dimanche 26 juin 2016

אודות בירדמן. סרט גדול . Birdman. Quand un cinéaste partage le travail du psychanalyste avec le public. en hébreu et en français.


Le texte en français - une fois n'est pas coutume - suit le texte en hébreu


לא כל סרט מזכיר את הגדרת הקולנוע כ״האומנות השביעית״. לא אחת, אתה מוצא שבזבזת שעה יקרה או ערב שלם על צפייה במוצר חד מימדי, מעוגן חזק בקרקע ובגובה דשא.
זה אינו מאפיין את יצירתו ה(לפני) אחרונה של אלחנדרו גונזלס אינריטו, הבמאי המכסיקני שכבר התפרסם על סרטיו המורכבים והעשירים.

אתה צופה ב״בירדמן״ ואתה מיד מרגיש איך מוצג לעיניך הרבה יותר מסתם סרט. אמנם, הסרט קשה לצפייה הודות לטכניקת ה״ואן שוט״ באמצעותה הוא צולם, טכניקה שלמעשה מכניסה את הצופה לתוך השאלה המרכזית של סרט זה : ההבדל המהותי הנגרם לחיינו בין כאשר יש בהם רציפות לבין כאשר קטיעות מאפיינות אותם.

אך אין הצופה מגיע בנקל להגדרה זו, והרבה זמן לפני הוא נשאר עם השאלה :״מה זה?״ שאלה שכותרת המשנה של הסרט מזמינה עוד לפני תחילת ההקרנה. מה היא ״התכונה הבלתי צפויה של אי הדעת״ עליה מדובר ?


ואז זה ממשיך. מהנוף הימי המשונה שמוקרן על ההתחלה, ועד הסצנות הראשונות של הסרט עצמו בהן גיבור הסרט קודם יושב בתנוחת לוטוס מטר מהקרקע ללא משענת או כסא, בהמשך מעיף בעוצמה חפצים בחדר באמצעות כוח מחשבתו או רצונו בלבד. בנוסף לזה, הוא שונא ריח של פרחים ובמיוחד הוא מתעצבן על כל דבר וכל הזמן. והמצלמה הזאת שלא נחה לרגע ומובילה אותנו בלי הפסקה לאורך כל מיני מסדרונות חשוכים.

הרבה צופים לא התלהבו, אם לא ממש שנאו את מרכיבי ה״תרגיל״ החושי הזה, המורכב יותר מדי הפתעות, צעקות, אלימות, ותערובת של רצף ואי רצף.

כאן טמון הסימן הראשון שלא מדובר בסתם סרט אלא ביצירת אומנות של ממש. יצירת אומנות, יש בה משהו שיותר מ"פוגש אותך". משהו מתנגש בך ולפעמים פוגע, או אף כאילו פוצע אותך. משהו ששייך להתרוממות, לזקפה האקזיסטנציאלית שיוצאת הימנה. אתה יודע שמשהו פוגש אותך, ובדרך כלל אינך מסוגל להגיד מה. ולפעמים הדבר מחולל התרחקות, ניכור, או זלזול. כפי שהרבה מצאו בתמונותיו של יאיר קליין מקור לעצבים ולזלזול : ״מה ? צבע כחול נשפך ישירות מהקופסה על הבד זו תמונה ? ״. כפי שקרה לפילוסופיה של עמנואל לוינס, לא כולם יכולים ״לחתום״.

גם אינריטו, גם לווינס זכו להכרה ולפרסים בין לאומיים רבים, אבל לא ברור אם כולם מצליחים להבין על מה הפרסים. עמנואל לווינס למשל כותב פילוסופיה דרשנית ביותר, בה הוא תובע את ה״אחריות הבלתי מוגבלת לזולת, לאדם האחר״. מי בכלל על כדור הארץ מסוגל להתכוון או עוד יותר להתחייב לכזו אחריות ?

יוצא שגם לגבי אינריטו, גם לגבי לווינס סקטור מקצועי אחד לא יכול להישאר אדיש והוא סקטור התרפיסטים, סקטור הפסיכואנליטיקאים.

אלה יודעים שהם חתמו על האחריות הזאת. אם לא לאדם עצמו, לפחות למפגש איתו.

והאנליטיקאי רואה את הסרט "בירדמן" ומזהה את עבודתו. הוא למעשה מגיע להבין שיש דמיון בין איך הוא יוצא מהסרט לבין איך הוא יוצא משעות טיפול מסוימות.

הוא אז רואה שלהצפה שהוא חווה בסרט יש מאפיינים שמתארים את עבודתו.

אולי בדיוק כך נראית לפעמים שעת טיפול. עמוסה בפרטים שאי אפשר לזכור את כולם, ובמיוחד מטלטלת. 

