout. Depuis quand les survivants de la Shoah ont commencé à raconter ce qu’ils avaient vécu ? Seulement ces vingt ou trente dernières années. Mon propre père, qui était tout à fait sain d’esprit, bien qu'orphelin de sa mère par la Shoah, a attendu quarante ans avant de me parler pour la première fois de cela …

Et même aujourd’hui, les chercheurs, les philosophes, historiens, consacrent leurs travaux à des courants de pensée, pas à des émotions. Celles-ci restent, semble-t-il réservées au divan du psychanalyste…pour lequel la plupart n'ont que peu de considération

Du fauteuil où je suis assis, en retrait du divan, je n'ai aucun doute que le « Séraphin de Kotsk » ne s’est pas enfermé pour des raisons individualistes ou seulement pour rechercher la vérité. Il m’est difficile de penser que le second Admor de Pulawy qui partit de cette ville pour Varsovie, et a abandonné sa cour lorsque la ville brûlait, a fait cela pour des raisons idéologiques, et je n’ose pas imaginer qu’il ait considéré l’écriture de « Chalom Yérouchalaïm » comme autre chose qu'un écrit intellectuel simplement.

Au vingtième et vingt-et-unième siècle, l’étude de la pensée et les découvertes des neurosciences nous ont enseigné que les évènements de la vie influencent les réactions des humains, si ce n'est la construction même de leur personnalité. L’homme qui a éprouvé des évènements traumatiques est susceptible d'en être imprégné au point de lui occuper toute sa tête et de teindre tout son mode de vie, comme si le traumatisme avait le pouvoir  de générer des individus aux vies entièrement marquées par le traumatisme. Un tel homme ne vivra pas et ne dormira pas de façon normale mais aura au contraire une vie de cauchemar à l’état de veille comme de sommeil. Mais même celui qui est affecté par les évènements traumatiques et qui semble les avoir surmontés, est aussi massivement influencé et teinté par eux. Il ne semble pas qu’il soit possible de séparer ces hôtes indésirables de la vie de l’homme qui les a vécus. C’est pourquoi, il ne s’agit pas de choix idéologique d’enfermement quand c'est le fait d'un homme qui a vécu un traumatisme : c'est ce qu'il fait pour sortir du trauma. L’humain est ainsi fait qu'il peut parfois trouver en lui les voies pour surmonter le trauma et l’affronter par des moyens cognitifs, en se plongeant par exemple profondément dans un sujet particulier, en écrivant par exemple un livre théorique. Et si ce livre est écrit sur un sujet particulier, qui sort de l’ordinaire ou s’il est écrit sous une forme particulière, radicale par exemple, il y aura à voir dans le choix de ce sujet ou dans le style de cette écriture une manifestation particulière de l’élément émotionnel vital ou traumatique.

Un homme ne part pas, ne s’enferme pas dans sa chambre pour des raisons idéologiques seulement, surtout s’il a traversé auparavant ainsi des évènements traumatiques difficiles. Il est possible d’imaginer que s’il dispose d’une aptitude voire une foi qui le portent à la solitude, les évènements renforceront chez lui cette aptitude ou cette foi. Mais ce n’est pas de la neutralité ou de la tranquillité de l'existence qu’une telle idée vient au jour, elle est issue précisément … de la détresse. C’est dire que l’homme traumatisé s’enferme pour sortir de ses traumatismes de vie.

Un exemple de cela à mes yeux est illustré par les Pirkéï de rabbi Eliezer. Même si la lecture historico critique des Ecritures considère ce livre comme un « livre tardif », c’est-à-dire un livre qui n’a pas été écrit par Rabbi Eliezer lui-même mais beaucoup plus tard, l'observation attentive de  l’émotion qui teinte tout ce livre, met en difficulté cette théorie-là.  Ce livre rassemble au-delà des sujets qu'il traîte, l’histoire personnelle de Rabbi Eliezer, et il est impossible de ne pas voir  qu'il étaient, avant de devenir un maître, quelqu'un qui a été rejeté de la maison de son père, qui en était à se mettre en conflit avec tous les membres de sa famille, quelqu'un de qui nous apprenons par maints et maints exemples talmudiques qu'il était massivement en conflit avec ses pairs, avec tous ceux de sa génération, au point de se faire exclure par eux, et il n’est pas possible de lire ce livre sans ressentir la composante émotionnelle de celui qui l’a écrit. C’est l’écriture d’un homme enfermé, qui ne souffre pas la controverse, l’écriture d’un homme blessé.

Il est possible d'essayer d'avancer que Moché Méïr Teitelbaum et Yankele Tauber ont quitté Sidlovietz au profit de Pulawy pour des raisons idéologiques, mais la lecture de l'histoire de ce lieu conduit aussitôt aussi vers l'hypothèse de traumatisme. Et certains vous diront que dans les années 1870, années florissantes de naissance du hassidisme, de nombreux Juifs passaient ainsi de lieu en lieu, pas seulement pour des raisons négatives liées à l’antisémitisme, mais aussi pour suivre un ou l’autre guide, ce sera peut-être le signe qu'ils font le choix de donner plus de poids aux idées qu'au vécu.

Et il y a plusieurs témoignages de la venue du premier Admor , Rabbi Haïm Israël Morgenstern  à Pulawy, suivi de nombreux Juifs de plusieurs villes. Certains écrivent que la majeure partie des Hassidim de Kotsk se rassemblèrent autour de lui, comme si la raison principale de tous ces mouvements de population était l'enthousiasme.

Mais il est plus difficile de prétendre que les descendants de la famille Tauber quittèrent Pulawy pour des raisons idéologiques, sioniste ou autre seulement. Evidemment, une partie d’entre eux – si ce n’est la majorité- cherchèrent d’abord à quitter la Pologne, et il est possible de considérer que la raison principale tenait à cette vie au sein d’un peuple à l’origine de pogroms récurrents déjà nombreux avant qu’éclate la seconde guerre mondiale.

Et parmi eux , certains comme ma grand-mère ont réussi malgré le trauma à agir de façon déterminée, tandis que d'autres, écrasés par l'impact n'ont trouvé comme ressource pour poursuivre leur vie que l'évitement, l'enfermement ou le silence.

