jeudi 8 août 2019

voyage aux sources polonaises - 4ème volet


De cette date commença le déclin de la présence juive à Pulawy dont notre famille contient l’illustration et l’éventail : Israël Avraham Tauber naquit en 1880 à Pulawy (en fait, ici subsiste une petite enigme : lui et ses enfants du premier mariage naquirent apparemment à Kurow, bourgade toute proche, je ne comprends pas ce détail), alors Nova Alexandryi parce que sous domination russe , épousa Matl Rozenson et mit au monde Hazkel en 1998, puis Rachel en 1900, Etl en 1901, Eva en 1903 et Nahman en 1906. Puis elle mourut et Israël se remaria avec Hanna la fille de Moshe Mayer Teitelbaum, de qui il eut Slava, Lonia, Yaïr, Arnold et Shlomo.

Israël tenait la graineterie qu’avait ouvert Yankeleh, Moshe Mayer était actif dans le commerce de la farine, possédait des moulins et vendait dans toute la région...mais sa journée se déroulait entièrement dans le bet hamidrash, aux côtés de Yankeleh son ami que tous surnommaient « rabbi Tarfon ». Même le jour où mourut Ytel sa femme, il fit le hesped depuis le bet hamidrash mais n’alla pas jusqu’au cimetière. Ses enfants ne restèrent pas des hassdim. Son aîné Hazkel se laissa cependant marier à la mode hassidique avec une cousine, mais servit dans l’armée, s’installa à Lublin et vécut en juif hiloni. Rachel refusa de se laisser marier, exigea de partir à Varsovie où elle rencontra Salomon, alors que les deux étaient hilonim. Lonia, Yaïr, Slava et Arnold fréquentèrent les groupes sionistes qui se développaient à Pulawy. Slava rencontra Yehoshoua Milrad, lui aussi de Pulawy, Eva rencontra Bernard Borenszteijn, lui aussi de Pulawy.
Rachel et Salomon étaient partis en Palestine en 1925. Salomon était parti le premier, avait stationné six mois à Trieste puis ayant réussi à atteindre Haïfa, avait envoyé un visa à Rachel. Lonia a raconté comment les hassidim de Pulawy l’ont accompagnée à la gare en chantant : « elle partait pour eretz Isroel ! ».
Rachel et Salomon se marièrent à Tel Aviv en 1926 ( à rosh hodesh Iyar) mais émigrèrent pour Paris en fin1926/début 1927. Les y rejoignirent Slava et Yehoshua, Eva et Bernard, puis Lonia suivie de Yankeleh Frydman, aussi de Pulawy, qui l’épousa à Paris. Arnold ne quitta Pulawy qu’en 1935, Yaïr ne quitta/fuit qu’en 1939, et Israël Avraham, et sa femme Hanna, et leur fils Shlomo firent partie de ceux parmi les juifs de Pulawy qui finirent leurs jours déportés à Sobibor.

Il semble qu’ainsi que cela apparait sur la photo de groupe en 1935, lors du voyage de Rachel accompagnée de ses deux filles Mathilde et Irène, alors qu’elle tentait sans succès de leur faire quitter Pulawy, n’étaient plus hassid qu’Israël et sa femme. Alors qu’il a encore le couvre-chef typique et est boutonné droite sur gauche, et sa femme la tête couverte d'une perruque, tous les autres sur la photo sont vêtus à l'occidentale.



A Pulawy 1935.


Mais ils habitaient encore la « cour » du rebbe, telle qu’elle est décrite dans le livre de Pulawy...et nous découvrons cette cour dont j’avais cru avoir lu qu’elle avait été détruite en même temps que la synagogue.!!

Extrait du yzker buch Pilev (édité en 1964, écrit par un collectif, dont Yehoshua Milrad. Traduction Michèle Tauber) :


La shil, les kley-qoydesh (fonctionnaires de la vie religieuse),
et les shamossim
(p. 86-87)
La grande cour de la synagogue faisait trois cents mètres de long et était délimitée au sud par la Lubliner Gass (rue de Lublin) et au nord par ce qu’on appelait le zamd, le Sable.
Du côté sud il y avait trois accès étroits : 1) à côté de la boutique de Velvl Tsukerman, l’entrée « paradner » : l’entrée « d’honneur », dont le sol était bétonné, 2) à côté du shoykhet Mendl Kutner, 3) à côté de Yitskhok Honigstein. Dans les deux derniers accès s’écoulaient au milieu du chemin des caniveaux…
Voici les habitants de la cour de la shil :
1) Velvl Tsukerman
2) Itamar Rubinstein
3) Yisroel Rubinstein
4) Menukhè Rubinstein
5) Rayzl Rossèt
6) Mordkhe Regerman
7) Hayim Tugentraikh
8) Mendl Kutner
9) Arn-Mayer Edelstien
10) Khanè Shayndl
11) Gdaliè Feder
12) Khayè Rubinstein
13) Yisroel-Avrom Toyber (Tauber)
14) Noyekh fin der teyvè (Noé de l’Arche !)
15) Moyshé Foygl
16) Tankhum Tenenboym
17) Avromtshè Hershman der melamed
18) Yidl Sokhatshevski
19) Yankl Vlostovitser
20) Yankl Borenstein
21) Yitskhok Honigstein
22) Avrom Tshujè
23) Sholem Grinberg et d’autres…..