ושיטת הסרטת סרט זה היא הדבר המרכזי. כי מול ההצפה הזאת של החיים שואף האדם להתמודד, להיאחז באיזה עוגן, והוא בדרך כלל בוחר בעוגן הרציפות.

וכך גם אנחנו המטפלים, כאשר אנחנו מחפשים לעזור למטופל ליצור את הנרטיב של עצמם, כאשר אנחנו מחפשים לעזור למטופל לבנות ״his story״.

אנחנו אז למעשה ״נופלים" לתוך הספליט, ומתעלמים מהחלק השני של נפש האדם שמונע מהפסקות, קטיעות, מתעלמים מה״סזורה״.

שהרי, שעת הטיפול, כמיקרוקוסמוס של החיים, כוללת גם יחד רציפות והפסקות,  סדר ובלגן, סיפור מסודר ואסוציאציות חופשיות, ויש גם לא אחת "פסטיבל חושים".

פרויד, בניסוחו את ה"חוק הבסיסי של הפסיכואנליזה", שואף לתת מקום גם לחלק הלא מסודר.

נדמה שזה מה שמראה לנו אינריטו, בלבול של החיים, כפי שהמטפל מקבל אותו בשעת הטיפול. 

ונדמה שלזה מכוונת האמירה הזאת על "גדולתו הבלתי צפויה של הלא נודע" : שמטרת הטיפול צריכה לא לחפש להציב רצף מהבלגן, ובשביל זה "להבין" ואז "לדעת" ולשלוט בלא ידוע, ב"לא רציף", אלא שמטרת הטיפול שואפת לכוון ל"פתיחת" ( deployment) המטופל, ל"אחרת מהיות או אל מעבר למהות" כדברי לווינס.



Le cinéma n'est pas toujours le septième art. On se trouve parfois en train de s'être déplacé et d'avoir consacré une soirée entière à ce qui n'est qu'un navet. Il y a des cinéastes qui ont comme les pieds rivés au sol et qui deviennent connus pour des films qui sont désespéramment plats et unidimensionnels, et ceci n'est pas le cas d'Alejandro Gonzàles Iñarritu.

« Birdman » parait dès le premier visionnage "plus qu'un film". On le vit assez difficilement (du fait de la technique oneshot utilisée : la caméra suit les personnages sans arrêt dans les méandres de couloirs sombres au point de presque donner le vertige) et on en sort avec la nette impression qu'on n'a saisi qu'une ou deux bribes de tout ce que contient le film.

Impression qui nous atteint dès le titre. De quoi est-il question ? de quel Birdman prétendûment célèbre nous parle-t-on ? Quelle est cette "vertu insoupçonnée de l'ignorance" plantée en sous-titre sans plus d'explication ?

Et dès que le film commence se succèdent sans transition (one shot oblige!) une surprise après l'autre.

Riggan Thomson lévite ! Et propulse les objets à travers la pièce du seul fait d'une énergie qu'il propage sans l'aide de bras ni de jambes. Et il hait les parfums des fleurs. 

Et il est comme en rage de tout et de rien.

Beaucoup n'ont pas supporté ce défilé de scènes en apparent total désordre, ponctué de gueulantes, de coups, et d'envolées successives d'espoir et de désespoir, jusqu'à la scène finale dans laquelle  Riggan Thomson s'envole finalement dans les airs, redevenu ce Birdman qui l'obsède et dont il ne parvient donc pas à se débarrasser.

Un peu à l'instar de l'exigence morale de Lévinas à laquelle personne au monde n'a la force de souscrire, peu de gens supportent Birdman, encore moins aiment. Lévinas et Iñarritu sont néanmoins récompensés, qui par l'université, qui par des oscars. Un peu comme Yves Klein dont même si personne parmi le public ne comprend vraiment ce qu'il y a d'extraordinaire dans un tableau monochrome, tous sont quand même atteints de la conviction qu'ils viennent de voir de l'art.

Cette excroissance, cette turgescence, cette érection, cette transcendance qui permet à certains rares individus de créer et de poser une oeuvre qui semble l'espace d'un instant occuper tout l'espace vital. 

L'individu nous heurte, son visage, sa présence nous apparaissent soudain. L'art nous envahit, nous fait soudain comme voler à moins qu'il ne nous submerge. On sait qu'on a assisté à quelque chose, et en général, on ne sait pas dire à quoi. 

Certains rejettent. "Un pot de peinture bleue renversé sur de la toile, vous appelez ça un tableau ? « Un film dont on sort comme après un marathon, couru en plus dans le noir, vous appelez ça un film ? ».