Notre monde a bien changé depuis l’arrivée du Rabbi Haïm Israël Morgenstern dans la bourgade de Pulawy. Tellement qu’essayer d’en parler donne le vertige. Il n’y avait pas d’électricité dans les rues ni dans les maisons, pas de moyens de locomotion, pas de réfrigérateurs et pas d’ordinateurs, et bien sûr pas de traitements de texte sur des tablettes et pas de téléphones, ni dans les maisons et encore moins de mobiles pour chacun. Et il n’était pas d’état juif souverain, et le mythe du Juif errant était fixé autant aux yeux des Goïm qu’aux yeux des Juifs.

C’est pourquoi, nous ne devons pas être surpris qu’il ne soit pas venu à l’esprit de ceux qui ont vécu dans l’œil du cyclone de prédire ce qui allait arriver et de penser au sens de la vie et à la psychologie dans ces évènements qui venaient d’ailleurs. Le peuple était simplement occupé à sa survie, et ses dirigeants, les intellectuels, étaient occupés à dispenser les fruits d’un progrès qui lui était étranger, technologique politique et social. Les rabbins, eux, s’inquiétaient d’apporter au peuple sa spiritualité et n'ont pas toujours su veiller à cela de la façon la plus éclairée.

Aujourd’hui, et ceci largement depuis Sigmund Freud, le monde occidental a entre ses mains les outils de la psychologie, l’observation de soi, la pensée de l’"autre", qui les aident à ménager leur place aux émotions, aux traumas et à leur influence mutuelle, des uns sur les autres.

Les rabbins, et en particulier ceux du monde conservatif, réussiront-ils à bénéficier des progrès de la pensée ? certains laissent un espoir, d'autres sont loin de pouvoir le faire.

Il semble qu’il ne soit pas facile pour l'individu en général, les chercheurs en sciences sociales et morales (histoire, philosophie, sociologie, géographie), et aussi chercheurs en médecine en particulier, de faire place à l’élément émotionnel des symptômes qui affectent un homme, et d'intégrer ce paramètre à leurs études, mais il est apparemment encore moins facile pour les rabbins de faire place à cet élément-là.

C’est pourquoi, j’ai trouvé peu de données pour répondre à mes questions au sujet du traumatisme individuel et social de tout ce qui est survenu aux Hassidim de Pulawy en général et à la famille Tauber en particulier.

La Hassidout de Pulawy et celle de Kotsk ont disparu. Les Juifs de Pulawy se sont évanouis. Ainsi la grande partie de leurs œuvres. Les descendants de la famille Tauber sont assez nombreux, la plupart en Israël, quelques-uns en France, ce sont des données.

Et il est en effet possible de conclure de ce qui est survenu à la hassidout d’un côté et d’un autre côté à la famille Tauber avec cette note factuelle.

Il paraît beaucoup plus intéressant et profond de mêler les observations d’éléments émotionnels à tout cela. J’ai essayé de le faire dans ce texte, par la force des circonstances, et surtout par celle de mon imaginaire et de mon analyse personnelle.







[1]Ahim Habanim Semha a été écrit par le Rabbi Yisachar Shlomo Teichtal, publié en 1943 à Budapest. Le titre vient des Psaumes et signifie « Un mère joyeuse de ses enfants … » (Psaume 113, 9 : « Il donne une maison à celle qui était stérile, il en fait une mère joyeuse au milieu de ses enfants. Louez l’Eternel » (Segond) Teichtal a grandi comme un fidèle anti-Sioniste Hassid du Munkatsher Rebbe. Cependant, pendant l’Holocauste, Rabbi Teichtal changea de position pour celle qu’il épousa dans sa jeunesse. Le produit physique de cette introspection est le livre Eim HaBanim Semeicha, dans lequel il se rétracte en particulier de ses précédents points de vue, et argumente au contraire que la vraie rédemption viendra uniquement si le peuple juif se rassemble et reconstruit le pays d’Israël. Beaucoup de ses coreligionnaires virent le livre avec scepticisme, certain allant loin au point de bannir Rabbi Teichtal de leurs synagogues. Dans le livre, Rabbi Teichtal critique sévèrement les Haredim  pour le refus de soutenir les implantations en terre d’Israël. Quand il a été écrit, il s’agissait d’une critique acerbe des institutions juives orthodoxes en particulier Agoudat Israël ; sous l'instigation de l'admor Satmar, frère de l'auteur, le livre a été enterré. Un exemplaire a soudain fait surface ds les années 70, et a alors été largement réédité par l'institut du rav Kook.


מקורות :

יזקר בוך ליהודי פילב. הוצא לאור בשנת 1964 בארה"ב. ביידיש.
חוברת מאת פסטור ירוסלב בטור, הוצאה לאור ב 2011 בפולנית.
על חסידות וחסידים מאת יצחק רפאל, מוסד הרב קוק.


8. En pique nique à Palmes 
לטקסט זה גם גרסה עברית בסוף הטקסט בצרפתית 

Palmes est un lieu-dit qui figure sur les cartes détaillées uniquement. Palmes, est indiqué depuis l’entrée de l’adorable petit village de Campoussy comme « chemin de Palmes », « château et chapelle », indiqué par la municipalité alors que le lieu est privé, non ouvert au public.



Le Château et la Chapelle sont peu éloignés l’un de l’autre, au milieu d’un énorme espace planté de résineux et de divers autres arbres pour une part, et parsemé de cistes pour une plus large surface, au point qu’à la période de floraison, en juin, la montagne parait couverte de neige.




Depuis les alentours du château, ou de la chapelle, on voit au loin Campoussy, Sournia un peu plus important, et quelques rochers les uns ordinaires, les autres plus particulier, tel celui qui ressemble à une mâchoire de crocodile, ou cet autre, 
le Roc Cornut, comme posée en équilibre sur un socle, sur lequel un homme seul pouvait aisément la faire se déplacer jusqu’au jour d’orage où la foudre lui est tombée dessus, l’immobilisant pour toujours, mais on distinguerait difficilement une présence. Paysage désert…aujourd’hui en 2021. Combien cela devait-il être encore plus vide en 1944, quand, en plus la route, la seule route qui relie cette montagne à Prades, n’était qu’un chemin rocailleux.

