lundi 1 décembre 2014

Attraper la vie à pleines cornes.



Dans une envolėe universaliste - en continuité avec la description des dix paroles sur lesquelles aurait ėté créé le monde, les deux fois dix générations nécéssaires à l'apparition du message monothéïste dans le monde, les dix épreuves d'Avraham, et les dix commandements -, le midrach (Midrach Shmuel 4, 3.) nous enseigne qu'il y aurait dix "cornes", dix manifestations, dix significations différentes de ce que peut être la corne pour le monde.

Ce mot est effectivement particulier dans la multiplicité de sens qu'il embrasse : les cornes du bélier et celles de l'élan ( qui ne sont pas physiologiquement identiques, l'une étant apparentée à de l'ongle, l'autre à de l'os), peut-être comme pour indiquer que l'élan de l'animal peut être soit offensif soit constitutif, cornes comme armes ou comme saillie, ornement et parure dans les deux cas.

La corne est une parure dont Israël pourrait ainsi se parer, 

que cela soit dans son affiliation avrahamique, auquel est rapporté le coin du champ, keren, celui qui est abandonné au glaineur par Avraham, abandonné a priori et non a postériori, par la générosité et la largesse qui le caractérisent.

Que cela soit par l'abnégation d'Itshak  dont la confiance ne se ternit pas même amors qu'il est ligoté pour le sacrifice, peut-être de ce fait même, de cette confiance même, suscitant l'apparition du bélier retenu par....ses cornes,

Que cela soit par la fierté de Yossef à la stature duquel est rapportée la vigueur du cerf ou du taureau,

Que cela soit par le rayonnement (keren comme rayon), celui qui émane de la Torah, et celui qui se retrouve en miroir sur le front de Moïse, 

Que cela soit par cette vertu transmissive, dont Moïse est personnification et dont la prêtrise est symbole. Le premier transmet principalement par sa modestie et son effacement, tandis que les cohanim deviennent (doivent devenir, l'histoire a montré de tragiques déviations) le symbole de ce qui illustre ainsi la transmission de l'influx divin vers l'humanité, à travers les bras levės au moment de la bénédiction,

La keren est ainsi aussi corne d'abondance, est l'illustration de la possession du secret de la subsistance éternelle, celle par laquelle "passent" le courant, les ressources, la jeunesse, la transmission, la perennité.

Et la particularité ultime de cette corne serait ainsi de transmettre sans se vider, en demeurant "fonds" d'investissement pour le futur ("keren kaïemet leolam haba").

Les léviïm incarnent, eux, le privilège de l'utilisation auditive de cette corne,  qui devient alors shofar ou trompette, par lesquels on peut tout autant annoncer le départ à la guerre, que la victoire, ou...la repentance. Instruments d'un peuple qui revendique de savoir faire la guerre pour sa défense, ( et qui saura au vingtième et au vingt et unième siècle fouiller et développer les secrets de l'utilisation scientifique et guerrière du rayon leiser "keren" ), mais qui garde la préoccupation de la techouva.

Mais l'ultime sens de cette keren ne reviendrait-il pas au midrach lui-même, aux rabbins de tous les temps, de Rabbi Yokhanan Ben Zakaï à ....Lévinas, qui semblent avoir reçu le secret de l'autrement, secret de la pluri signifiance. Midrach qui recèle, des siècles avant Lévi Strauss ou De Saussure, les secrets de l'étude de la richesse de la parole.

Ne pourrait-on pas ainsi rapporter à nous mêmes ce mode d'analyse sémantique, qui nous ouvrirait sur cet "autrement de nous-mêmes" tellement inaccessible mais tellement salutaire ?

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