vendredi 16 janvier 2015

En parlant d'amalgames...




On a entendu comme un refrain, et en provenance de nombreux bords, cette crainte, cet avertissement, ce refus de l'amalgame.

Il aura été super- hyper important aux français que tout ce drame de la première semaine de janvier 2015 soit surtout géré sans amalgame.

Ne pas confondre, ne surtout pas dire trop tôt qu'il s'agit de telle ou telle chose, que le meurtre de la policière de Montrouge, les voitures explosées de Villejuif, le carnage de l'hyper cachere, peuvent avoir le moindre lien avec l'attentat de Charlie hebdo.
Ne même pas mésutiliser les termes, confondre ce qui est attentat, avec ce qui est tuerie, ne pas assimiler le 7 janvier 2015 avec le 11 septembre 2001. Très important.

Donc, en foi de cette consigne - de cette compulsion originée dans la laïcité républicaine - on a effectivement vu qu'il n'y avait pas d'amalgame. 4 millions de personnes ont manifesté dimanche contre les crimes commis envers la liberté d'expression. Tous ont ėté Charlie. 

Et celui - qu'il n'est plus encore possible d'incriminer tant il a dépassé de bornes - qui a amalgamé Charlie à Coulibaly a été dénoncé à la tribune de l'assemblėe par le plus haut fonctionnaire de l'état, mis en garde à vue et sera jugé et ceci est incontestablement positif. 

Par contre, ceux qui s'attendaient à trouver à la gigantesque manifestation aussi des panneaux d'identification aux victimes de l'hyper cachère sont restés sur leur faim.

Par contre, certaines assimilations n'ont pas été aussi efficacement repoussées. La présence de Binyamin Netanyahou à la manifestation a été abondamment critiquée, lui qui aurait "commis bien pire" ont dit certains, lui qui pratique "un terrorisme d'état" ont profėrė d'autres, sans soulever tellement de réactions.

Par contre, la minute de silence à la mémoire des victimes n'a pas été unanimement respectée, par contre certains ont pu entendre certaines comparaisons du genre : "s'il fallait des minutes de silence au pro rata du nombre de palestiniens tués à Gaza, ce n'est pas une minute qu'il faudrait mais bien plus". Pendant le même espace de temps compris entre l'attentat à Charlie hebdo et l'enterrement - à Jérusalem - des quatre victimes de l'hyper cachère, Bokko Haram a exterminé en 24 heures quelques 2000 personnes, l'état islamiste a executé, violé, exterminé, la guerre civile de Syrie a fait ses dizaines de morts quotidiennes, mais il est possible de dire en France que les israéliens sont les bourreaux des palestiniens et pratiquent le terrorisme d'état, et si par respect de la consigne de non amalgame il n'est pas licite de le dire à voix haute, combien pensent quand même avoir tous les droits de faire un tel amalgame ? Combien parmi les vieux, mais surtout combien parmi les jeunes ? Parmi les élèves de lycées de banlieue ou même des grandes villes ?

Et donc la consigne de "surtout pas d'amalgame" est-elle la bonne ? Quand on pourrait avoir l'impression que certains amalgames sont plus licites que d'autres.

Dans Good morning Vietnam (1987),  Robin Williams incarne un présentateur de radio (génial) humaniste, qui ne partage pas les opinions racistes, qui n'hésite pas à se battre contre les soldats qui ne partagent pas ses idées, ses scrupules et son éthique,et qui affichent racisme et haine vis à vis des autochtones.
Il devient ami avec la population locale mais est pris en flagrant délit de naïveté. Il tombe amoureux de la soeur d'un viet cong, et surtout il exprime à un moment combien les américains, de son point de vue, viennent apporter la civilisation, viennent faire du bien aux habitants de ce pays.

La guerre du Vietnam puise son origine dans la guerre d'indochine, et - au même titre que la guerre d'Algérie - est une guerre de décolonisation.

Il est clair que pour l'énorme majorité de la population française, si ce n'est européenne, c'est aussi une définition qui s'applique au conflit israélo-palestinien. 

Avec cela, il est possible de faire l'amalgame. Et l'amalgame est fait, par des non-juifs et aussi par des juifs.

Il est vraisemblablement fait pour une part par ignorance, pour une autre part par militantisme, pour une troisième part, par haine, et pour une dernière part, par cynisme et manipulation malintentionnėe.

Les enfants d'aujourd'hui ne connaissent pas l'histoire du colonialisme, et malheureusement la plupart des juifs ne connaissent pas le judaïsme. 
Aux yeux de ceux-ci, on peut répêter que le peuple juif a dit jour après jour, année après année "l'an prochain à Jérusalem", il ne sont pas en mesure de voir cela autrement que comme un slogan politique.

Les dirigeants palestiniens, Arafat et Abbas en particulier, ont cyniquement profité de cette conjoncture des guerres de décolonisation et de l'ignorance largement répandue des enjeux juifs au moyen orient.

Les dirigeants turcs, kataris, russes et autres secrètement identifiés ou clairement associés à l'état islamique, continuent à utiliser cyniquement cet amalgame et n'ont face à eux pratiquement aucune contradiction. Ils parlent et sont tacitement ou ouvertement approuvés.

Ils sont surtout, ai-je l'impression, approuvés par la deuxième catégorie énoncée plus haut, par ceux qui ne sont pas passifs mais bien au contraire militants, par ceux qui s'élèvent contre l'amalgame, par ceux qui préfèrent lutter pour la liberté d'expression que contre la barbarie. Ceux-là préfèrent ne pas voir combien Arafat, les dirigeants du hamas, Erdogan se sont outrageusement et honteusement enrichis (avec les fonds de qui ?), combien d'horreurs sont commises entre autres dans les anciennes colonies françaises.