La chapelle St Just 
& St Pasteur est du douzième siècle. S'y perpétue – en privé - la tradition de la Pentecôte avec une cérémonie annuelle réservée aux membres de la famille propriétaire des lieux et aux proches. A l’arrière de la chapelle, deux cèdres qui furent plantés il y a quelques 80 ans par la famille (pour les fiançailles de Georges Jaubert et Marie Rotgé me précise-t-on).




A l’intérieur de la chapelle, un autel en pierre, quelques colonnades sous l’alcôve, et quelques statues 
récentes, la plus remarquable en l’honneur de Jean-Baptiste, se trouve là, don de Jeannot Soler, en reconnaissance d’avoir survécu à un terrible accident de voiture en décembre 1946.

Jeannot Soler 
(Sous lieutenant FFI) ainsi que ses parents qui avaient le métayage de Palmes, ainsi que Michel Perpinya, qui avait 14 ans et logeait en partie à Palmes, en partie à Mosset, étaient les occupants fixes du château cet hiver de 1944, quand les soldats allemands firent irruption la nuit du 22 février, nuit de la mi-carême, dans la petite maison du 1 rue Nationale - nommée de nos jours général de Gaulle - à Prades, maison dans laquelle vivaient depuis 1940, les familles Fliederbaum (Salomon et Rachel , Borenzteijn (Eva et Bernard et leur fils Jeannot), et Friedman (Lonia et sa fille Odette).

Toutes ces neuf personnes survécurent à cette irruption grâce à la cachette qu’avaient aménagée pépé (Salomon), Bernard Borenzteijn et monsieur Sala), pendant les quelques 18 mois où les deux premiers n'avaient dû ni sortir ni se montrer, suite à l’invasion de la zone libre par les allemands ainsi qu'une chambre prise sur l'espace du grenier. Dans la chambre put se réfugier plusieurs mois un neveu des Sala, François, dont le père se livrait à Cerbère à des opérations illégales aux yeux de la gestapo. La cachette ne servit qu'une nuit…mais rien n'eut pu mieux justifier sa création.

Les allemands cherchèrent les habitants de la maison, menacèrent Jeannot - qui était lui dans son lit - de leurs armes, interrogèrent les Sala - qui habitaient aussi la maison mais n’étaient pas juifs et n’intéressaient donc pas les soldats -, et repartirent bredouilles…non sans avoir mis les scellés. La famille était sauve mais le lieu était grillé.

Quelqu’un 
dénommé "Monsieur de Prades" dans les souvenirs d'Irène (était-ce Charles Bauby ?) suggéra que la famille parte se cacher à Palmes.

Lonia et Odette (grâce à un autre voisin du nom de Marceau) étaient sous la protection de mademoiselle Quès, institutrice, et se cachèrent chez elle au village de Vinça, sur la route de Perpignan.

Mémé (Rachel) et ses deux filles (Mathilde et Irène) furent abritées une semaine dans la maison des Salvador. Les Salvador étaient proches du groupe depuis l'arrivée à Prades. Lui, employé à la mairie, elle, Juliette, directrice de l'école maternelle et bibliothécaire de la bibliothèque municipale, de laquelle Lonia était une lectrice assidue. Joseph Salvador, dont la fille Renée était en classe avec Mathilde, travaillait à la mairie et il leur procura des fausses cartes d'identité, avec lesquelles elles partirent tenter de retrouver un représentant par qui elle pensait pouvoir se faire aider, ce qui s’avéra une fausse piste.

Salomon (pépé) et Rachel (mémé) Fliederbaum avec Mathilde et Irène.

Ceux qui ne pouvaient prendre le risque d’être vus au grand jour, pépé (Salomon), et les Borenzteijn auxquels se joignirent Shlomo Borenzteijn et Léni (la fiancée de Jacques Borenzteijn qui se trouvait depuis deux ans en Espagne), partirent pour Palmes.

La chapelle, en principe inutilisée et fermée était 
un des lieux de réunion des maquisards de Rabouillet-Sournia (aussi nommé« Maquis de Sansa» qui participera à la libération de Perpignan le 18 Août 1944). Le château, qui n’était en fait plus qu’un donjon du moyen-âge auquel étaient adossées quelques espaces dont une bergerie, était habité par les Soler, deux parents leur fils, Jeannot, alors âgé de 18 ans, et Hugo, ami de Jeannot.

Au fil de l’hiver et du printemps, Rachel et ses filles, ainsi que Lonia trouvèrent finalement à s’installer à L’Isle Jourdain, tandis que les habitants de Palmes se tenaient dans la clandestinité, tenus au courant de l’évolution de la guerre en particulier par Jeannot Soler qui allait tous les jours à Campoussy, un peu aux courses, surtout aux nouvelles.

Tout le monde attendait alors le débarquement des alliés qui n’en finissait pas de ne pas se produire, malgré de nombreux signes avant coureurs.

C’est début juin que la partie de famille de L’isle Jourdain reçut un message de ceux de Palmes : « venez nous rejoindre, nous partons en Espagne » !

L’Espagne est relativement proche de Prades et ses environs. 35 kms à vol d’oiseau. Et beaucoup de gens passèrent la frontière par les montagnes, dans le sens Espagne-France au moment de la guerre d’Espagne en 1936, ou comme Pablo Casals fuyant le régime franquiste en 1950, et dans le sens France-Espagne pendant la guerre de 39-45.

C’est ainsi qu’Yvette et ses parents, Yehiel et Malche Buzyn, n’étaient plus à Prades alors qu’ils y avaient aussi atterri après la rafle du vel d'hiv de juillet 1942. Ils étaient passés en Espagne, poursuivant après vers le Maroc où ils vécurent jusqu’à la libération. C’est ainsi que se trouvait en Espagne Jacques Borenzteijn, frère de Bernard et de Shlomo, qui réussissait - enfin, de son point de vue - à les faire se décider à tenter le passage.

Ce n’était pas un passage de tout repos. Les Pyrénées ne sont pas terriblement enneigés l’hiver mais le climat est rude. C’est la montagne. Et puis les allemands surveillaient farouchement la frontière.

Rachel reçut la carte et se mit immédiatement en route. Non pour se joindre au convoi comme l’y invitait Salomon. Pour s’opposer au convoi.