photo extraite du livre édité par Jaroslav Bator, pasteur à Pulawy


Le bâtiment qui longe encore aujourd’hui la route d’accès à Pulawy, qui s’appelait alors Lubelsky, est le batiment de 300 m de long décrit dans le yzker buch, qui abritait le bet midrach et les maisons des proches du rebbe, dont Yankele, Israël, Moshe Mayer et les autres.


photo prise par moi le 25 juillet2019

Il a encore le fronton triangulaire qu’on voit sur les photos de l’époque, dont le pasteur nous montre un exemplaire. Nous ne trouvons trace d’aucune mezouza, mais il y a encore les entrées vers la cour intérieure. 





À certains endroits, subsiste un pavage ancien, du côté intérieur subsiste l’aspect d’époque,


la cour hassidiaque vue de l'intériieur. Juillet 2019


 d’une autre maison aussi en briques, que je croyais avoir été détruite par les allemands et qui est face à nos yeux. 
Il est loin d'être impossible que cet appentis soit d'avant-guerre.
  Tandis que Jaroslav parle, un habitant sort sur le balcon au premier étage et me lance un « shalom » spontané et ému (je suis en kipa). Nous échangeons des signes d’amitié.


photo magnifique, extraite de la page facebook de JBator, années 20. Il y a dessus Tévié le laitier, le porteur d'eau, des enfants que mes grands oncles et tante et grand-mère ont connus..et l'agneau du sacrifice..




La rue Piaskowa, perpendiculaire à cette rue, voie centrale d'accès à Pulawy depuis Lublin, est celle qui était appelée alors "le sable".

Jaroslav nous emmène encore au « nouveau » cimetière, en bordure du cimetière catholique, où seule une pierre monument atteste de la présence jadis d’un cimetière juif. Il ne reste rien, et il précise que ce sont les nazis qui ont détruit, mais les soviétiques communistes qui ont ensuite accompli le travail et nettoyé la place. Il nous montre l’endroit où était enterré le kozker, nous voyons le creux dans lequel les allemands ont abattu ceux des juifs qui n’ont pas été déportés à Sobibor, en compagnie des polonais qui avaient été jugés traitres et avaient tenté de combattre l’occupant, et nous voyons les quelques tombes juives parmi les soldats natifs de Pulawy tombés au front. Il raconte qu’il sait avec certitude où était le cimetière et les tombes parce que c’est un ami à lui qui a acheté le terrain pour en faire un garage, et quand il a creusé pour aménager, il a trouvé des ossements, qu’il a enterrés, Jaroslav disant le kaddish, le rabbin n’ayant pas daigné honorer la cérémonie de sa présence.


Puis il nous emmène dans la dernière partie de la visite, au « vieux » cimetière, qui est aujourd’hui rien moins qu’un cimetière de carrosserie..rien ne permet de distinguer qu’un jour il y eut là un cimetière, alors qu’il nous indique de la main où était la bet tahara, et les limites du cimetière. Il est inquiet, demande que l’on s’en aille avant que quelqu’un ne vienne lui chercher querelle, peut-être nous prendre à parti...tandis qu’il raconte encore comment les pierres tombales ont servi à faire la rue attenante, et comment certaines ont été trouvées par la suite par des ouvriers de terrassement, tandis qu’en creusant, des habitants ont trouvé des ossements. Il nous montre deux photos de pierres tombales qui ont un jour été exposées dans le musée de Pulawy, aujourd’hui fermé.

seul souvenir visible du cimetière juif. On remarquera que le texte "hébraïque" sur le monument est....en "gibrish".


Sous cette butte aurait été enterré l' admor de la hassidour Pilev.



Cette émouvante rencontre s’achève au café qui appartenait jadis aux deux frères juifs qui tenaient une fabrique de vinaigre, et nous nous séparons avec la promesse de rester en contact, de l’accueillir s’il vient en Israël, et de contribuer à la cérémonie commémorative-exposition qu’il a l’intention d’organiser pour les 80 ans de la tragédie, le 28 décembre prochain.

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