jeudi 19 juin 2014

Processus primaires, processus secondaires.



L'humanité est composėe de deux types d'individus, dit une célèbre boutade, ceux qui pensent que tout peut s'exprimer en fonction de deux pôles, le noir et le blanc, le froid et le chaud, le mauvais et le bon, et les autres.

L'humain est ainsi tellement ramifié, tellement incernable, qu'il est plus reposant de s'en faire une idée binaire, dichotomique, manichéenne.

Ou bien seraient-ce les racines de la pensée ? 

Nous nous construirions ainsi progressivement, au fil de l'existence et de l'acquisition de l'experience, passant d'un système rudimentaire d'appréhension des situations à un système progressivement de plus en plus élaboré, subtil.

Un peu comme en analogie à la rosace des couleurs- organisée à base de trois couleurs primaires, que l'on peut progressivement assembler entre elles de façon de plus en plus complexe, jusqu'à atteindre jusqu'à 24000 ou plusieurs millions de teintes ou nuances.

Un peu comme passer de la capacité à appréhender le monde comme organisé en deux dimensions - comme les jeunes enfants ? - à celle où il a trois dimensions. Avec en corollaire le passage de la capacité à dessiner les maisons, les choses, les personnages en perspective apres les avoir représentés à plat

Cet affinement progressif, de la perception, de la réflexion, concernerait tout autant l'affectif. Sur tous ces axes, on naîtrait sous le signe de 2, et on s'élèverait progressivement à des modes supérieurs.

La psychanalyse a ainsi tenté de décrire cette évolution, cette caractéristique qui touche la plupart des domaines qui caractérisent l'humain, par un terme générique, celui des processus primaires d'une part, processus secondaires d'autre part.

Les premiers nous seraient-ils plus ou moins innés, les seconds acquis ? Les premiers "bruts de décoffrage", les seconds fruits d'affinement, d'aboutissement, de mûrissement, de réflexion, au double sens de ce dernier terme, fruits de la culture. La culture européenne en tout cas. 

Pour les autres cultures, certains ont des doutes...

Mais, à l'instar de la rosace, qui ne contient les couleurs primaires que virtuellement, que du fait d'une épuration artificielle, peut-être ne nait-on véritablement jamais primaires ? Peut-être ne devenons-nous secondaires que du fait de notre capacité innée à le devenir ?

Peut-être ce passage linéaire, de "progression en sens unique" du primaire au secondaire ne reflète-t-il, ne peut refléter aucune réalité ?

Si ainsi étaient les choses, commandées par un mécanisme linéaire, l'enfant débuterait ainsi dans l'existence, majoritairement commandé par des mécanismes primaires, et acquérirait progressivement, mais sans retour les processus secondaires. Si telle était la réalité , les orang outans à qui on a enseigné l'usage du ipad remplaceraient aujourd'hui les professeurs de math, de philo. 

Les défenseurs de la théorie de l'évolution, persuadés que l'homme est le fruit d'un tel processus, ne simplifient-ils pas un peu trop ? n'ont-ils pas trop rapidement entendu la cause de l'homme préhistorique, ou de l'homme de l'Antiquité, ou des indiens d'Amazonie, pour être tant persuadés de leur primitivisme ?

L'homme, l'homo erectus ou encore homo scribens, était-il un jour bestial ? Primitif au point d'en être primaire ?

La Bible qui décrit les massacres successifs de telle ou telle population nous décrit-elle une humanité primaire ? Dépourvue de processus secondaires ?

Nous avons, au contraire de cela, une autre expérience de la réalité. 

Ezra, disciple de manitou, écrivait il y a 40 ans dans son précieux "graphique de l'histoire juive", que nous avons vu, nous voyons encore, des hommes devenir des bêtes, mais nous n'avons jamais vu des bêtes devenir des hommes. Pire encore, nous savons qu'il est inadapté de qualifier des pratiques comme la torture ou le kidnapping d'enfant d'inhumaines, étant donné que "c'est très humain au contraire : aucune bête ne ferait une chose pareille".

Autrement dit, nous appartenons à une éspèce pourvue dès la naissance des mécanismes secondaires. Ceux-ci ne se manifestent que de plus en plus dans le cas optimal, et surtout, ne se développent pas de façon linéaire, menant l'individu d'un état à l'autre sans retours en arrière. Le développement de l'humain semble au contraire pluriel, comprenant intrinsèquement des progrès et des régressions, et une quantité illimitée de phases.

Observons-nous nous-mêmes. Ne redevenons-nous pas nous-mêmes parfois dominés par les processus primaires, si évolués et intellectuels fussions-nous ? Cela nous arrive dans les situations extrèmes, de peur, de stupeur, de torpeur. Dans les situations d'angoisse, de colère, de détresse. Cela nous arrive aussi dans les situations de jouissance, d'extase. Situations où nous cédons à la pulsion, à l'impulsion, à la répulsion. 

Mais l'enjeu d'un développement psychologique consiste à atteindre un équilibre, équilibre mental, par la mise en place d'instances du psychisme, qui sous-tendent les mécanismes qui nous empêchent de nous retrouver régulièrement sous cette malheureuse emprise'du primaire.

Quand le peuple d'Israël, profondément secoué par le tragique épisode de la "concubine de Guivea" (Juges, chapitres 19 à 21) vient faire un massacre dans la tribu de Benyamin, c'est au nom de ce processus primaire, c'est rendre - démesurément - la monnaie de la pièce, c'est répondre à un excès par un excès.

Quand trois adolescents sont kidnappés au bord d'une route (nullement en train de se mettre en danger mais en train de se comporter exactement en fonction des normes locales, selon lesquelles tous les déplacements individuels se font par le stop, un stop quasiment nationalisé. Un stop qui en temps de tranquilité témoigne de la qualité de fraternité existant en certaines régions d'Israël) c'est de la barbarie, c'est du processus primaire.