Elle avait la conviction intuitive qu’il ne réussirait pas. Ayant déjà rêvé en janvier 44 que quelqu’un lui disait : « à la mi-carême, ils viendront vous chercher », et la « prophétie » s’étant tristement réalisée, elle était loin de prendre son intuition à la légère. Les discussions au sujet de l'Espagne existaient entre les membres de tout ce groupe depuis 1940, et le groupe était clivé. Jacques était le "chef" du pour, Rachel, le "chef" du contre.

Elle et les filles firent donc tout le trajet (215 kms qui sont le contraire d’une autoroute fréquentée), en autocar, train, autocar et voiture à cheval, pour atteindre finalement Palmes le 5 juin dans l’après-midi.

Il n’y avait que peu de temps, le passeur ayant annoncé que le lendemain matin était le jour propice au passage et qu’ils partiraient aux aurores.


La discussion fut âpre. Seul Salomon se laissa convaincre. Les autres partirent.


Et le sort voulut que ce jour était celui du débarquement. Irène se souvient de Jeannot Soler revenant surexcité de Campoussy, essoufflé et criant « les alliés sont là ! », tandis qu’Irène, âgée alors de 13 ans, les cherchait des yeux alentour et ne parvenait pas à les apercevoir.

La nouvelle s’était répandue comme une trainée de poudre…si bien qu’un gradé du bureau de la gestapo de Prades jugea que le moment était venu pour lui de déserter.

Les allemands entreprirent de le chercher, lancèrent toutes leurs troupes à sa poursuite…et c’est le petit groupe des Borenzteijn qu’ils trouvèrent, et arrêtèrent.

La cerise sur ce tragique gâteau est qu’à leur vue, Eva s’évanouit de frayeur et disparut dans les cistes. Les allemands ne la virent pas. Quand elle revint à elle, il n’y avait plus personne aux alentours. Elle n’osa pas retourner à Palmes et se rendit tant bien que mal à un des proches villages (Sournia ou peut-être Sirach ?) où une femme du village la recueillit…avant de la dénoncer quelques heures plus tard.

Les Borenzteijn furent envoyés à Drancy et sont parmi les 1156
 personnes ayant constitué l’avant-dernier convoi pour Auschwitz, numéro 76, qui partit le 30 Juin 44.






Ne revint que Léni…dans les catastrophiques états physique et mental que l’on peut imaginer.

Palmes avait tourné au vinaigre. Et en plus, ce lieu aussi étant grillé, il fallait fuir à nouveau.

Les Soler proposèrent gracieusement leur appartement de Perpignan, où la famille Fliederbaum finit la guerre avant de remonter en septembre sur Paris « reprendre la vie normale » ou plutôt redémarrer à zéro, dans l’ambiance générale de rationnement et de règlements de comptes.

L’histoire de Palmes resta importante dans la mémoire familiale, évoquée de ci de là, et ressurgit deux fois.

La première lors de la visite à Jérusalem de Maurice et Hélène Ruiz, anciens bons voisins de Wissous. Lors du repas familial, et eux ayant aussi quitté Wissous pour aller s’installer sur les lieux d’enfance de Maurice, à Villefranche de Conflent, le sujet de la guerre passée à Prades fut évoqué, ainsi que l’épisode Palmes. Maurice sursauta alors : « comment connaissez-vous Palmes ? Ma sœur est une des propriétaires de l’endroit ! ». La demi-sœur de Maurice, Solange, était mariée à 
Philippe Bauby.

Irène et Henry rendirent à leur tour visite aux Ruiz, et retournèrent alors à Prades ainsi qu’à Palmes, et rendirent visite à mademoiselle Quès.

Nous y étions passés l’été de mes treize ans…par hasard (c’était l’été qui suivait mai 68 et les projets originels n’avaient pu se réaliser, on opta donc pour Prades) mais les hasards existent-ils ? Jeannot avait perdu la vie juste après ses treize ans…et un Jean, fils de sa cousine germaine et meilleure amie de l’enfance, revenait sur les lieux presque exactement au même âge….

Ils s’y rendirent une nouvelle fois, en 1996, accompagnés cette fois par Ayala et Ichaï, pour participer à la cérémonie de remise posthume de la médaille des justes aux Salvador. Ce jour, ils frappèrent à la porte de la maison de l’avenue du gl de Gaulle, purent entrer…et constater que la cachette était toujours intacte ! 52 ans plus tard !









Prades aussi était restée centrale dans la mémoire familiale. Tant de membres de la famille y étaient passés. C’est là-bas que Yankeleh, premier mari de Lonia, et donc père d’Odette, mourut du typhus suivi de complications cardiaques et fut enterré à Perpignan.

Jacques, Lonia et Odette 

Prades, petite bourgade au pied du mont du Canigou, a ainsi beaucoup d’atouts, et une assez riche histoire. Accueil des exilés de Menton, accueil de républicains espagnols, accueil de l’exode parisien, et aussi depuis l’arrivée de Pablo Casals, festival de musique annuel.


La population parle le français avec le pittoresque et fort accent du sud, qui laisse entendre le catalan sous jacent. C’est ici la Catalogne. Les panneaux indicateurs sont écrits tant en français qu’en catalan…et peut-être le judaïsme y a aussi un passé : sont restés célèbres dans la tradition de relativement nombreux rabbins d’époques diverses, depuis rabbénouYonah, tossafiste connu, qui s’opposa au rambam depuis Perpignan, jusqu’au Méïri dont les commentaires du talmud sont étudiés jusqu’à aujourd’hui dans de nombreuses yeshivot desquelles les élèves ignorent tout de l’histoire et de la géographie locale. Certaine tradition soutient que beaucoup de portugais d’aujourd’hui ont du sang juif sans le savoir, le même principe s’applique à la Catalogne, et donc probablement aussi à la population de Prades.

Serait-ce une des sources d’une certaine tradition résistante ? Eva aurait donc été livrée aux allemands par une dame 
peut-être de Sournia ( ou Sirach), mais toute la famille a pu vivre à Prades - où la population les savait juifs, et surtout la famille a pu être protégée et cachée, à Palmes pour pépé et les Borenzteijn, à Vinça pour Lonia et Odette, même après l’arrivée des nazis, par les familles Salvador, Bauby, Sala, Marceau, Quès et Soler.