La vérité est qu'il ne s'agit ni d'un tableau ni d'un film. Il s'agit d'un vécu qui sort de l'ordinaire, qui déplace, qui peut transcender si on en a la disponibilité ou l'envie.

Comme pour Lévinas, comme pour Iñarritu, une catégorie de l'humain ne peut ne pas être interpellée.

Qui se reconnait dans le rôle de responsabilité illimitée imparti par Lévinas à l'humain sinon le thérapeute, l'analyste, celui (celle) qui sait que la séance, et à travers elle le patient qui la déroule en sa compagnie est sous sa responsabilité ?

Qui à part le même thérapeute se reconnait dans ce que fait Iñarritu défiler devant tous les sens réunis ?

Le thérapeute reçoit un patient et sait qu'il ne pourra que faire un tri, qu'il oubliera ou manquera beaucoup plus que ce qu'il attrapera. Il sait qu'une séance contient bien plus qu'un jet de paroles organisées en narratif rectiligne.

Ainsi est notre vie. D'une part, elle coule, à l'image d'un fleuve qui n'interrompt jamais son cours, d'autre part elle est sans cesse entrecoupée de stimuli, de pensées fugitives, de rencontres, de mouvements parasites du vécu.

Birdman pourrait vouloir représenter un rêve. Et Iñarritu ne serait pas le premier réalisateur à tenter de mettre le rêve à l'écran, après Kurozawa par exemple. 

Mais même dans le souvenir de nos rêves, comme dans notre vie, nous donnons automatiquement l'absolue priorité au continu et laissons de côté délibérément les césures (W. Bion), les coupures, les interruptions.

C'est aussi un des rôles que reçoit, que se donne le thérapeute, d'aider le patient à mettre de l'ordre, à donner un sens, à élaborer son propre narratif, à tisser " his story".

Mais ce que montre Birdman, ce qui me parait être l'intention d'Iñarritu aux sources de ce grand film, est ce que vit, ce que reçoit le thérapeute, parfois heure après heure : l'impact d'un flot qui est tout à la fois, continu et discontinu, fluide et violent, froid et chaud, parfumé et malodoriférant, procurant parfois simultanément plaisir et répulsion, bien être et mal être, et confusion.

Freud dans son génie créatif et révolutionnaire a ainsi édicté la règle fondamentale de la psychanalyse : dire, sans censure, tout ce qui passe par la tête, et donner ainsi l'occasion au psychisme de donner un temps de repos à ce perpétuel combat entre ordre et désordre.

Iñarritu montre que le vécu humain est superposition du continu et de l'interrompu, du désir et du besoin. Dans ce combat, nous tentons encore et encore d'arraisonner le discontinu, d'anéantir l'imprévu, de surmonter les obstacles. Et c'est dans le flot non censuré des associations libres que peuvent évoluer librement et côte à côte ces catégories de l'humain que nous jugeons antinomiques et que nous maintenons donc à bonne distance l'une de l'autre.

Tant que nous avons le contrôle. Mais peut-être le film vise-t-il à montrer l'individu comme hors contrôle, et, en prime, montrer les « vertus insoupçonnables » de ce qui se produit en pareil cas ?

Les critiques font remonter ce sous-titre au rôle important dévolu dans la film au personnage de la critique de spectacles. Thomson s'oppose à elle, elle lui annonce qu'elle va "descendre" sa pièce, parce qu'elle ne supporte pas qu'un acteur de cinéma - donc qui ignore tout du théâtre - ait ainsi la prétention de monter une pièce à Broadway. 

Même si les critiques occupent une place centrale dans le monde du spectacle (Anouilh avait intégré un personnage de critique torve, méprisant, dans plusieurs pièces, une façon de lui "tailler un habit pour l'hiver", Cyrano de Bergerac parait non moins obsédé par la critique), et ainsi, même s'il n'était pas étonnant qu'Iñarritu aussi ait succombé à la même angoisse, je préfère chercher une cause plus noble à l'apposition de ce sous-titre.

Il s'agit ainsi à mon sens non tant de ce que Thomson, acteur devenu producteur, ignore, que des vertus de l'ignorance pour tout être humain.

Et ne serait-ce pas un des programmes de la cure psychanalytique - surtout dans le monde américain - que d'amener le patient à découvrir non tant ce qu’il a refoulé comme conflictuel, mais ce qui sommeillait en lui, et n’avait jamais été « déployé » ? C'est une des vertus de la cure que de lui permettre de découvrir cela par d'autres biais que l'apprentissage ou le savoir, et cela passe nécessairement par un affranchissement du thérapeute de sa propre quête du « tout comprendre et tout savoir».

Cela fait écho au « autrement qu’être » de Lévinas, défini par lui comme se situant « au-delà de l’essence ».


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