Ceux-là ont adhéré à l'humanisme en foi duquel il est sale d'être colonialiste, en foi duquel on écoute les discours d'Arafat, de Abbas et de Erdogan et on fustige avec eux les israéliens. 
Ceux-là sont descendus dans la rue en août manifester contre l'opération israélienne "tsouk eytan" à Gaza, par humanisme, par solidarité avec le peuple opprimé par la "puissance colonialiste", et ne font pas la comparaison entre cette opération et les autres guerres qui empoisonnent la planète au quotidien, ceux-là n'ont pas été trop génés de manifester aux côtés de ceux qui ont crié "mort aux juifs", ou encore "juifs hors de France". Ceux-là ne se sont pas trop posés la question : "hors de France ? Mais pour aller où ?". 

Ils ne se demandent pas trop où devraient aller les juifs, cantonnés pour beaucoup d'entre eux dans la conviction qu'ils devraient n'aller nulle part mais se dissoudre. 

Si on leur parle d'approfondir, de chercher à comprendre le judaïsme, ils deviennent méfiants. Ces religions sont dangereuses. A les approfondir on devient trop facilement embrigadė, et la pente qui mène au fondamentalisme est tout de suite là. 

Appliquent-ils la règle de non amalgame à bien distinguer fondamentalisme juif d'islamisme ? Font-ils une différence ou au contraire un amalgame entre le colonialisme, la mobilisation pour le djihad ou l'installation dans les territoires disputés de Cis Jordanie ? En ce qui concerne par exemple certains journalistes (Alain Gresh du Monde diplomatique - le journal le plus lu dans le monde selon Wikipédia - pour ne pas le citer), la réponse est négative.

Le lecteur l'aura compris : je ne cherche pas ici à savoir si la France va bien, si elle est dans le bon axe, si Daesh est un danger pour la France, si la liberté d'expression a perdu ou gagné la guerre.

Je ne cherche pas non plus à savoir si les juifs ont un avenir en France ou s'ils y sont menacés. Chacun a son histoire, ses aspirations, ses raisons de préférer vivre à tel endroit plutôt qu'à tel autre, et je ne suis pas ici ambassadeur de l'agence juive.

Ma préoccupation est liée à l'état d'Israël, et son image, aux yeux des juifs, aux yeux de l'opinion internationale, et au regard des mouvements géopolitiques.

Et l'opinion française m'importe plus que les autres pour de nombreuses raisons. 

Je voudrais solliciter maintenant un second film qui permet à mon sens d'affiner la distinction entre les différents panneaux examinés jusqu'ici.

C'est le film tourné à partir du roman autobiographique de Saïd Kichoua, "dancing arabs", et sorti l'été dernier en Israël. Le héros, Iyad, est un arabe israélien qui grandit dans une famille où l'état d'Israël est vécu comme un occupant oppresseur et illégitime, dans une famille où on danse de joie quand, en 1991, Saddam Hussein envoie des scuds sur Israël, et qui vient étudier comme interne dans le meilleur lycée de Jérusalem du fait de son haut potentiel. 

Iyad devient à mon sens ce qui est le prototype de la situation qu'Israël et les palestiniens ont à résoudre, qui n'a aucun raport avec le colonialisme d'indochine ou d'Afrique du nord, et qui n'aura aucune chance d'être résolu tant que les palestiniens et l'opinion internationale soutiendront le hamas, ou adhéreront à un combat de décolonisation.

Il devient un palestinien qui aura grandi dans la société israélienne arabe puis israélienne juive et à qui cela crée un problème identitaire. Le problème identitaire d'individus  attachés à  deux sociètés qui vivent l'une au contact l'une de l'autre, chacune sachant qu'elle doit partager ce lopin de terre avec l'autre.

Cela doit-il se faire par amalgame ? Très probablement pas. La démonisation de l'entité israélienne permettra-t-elle de faire avancer la solution de ce conflit ? Certainement non plus. Les palestiniens disparaitront-ils ? Certainement pas non plus. 

Les européens, à qui la tragique évolution de l'intégrisme musulman sous forme de Daesh colle aux guêtres, feraient bien de regarder notre situation comme un conflit, avec composantes tant territoriales que religieuses et culturelles plutôt que comme un des derniers bastions du colonialisme européano américain.

Quant à moi, je sais que les territoires de Cis Jordanie ont été conquis par la guerre et que ceci ne donne pas de droit pour qu'ils nous soient acquis. Je sais que nous n'avancerons que par des négociations, mais je n'accepterai pas de rendre un territoire si la contrepartie est qu'il me deviendra interdit. 

Les juifs de France, et moi avec eux, doivent souhaiter que la liberté d'expression et les valeurs de la république et des droits de l'homme continuent à constituer les valeurs suprêmes de la France, et ils doivent faire leur choix de pays de résidence, mais la France cessera d'être la France si il devient impossible d'y être juif. Je leur souhaite en outre, et je le souhaite pour la France, que les français regarderont partir les juifs qui choisiront de le faire, sans les assimiler aux djihadistes qui partent combattre en Syrie.

Le conflit israélo palestinien doit se régler pour l'avenir de nos enfants, mais il n'y aura de bon règlement que dans l'acceptation et non l'exclusion mutuelle des uns par les autres.

Pas d'amalgame, mais un mode de vie qui permette la vie commune. 


Sur base d'un minimum commun ?

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