Pour rattacher cette histoire très privée de notre famille à l’histoire de la résistance locale, Paul Bauby, père de Laurent, avec lesquels nous pique-niquons ce 1 août 2021, est né à Prades le 15 avril 1944….3 jours après l’arrestation le 12 avril 1944, puis la déportation vers Neuengamme de son grand-père, le commandant Michel Doutres, qui a une rue à son nom à Perpignan, pour avoir dirigé sur cette région le réseau du Vernet avec des actions de résistance face à l’envahisseur nazi.


La deuxième résurgence de Prades se produisit quelques 20 ans plus tard, alors que j’écrivais quelques lignes de cette longue histoire dans le blog, et qu’en 2021, je reçus une lettre : « bonjour, j’ai lu que vous mentionnez Palmes dans votre blog. J’en suis aujourd’hui le propriétaire, je suis en cours de rédaction d’un livre sur l’historique de la propriété et je souhaite communiquer avec vous ».

C’est ainsi que j’entrai en communication avec Laurent Bauby, qui disait tout ignorer de notre histoire, qui disait savoir assez peu sur le maquis et ses actions pendant la seconde guerre mondiale, mais qui était très intéressé à entrer en contact.

Je restai assez évasif dans un premier temps : cette épidémie de covid laissait entrevoir tellement peu de possibilités de voyage..

Et puis, la population d’Israël à quelques irréductibles près se vit vaccinée, et une opportunité se profila. Nous programmâmes un tour par Prades combiné avec un voyage familial dans les Alpes (les Alpes et les Pyrénées devraient plutôt être les occasions de deux voyages distincts…650 kms séparant Prades de la Savoie, mais les routes et les véhicules sont aujourd’hui très maniables et la motivation emporta le morceau). Je communiquai nos intentions à Laurent Bauby qui déclina dans un premier temps (il ne serait pas dans la région à notre date de visite, peut-être son père voudra-t-il nous rencontrer..) puis me fit soudain savoir qu’il serait finalement là. Peut-être de ce côté aussi la motivation l’avait emporté.

Rendez-vous fut pris pour le dimanche 1er août…avec initiale proposition de Laurent que nous nous rencontrions près de Palmes puis que nous allions nous asseoir dans un restaurant. Je répondis prudemment qu’il nous faudrait un restaurant végétarien et qu’il valait mieux programmer un pique-nique.

Laurent annonça qu’il préparait « un pique-nique végétarien » et on aurait pu déjà entrevoir l’ardeur qui était dissimulée derrière cette platonique annonce.

Ce dimanche 1er août, où nous arrivions d’un shabbat passé à Carcassonne en compagnie des Renés, on rencontra donc sur la place de Sournia, à 10h30 du matin, Laurent Bauby, accompagné de son père Paul et d’un fort sympathique chien.





Après un bref déplacement en deux voitures jusqu’à l’entrée de Campoussy, là où le panneau municipal indique « chemin de Palmes, château et chapelle », nous laissâmes notre citadin véhicule pour nous joindre à nos hôtes dans le 4X4 defender. On entra rapidement dans un chemin pour lequel il fallait ouvrir une barrière cadenassée et nous commencions à peine à comprendre.

On arriva rapidement à la chapelle, cadenassée elle aussi, mais que l’on ouvrit. Elle ne sert donc qu’une fois l’an, et elle est pratiquement vide hormis quelques bancs et chaises servant à l’annuelle retrouvaille et l’autel, autour duquel on distingue dans la pénombre quelques statues, dont celle offerte par Jeannot Soler.

À l’arrière de la chapelle, les deux grands cèdres, plantés à l’occasion de 
fiançailles de la famille,

Nous refermons la chapelle, remontons dans la voiture et reprenons notre itinéraire 4X4 entre les arbres, sur un terrain accidenté mais que le père comme le fils semblent connaître comme leur poche, et nous arrivons au château…
dont une partie est en ruine. C’est là que nous pique-niquons, d’un pantagruélique repas…cachère, entièrement préparé par Laurent et acheté au magasin cachère de Perpignan. C’est arrosé de vin (cachère également, et il sait que c’est moi qui doit l’ouvrir et le servir), il y a salades en tous genres, et Laurent est prêt à celle des deux éventualités que nous choisirons, fromage ou viande (on passe alors du vin rosé au vin rouge), le tout servi dans de la vaisselle jetable. Il y a dessert (gâteau glacé !), café…et pousse-café…un armagnac…de 1944 ! Ceci n’a déjà plus de pique-nique que le fait d’être consommé en situation champêtre et en très chaleureuse ambiance.

Nous aidons Laurent à replier, à recharger les six à huit glacières dans le 4X4 et reprenons la visite. On passera ainsi par le rocher crocodile (vu sous un certain angle, on pourrait croire voir une mâchoire de saurien), par le roc Cornut, pour enfin aboutir au sommet, au col de 
Roc Jalère d’où on voit Prades en bas et le Canigou en face.









Toute une excursion tant géographique (on scrute les alentours, on apprend à localiser les villages, à se situer), qu’historique ( ce que faisaient les maquis respectifs, celui qui était plus communiste et visait à attirer le maximum d’allemands vers l’ouest - la France - de manière à aider les forces soviétiques, et celui qui était plus d’intérêt 
anglo-américain et cherchait à informer les alliés tout en provoquant au minimum la colère de l’envahisseur pour mieux participer en temps voulu à la libération), toute une formidable leçon…qui se termine en fin d’après-midi, par l'impression d'un lien qui s'est créé quatre-vingts ans après n'avoir été que virtuel, et une séparation que l’on souhaite provisoire.



Michel zal, et le Canigou

בתחילת 2021, קיבלתי יום אחד מכתב ובו היה כתוב : ״ שלום, הגעתי אליך בעקבות קריאת הבלוג שלך, אחרי שהתחלתי חיפושים אחרי השם  Palmes ואתה הרי מזכיר את השם הזה. אני הבעלים של המקום (palmes), ואני מחפש לכתוב ספר על המקום הזה שהוא בעל חשיבות היסטורית, גם על תפקידו במלחמת העולם השנייה, אבל גם בהיותו בן קרוב לאלף שנה״.

