jeudi 27 février 2020

Pessah', Pourim et toute cette sorte de choses



Deux fêtes « de la bouche » (peh sakh, et la fête du rire), deux fêtes qui traitent de la pérennité ou l’extinction du judaïsme, deux fêtes pour lesquelles le vin, la mémoire, ont un rôle central.

Au chapitre 2 de la meguilat Esther, Mordokhaï entre en scène. 

Mais d’une façon bien particulière. Il est magistralement mentionné. Toute l’assemblée récite en coeur le premier des deux versets « ich yehoudi haya beshoushan habira... » mais le midrach fait ressortir la bizarre construction du chapitre. 

Mordokhaï est comme encaissé au milieu de la suite des histoires de festin et de harems et d’eunuques, et de traite de femmes pour ainsi dire.

Et c’est la première occurrence du mot « yehoudi » ! 

Pour se demander si, en parallèle de l’identité de l’hébreu, qui jaillit du milieu de l’idolâtrie, l’identité juive ne doit-elle pas elle aussi surgir comme le tikoun d’une autre dégénérescence de l’humain ?

Le midrach insiste sur cette particularité littéraire, cherche à en extirper le sens de la meilleure manière. 

Mordokhaï serait ainsi peut-être le paradigme de la tzedaka. Le juif par excellence. 
Plus que celui qui étudie la Torah, plus que celui qui écrit la Torah, plus que celui qui écrit les mezouzot et les tefilins ou qui les met sur des tables à disposition du peuple entier(visiblement, au temps du midrash les habad existaient déjà..!), plus même que ceux qui enseignent la Torah. 

Le prototype du juif, c’est celui qui fait la tzedaka...en prenant « l’autre » à charge...à l’instar de celui qui adopte l’orphelin comme le fait Mordokhaï.

Et comme toute cette histoire se déroule dans un contexte de menace d’extermination, on comprend que le centre du thème est la pérennité du judaïsme.

Et cela amène à la comparaison, la mise en présence de Pourim et Pessah’.

A Pessah’ aussi le thème est celui de la continuité...par le souvenir...mais par un autre mode de souvenir.

A Pourim on boit pour oublier de ne pas oublier, pour se rappeler d’effacer le souvenir de celui dont on doit ne jamais oublier le souvenir.

A Pourim, on se souvient par la dérision. 

Peut-être parce qu’il s’agit d’une shoah qui n’a pas eu lieu, d’une shoah qu’on a réussi à éviter..par la tzedaka peut-être ..?

A Pessah’ on se souvient par le récit, et par le rite. Rite sérieux, en buvant quatre coupes mais en veillant scrupuleusement à ne pas se saouler, à ne pas finir le séder par une orgie (afikomane).

C’est la bouche, et le vin, et la tzedaka, qui sont les instruments du souvenirs...tant que la shoah ne s’est pas produite. Une fois qu’elle s’est produite, doit-on trouver une troisième manière d’utiliser les instruments ?

Ce n’est pas que le débat n’existe pas autour de tous ces quatre mois qui vont chaque année de Hanouka à Yom Haatsmaout. Hanouka, Pourim, Pessah’ et le trio « yom hashoa-yom hazikaron-yom haatsmaout », tous réunis autour du : « comment on survit malgré l’antisémitisme? ».

Et peut-être cette succession variée de façons de se mesurer pour illustrer qu’il n’y a pas que par l’intermédiaire du cognitif, du devoir de mémoire, de l’effort de souvenir, que l’on se prémunit de l’amnésie et de la disparition. 

Boire, rire, adopter autrui, créer un état, accomplir des mitzvot si matérielles soient-elles, fêter, sont aussi des voies.

Il semble qu’il ne faille pas « chacun trouver la sienne », il semble que le judaïsme suggère d’adopter tout le cocktail....בע״ם...sans garantie.


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