Vouloir exterminer, ou même rayer de la carte politique le hamas dans son entièreté n'est malheureusement pas moins du processus primaire.

Les livres de Samuel et des Rois décrivent le cheminement de l'entité Israël, peuple passé de l'esclavage au Don de la Torah, depuis la régression qu'elle avait connue à son arrivée sur la terre d'Israël et qui saute aux yeux à la lecture du livre des Juges, jusqu'à l'instauration d'un véritable pays pourvu de structures, régi par des lois et administré comme il se doit, comme le mettent progressivement en place les rois David puis Salomon.

La véritable force est celle qui est le fruit de processus secondaires, non primaires.

La véritable et seule façon de juguler le processus primaire est le processus secondaire. Non celui qui recommanderait de "tendre l'autre joue", non le mode pleurnichard, non la compulsion en réaction à la pulsion, mais celui aux termes duquel semble se mener une partie de cette mobilisation, c'est à dire avec force, détermination, et dans les limites de la loi. 

Pour ce qui est de la crise actuelle, fasse le ciel que cette façon permette de retrouver les adolescents indemnes. Fasse le ciel que nous apprenions notre gestion de la crise de Salomon plutôt que de David ou, surtout, plutôt que de l'époque dite des Juges. Fasse le ciel que nous ne cédions pas au passage nous-même à l'emprise des processus primaires qui, il faut bien l'avouer, est surement celle qui domine en beaucoup d'entre nous, que ce soit vis à vis des ravisseurs, ou vis à vis de ceux qui justifient ou nient leur acte.

Pour ce qui est de notre vie en temps redevenu normal, et de la suite de notre étude, peut-être ici doit se loger le challenge de l'étude du livre de Shmuel, que nous entamons avec le midrach Shmuel : dans les éléments qui permettront de trouver l'explication de ce qui parait tant dirigé par les processus primaires dans les faits auxquels participent Shaül et le roi David principalement.

Trouverons-nous aussi les processus secondaires ? je n'en doute pas. 


1 commentaire:

  1. Comment vivre cet evenement d'aujourd'hui ? Vers quoi vivre ? Ce peuple juif, toujours en "etat de marche" depuis la sortie d'Egypte, ce peuple en dispersion, ce peuple de nomades a la recherche de son bien"-etre."
    Ce peuple qui a ete libere, guide, protege, sauve. Ce peuple hesitant, qui a entendu. Ce peuple pourchasse, poursuivi par des puissances nuisibles encore aujourd'hui.
    Ce peuple qui bouge constamment dans l'espace et dans le temps, dans son etat physique a travers les pays qui l'ont vu naitre, dans son etat spirituel et psychique a travers l'etude et la priere. Toujours en mouvement il se balance, il oscille, il cherche a comprendre...parfois il grimpe, parfois il tombe.
    Nous questionons l'histoire, les sciences, et nous oublions que D.ieu nous a Dit de marcher "jour-et-nuit" nous guidant la nuit par un feu, et le jour par les nuees. et nous Dit ou que nous soyons nos problemes resteront les memes car "Je suis le lieu du monde" le maquom.
    L'espace - Le temps - Puis IL nous a dit "gardez le chabat"
    Nous avons tres souvent perdu le controle de pilotage dans nos actions, pour pouvoir controler la complexite de la vie juive et la vie professionnelle ou laique dans ses lois et ses contingences. Rester dans l'observance du temps des prieres, de l'espace d'eloignement pendant le chabat, ne sont pas des demarches et des preceptes aises.
    HAIM, la vie, et en duel grammatical (au pluriel) comme Jerusalem, de la-terre-et du ciel, Jerusalem du passe de la bible, et d'AUJOURD'HUI. Cette ville tant desiree, conquise et "capturee", reconquise et retrouvee. Si la vie,est en duel, en conflit d'oppositions, Jerusalem, l'est aussi (ton precedent article) pourquoi ?
    Selon un article du Rav Yehoshua Rahamim Dufour ;"Israel, "erets a kodech' est la terre Du Saint, et non pas "ma" patrie "mon" refuge mais ma residence ou IL me demande de venir tenir une fonction pour le monde entier...On comprend alors, quecelui qui ignore cette conception de la tradition puisse voir cet espace comme une terre-gateau excellent dont on repartit les parts par negociation actuelle entre tous les avis intersses, entre des gens qui ne connaissent rien du message seculaire porte par le peuple....(...)tous les peuples ne jugent pas leur terre en fonction de la seule securite, mais avant tout en raison de l'heritage recu et du sens de leur identite : quelle perte de niveau moral quand quelques politiciens,(souvent anciens militaires de carriere)n'y voient qu'un pactole a prendre pour leur parti en utilisant tous les arguments et procedes"
    Alors, continuons notre marche "jour-et nuit" symboliquement, dans les epreuves: dans l'obscurite, et dans la lumiere de l'espoir qui pointe a l'horizon,,car D.ieu nous accompagne dans notre etude, dans notre priere.
    Nous ne sommes pas seuls, c'est pour cette raison que nous trouvons la force de traverser le Temps.""Le Juif traverse aussi les mois d'une gestation.c'est pour cela que le Cantique de Moshe est mis au feminin (chira) et seulmt quand l'histoire sera terminee, et la maturation atteinte, on sortira de ce Cantique en grossesse feminine pour dire un nouveau chant : chir (chirou lachem chir hadache)""...
    En attendant avec tout notre coeur marchons pas a pas en avancant dans le temps, dans l'espace, en Israel, tous reunis, hilonim et datim, orthodoxes ou pas, dans une unite d'amour, et de comprehension, afin de meriter le retour de la Presence Divine.

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