פלמ הינו המקום בו הסתתרו ז׳אנו והוריו, וגם סבא שלי, אחרי שהגרמנים דפקו בדלת ביתם שבפרד כדי לעצור אותם והם הצליחו אז להסתתר (במחבוא שבנה פפה). מ״פלם״, בתאריך 6 ליוני 1944 , יום הפלישה לצרפת על ידי הבריטים והאמריקאים, היום בו התהפכו ענייני המלחמה ובו החלו הגרמנים לסגת מצרפת, בתאריך זה, למר גורלם, יצאו ז׳אנו והוריו, וגם מי שתהיה בהמשך אימו של הז׳אן בורנשטיין הפריזאי, וגם עוד דוד של ז׳אנו, יצאו בנסיון לעבור לספרד…והם נתפסו על ידי הנאצים, נשלחו לאושוויץ וחזרה משם רק לני, אימו של ז׳אן.

היום, כחמשה חודשים אחרי שקיבלתי את המכתב, אני במטוס עם מריאן לכיוון ג׳נבה, ומתוכננת לנו פגישה עם האיש הזה ביום 1.8, בכפר Sournia, שנמצא ליד Palmes ואני מתאר לעצמי שהוא ייקח אותנו לבית ממנו הם יצאו אל מותם.

אימא שלי ״מלווה״ אותנו במחשבה, ובהתרגשות רבה. היא עצמה היתה בפלם באותו בוקר של שנת 1944…כי מֶמֶה, אימא שלה הגיעה ערב קודם, איתה, ועם מטילד, במטרה למנוע את ניסיון המעבר לספרד. היא הצליחה לשכנע את פֶפֶה, שהיה גם על סף יציאה, היא לא הצליחה לשכנע את אחותה, אווה, אימו של ז׳אנו המנוח.

שני פרטים מיוחדים : ז׳אנו נהיה בדיוק בן 13 שבוע ימים אחרי המעצר שלהם. אני חזרתי רק פעם אחת לפרד, וזה היה בקיץ 1968, כלומר כחודש אחרי שנהייתי בר מצווה בעצמי. כלומר, הגעתי לפרד בדיוק בגיל שז׳אנו יצא מפרד אל מותו. כאילו להראות שההיסטוריה בכל זאת ממשיכה ? אירן והנרי לא תכננו חופש בפרד לאותו קיץ. זה יצא ״במקרה״, בגלל שאותה שנה התרחשה בצרפת מהפכת הסטודנטים, כתוצאה ממנה, מצב האספקה והתיירות קולקלו לכל הקיץ ומה שהם תכננו לא התאפשר, ואז הם החליטו לנפוש בפרד. בקיץ זה, טיילנו בפרד, לא הגענו לפלם.

הפרט השני הוא מהפרטים שהחלה אירן לספר לאחרונה, לדבריה אחרי שהיא לא סיפרה אותם לאיש אף פעם. היא סיפרה שלמעשה אימו של ז׳אנו לא נעצרה איתם באותו בוקר…בזכות עילפון. כנראה שעם הגעתם המפתיעה והמחרידה של הגרמנים, עם הנשקים, הכלבים, אווה התעלפה ונפלה בין השיחים, (עם הגעתנו למקום ביום 1.8.21 לפיקניק, גילינו איך ההר כולו מכוסה לוטם. שיחים אלה פורחים בחודש יוני כל שנה ונותנים להר מראה מושלג. אווה נפלה בין השיחים בשיא פריחתם ולא נראתה) כך שהם עצרו את כל השאר (האיש המעביר, וארבעת הנותרים). כשהתעוררה אווה, לא היה סביבה אף אחד. אז היא החלה ללכת והיא הגיעה עד לכפר סורניה (או שזה לכפר סירק אף הוא בקרבת מקום), שם היא דפקה בדלת של אישה שקודם אירחה אותה, ובהמשך מסרה אותה לגרמנים, כך שהם בסוף עצרו גם אותה וצרפו אותה למשפחתה. מסתבר שללא כניעתה של האישה מסורניה-סירק (כניעה למה ? למי ? לפחד ? לשנאת היהודים ? מי יוכל לדעת ?) , אווה אולי לא הייתה נשלחת לאושוויץ.

אנחנו מגיעים לפלם ביום זה, 1.8.21, בהתרגשות רבה.
המפגש עם לורן בובי , ואביו, חם מאד. ביחד, אוטו אחרי אוטו אנחנו נוסעים מסורניה לקמפוסי, שם אנחנו משאירים את הרכב שלנו לצד הכביש ואנחנו מצטרפים ל 4X4 של לורן.

אם נראה בהתחלה שרכב מסוג זה לא ממש מתחייב, אנחנו נגלה בהמשך כיצד הוא ממש חובה.

לורן לא ממש מכיר את סיפור משפחתנו, ביחס לפלם. כלומר, הוא יודע את מה שהוא קרא בבלוג שלי, וזה כנראה מאד ריגש אותו. מה שהוא יודע על פלם, מה שמחבר אותו לפלם, הוא משהו קצת אחר.

עבורם, מדובר באתר שנמצא בקרבת גבול ספרד צרפת של ימינו, על גבול ממלכת אֲרַגון וממלכת צרפת דאז, על גבול ארופה ואפריקה מבחינה טקטונית, אתר שההיסטוריה שלו היא הסטורייה המשתרעת על פני אלף שנה, כך שהמקרה שמחבר אותנו אל המקום היה יכול להיות בטל בשישים.

וכנראה שלא כך הוא. האב והבן ממש מרוגשים, עושים לנו קבלת פנים מושקעת, כאילו האירוע ממש בעל חשיבות עליונה לעיניהם.

באתר שלורן בובי הוא היום הבעלים היחיד שלו, שני בניינים, אחד הוא החווה, כמעט כולה חורבה, ובה התגוררו בני משפחתנו בין אפריל ליוני 44. אבל היו כנראה עוד אחרים, ובעיקר נראה שהכנסיה הקטנה היה מקום מפגש של אנשי מחתרת  (maquis), ובו היו כמה מתנגדים וכמה פליטים.

כזכור, כל אלה שנתפשו ב 6.6.44 התגוררו במקום כשלושה חודשים, אירן, מטילד ומֶמֶה, לילה אחד בלבד.

הבניין השני הינו כנסיה קטנטנה, בה בני המשפחה רגילים לערוך כל שנה בחג ה pentecôte(המקביל הנוצרי לחג השבועות) סוג של ספק מפגש ספק טקס דתי. וכשאני שואל ״למה דווקא ביום זה ?״ התשובה הינה שעבור הנוצרים, חג זה הוא החג של קבלת עול מלכות שמיים האוניברסלי (דבר שמזכיר עוד יותר את חג השבועות).

הדבר המרשים ביותר - אותי - הוא המבנה הגאוגרפי. יש משהו יותר מגרנדיוזי בנוף, ובמיוחד כשעולים עד לנקודה העליונה מעל פלם, נקודה ממנה רואים 360 מעלות, עד ים התיכון בצד מזרח, עד ההר הגבוה באזור (הר הקניגו) בדרום, וכל היתר, מתקבלת תחושה של מדבר. מדבר ירוק אמנם, ומדבר מלא בשיחי הלוטם, עצי הארזים, ועוד המון חורש טבעי משלל סוגי הצמחים, אבל מדבר ריק מאדם. מצד אחד, לכיוון דרום, העיר פרד, ובדרך אליה הכפר סירק. מצד שני, לכיוון צפון, הכפרים סורניה, קמפוסי ועוד בית פה בית שם, אבל לא רואים כל תנועת אדם. למעשה, אדם שברח מפרד ומגיע לפלם צריך להרגיש מאד בטוח. המארחים שלנו גם דואגים להזכיר מספר פעמים שכל כביש שנראה לנו היום מאד טוב לא היה אפילו סלול לפני שבעים וחמש שנים.

לחשוב שהגרמנים הגיעו עד לחור הזה כדי לעצור עוד קומץ יהודים, ללא כל סימני תקפנות או אפילו כוח מצדם, מוציא אותי מבינתי. זה כל כך לא הגיונ, כל כך קיצוני, אכזרי.

וכך הולך היום, בנסיעה 4X ועצירות תוך שהם מספרים לנו בלי סדר על המקום ועל הקשר שלהם, קשר למקום, קשר להתנגדות של תקופת המלחמה, כשהסוף של הסיור הוא כניסה לחורבה, ואז פורש לורן פיקניק מדהים, כולו קנוי בחנות הכשרה בפרפיניאן, פיק ניק יותר מושקע מארוחת חג, עם יינות - לפי בחירתנו לבן או רוזה או אדום אבל הוא יודע שעליי לפתוח את הבקבוקים !, ועם מנה אחרונה (עוגת גלידה !) ועוד בקבוקוני אלקוהול לסיום הארוחה.


אנחנו מבלים ומסיימים את כל היום הזה בהתרגשות רבה ובתקוה שלא יסתיים בזה הקשר החדש והמרגש הזה.


9. Comme une rencontre de trois Jean

Au 38 rue Ramey, Paris 18ème, que nous découvrons ensemble Marianne, Lyliane et moi, se rencontrent pour la première fois deux Jean qui n’avaient jusqu’ici que correspondu, un - Jean Borenstein - officiellement nommé ainsi « en souvenir de », et l’autre - Jean Pisanté officiellement nommé « non en souvenir » - dirait-on en déni de souvenir ? - .


La rencontre a lieu « par hasard » (le hasard existe-t-il ?) le 14 juin, jour de la naissance du Jean Borenzteijn, qui vécut à cette adresse depuis 1931 jusqu’à l’exode de 1940, et qui fut par la suite, après quatre années plutôt agréables à Prades, déporté avec ses parents à Auschwitz et qu’aucun des trois ne revint.




La rencontre n’est pas fortuite, elle fait donc suite à de nombreux échanges épistolaires. Et le lieu non plus n’est pas fortuit. Tout ceci a été enclenché par ce e mail reçu par moi il y a six mois et qui s’ouvrait ainsi : « Bonjour Jean (si vous me le permettez),
C'est avec un grand intérêt que j'ai consulté vos posts, notamment celui concernant votre séjour à Palmes qui mentionne la famille BORENSTEIN et qui m'a beaucoup ému.
En effet, je travaille depuis 2 ans sur l'histoire de l'immeuble où je vis, 38 rue Ramey à Montmartre… »



Ecrivait ce message celui chez qui se passe la rencontre, Guillaume, habitant aujourd’hui de l’immeuble et qui, depuis le confinement pendant lequel il était inoccupé, a entrepris de retracer l’histoire des 40 juifs qui l’habitaient jusqu’à la shoah et ont été déportés.


Un peu comme si aujourd’hui se rencontraient les trois Jean.
Le premier, né en 1931 et décédé tragiquement en 1944, le second, né en 1950 et nommé du nom du premier, et le troisième, auteur de ces lignes, né en 1955, et investi plus inconsciemment - et comme épigénétiquement - que nommément de l’histoire du premier.

Ces trois Jean ont grandi de façons bien différentes.

Le premier, comme ma mère, comme la plupart des enfants juifs du 18ème à cette époque, était fils de migrants récemment débarqués en France, et donc assez peu francophones. Il allait à l’école communale du quartier, rue Ferdinand Flocon qui est dans le prolongement de la rue Ramey, il étudiait le violon, avait un père menuisier, et une mère née Tauber, et soeur de ma grand-mère.

Le second, comme beaucoup d’enfants nés dans l’immédiate après guerre, et qui plus est quand leurs parents étaient directement endommagés psychiquement et physiquement par quelque temps passé à Auschwitz, grandit dans le même quartier, à peine à une rue de distance, allait dans presque la même école, connaissait les mêmes commerces juifs, habitants migrants alors et rescapés aujourd’hui, fréquentait une fois l’an la même synagogue rue sainte Isaure où s’était forcément rendu maintes fois son homonyme, et avait un vécu du shtetl d’après-guerre, celui où les juifs étaient surtout occupés à panser leurs plaies, à redémarrer économiquement et en tant que citoyens. Un shtetl où tout vibrait encore en yiddish dans les maisons mais où il fallait avant tout s’intégrer à la vie politique et sociale, un shtetl où le communisme laïc avait remplacé la pratique des temps reculés, que la plupart des habitants du quartier avaient en commun d’avoir fuie, un shtetl dans lequel le judaïsme était tripal plutôt que transmis. Il était enfin nommé exactement du nom du premier Jeannot, Yoynaleh en yiddish et à la maison, Jean à l’école, et Jeannot dans la famille.

Le troisième, moi, grandis différemment, immergé jusqu’au cou dans le monde non-juif tout en évoluant dans le cadre du judaïsme libéral, où l’on pratiquait peu mais avec ferveur et surtout ferveur de transmission du bagage de la tradition de l’importance de l’étude juive.

Jean Borenstein est un titi du 18ème arrondissement, à qui on parlait en français, à qui on n’enseignait rien du judaïsme, mais qui vivait au rythme des élans juifs, au bund ou au dror, et dans les colonies de la cce. De son homonyme, il savait presque uniquement l’existence et la disparition mais comme reçues à mi-mots, dans la répétition mais sans détails. Il grandissait dans un milieu fortement imprégné du traumatisme mais où cela n’était pas dit.

Je sus quant à moi l’existence et la disparition de Jeannot aussi tôt que je sus comment je m’appelle…mais il était affirmé haut et fort que je n’étais pas ni le guilgoul ni la réparation de la disparition du premier Jean…avec force d’arguments : « premier Jean qui s’appelait d’ailleurs Jeannot alors que personne ne m’a jamais appelé ainsi, alors que mon nom hébraïque est Yoh’anan, et non Yonah » arguments maintes fois répêtés. Je ne ressens pas avoir été baigné ni dans l’angoisse de survie, ni dans le post traumatisme. La shoah était racontée, ou plutôt l’histoire familiale de la vie pendant la shoah, l’exode de 1940 de Paris à Prades, la vie à Prades, et aussi l’irruption des allemands en février 1944, la cavalcade dans la maison vers la cachette, puis le départ de la maison, l’éclatement de la famille qui s’en suivit entre ceux qui partirent chercher un nouveau lieu de résidence, ceux qui partirent « dans le maquis », vers Palmes, Lonia qui fut recueillie par l’institutrice de sa fille Odette, puis la tragique arrestation de juin 1944, de Jeannot et de ses parents en compagnie de Léni et de Simon Borenzteijn, tout ceci était raconté. Pour l’autre côté de mon ascendance, la tragique arrestation de ma grand-mère paternelle m’est aussi connue depuis toujours. La disparition à Sobibor de la famille qui était restée en Pologne était aussi contée.

Mais existe-t-il la mauvaise d’un côté et la bonne façon, de l’autre, de survivre après la shoah ? Non bien évidemment. J’attribue ainsi à la façon dont les choses m’ont été à la fois racontées et non racontées, dont les liens entre le présent et le passé étaient faits ou niés, un certain nombre d’aspects de ma personnalité et de modes de gestion de l’angoisse de mort chez moi, eux-mêmes appartenant à la catégorie du post trauma.

L’impression dominante, entre autres après cette rencontre historique dite « des trois Jean », ce 14 juin 2022, est que le temps de ces 78 ans depuis la disparition de Jeannot aura vraisemblablement été incompressible, tant aussi bien Jean que moi n’aurons-nous pas été passifs, pour opérer comme une syncrésie de l’éclatement provoqué par notre shoah.

Le tour du quartier que nous fit Jean, quartier où lui et Jeannot grandirent, un avant guerre, le second dans l’immédiat après-guerre, me fut comme une mise en lumière des aspects de cet éclatement, tant Jean et moi ayons été aux antipodes l’un de l’autre à son égard.

Comme au cours de ce tour que nous fîmes ensemble, depuis la rue Ramey (où vivaient Jeannot et ses parents avant guerre), à la rue Labat (où vivaient Jean Borenstein et ses parents après guerre), en passant par la rue Lambert ( où se logeaient les récents immigrés des années 20), le square Clignancourt (où tous jouaient enfants), la rue Ordener (où vécut Odette), la rue Ferdinand Flocon (où est l’école où étudiait Jeannot), la rue Doudeauville (où vivaient mes grands parents jusqu’en 1933, avant de passer rue de Bercy), la rue Lamarck (où vit Yvette encore aujourd’hui) et le passage Ramey(au coin duquel était l’usine de matzot Rozinski), la synagogue rue sainte Isaure, se succédaient, se chevauchaient les multiples facettes, conscientes et inconscientes, et successives de ce post traumatisme et se trouvent illustrées les mille et une façons d’être juif au vingtième siècle.






Et quant au 38…un peu triste que tant de personnes aient été déportées depuis un lieu si joli, et si particulier. Il s’agit donc d’un carré d’immeubles, à 6 entrées…mais seulement depuis la cour intérieure à laquelle on n’accède que par le 38. Avec une cour intérieure isolée des bruits de la rue, où des enfants peuvent jouer, où a été développé un jardin comme tropical, de végétation luxuriante. Et cerise sur le gateau : parmi les célèbres occupants est né en 1936 et a grandi un certain Marcel Gottlieb…qui devint Marcel Gotlib de qui aucun amateur de bd’s des années 70 et suivantes n’ignore le nom.





Un bien bel endroit, insoupçonnable depuis la rue.



5 commentaires:

  1. "je dis tu à tous ceux qui s'aiment, même si je ne les connais pas" :)

    bravo pour le blog...et pour les photos de la Troche !

    Laure

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  2. Bon anniversaire, de la famille Pisante et associes... Les photos sont vraimetn belles1

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  3. BON ANNIVERSAIRE DE TOUS LES MALLAH + David + Ariel
    AD MEAH KE ESSRIM. oui je prends le risque même en t’ayant connu a cet âge la.

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  4. Bonjour, j'ai trouvé par hasard sur votre blog le nom d'un monsieur Arnold Tauber. Si jamais il été ebeniste dans sa vie, habitant de 11ème arrondissement, j'aimerais bien vous contacter, c'est une histoire de famille. Merci, Vero (13greenandgold@gmail.com)

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  5. Salut Jean c'est pipo tu as probablement changer d'adresse mail moi aussi voici ma nouvelle adresse mistoufle39@gmail.com. écrit moi à cette adresse stp

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